Chapitre 25
Write by Auby88
Des jours plus tard
Eliad MONTEIRO
Je rentre du boulot. Exténué ! Il y a des jours comme celui-ci où je n'ai qu'une envie : disparaître de la surface de la terre pour trente jours au moins.
A pas de tortue, je monte les escaliers pour rejoindre la chambre de Milena. Elle n'y est pas. Elle s'est sûrement réfugiée dans la cuisine pour se gaver de sucreries. Ah les enfants !
J'approche de la cuisine et surprends une conversation téléphonique entre ma fille et … PAGE. Je laisse tomber mon cartable et me précipite à l'intérieur de la cuisine, pour arracher le combiné fixe posé contre les oreilles de Milena.
- Tu me manques beaucoup, ma chérie !
La voix de PAGE résonne comme une berceuse dans mes oreilles. Un doux frisson me parcourt tout le corps. Je fais pression sur moi pour ne pas m'attendrir.
- Ne t'avise plus jamais d'appeler ma fille ! hurlé-je avant de couper l'appel.
- C'est moi qui l'ai appelée, papa !
Je suis choqué de l'apprendre. Vers Sarah et madame Jeanne, je me tourne.
- Et je parie que vous l'avez aidée !
Vous n'osez pas l'avouer, n'est-ce pas ?
- Et bien, sachez qu'à la prochaine écartade, je vous renverrai toutes les deux. Vous m'avez bien compris ?
- Oui, monsieur ! répondent-elles en choeur.
- Papa, tu n'avais pas le droit de me faire cela !
- J'ai tous les droits en tant que ton père !
- Tu es méchant ! Méchant !
- Pas de gros mots, petite ! Et surtout sache que tu dois toujours m'obéir.
- Je te déteste, papa ! Et toi aussi, sorcière !
Je me retourne et vois Maëlly qui vient certainement d'arriver. Milena profite de ces quelques secondes de distraction pour quitter la pièce.
- Milena, attends !
Maëlly attrape mon bras.
- Il vaut mieux la laisser se calmer. Elle finira par comprendre que tu ne veux que son bien.
- Je l'espère ! commenté-je en inspirant profondément.
Je l'avoue. J'en veux énormément à PAGE. Car même partie, elle continue de semer le trouble dans ma vie.
***********
Des mois plus tard
Nadia P. AKLE
Habillée en tailleur telle une hôtesse de l'air, avec un foulard noué autour de mon cou et un chapeau, j'accueille les clients, les écoute puis les oriente, suivant leurs besoins, vers les agents de voyage.
- Bonjour, monsieur HINSON.
- Bonjour, divine créature !
Je ne peux m'empêcher de sourire à chaque fois.
- Oh, je sens que mon coeur, illuminé par ce beau sourire, finira par exploser un jour !
- Monsieur HINSON, vous êtes un grand comique vous savez !
- Jusqu'à quand me ferez-vous languir ainsi, Nadia ? J'ai soif et faim de vous, moi. Je me meurs sans vous à mes côtés ! Dites-moi enfin OUI. Juste trois lettres, tellement faciles à prononcer !
- Je suis navrée, monsieur HINSON. Mais ce sera toujours NON.
- Pourquoi me martyrisez-vous ainsi, Nadia ?
- Solidarité féminine, oblige ! argumenté-je. D'ailleurs, votre épouse vient vers nous.
Je l'entends inspirer bruyamment.
- Hé, Jonas. Toujours en train de draguer cette petite fille là. Et elle ne se cache même pas pour t'allumer !
- Ma chérie, comment peux tu parler ainsi ? Je ne vois que toi, ma bichette d'amour !
Tchié ! Menteur professionnel, oui !
- Oui ! C'est ça ! Je t'ai à l'oeil. Quand à toi, (elle m'indexe), si tu comptes garder ton emploi, cesse de faire les yeux doux à mon mari. Il est à moi et à moi seule !
Hmm ! Il y a des fois où j'aurais préféré être laide pour qu'aucun homme ne me remarque. Parce que beauté là, quand c'est trop aussi, ça attire problème. Voilà maintenant, l'homme me drague et c'est moi que sa femme se plaît à insulter. Malheureusement, ce n'est pas la première fois que je subis ça. Elles sont nombreuses à me traiter de "tchiza" (voleuse de mari ) alors que je n'en suis pas une. Et je ne veux même pas en devenir une.
Je ne veux même pas me lancer dans une relation sentimentale avec quelqu'un. Je traîne encore le goumin-goumin (chagrin d'amour en nouchi ivoirien) que j'ai eu avec monsieur Eliad.
Oui, je n'ai pas réussi à l'ôter de mon cœur. Malgré son comportement odieux envers moi, je ne peux m'empêcher de penser à lui, de me demander comment il va. Et je pense encore plus à ma fille de cœur Milena. Depuis la dernière fois où son père a surpris notre conversation téléphonique, je n'ai plus eu de ses nouvelles. J'espère vraiment qu'elle va bien, ma princesse. (Sourire).
- Eh les filles ! lance une employée. Un scoop pour vous !
- Quoi ? raconte ! commente une autre.
- Miss Maëlly FREITAS se marie !
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.
- Avec qui ? demande une troisième.
Je crains déjà la réponse.
- Avec un grand architecte du nom de … Eliad MONTEIRO.
Je maintiens solidement les bords du comptoir pour ne pas m'écrouler sur le sol.
- PAGE, tu vas bien ? s'enquiert Annie ma colocataire et collègue qui s'est rapprochée de moi.
- Oui, soutiens-je en souriant.
- Tu en es bien sûre, ma chérie ?
- Oui, ne t'inquiète pas pour moi.
- Je devine qu'il s'agit du même Eliad dont tu m'as parlé.
- Oui. De toutes façons, il n'a jamais été à moi. Alors il peut faire ce qu'il veut de sa vie, pourvu que cela le rende heureux.
- Mais ça se voit que tu en souffres !
- Ça me passera. T'inquiète.
- On en reparlera ce soir au calme, chez nous.
- D'accord.
Un client vient d'entrer. J'avance prestement vers lui. Je lui souris et m'efforce de rester concentrée.
***********
Des jours plus tard.
Nadia P. AKLE
J'ai encore du mal à me faire à l'idée que le père de Milena se marie. Mon cœur se serre à chaque fois que j'y pense. Je ne devrais pourtant pas m'en faire. Depuis le début, je savais que cet homme n'était pas fait pour une femme comme moi.
Arrête d'y penser, Nadia. Sois forte comme avant. Forte comme quand tu as dû quitter sa maison. Cela t'a pris du temps, cela n'a pas été facile mais tu as pu te reconstruire et finalement trouver un emploi d'agent d'accueil dans cette agence de voyage. Alors, reste forte, ma belle. La vie continue.
Je suis encore là à me dire ces paroles motivantes quand la porte de l'agence s'ouvre. Derrière les traits de la jeune femme stylée qui vient d'entrer, je reconnais miss Maëlly FREITAS. Je pressens déjà que ma journée va être gâchée. Elle baisse ses lunettes de soleil et me zyeute. Malgré la colère que je ressens en la voyant, je m'efforcerai de rester professionnelle en la traitant comme toute cliente ordinaire.
- Bonjour, miss Maëlly ! En quoi puis-je vous aider ?
Elle me lance un tchrou bien sonore, puis passe près de moi en me bousculant fortement. Les lunettes de soleil, logées dans sa main, tombent sur le sol et se brisent. Elle l'a fait exprès, c'est sûr.
- Tu ne peux pas faire attention, toi !
Je ravale ma fierté et m'excuse. Ma patronne, attirée par les cris de la cliente, s'amène dans le hall.
- Miss Maëlly, calmez-vous !
- Que je me calme, vous dites ! C'est parce que j'ai toujours apprécié vos prestations que je continue de recourir à vos services. Mais veillez désormais à faire attention aux gens que vous recrutez ! Parce que je trouve inadmissible qu'une quelconque employée me manque de respect ! De surcroît quand cette personne est une professionnelle du sexe et qu'elle exerce librement dans vos locaux !
Ma patronne me regarde. Pas seulement elles, mais toutes les autres personnes présentes autour de nous.
- Calmez-vous, miss Maëlly !
- Sachez, madame la directrice, qu'il en va de l'intégrité de votre agence !
- Calmez-vous. Je vous en supplie.
- Non, je suis profondément outrée. En plus, elle a abimé mes luxueuses lunettes. Vous savez combien coûte la paire ? Même une année de son salaire ne suffira pas à les payer.
- Alors, je vous prie de…
- Ok, madame, c'est bon. Je laisse passer cet affront, mais à condition qu'elle me présente des excuses publiques. Sur le champ !
- Nadia, vous entendez ? s'enquiert ma patronne.
- Oui, madame.
Tout en moi bout de colère. Pourquoi cette femme continue de s'acharner contre moi ? N'est-ce pas elle qui partage la vie d'Eliad, son lit et qui goûte à ses baisers ? N'est-ce pas elle qu'il va épouser pendant que mon coeur souffre en silence ? Alors pourquoi me déteste-t-elle autant ? Pourquoi ne me laisse-t-elle pas tranquille ? Pourquoi ?
Que dois-je faire ? Céder à son caprice ou refuser sa requête ?
En deux ou trois mouvements, je bondis sur miss Maëlly et l'aplatit au sol. Je donne des coups, déchire ses vêtements, arrache sa perruque, lui crache toute la haine que j'ai pour elle, puis je prends mon sac et m'en vais. Bon débarras. J'ai perdu mon boulot mais je reste toujours digne.
Ceci n'est qu'un scénario que je ne tenterai pas. Je n'ai jamais eu l'âme belliqueuse. Et puis, avec les personnes comme Maëlly, il faut agir autrement.
Je la regarde droit dans les yeux et lui réponds, sans ciller une seule fois.
- Je m'excuse, miss Maëlly, pour le tort que je vous ai causé. Et Je vous promets que cela ne se répètera plus jamais !
Elle ne dit mot. Elle me regarde hautainement puis s'adresse à ma patronne.
- Finalement, je n'ai plus envie de rester.
- Mais…
- Rassurez-vous, madame. Je vous contacterai plus tard pour faire ma réservation.
- Bien, miss Maëlly !
- J'ai mon mariage à préparer et pas de temps à perdre, car c'est pour bientôt.
- Félicitations à vous et à votre fiancé !
- Oui, Eliad et moi filons le parfait amour et sommes impatients de nous marier !
En parlant, elle m'épie. Je ne laisse transparaître aucune émotion sur mon visage.
- Je suis contente pour vous ! continue son interlocutrice.
- Merci.
- Bonne journée, Miss Maëlly !
Elle répond à la patronne, puis s'empresse de quitter l'agence.
- Nadia, à la pause, viens dans mon bureau !
- Bien, madame !
- Vous autres, remettez-vous au travail ! ajoute la patronne en prenant la direction de son bureau.
- Nadia ! s'exclame Annie qui vient de se rapprocher de moi.
- Nadia ! Pourquoi t'es tu laissée rabaisser de la sorte ? Moi à ta place, j'aurais traîné cette femme par les cheveux et je me serai assise sur elle pour lui faire manger ses satanées lunettes.
Je ne peux m'empêcher de sourire.
- C'est une belle idée. Mais en agissant ainsi, Je lui aurais encore donné une raison suffisante pour continuer à s'en prendre à moi.
- Parce que tu crois que cette peste ne continuera pas.
- Pas de si tôt, en tout cas !
- Comment ça ?
- J'ai compris qu'avec les personnes comme elle, il ne faut pas s'emporter. Il faut agir avec prudence et intelligence, sans lui donner un seul angle d'attaque. Ainsi elle ne pourra pas te vaincre. C'est ce que j'ai fait. Je me suis excusée auprès d'elle en prenant soin de la regarder droit dans les yeux et sans cligner mes paupières une seule fois. Et tu sais ce que j'ai vu dans son regard ?
- Bah, non !
- De la peur. Une grande peur !
Et crois-moi, ma satisfaction était grande.
- Tu es trop forte, quoi ! Tape ici.
Le sourire aux lèvres, je tape furtivement sa main avant de conclure.
- Un client arrive ! Restons concentrées.