Chapitre 25 : stay
Write by leilaji
Chapitre 25
****Lorelei****
De quoi parle-t-il ? Me protéger de quoi exactement ? De son frère ? Je croise les bras sur ma poitrine et le regarde fixement.
—Eloïse, laisse-nous s’il te plait.
Eloïse fait la moue et me regarde des pieds à la tête. Je suis sûre qu’elle se demande encore ce que son frère me trouve.
— Je ne peux pas te laisser faire ça. Dit Gabriel dès qu’Eloïse s’éloigne juchée sur ses hauts escarpins.
— Me laisser faire quoi Gabriel ? Toi qui a toujours ton mot à dire sur toute chose, parle ! Je t’écoute !
— Tu as pitié de lui c’est ça ? Tu aimes les causes perdues ? Lui le Valentine qui aurait dû vivre dans le luxe comme moi mais qui s’est retrouvé avec sa grand-mère, tu as pitié de lui ? Où c’est plutôt son grand acte d’héroïsme qui a fait pencher la balance en sa faveur ? Explique-moi parce que je ne te comprends plus. Il y a quelques mois à peine, tu te vautrais dans mes bras et aujourd’hui tu te tiens à ses côtés, prête à …
—Prête à quoi ? je demande sentant poindre la colère.
Il me parle avec un air dégouté et le visage fermé. Ce n’est pas le Gabriel que je connais qui me parle là.
— Laisse tomber le béguin d’adolescente que tu as pour lui… je t’ai connu bien avant lui et…
— Ah donc c’est ça !
Je n’en crois pas mes oreilles. Je suis tellement énervée par ce que je l’entends dire qu’il me faut une petite minute pour me calmer.
— Est-ce que je suis un objet perdu ?
— Pardon ?
— Est-ce que je suis un objet perdu ?
— Pourquoi tu dis ça ?
— Parce qu’un objet perdu, c’est le premier qui le trouve qui le garde. Alors dis-moi… si tu me considère comme un objet perdu.
— Arrête, je me suis mal exprimé…
— Non tu ne t’es pas mal exprimé, tu as dit le fond de ta pensée. Je ne suis plus une adolescente en attente du prince charmant depuis belle lurette Gabriel. J’ai perdu très tôt mes illusions. Et peut-être ai-je fait l’erreur de me rapprocher de toi avant de m’intéresser à lui. Je te demande pardon pour cela. Mais ton attitude ne fait que me conforter. Tu ne vois en moi que l’artiste, La Lola que tu pourras modeler à ta guise pour servir tes ambitions et je ne t’en veux pas pour ça parce que peut-être que moi aussi je n’ai vu en toi que le producteur qui pourra me mener tout en haut.
— Il y a plus que cela et tu le sais autant que moi, ne transforme pas nos sentiments en une simple histoire d’intérêt merdique. Dit-il en se rapprochant de moi. Que l’on se serve l’un de l’autre n’est pas incompatible avec le respect et les sentiments que l’on a aussi l’un pour l’autre. Et ça tu ne devrais pas l’oublier et mettre en avant la pitié que tu ressens pour Mickael.
—Je ne ressens pas de pitié pour lui…
— Si. C’est le pauvre petit enfant battu… ricanne t-il durement. Tout le monde plaint toujours Mickael… Et personne ne s’intéresse à ce que moi je ressens… Tu as pitié de lui…
—JE NE RESSENS PAS DE PITIE POUR LUI…
— Ah bon ! Alors que ressens-tu ? Que veux-tu faire avec lui quand moi tu m’as déjà embrassé et désiré. Crie-t-il le visage dévasté par la colère.
Mais pourquoi ne veut-il pas comprendre ! Pourquoi veut-il me faire dire des mots durs et cruels ? J’amorce un pas vers l’arrière et il me retient par le bras. Il me laissera des bleus s’il continue de serrer aussi fort.
— Tu ne pourras pas t’en aller comme ça, Lola. On s’explique ici et maintenant.
Je le regarde dans le fond des yeux et lui murmure :
— Ce que je ressens pour lui c’est du désir … à l’état brut. Je ne pourrai même pas rester près de lui aussi calmement comme je reste chaque jour près de toi sans sentir la tension du désir me traverser. Quand il est là, mon corps ne m’appartient plus et je n’arrive même plus à respirer sans avoir envie de sentir ses…
— Tais-toi. Assène-t-il en couvrant ma bouche de sa main.
— C’est toi qui voulais entendre la vérité ! dis-je en reculant enfin libérée de sa prise. Je te l’ai dit, je ne ressens pas de pitié pour lui. Je me suis juste dis que ce que mon cerveau refuse d’envisager par fidélité envers la promesse que je t’ai faite mon corps lui en crève d’envie depuis la première fois que je l’ai vu. Je ne peux pas continuer à me mentir ainsi…
Je vois Gabriel prendre sa tète entre ses mains comme si tout le malheur du monde venait de s’abattre sur lui en reculant de quelques pas. Il s’adosse de nouveau à la voiture.
Nous sommes au bord de mer. Une légère brise souffle sur nous, deux solitudes immobiles dans notre détresse respective. Que puis-je faire pour ne pas aggraver la situation ? Je ne veux pas me mettre entre deux frères. Voilà pourquoi je fais tôt de choisir… maintenant. Qu’importe ce qui arrivera par la suite.
C’est mon choix, c’est ma vie, c’est mon corps.
C’est mon cœur. Personne ne peut choisir à ma place.
— Tu es à moi Lola.
Je me rapproche de lui tout doucement. Il ne me regarde pas. Son regard est perdu au loin, bien au-delà de nous.
— Pourquoi serais-je à toi et pas à lui. Tu ne m’as jamais dit que tu m’aimais Gabriel…
— Je croyais que mes actes parlaient pour moi… dit-il sans toujours me regarder.
— Tu n’as jamais été un homme d’action… Tu es un homme de parole. Tu extériorises toujours par des mots…
— Je …
— Ne fais pas ça, dis-je en posant un doigt sur ses lèvres pour l’empêcher de dire l’irréparable.
Je n’ai pas envie d’entendre ces mots sortir de sa bouche.
— Pourquoi pas ? Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
— Si. Il est trop tard maintenant. Parce que c’est lui que je veux. Dis-je en posant tout doucement la main sur sa joue.
— Tu dis ne plus être une petite fille mais tu joues avec moi, Lola. Tu ne peux pas me prendre et me jeter comme ça… je ne peux pas renoncer à toi. Pas après tout ce qu’on peut réaliser ensemble toi et moi.
— Mais je ne suis pas à toi ! Je ne t’appartiens pas. On n’est même pas ensemble. Je veux chanter oui, je veux devenir une icône. Grace à toi aujourd’hui je sais que j’en ai le potentiel. Mais avant toute chose, j’ai d’ores et déjà conscience que ma vie ne peut se résumer à cela. Je veux être aimée et aimer en retour. Je veux sentir mon cœur cogner fort dans ma poitrine quand je vois mon homme, je veux perdre la tête et m’abimer en lui… Tu le sais que je suis comme ça. Toujours passionnée et excessive dans toute ce que je fais. Tu le sais. Je veux tout ce que je pourrai obtenir … de lui. Je ne peux te donner que ce que j’ai à te donner Gabriel… Pardonne-moi.
—Je ne peux pas te laisser gâcher ce que nous pouvons construire tous les deux.
Il fait nuit et on y voit rien. Mais ses yeux brillent d’un éclat sombre. Il est meurtri.
— Tu ne peux pas me demander d’accepter de vous voir ensemble.
— Alors tu ne me verras plus… Je ne veux pas me mettre entre ton frère et toi.
— Tu y es déjà entre mon frère et moi, Lola ! Et ça me fait mal parce que tu ne vois pas clair dans son jeu… C’est à moi qu’il veut faire du mal. Toi tu ne seras qu’un dommage collatéral…
Son ton est glacial. Je ne peux pas le blâmer de me détester à cet instant même. Il remonte dans sa voiture, démarre et s’en va.
****Trois semaines plus tard****
****Leila Khan****
Je relis une nouvelle fois la liste des élèves de la Fondation ayant réussi à obtenir leur certificat d’aptitude professionnelle. Elles ont toutes réussi cette année. Je suis tellement heureuse que j’appelle immédiatement Elle pour la féliciter. Elle a abattu un travaille formidable cette année et m’a quasiment laissée en récolter toute la gloire.
— Allo, Leila ?
— Oui Elle. Félicitation pour tes filles !
— Tu n’es pas fâchée ?
— Mais pourquoi ? je demande sans comprendre qu’elle ne partage pas ma joie.
— Leila, est-ce que tu as bien lu la liste ?
— Bah celles pour qui je craignais ne pas voir figurer leur nom sur la liste sont toutes là, je réponds sans comprendre où elle veut en venir.
Je parcours une nouvelle fois la liste des yeux. Je n’y vois pourtant pas d’anomalie.
—Lola a raté son certificat ! Elle n’est pas sur la liste.
— Quoi ?
J’étais tellement sure de ma petite protégée que je n’ai même pas fait attention à l’absence de son nom. Ce n’est pas vrai !
—’examen, elle était confiante. C’est la meilleure de sa classe.
- Leila. J’ai déjà vérifié pour voir s’il n’y avait pas d’erreur. Elle a raté son certificat. De peu mais elle l’a raté quand même.
— Donne-moi le numéro du Directeur du centre d’examen, je vais l’appeler moi-même et régler ça. Tout le monde ne peut pas être admis et Lola recalée. Ca n’a pas de sens ! Donne-moi son numéro.
— Lei. Arrête. Elle réussira une prochaine fois c’est tout. Laisse la se débrouiller.
— Jamais. Elle réussira cette fois-ci et pas une autre. Elle va se décourager Elle, allez donne moi le numéro s’il te plait.
Xander qui m’observait depuis un bout de temps et s’était arrêté de parler avec Mickael s’approche de moi et m’arrache le phone.
— Allo ? Elle, c’est Alexander. dit-il de sa belle voix grave, Leila te rappellera plus tard. Quand elle sera devenue raisonnable… Oui, je sais. Salue les enfants pour moi. Ok … Merci.
Il me regarde un brin amusé. Je détourne les yeux. Mickael sent la tension chez moi et prend congé de nous immédiatement. J’ai un peu révisé mon jugement sur lui depuis qu’il m’a ramené mon bracelet mais lui reste toujours sur sa réserve initiale.
— Je t’écoute, dit Xander en s’asseyant en face de moi.
—Quoi, tu m’écoutes ?
— Que veux-tu faire avec le numéro du directeur du centre ?
Je passe mes mains nerveusement dans mes cheveux qui ont bien repoussé depuis la dernière fois que j’ai dû les couper.
— Tu ne peux pas gérer sa vie comme tu gères tes affaires ! Tu n’es pas là pour auditer sa vie tu comprends. Elle se construira en affrontant l’échec. L’année prochaine elle réussira. C’est tout, ne t’en mêle pas.
— Je la protège c’est tout. J’ai le droit non ? Personne ne le fera de toute manière. Je ne veux pas qu’elle traverse les mêmes difficultés que moi.
Il s’assoit à mes côtés, le regard tendre.
— Ce sont ces difficultés que tu as affrontées et surpassées qui ont fait de toi ce que tu es aujourd’hui. La femme forte que j’aime. Laisse lui aussi la chance de grandir Leila, ce n’est plus une enfant.
— … Ok. Je finis par capituler devant ses arguments. Mais rends moi mon téléphone, je préfère le lui annoncer moi-même avant que ses condisciples ne le fassent.
— N’interviens pas Leila ! prévient-il doucement.
— Promis, bébé. Il me regarde l’air d’en douter. Promis je te dis !
Il me rend mon téléphone et je lui fais un grand sourire de remerciement puis reprends vite mon sérieux quand je lance l’appel vers Lola.
Pourvu que je trouve les mots justes.
****Lorelei****
Ca doit bien être la vingtième larme que j’efface de mon visage. Dès que le mot échec est sorti de la bouche de madame Khan, je crois bien que mon esprit a déserté mon corps. Je ne suis pas douée pour chauffer les tables bancs ; je le reconnais mais quand il est question de coiffure, je suis la meilleure de l’établissement alors je ne comprends pas comment tout le monde peut réussir sauf moi.
Quelle humiliation ! Ou alors je suis finalement aussi bête que mes pieds ! C’est la seule explication. Même cette imbécile de Larissa qui n’a jamais su placer correctement un bigoudi a eu son certificat. Mais qu’est qui ne va pas chez moi !
Quand maman va apprendre ça, elle va encore se mettre dans tous ses états et m’insulter de tous les noms. Je suis bonne à rien maintenant au moins c’est officiellement prouvé. Je ne ferai jamais rien de ma vie.
A croire que je suis destinée à être malheureuse malgré tous mes efforts.
Ecole : zero pointé
Boulot : impossible d’y retourner avec Gabriel qui a surement envie de m’étrangler et de bruler mes restes.
Cœur : vaut mieux pas s’y hasarder.
Je me lève du lit.
Les paroles rassurantes de Madame Khan trottent dans ma tête.
« Echouer c’est recevoir un coup et ne pas savoir se relever pour se remettre en selle. Recommence l’année prochaine Lola, la prochaine fois sera la bonne, je suis quand même fière de toi »
Il faut que je me lève et que je fasse quelque chose de la journée. Je ne peux pas me laisser abattre ainsi. J’ai besoin d’air.
Je prends mon lecteur MP3 et sors de la maison pour me rendre à l’arrière de la baraque.
J’aime cet endroit plein de verdure qui me donne souvent l’impression d’être à l’autre bout du monde en vacance sur une île enchanteresse. Il y a comme une petite rivière qui traverse des arbustes sauvages qui ont poussé ça et là dans notre cour. Quand je me sens déprimée, je viens toujours m’y refugier pour m’aérer l’esprit.
****Mickael****
Je descends de ma moto et Raphael m’accueille à l’entrée de la ruelle qui mène chez lui. Je range mon casque et ma blouse sur la moto et enfile sur ma tête un petit chapeau qui empêche le soleil ardent de cette fin après midi de bruler ma peau.
Il sort son téléphone de sa poche. Il est bien plus facile pour nous de discuter ainsi.
Moi : Salut Raph. Comment va ta sœur …
Lui : Larmes depuis le matin.
Moi : Peux-tu m’emmener la voir ?
Lui : Non.
Je lève les yeux de l’écran et rencontre son regard farouche. Il m’en veut.
Lui : Je ne sais pas ce que toi et ton frère vous lui avez fait. Mais je ne veux plus que vous tourniez autour d’elle. Elle est malheureuse.
Putain, ce petit tape sur son écran à la vitesse de la lumière. Je réponds à mon tour.
Moi : Ecoute, je ne vais pas te prendre pour un con et te raconter des bobards. Je veux être avec ta sœur. Mais c’est elle qui a cessé de venir me voir à l’hôpital sans aucune explication alors crois moi c’est à moi d’être furax après elle. Mais aujourd’hui, je suis sûr qu’elle ne va pas bien à cause de son examen, alors je suis là. Pour elle.
Il hésite entre me coller son poing dans la figure pour défendre sa sœur et me croire. Je n’ai pas menti. C’est lola qui a disparue d’un coup.
Lui: Ok je t’emmène Lola.
Moi: Non c’est bon je te suis.
****Raphael****
Quoi? Me suivre où ? Depuis que je sais que le sensei est aussi un Valentine, c’est vrai que je le prends moins pour un des nôtres. Je regarde de plus près sa moto pendant qu’il me supplie des yeux d’accéder à sa demande. Il fallait s’y attendre. Ce genre de moto racée et puissante coute les yeux de la tête. Même s’il porte de vieilles All Star (baskets) usées, je ne suis pas sûr qu’il ait envie de voir là où sa chère et tendre Lola habite.
— Raphael, on peut y aller ? s’impatiente t-il.
Je soupire et lui fais signe de me suivre. Les mains dans les poches de son jean délavé, il emboite mon pas. Après quelques minutes de marche, on arrive à notre entrée. Papa est assis sur son fauteuil préféré et regarde l’enfant de la voisine jouer avec une vieille clef rouillée. Je m’avance et arrache la clef à l’enfant en jetant un regard lourd de reproche à la mère qui se fiche royalement du bien être de son fils. L’enfant me court derrière les fesses nues.
Mickael s’approche de papa et se baisse légèrement pour lui tendre la main.
— Bonsoir papa.
— Bonsoir mon fils, répond mécaniquement papa qui doit être en train de fouiller dans sa mémoire pour retrouver de qui il s’agit.
J’observe Mickael. Il est à l’aise et ça se voit. Ses yeux ne furètent pas partout, il regarde juste mon père avec respect attendant d’être invité à s’assoir. Pour abréger son attente, je lui indique que Lola est derrière la maison. Avant d’aller la rejoindre, il me demande où se trouve ma mère. Je lui réponds par texto.
Moi : Au village. Si elle était là crois moi, tu ne serais pas dans sa maison. Vas-y. Je vais faire rentrer mon père au salon. Il y a des matchs de foot qui vont passer.
Il s’éloigne sous le regard envieux de la voisine.
Bah oui, des spécimens comme ça ne courent pas nos rues, je dois bien le lui accorder.
****Mickael****
Je m’avance vers l’arrière de la maison.
J’ai le souffle coupé quand je la vois.
Son visage est abimé par les larmes mais elle danse sans se rendre compte de ma présence. Elle porte une robe bain de soleil aux fines bretelles sombres, entièrement dénudée au dos. Mais la robe elle-même est d’un marron pâle et lui arrive juste sous les fesses. De longues mèches blondes ondulent dans son dos. Elle est belle! A damner un saint. Et Dieu sait que je ne suis pas un saint. Je pourrai lui faire sentir ma présence mais je ne peux m’empêcher de vouloir encore la voir danser, laisser son corps exprimer ce qu’elle ressent. La voir s’abandonner aux mains bienfaitrices de la musique…
Elle doit être en train de danser sur un air latin, parce qu’elle s’est arêtée de bouger pour ne laisser que ses hanches vibrer. Je suis … dans un autre univers, où il n’y a qu’elle et moi. Rien que nous deux, seuls au monde.
Elle finit par trébucher et s’étaler sur l’herbe de tout son long. La maladresse qui au départ la fait rire finit par transformer la joie en tristesse. Elle est surement encore en train de repenser à son échec. L’envie de lui demander pourquoi je n’ai plus de ses nouvelles me quitte immédiatement et mes reproches s’envolent. Je m’avance vers elle et m’allonge sur l’herbe avec elle. Elle feint de ne pas être surprise de me voir. J’enlève mon chapeau et le pose sur elle. Elle a arrêté de pleurer mais je ne vois toujours pas son visage car elle m’a tourné le dos.
— Bonjour mon ange.
— Que fais-tu là ? demande –t-elle.
— C’est à toi de me le dire… je réponds tout doucement sans colère.
Je vois son bras bouger. Je suppose qu’elle est en train d’essuyer ses larmes.
— Est-ce que c’est immoral de vouloir de toi Lola?
— Pourquoi dis-tu ça ?
Je soupire. Il faut que je me force à lui parler…
— Parce que dès que j’ai vu Gabriel te regarder, j’ai su qu’il t’aimait mais que tu le tenais à distance. Je ne me serais rien permis si ouvertement tu affichais des sentiments pour lui. C’est parce que tu le tenais à distance que je me suis permis … Est-ce que c’est immoral de te vouloir ?
— Je n’en sais rien. Mais moi j’ai déjà choisi. Donnons-nous une chance, sans se faire de promesses. Si demain tu ne veux plus de moi, tu me le dis et on arrête sans rancune, sans se faire de mal…
— Pourquoi ne voudrais-je plus de toi ?
Elle semble hésiter à me répondre. Je me redresse et la force à se tourner vers moi. J’en ai assez de ne pas pouvoir la voir dans les yeux.
— Pourquoi ne voudrais-je plus de toi Lola ?
— Peut-être parce que chaque fois que je me décidais à venir te visiter à la clinique je rencontrais dans le couloir des femmes qui patientaient pour pouvoir à leur tour te voir des cadeaux plein les mains. Une femme différente chaque soir Mickael. J’entendais les commentaires des infirmières…
Je comprends tout… Mes conneries me rattrappent.
— C’est pour ça que tu ne venais plus.
— Je n’ai aucune envie de compléter ta longue liste. Je pensais être différente à tes yeux mais au final je crois que c’est Nadine qui avait raison…
— Ecoute… je ne suis pas parfait, j’ai passé mon temps à déconner, je l’assume entièrement. Mais je n’ai jamais menti à toutes ces femmes. Jamais. Je n’ai jamais promis plus que je ne pouvais donner. Une nuit et c’est tout. Elles étaient toutes consentantes alors je ne vois pas pourquoi on me reproche tout le temps ce fait. Je ne vaux pas mieux qu’un autre mais je ne suis pas non plus le pire des salops. Si elles s’accrochent à moi après, je n’y peux rien. Ne t’attarde pas sur ça Lola s’il te plait.
— Je … je suis en train de faire du mal à ton frère. Et je n’aimerai pas que ce soit pour rien.
— Est-ce que c’est immoral Lola ? De te vouloir… malgré lui. Si ça l’est on arrête.
Elle prend peur quand je dis cette dernière phrase.
— Je … j’ai traversé beaucoup de chose et ignoré beaucoup de gens. Mais toi Lola, toi, quand je te vois, je ne vois que de la lumière autour de toi et pour moi c’est comme si t’es un ange qui déploie ses ailes sur moi. Tu es belle Lola à l’intérieur comme à l’extérieur, tu voles très haut dans le ciel, t’es libre et passionnée. Et moi je suis là, par terre, arrimé au sol par toute cette colère en moi qui pèse des tonnes et dont je n’arrive pas à me débarrasser. Je ne sais pas ce que je pourrai t’offrir qui soit à la hauteur de ce que tu es à mes yeux… je sais que comparé à Gabriel, je fais un piètre partie. Lui peut te mener à la gloire, t’aimer aussi fort que tu le souhaites si tu lui en donnes la chance. Je ne suis pas Gabriel Lola, je ne serai jamais Gabriel. Mais moi je ne peux pas autant te désirer et rester loin de toi, je n’y arrive pas parce que je n’ai même pas essayé de m’empêcher de vouloir être avec toi. J’ai besoin d’être avec toi. Alors laisse-moi rester…
Je crois que je n’ai jamais autant parlé de ma vie. Je pense réellement tout ce que je lui ai dit et je suis en même temps effrayé d’en avoir autant dit.
Je dégage les mèches blondes de son visage.
— Ne parle pas de toi comme si tu valais moins que moi. Dit-elle en me souriant. Je rate tout dans ma vie absolument tout. Même ce qui est à ma portée… Alors tu vois tu n’es pas le seul à être dans le noir complet. Gabriel ne voudra plus que je chante pour son studio et mon CAP je l’ai brillamment raté.
— Brillamment raté une fois ne veut pas dire brillamment raté à jamais.
Elle se met à rire.
— Hum. T’étais plus loquace quand il s’agissait de me parler de tes sentiments.
— Je te l’ai dit, tu me rends bavard…
Le soleil commence à se coucher au loin. La lumière qui nous éclaire se fait plus tendre avec nous. Tout doucement je me relève et je fais ce que j’ai envie de faire depuis le début. Je m’assois sur ses jambes et je pose ma tête sur sa poitrine. Son cœur bat à cent à l’heure. Je lève la tête perplexe.
— J’avais la trouille de te parler… explique-t-il.
— Fallait pas. J’ai aimé entendre tout ce que tu m’as dit…
— Chante pour moi Lola.
— Non. J’ai pas le cœur à chanter.
— S’il te plait. Ta voix m’apaise.
Elle me serre très fort contre
elle et entonne une chanson que je ne connais pas. (Stay de Rihanna)
All along it was a fever
A cold sweat hot-headed believer
I threw my hands in the air, said show me
something
He said, if you dare come a little closer
Depuis le début c'était une fièvre
Sueur froide d'un impétueux croyant
J'ai levé les mains en l'air et j'ai dit "montre-moi quelque-chose"
Il a dit, viens un peu plus près si tu l'oses
Round and around and around and around we go
Ohhh now tell me now tell me now tell me now
you know
Nous tournons et tournons et tournons et tournons autour
Ohhh maintenant dis-moi maintenant dis-moi maintenant dis-moi maintenant que tu le sais
Not really sure how to feel about it
Something in the way you move
Makes me feel like I can't live without you
And it takes me all the way
I want you to stay
Je ne sais pas vraiment comment réagir face à cela
Il y a quelque chose dans la manière dont tu bouges
Qui me fait penser que je ne peux pas vivre sans toi
Et ce sentiment me consume toute entière
Je veux que tu restes
Je suis comme d’habitude soufflé par sa voix douce sans être fine, grave sans être trop basse. Et de toute la chanson, je n’ai retenu qu’une phrase parce qu’elle me semble tellement vraie.
C'EST DROLE, TU ES CELUI QUI EST BRISE POURTANT JE SUIS LA SEULE QUI AVAIT BESOIN D'ETRE SAUVEE.
C’est vrai que je suis celui qui est brisé, je le suis depuis tellement longtemps que j'ai l'impression d'être né ainsi.
Et c’est aussi vrai qu’elle avait besoin d’être sauvée…
Elle veut que je reste, et c'est tout ce qui compte parce que je sais que c'est elle qui sera ma rédemption...