Chapitre 26
Write by MoïchaJones
Elle est là, sur ce drap immaculé, amaigrie comme jamais. Je me concentre sur son ventre pour être sûre que le drap bouge. Ils seraient bien capables de me faire croire qu'elle est encore vivante, alors que non. J'hésite à me rapprocher, de peur que tout ne s’arrête. Mon pauvre bébé. Pourquoi toute cette souffrance?
- Vous pouvez la toucher, vous savez?
Je croise le regard doux de l’infirmière qui nous accompagne. Elle me fait un sourire rassurant et je le lui rends malgré les larmes qui inondent mon visage.
Je fais un pas, puis un autre, et finit par m’asseoir sur le lit d’hôpital. En fait c'est une clinique de luxe, sur quatre bâtiments savamment agencés et imbriqués les uns aux autres. Tous hauts de cinq étages, avec des murs d'une couleur différente par étages. Ca sent le sérieux et je ne peux douter qu’Imani a eu les meilleurs soins possibles.
Elle a les yeux fermés, et semble dormir paisiblement. Je lui caresse le dos de la main, mais elle ne réagit pas. Je n'en démords pas. Cette dame qui la voit tous les jours me dit qu'elle va bien, alors je la crois. Elle m'a l'air maternelle, j'ai envie de la croire sans aucun doute.
- Tu es maintenant convaincu de son état de santé? Me demande doucement Jomo en se rapprochant à son tour.
Je ne prends pas la peine de lui répondre. C'est à cause de lui qu'on en est là, la moindre des choses c'est qu'il s'en occupe comme il se doit. Pas de quoi vouloir être félicité. Je sens monter de nouveau cette rage qui me gagne de temps en temps. Qui me donne l'envie indélébile de tordre des cous. Et je ferme les yeux, ravale mes larmes et me penche pour embrasser une Imani toujours endormie.
Je reste ainsi à la contempler pendant une éternité. Jomo va chercher un médecin qui m'explique qu'elle a juste souffert d’une infection pulmonaire bénigne, mais du fait de son état de dénutrition avancée, elle a réagi outre mesure. Il finit de me rassurer et s'en va très rapidement.
- Nous aussi on va y aller.
- Ne fait pas ça. Je dis dans un souffle.
- Elle est entre de bonnes mains.
- Ne nous sépare plus Jomo. Je t'en prie, c'est ma fille.
Je parle sans un regard vers lui. Je n'ai pas envie de le voir triompher. Le supplier ainsi est déjà un supplice pour que j'y rajoute son air suffisant.
- Je t'en supplie.
Je finis par éclater en sanglot.
- Ne fait pas l'enfant, elle est en vie et son état s’améliore de jour en jour.
- Tout ça c'est de ta faute. Elle ne t'a rien fait.
- Arrête-moi tout ce boucan. Ce n’est pas un endroit pour un esclandre, c'est une Kibaki. Nous sommes des battants et il n'y a aucune raison que ça n’aille pas.
- S'il lui arrive quoi que ce soit, je te jure que…
Je me suis rapprocher de lui et je le tiens par sa chemise à bras le corps. Nos yeux sont à moins d’un mètre de distance et le soutient le poids des siens sans ciller.
- Tu devrais bien réfléchir à ce que tu t'apprêtes à dire, ne faudrait pas que tes paroles dépassent tes pensées.
On reste ainsi pendant une longue minute, puis lentement je détache mes doigts l'un après l'autre et finir par lisser le revers de sa veste d'une main tremblante.
- Tu ne t'en sortiras pas aussi facilement. Je t'en fais la promesse.
Un sourire étire ses lèvres. De loin nous donnons sûrement l'image du couple parfait, sauf que nous sommes loin d’être parfait, encore moins un couple. Sans autre forme de procédure, nous rejoignons le repaire. Je descends seule du véhicule et avant que je ne referme derrière moi, il m’arrête.
- Je te donne rendez-vous demain, à la même heure.
Encore une fois, je ne dis rien. Je me contente de regarder la voiture s'éloigner silencieusement. Les feux arrière brillent toujours à l'horizon quand je sens le canon d'une mitrailleuse dans mon dos.
- J'espère que tu as apprécié la balade.
Je pousse un soupir en me retournant. Et le cycle recommence.
Jason a disparu de la cage où il était quelques heures plus tôt.
- Où est le petit garçon qui était ici? Je demande en pointant la cage.
- Je n'ai pas le temps à perdre à m'occuper de sales mioches. Avance!
Il me bouscule sans vergogne et je me laisse faire malgré la haine que je ressens à son encontre. Ils sont environs une trentaine de gardes, rares sont ceux qui ont des visages avenants. Celui-ci n'en fait évidemment pas parti.
- La reine des menteuses!
Myra.
Un seul coup d'œil suffit à me faire savoir qu'elle est en colère.
- Bonsoir Myra.
- Ta balade était bien?
Je rentre dans la cage et la porte se referme dans un bruit sec. L'éclairage sombre m'empêche de voir l'expression de ses yeux. De plus elle est allongée sur sa couchette, la tête en appuis sur son bras gauche.
- Qu'est-ce que tu veux savoir? Je dis simplement en m'installant sur mon lit.
Elle se redresse précipitamment et pose un pied à terre.
- D'où tu connais le Mzuka?
Je pousse un soupir las.
- C'est mon beau-frère.
- Mais... Qu'est-ce que tu fabriques ici?
- C'est une longue histoire.
- Heureusement que je n'ai rien de prévu.
Je passe rapidement une main sur mon visage et rien que d'y repenser, cette rocambolesque histoire m'épuise.
- Tu permets que je te raconte tout demain, je suis fatiguée.
- Hum.
Et c'est tout ce qu'elle dit.
- Myra, je te promets de tout te dire, avec tous les détails que tu veux. Mais pas maintenant, j'ai eu une journée pleine d'émotions.
J'entends sa langue claquer dans sa bouche et malgré tout ça me fait sourire.
- J'ai vu Imani. J'annonce sans précipitation.
- Non.
J'éclate de rire face à son étonnement manifeste.
- Si. Je te jure. Je ne m'y attendais pas du tout.
- Comment elle va?
- Les docteurs disent que son état s’améliore rapidement et que bientôt elle pourra sortir.
- Mais c'est une bonne nouvelle.
- Oui. Je suis rassurée. Mais elle a tellement maigri que j'en ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Elle se rapproche encore plus de moi et me serre dans ses bras.
- Je suis contente pour toi.
Elle me fait une bise sur la joue qui finit en câlin.
- Et toi, ta journée? Je demande après un moment.
- Ah oui, c’était cool.
- C'est tout?
- Que veux-tu que je dise de plus. Y a rien de beau à voir ici aux alentour, et je ne pense pas qu'il a le droit de m'emmener plus loin que les portes de notre cellule. Pas comme certaine. Ajoute-t-elle avec un clin d'œil.
Je me contente de sourire calmement.
- Tient j'allais oublier. J'ai une surprise pour toi.
Je la regarde surprise mais elle me lance juste un regarde moqueur.
- Tu devines?
- Je donne ma langue au chat.
- C'est trop facile ça.
Elle éclate de rire en se levant.
- Allez, soit gentille.
- Je suis toujours gentille madame.
Elle s'éloigne et quand elle se rapproche de sa couchette je remarque la silhouette qui y est allongée.
- Non!
Elle pose un doigt sur ses lèvres et me fais signe d'approcher.
- Il t'a attendu aussi longtemps qu'il a pu, mais la fatigue a eu raison de lui.
- Comment tu as fait?
Elle me fait juste un nouveau clin d'œil et je devine qu'elle a dû, encore une fois, user de ses charmes. La faiblesse de l'homme. Jason dort paisiblement et je le laisse tranquille. Demain est un autre jour.
Je m'allonge à mon tour et ferme les yeux. J'entends Myra fredonner doucement, j'imagine qu'elle se repasse sa journée en boucle. Moi en tout cas je le fais. Je revois ma princesse endormie et je remercie le ciel d'avoir pris soin d'elle. J'ai hâte d'être à demain et de la voir ouvrir les yeux, pour me perdre dans leur couleur noisette.
A peine le jour levé, que Myra me tombe dessus. On dirait que j'ai hanté ses rêves. Je finis de la mettre au courant de tout ce qui peut être dit, sans risque pour moi ou pour les enfants. Unr fois mon récit terminer, je prends sur moi de ne pas éclater de rire devant la tronche qu'elle fait. Elle ne s'attendait surement pas à entendre un tel scenario. Je la laisse à son étonnement et me consacre à Jason. La semaine qui vient de s'écouler a été longue sans lui.
Vers Midi, un garde vient me chercher en me disant que je suis attendue. Je me précipite dehors, j'ai hâte de prendre ma fille dans mes bras. Il n'y a que le chauffeur dans la voiture, j'arrive à savourer le voyage. On va directement à la clinique et je ne perds pas de temps en fioritures. Elle est là, elle m'attend. Je la contemple et l'admire aussi longtemps que me permets le temps. Une main sur la sienne, je sombre dans un sommeil sans rêve.
- Belinda.
Une main sur mon épaule me réveille en sursaut.
- N'aie pas peur. Tu t'es endormie.
Je m'étire et me redresse assez rapidement.
- Il est quelle heure?
- Suffisamment tard pour que je sache que tu n'as pas diner.
- Je n'ai pas faim.
Comme pour démentir mon estomac choisit cet instant pour gargouiller.
- Lève-toi, je t'invite.
- Non, je préfère rester au cas où elle se réveillerait.
Il m'attrape par le bras et m'aide à me mettre debout.
- On ne va pas loin.
- Arrête de faire le gentille, toi et moi on sait que tu t'en fiches comme d'une guigne, sinon tu ne nous aurais pas embarqué dans ce cauchemar.
Il pousse un soupir las, fait un pas vers moi.
- Quand est-ce que tu vas cesser de résister.
- Tu es fou Jomo. Ta place est dans un asile.
- Je suis peut-être fou, mais je sais que je finirai par avoir ce que je veux de toi.
Ses yeux brillent d'une lueur diabolique, ses canines pointent comme celles d'un vampire prêt à attaquer.
- Ton temps est compté.
- Tu n'as pas honte de convoiter le bien d'autrui?
Il penche sa tête en arrière et éclate d'un rire tonitruant.
- Belinda, Belinda, Belinda.
Il hoquette en disant mon nom.
- J'ai beaucoup de chose à t'apprendre.
- Je ne vois pas où tu veux en venir.
- Ce n'est ni le lieu, ni le moment. Allez vient, je meurs de faim.
- Meurt tout court.
Son visage redevient sérieux et ses yeux glacials.
- Assez rigolé. On s'en va.
- Je ne bouge pas d'ici. Ma fille a besoin de moi.
Il me jauge en silence et je peux entendre ses méninges s'entrechoquer avec rage. Si nous avions été seuls, je ne doute pas qu'il m'aurait déjà tiré par les cheveux. Jomo n'est pas du genre à ne pas se faire obéir au doigt et à l'œil.
Il ouvre la porte de la chambre et me menace du regard. Je résiste un instant, puis pour éviter tout esclandre, je me résigne à faire ce qu’il veut. On va dans sa villa, mais je me contente malgré la famine qui me terrasse à le regarder savourer chaque bouchée d'un succulent filet de bœuf rôtis.
Quand il me dépose plus tard, il ne peut s'empêcher de me donner un dernier avertissement.
- Sache que rien ne m'empêche de me servir sans ta permission. Tu devrais t'estimer heureuse que je veuille bien te laisser le temps de t'accommoder. Uhu n'est plus là et surtout Il ne t'attend plus. Je peux faire de toi ce que je veux. Ne l'oublie pas.
En me couchant ce soir, je sais qu'il faut que je tente le tout pour le tout. Je sais ou Imani se trouve, je ne sais pas si j'aurai le temps de la rejoindre avant qu'il ne soit averti, mais c'est un risque que je dois prendre. Imani est la fille de son frère, il ne lui fera jamais de mal.