Chapitre 27
Write by Annabelle Sara
Chapitre
Ronald
observait Justine à distance, tandis qu’elle se dirigeait vers lui de cette
démarche qui l’avait séduite. Bon sang, pourquoi ne s’est-il pas rendu compte
que cette femme était la copie féminine conforme de son frangin. Lorsqu’il
revoyait en flash toutes les choses qu’ils avaient partagés et qu’hier encore
il avait pensé lui demander de rester à Yaoundé avec lui afin de construire
quelque chose et pouvoir vivre la même chose que Stéphane et Victoire, il avait
envie de vomir à présent en repensant à ce qu’elle avait craché au visage de sa
mère ou plutôt de leur mère à tous les deux.
Il
a fallu que cela tombe sur lui !
Elle
semblait avoir du mal à se déplacer, et cela attrista Ron qui se rendit compte
à quel point il pouvait être égoïste dans cette histoire. C’est elle qui
portait leur enfant et donc elle était surement autant affectée voir même plus
que lui. Il se leva et la rejoint avant qu’elle n’atteigne la salle de séjour
de la suite qu’avait réservé la tante Inès pour son séjour dans la ville comme elle
le fait chaque fois qu’elle est dans la ville.
Tandis
qu’il la prenait dans ses bras pour l’aider à s’asseoir sur un sofa elle lui
sourit.
Bon
Dieu, il aurait dû se rendre compte qu’elle ressemblait un peu trop à son
frère ! Seulement, face à cette femme il n’arrivait pas à réfléchir
sainement.
« Merci…mais tu ne devrais pas tu sais je peux très bien me débrouiller
toute seule ! »
« Tu es bien la fille de ta mère ! », déclara-t-il en lui
rendant son sourire.
La
mine qu’elle avait lui indiqua qu’il n’aurait pas dû faire cette comparaison,
alors lorsqu’elle fut installée il s’éloigna et retourna sur sa chaise
comme s’il cherchait à mettre le maximum de distance entre eux deux.
« Hier tu es parti précipitamment…Tu te sens mieux ? »,
s’enquit-elle pour introduire la conversation.
Ronald
inspira il ne savait pas quoi lui répondre. Il ne pouvait pas répondre par la
négative et minimiser de la sorte sa situation à elle, c’est elle qui allait
devoir donner le plus d’elle-même.
« Toi comment tu vas ? »
« Je me sens comme un enfant sur une montagne russe, il y’a quelque jours
encore je jouissais de la folie de la montée aux cimes… mais à présent je vis
une descente aux enfers ! Qui aurait pu imaginer que nous soyons… Après tous
les projets que nous avions… »
« Je n’ai qu’une question à te poser et je veux que tu me répondes
sincèrement sans avoir peur, tu veux ? »
Elle
hocha la tête en guise de réponse.
« Quelles étaient tes intentions lorsque tu es venue à Yaoundé ? Venais-tu
ici pour en découdre avec la famille de ta mère et elle-même ? C’était quoi tes
plans ? »
Il
se rendit compte quelle cherchait au plus profond d’elle-même, tourmentée entre
dire une vérité qui risquait lui coûter son soutien ou tout simplement mentir
comme le ferait toute personne sensée.
« Je suis venue à Yaoundé pour retrouver la famille de ma mère et… faire
en sorte qu’ils sachent tout ce que j’ai vécu toutes ces années loin d’elle,
sans elle, seulement nourrie par cette image de ma maman qui s’en allait par la
route en tirant ses bagages derrière elle… je voulais que cette famille
ressente la déchirure qui s’est produite ce jour là dans mon pauvre petit cœur
de fillette de huit ans ! »
Les
continentaux ne savaient donc toujours pas que toute vérité n’est pas bonne à
dire !
« Mais je sais à présent qu’elle ne pouvait pas rester… vous avez ici une
façon de vivre… de ressentir les choses que nous n’avons pas ! Ma mère
n’aurait surement pas survécue auprès de mon père et de la trop grande
tempérance de la vie chez nous ! So be It… même mon frère qui a toute sa
vie ici, ses racines mais aussi qui a enterré son père sur cette colline, ne
pourrait vivre de l’autre coté ! Il a fallu que je te rencontre et que je
découvre cette part de moi pour m’en rendre compte. »
« Et maintenant ? », demanda Ronald en redoutant un peu la
réponse qu’elle allait lui donner.
Elle
suivit ses yeux qui venaient de se poser sur son ventre et grimaça. Elle releva
les yeux et leur regard s’accrochèrent un instant qui sembla durer une
éternité.
« Il a été conçu grâce à l’amour et sera donc traité avec amour… Mais nous
savons tous les deux qu’il n’a pas le droit de vivre… », sa voix se coupa.
Ses
yeux brillaient du fait du reflet qui naissait des larmes qui les engorgeaient,
Ronald pouvait la voir au bord du précipice mais il ne pouvait absolument rien
y faire, rien d’autre que l’observer.
« Il ne doit pas voir le jour hors de cette terre mais ici il n’a aucun
avenir… c’est comme s’il n’a jamais existé et cela je ne peux rien y faire toi
non plus parce que… ni toi ni moi, aucun de nous deux ne pourra prendre
sur lui de lui expliquer qui il est réellement en espérant le voir vivre la vie
la plus belle que l’on puisse souhaiter à son enfant…il ne naitra pas ! »
Il
n’essaya pas d’imaginer ce que cette décision lui coûtait mais il savait que
jamais plus elle ne pourra soigner la blessure qu’elle s’était elle-même
infligée en essayant de les atteindre ses frères et lui. Il la regarda se lever
et se retourner pour quitter la pièce se retenir et lui lancer :
« Dit à Mamy qu’Inès me conduira à la première heure demain, si bien-sûr
elle veut me parler après le scandale que j’ai fait ! »
Sur
ce elle le laissa.
Il
avait envie de hurler sa haine, son mécontentement, son désespoir à la vie, au
monde entier seulement il ne pouvait pas car il savait dès le moment où il a
sut qu’il était le père de son neveu qu’il n’y avait aucun espoir. Et un peu
comme son origine et son rang le lui imposait il restait de marbre même face à
celle qui venait d’étaler son désespoir à ses pieds.
C’est
le soleil dans les yeux que Victoire se réveilla. Au fur et à mesure que
celui-ci montait dans le ciel ses rayons inondaient son visage de chaleur, une
chaleur plus superficielle que celle qu’elle ressentait à proximité du corps
qui était en ce moment allongé près du sien.
La
complicité qui transpirait de l’attachement de leurs deux corps rendait Victoire
perplexe, elle se demandait encore ce qu’elle avait fait pour mériter tant de
bonheur, surtout à cette période de sa vie où elle se demandait s’il n’était
pas effectivement temps de tirer un trait sur sa carrière et de lâcher prise
avant de passer encore une fois à côté de quelque chose d’important pour
elle ?
Elle
ne savait pas si elle pourrait abandonner son métier aussi facilement, car
c’est la seule chose qui faisait qu’elle restait attachée à sa vie, à ses
souvenirs.
Mais
lorsqu’elle ressentait tout cette amour venant de celui qui au fil du temps
avait prit une grande place dans sa vie, elle se dit qu’elle pouvait raccrocher
son bikini sans avoir peur de le remplacer par un tablier de cuisinière et
vivre désormais ce que la vie lui réservait.
D’ailleurs
il était temps pour son homme de se réveiller, il doit surement avoir un
programme très chargé surtout avec ce nouveau scandale qui avait éclaté. Il
semblait si serein qu’elle n’osait pas le réveiller, malheureusement il fallait
faire quelque chose. Alors elle le réveilla en lui baisant les paupières.
Il
réagit systématiquement en la prenant par les hanches pour mieux l’avoir près
de lui, cette réaction la fit rire.
« Chéri, il faut vraiment que tu te réveilles, tu dois avoir une tonne de
chose à faire aujourd’hui avec Ange pour rattraper le scandale d’hier
soir… »
« Non ! », souffla-t-il à son oreille.
« Allez… lèves toi tu sais bien que je meurs d’envie de te voir rester
mais il faut que tu te prépares et en plus ta chemise est hors d’usage à
présent ! »
Il
grogna avant d’ouvrir les yeux.
« Bonjour ma belle ! »
« Salut, Mister chocolate ! Il est temps d’aller sauver ton nom
de famille de la dérive ! »
A
cette remarque il sourit et bailla.
« Je suis fatigué de sauver ce nom de la dérive mais maintenant qu’il va
peut être se lier à d’autres noms, je crois que je vais faire un effort…
surtout que c’est cette charmante créature qui me le demande aussi
gentiment ! », ajouta-t-il avec un air taciturne dans le regard.
« Allez vas te préparer tandis que je te cherche une tenue
présentable ! », déclara-t-elle en essayant de quitter l’étau de ses
bras.
« Tu ne vas même pas me donner un petit bisou ? », marmonna-t-il
en la ramenant à lui et en cherchant sa bouche.
Oui,
elle pouvait définitivement raccrocher ses talons aiguilles et se consacrer à
cet homme, elle ne l’avait fait pour aucun de ses maris mais elle savait au
plus profond d’elle-même que pour lui elle pouvait le faire.
Pulchérie
assise, prenant le petit déjeuner, entourée de ses jumeaux. C’était un tableau
hors du commun car elle se souvenait bien que jamais elle n’avait prit un repas
depuis le départ de Samuel avec ses jumeaux, sauf si elle ne l’avait ordonné.
Et pourtant ce matin ils étaient là tous les deux à manger en sa compagnie en
radotant calmement.
Elle
les observait et se demandait ce qui avait bien pu la pousser à quitter ces
deux bouts de choux lorsqu’ils avaient le plus besoin d’elle ? Comment
font les mères qui malgré le mal-être restent auprès de leurs enfants et
apprennent ainsi petit à petit à les découvrir et à les aimer ? Pourquoi
n’a-t-elle pas pu faire pareille, peut-être sa famille ne traverserait
pas en ce moment cette situation pénible et innommable.
« Chérie où es Victor ? », demanda-t-elle subitement en
surprenant ainsi sa fille.
Elle
jaugea un moment sa mère visiblement surprise de savoir qu’elle connaissait le
prénom de son fils. Elle ne s’en était pas approchée depuis l’accident qu’avait
provoqué sa protégée.
« J’ai préféré le laisser avec Pierre ! »
« Alors c’est décidé tu vas épouser Pierre ? Le
deuxième Mister chocolate ! »
« Oui nous avons pensé qu’il serait préférable de fixer la date après la
lecture du testament de papa, les esprits seront à ce moment un peu plus
tranquille. »
Pulchérie
approuva d’un hochement de tête.
« Ronald s’il te plaît ne me dévisages pas ainsi, je sais que je ne vous
ai jamais vraiment montré que j’approuve vos choix mais sachez que c’était
surtout parce que j’avais peur de vous voir faire les mêmes erreurs que moi ou
pire, alors j’ai essayé de contrôler vos vies, depuis l’incident avec Ingrid…
j’ai dû revoir mes principes et je crois, surtout quand je vois Victoire Esso’o,
que vous êtes capable de vous débrouiller sans mon aide, finalement. »
Ses
enfants lui sourires et d’un même geste prirent chacun une de ses mains dans
les leurs pour lui donner un baiser. Pulchérie rougit en se souvenant qu’ils
avaient fait le même geste le jour de son retour à la maison.
L’arrivée
de Martine les rappela à la réalité et au problème auquel ils devaient faire
face là.
« Votre sœur vient d’arriver accompagnée de la jeune femme et Stéphane est
avec elles, apparemment ils se sont rencontrés sur le chemin ! »
« Merci de nous prévenir Martine ! », dit Pulchérie.
Pulchérie
resta scotchée sur sa chaise, elle ne savait pas trop ce qu’elle devait
faire pour accueillir sa fille dans sa maison. Surtout après l’incident
de la veille, elle redoutait un peu que leur entrevue ne soit tendue et donc
qu’il soit difficile d’avoir une conversation fructueuse. La première personne
qui fit son apparition fut sa sœur Inès à qui Martine donna un siège autour de
la table en bambou de la terrasse. Elle s’assit après avoir dit bonjour à ses
neveux. Tout le monde pouvait sentir la pression monter et Pulchérie essayait
tant bien que mal de rester calme tandis que ses deux enfants nés d’une
relation avec un allogène s’attablait avec eux.
Stéphane
s’installa à ses côtés tandis que sa fille prit la place juste devant elle.
Justine
sa fille, lui rappela toutes ses choses qu’elle a vécues à Bamenda avec celui
qu’elle avait cru être son grand amour. En observant d’aussi près sa fille, Pulchérie
se rendit compte à quel point elle était belle et comprenait un peu pourquoi
son propre frère était tombé sous son charme.
Toutefois
elle paraissait las, écrasée sous l’énorme poids du secret qu’avait gardé sa
mère et dont elle payait les conséquences aujourd’hui. Elle se souvint de cette
phrase de son père qui disait : « Prenez garde de
ne faire aucun discrédit aux paroles des ancêtres de peur de transmettre votre
honte à la génération suivante »
Aujourd’hui
plus qu’il y’a trente ans elle savait que c’était bien une réalité.
Elle
fut tirée de ses pensées par Stéphane qui lui prit la main en disant :
« Bonjour maman ! »
« Bonjour fiston comment tu vas ? J’aime ton pull en jersey… Il est
très joli ! »
Elle
essayait de se donner de la contenance car même si elle était l’une des femmes
les plus intrépides du sinus elle restait une mère indigne qui doit en ce
moment reprendre sa place d’exemple auprès de sa progéniture.
« Et toi Justine tu n’as pas très bonne mine ce matin, as-tu essayé de
dormir au moins ? », s’enquit-elle en tendant à cette dernière le
panier à pain.
La
jeune femme saisit sans se faire prier le panier que lui tendait sa mère et se
servit.
« Inès m’a donné des somnifères sinon je ne crois pas que j’aurais pu
fermer l’œil !
« C’est bien gentil de sa part, je suppose que toi tu n’en as pas eu
besoin ? »
« J’ai un sommeil très paisible ses jours ci ma très chère petite sœur et
je me dis en te voyant que toi aussi tu as eu besoin de
somnifères ! »
La
provocation d’Inès n’était même pas voilée. Sa sœur savait très bien qu’elle
devait profiter de la situation pour la voir enfin mordre la poussière.
Et
Pulchérie décida de ne pas répondre et de continuer à prendre son repas dans le
calme, laissant à ses enfants le loisir de discuter avec les nouveaux
arrivants. Ils essayaient de détendre l’atmosphère en parlant de vêtements, de
climat, de tout sauf de ce qui les réunissait tous ce matin. De temps à autre
son regard croisait celui de sa fille et dans le bleu profond de celui-ci elle
pouvait y lire la léthargie qui envahissait la jeune femme au fur et à
mesure qu’elle découvrait à quel point le lien entre son frère ainé et ses
demi-frères, était fort.
D’ailleurs
elle l’exprima :
« Je suis…jalouse et un peu frustrée de vous voir partager cette relation
forte que vous avez tous les trois… c’est comme si vous n’aviez jamais appris…
que… », murmura-t-elle un peu gêné.
« Que nous ne sommes pas du même père ? » continua Stéphane.
« Oui ! »
« Il se trouve que nous le savions depuis des années et cela n’a rien
changé au fait qu’il est notre grand frère… nous l’aimons et le respectons tous
en tant que tel ! Et tu remarqueras qu’ici en général nous ne prenons pas
les choses au premier degré, nous relativisons et essayons d’avancer malgré les
chutes ! », déclara Cassie en se tournant vers l’anglaise un sourire
large sur le visage afin de la rassurer.
« Vous le saviez ? Tu le lui avais déjà dit ? », interrogea
Inès stupéfaite.
Inès
était visiblement surprise d’apprendre que ses neveux connaissaient tous les
origines de Stéphane, mais Pulchérie non. Elle savait très bien que Samuel en
avait parlé avec lui car il le lui avait dit lui-même, tout en la priant de
parler avec son fils. Seulement elle n’avait jamais pensé utile de lui dire
étant donné que cela ne semblait pas vraiment l’intéressé et que pour elle son
seul et unique père était Samuel.
« Samuel s’en était chargé, moi je ne pouvais pas ! Il y’a quelque
jours encore cela ne me semblait même pas nécessaire, j’avais tort et je ne
crois pas que je puis dire ou faire quelque chose à présent pour rattraper la
situation ! »
« Tu pourrais me dire par exemple que tu es désolé de m’avoir quitté alors
que je n’avais que huit ans ! », s’écria Justine avec ce qui semblait
être du dégout dans la voix.
Se
sursaut de rage ne surpris pas la quinquagénaire qui leva les yeux sur sa plus
jeune enfant et lui sourit.
« Je suis désolé d’avoir et surtout de ne pas avoir fait tant de choses,
qu’il serait illusoire de ma part d’essayer de me faire pardonner ou même de
commencer à m’expliquer et comme j’ai dit à tes frères hier soir je ne vais pas
vous expliquer mes choix seulement tout ce que vous devez savoir c’est qu’à ma
façon je vous ai aimé… vous et vos pères… »
Elle
sourit à sa fille, d’un sourire dont une mère fière de son enfant la couve pour
lui montrer son estime pour elle.
« Je t’ai aimé et je t’aime toujours et c’est pour cette raison que je ne
pouvais pas t’arracher à ton père, vous aviez tous plus besoin d’eux que de
moi… je ne suis que votre mère ! »
« Tu te trompe quand tu dis que nous n’avions pas besoin de toi… nous
avions ressenti tout cet amour que tu avais à nous donner mais tu nous en
privais… ça fait mal maman ! J’ai eu tellement mal que je ne me suis pas
rendu compte que mon père avait besoin de moi… tellement mal que j’ai essayé de
m’en prendre aux trois personnes les plus spéciales que j’ai eu à rencontrer de
toute ma vie. »
« Exorcises tes douleurs et vis ta vie ! Toutes ces choses que tu à
faites jusqu’ici, ton ONG, ces causes pour lesquelles tu milites, ces activités
sont pour moi une victoire… »
« Tu connais mes activités ? », s’enquit Justine en se
redressant sur sa chaise visiblement étonnée.
Tout
comme tous les membres de la famille attablés ce matin-là.
« Je suis ta mère ! Même si je me suis éloignée de toi je sais
parfaitement ce que tu as fait toutes ces années, c’était un besoin qu’il me
fallait satisfaire pour rester moi-même. Maintenant je dois m’assurer que tu
vas prendre une décision que tu ne regretteras pas pour le reste de tes jours.
C’est à cela que moi je dois contribuer ! »
Le
ton tranchant de Pulchérie ne sembla pas impressionner Justine, qui n’avait
cependant pas anticipé l’idée que sa mère pouvait avoir suivit son parcours
malgré la distance.
Pulchérie
demanda que la table soit débarrassée et en quittant celle-ci elle convia
Ronald et Justine à la suivre car elle voulait discuter avec eux dans le
bureau.
En
s’asseyant face à celle qui les avait mise au mode ils savaient tous deux ce
qui allait suivre, le sort de leur progéniture à eux allait se décider à la
façon de Pulchérie. Elle était en partie la cause de ce carnage elle allait
devoir faire quelques corrections.
« Je ne veux pas vous dire ce que vous avez à faire ! »,
commença-t-elle. « Seulement je ne veux pas faire les mêmes bêtises à
plusieurs reprises et surtout je ne veux pas qu’elles se transmettent à ma
descendance. Nous sommes conscients que votre rencontre était un accident, mais
je suis sûre que ce que vous avez vécue tous les deux n’était pas un accident,
connaissant à quel point tu es sélective Justine je sais que tu ne choisis
jamais tes compagnons à la hâte. »
« Tu connais tous les hommes avec qui je suis sortie ? »
« Depuis Joshua Ndjifor à Patrick Bissong en passant par le jeune avocat
albinos là…
« Henry … ! »
Justine
sourit heureuse de savoir que sa mère avait gardé d’une manière qui lui est
très particulière un œil sur elle pendant toutes ces années.
« Ce que je veux dire c’est que quoique vous décidiez n’oubliez surtout
pas que cet enfant est né de l’amour et qu’il n’est pas un accident… mais
n’omettez pas que malgré qu’il ait le droit de vivre, il a besoin de vivre une
vie saine sur tous les points du terme ! »
« Tu veux être rassurée que nous ne prenons pas la chose à la
légère ? », demanda Ronald à brûle pourpoint.
« Elle sait que c’est difficile pour nous c’est en quelque sorte une
décision qu’elle a eu l’habitude de prendre dans sa vie… », répondit
Justine à l’adresse de Ronald.
Pulchérie
remercia le ciel qu’elle ait comprit ce qui la motivait réellement, elle ne
voulait pas que ses enfants vivent avec le poids de la perte d’une part d’eux
même, même si le cas qui se présentait était singulier.
« Seulement nous, Ronald et moi, prenons cette décision pas à contre cœur
mais parce que malheureusement nous ne pouvons pas faire autrement… j’ai vécu
entourée de personne qui passait leur journée à s’apitoyer sur mon sort et cela
je veux qu’aucun de mes enfants ne vivent cela. »
« Et nous ne sommes pas près que ce soit Justine ou moi à laisser tel
poids sur les épaules fragile d’un enfant… »
« Qu’il en soit comme vous le souhaiterez… il va falloir organiser un
culte d’action de grâce ! Rien ne nous vient s’il n’est béni et donc même
si on décide de refuser un si grand don il faut tout de même dire merci pour
pouvoir en recevoir un autre… à l’avenir. »
On
frappa à la porte du bureau.
« Entrez ! »
Etienne
qui était accompagné du reste de la famille fit son entré, comme s’ils
attendaient tous le verdict de la discussion à huit clos. Le beau-frère de Pulchérie
se présenta à la fille de celle-ci.
« Alors, Qu’avez-vous décidez ? Nous pourrons parler publiquement de
ceci ou vous préférez garder cela secret… »
« Je crois qu’il faut essayer de calmer le jeu avec les médias... ils vont
dire tout et n’importe quoi mais nous ne devrions pas leur donner plus de
crédit ! »
« Moi aussi je suis d’accord avec maman, continuez vos activités et
surtout faites en sorte que personne ne sache où la trouver jusqu'à nouvel
ordre. », appuya Cassie.
« Moi je connais un superbe endroit où personne n’ira la
chercher ! », renchérit Stéphane en prenant sa petite sœur par les
épaules. « Tu t’y sentiras très bien je te l’assure ! »
Ils
échangèrent un sourire entendu.
« Tante Inès tu devras me donner les affaires de Justine parce que je
crois savoir où Stan va loger notre petite sœur pour les jours à venir. »
La
jeune fille était émue par tant de sollicitude, mais il ne fallait pas qu’ils
oublient le plus important.
« Je pensais qu’il serait bon de parler de ce qui s’est passé lors du
lancement ! Démentir… »
« Non ! », s’écria Pulchérie. « Pour arriver à traverser
ceci tous les deux vous devez vous être le plus loin possible des feux de la
rampe... Cela va vous permettre de mieux assimiler ce qui s’est passé et vous
pourrez faire tranquillement votre deuil ! Et passer à la suite ! »
« Je suis d’accord avec Pulchérie ! », lança une voix derrière.
« Le dénie ne vous aideras pas même si vous essayer de faire comme si cela
n’a jamais existé les souvenirs tenteront toujours de refaire surface et ce
sera encore plus difficile de les refouler ou de les garder enfermés. »
L’intervention
de Johanne surprit un peu Pulchérie, mais ne l’étonna pas car chaque fois
qu’elle regardait cette femme elle voyait une femme tourmentée qui ne savait à
quoi se rattacher.
« Je ne veux pas que l’histoire de mes deux enfants ne devienne une
anecdote que l’on raconte en mangeant le gombo avec du couscous ! », proclama
Pulchérie en se levant de sa chaise.
« Vous n’allez pas vous enfuir juste éviter que l’on ne transforme toute
cette histoire en une chasse aux Edang... Notre nom de famille à deux cent ans
et beaucoup nous envient ! », déclara Etienne.
Ils
étaient tous d’accord sur ce qui allait se passer à partir de cet instant mais Pulchérie
devait encore régler un détail.
« Etienne
Michel Edang en tant que chef du Clan Edang et fils du regretté Philémon Moïse Edang
fils unique de Séraphin Edang, je voudrais te présenter ma fille Justine Atah
Njie fille de Theodore Atah et Pulchérie Medou Edang ! En te priant de
bien vouloir la considérer comme de ton rang, de ton sang et de ton nom… de la
recevoir au sein de ton Clan. »
Elle
avait parlé en prenant la main de sa fille qu’elle offrit à son beau-frère. Ce
rituel d’acceptation nombreux parmi eux ne l’avait jamais vue. Ils en avaient
certes entendu parler car beaucoup de membre d’une famille y entrait par
acceptation, soit une communion soit une reconnaissance quand une femme faisait
reconnaitre son enfant né d’une relation extraconjugale par son légitime époux.
C’était
la deuxième fois qu’Etienne assistait à ce rituel singulier et complètement
intemporel, à chaque fois les chefs du Clan avaient dû accepter un enfant de ce
cher Atah. Et cette fois encore son enfant allait faire partie intégrante de la
famille Edang.
Il
prit la main de la jeune femme et lui sourit.
« Je t’accorde le droit de te reconnaitre en tant que Edang, partout tu
pourras dire que tu es des nôtres, nous te protègerons avec l’aide du Seigneur
Dieu qui est le grand pourvoyeur ! Justine Atah Njie… ma fille… soit la
bienvenue dans ta famille ! », déclara-t-il solennellement.
« Merci ! », murmura Justine les larmes aux yeux pendant que son
nouvel Oncle la prenait dans ses bras pour une accolade.
« Maintenant où que tu sois sur la planète tu sais où te tourner si tu en
as besoin ! », lui dit sa mère en la prenant dans ses bras.
« J’ai toujours été là et je serais toujours là, même si c’est dans ton ombre ! »
Ils
étaient tous ému par cette cérémonie rapide mais pleine de signification pour
chacun d’entre eux.
Justine
pleura de joie dans les bras de sa mère.
Pulchérie
pleura de joie dans les bras de sa fille.