Chapitre 28

Write by Annabelle Sara

  

Chapitre 28

   

Les choses progressèrent les semaines qui suivirent à une vitesse grand V. Victoire hébergea Justine tandis qu’elle poursuivait sa campagne pour La Crête sans jamais faire mention de ce qui s’était passé ce soir là, la direction avait interdit aux employés de faire circuler la moindre rumeur de peur de subir des  représailles. Alors ils avaient tous décidé de faire le vide autour de Justine qui était assurément plus vulnérable que Ronald, lui qui la semaine entière avait dû faire bonne mine, bonne figure face au monde entier sans laisser transparaitre le moindre signe de lassitude.

Pulchérie avait apprit des choses sur sa fille qu’aucun détective privé n’aurait pu lui dire. Sous les yeux et attentions des autres membres de la famille, Justine trouva la force nécessaire en elle pour aller au bout de la décision qu’ils avaient prise avec Ronald. Tous les deux ils passèrent des heures à discuter et à peser toutes les issues possibles mais aucune ne leur semblaient adéquates, comme si la nature s’arrangeait pour reprendre ce qu’elle leur avait accordé. La pauvre fille loin de chez elle et de son père, désespérée pleura toute une nuit, une rivière de larmes, sans jamais pouvoir trouver une voix au fond d’elle qui lui crierait que ce qu’elle allait faire était ignoble, afin qu’elle y renonce.

Elle avorta.

Le culte d’action de grâce fut organisé dans la stricte intimité. Le pasteur et le prêtre furent d’accord sur un point Dieu déteste le péché, mais il aime le pécheur encore plus lorsque celui-ci reconnait ses fautes et se repent. Il était temps pour Pulchérie de se repentir, alors lorsque sa fille décida qu’il était temps pour elle de retourner auprès de son père et quitta le sinus, la quinquagénaire demanda à sa belle-sœur de bien vouloir l’accueillir chez elle au moins pour un week-end. Le temps pour elle de se ressourcer dans la demeure de la dame de fer. Elle y passa deux semaines.

Tous ces évènements Angèle ne pouvait en avoir vent car elle ne jouissait plus d’une quelconque complicité avec les membres de la direction de la société pour laquelle elle travaillait, mais maintenant qu’elle avait les idées claires, elle avait décidé que la fête était finie. Certes ils s’étaient montrés généreux en lui offrant la chance de subvenir à ces besoins et ne pas vivre dans les talons sa sœur car cela aurait été la pire des choses qui lui serait arrivée, à présent elle allait montrer à ce cher Stéphane Medou que l’on ne se moque pas impunément d’Angèle Esso’o Chedjou.

Stéphane avait peut-être réussi à battre David mais avec elle il allait devoir déployer toute son ingéniosité pour venir à bout de ce qu’elle leur préparait. Etant donné qu’il avait choisit de vivre cette stupide amourette, qu’ils ne se gênaient pas de lui pendre sous le nez sa sœur et lui, ils allaient devoir goûter à l’aigreur douce de sa vengeance.

   

Le climat sous le ciel bleu de Yaoundé devenait donc un peu plus orageux.

Cet orage nombreux sont ceux qui le croyaient déjà loin, après la lecture du testament de Samuel Edang.

Ils ne furent pas étonnés de voir Etienne conserver la tête du holding familiale secondé par Stéphane qui lui héritait de la société d’exploitation de bois de la famille qui se trouvait au Congo dans la ville de Ouesso, à plus de deux jours de route de la capitale camerounaise. Ronald devait lui, s’il décidait de quitter la force de défense de l’Etat, reprendre la société d’innovation technologique et de sécurité qui était à Douala. Chacune de ces deux sociétés étant sous l’autorité du holding familiale. Pulchérie conservait ses actions de l’entreprise qu’elle ne devait céder sous aucun prétexte car cela constituait une part de l’héritage que Cassandra devra ensuite transmettre à ses enfants si elle en a un jour, elle héritait de la chaîne hôtelière qui comptait une dizaine d’hôtel et restaurant dans les pays de la sous région et de la zone ouest africaine, ainsi que de la maison de Mbankomo dont elle devenait systématiquement la maîtresse.

La surprise vint du fait que Samuel Edang légua des terres sur lesquelles il avait fait arrêter l’exploitation vivrière et maraîchère sur la côte à sa belle-sœur, Inès qui fut pendant longtemps sa confidente et son amour de substitution.

Cette répartition un peu incongrue, car excluant pratiquement son épouse de ses biens tout en lui accordant une place de conseillère et observateur ne sembla pour tant pas la surprendre et encore moins l’irriter comme si elle s’y attendait, contrairement aux autres membres de la famille qui trouvèrent cela un peu grossier de la part de celui avec qui elle avait passé les vingt dernières années de sa vie.

Pulchérie rassura sur le fait qu’il avait agit ainsi sur sa demande personnelle.

Cette excuse ne satisfaisait personne, surtout pas sa propre sœur qui trouvait cela vraiment trop louche, car pour elle sa sœur ne reculerait pas devant une occasion de se constituer une véritable fortune personnelle. Elle avait réussi avec son père pourquoi refuserait-elle l’héritage que lui offrirait son défunt époux ?

Ses enfants par contre ne se posèrent pas la question bien longtemps.

Pendant le mois qui suivit, ils s’affairèrent tous à prendre contact avec les administrations dont ils avaient chacun la charge.

   

Un mois, un long mois pendant lequel il n’avait pas eu une minute à lui, entre les activités dans l’exploitation et celles dans sa propre usine de transformation de caco et de café. Il était exténué, il n’avait qu’une seule envie retrouver un peu de paix et de calme. Le seul endroit sur terre où il pouvait se sentir bien et chez lui c’était auprès d’une certaine personne qui lui manquait.

Mais il n’avait pas la force de se lever de son lit pour aller jusqu'à Odza. D’ailleurs pour y aller il faudrait qu’il prenne un bain, pour détendre ses nerfs.

Il enviait un peu ses frères car leurs activités n’allaient pas exiger d’eux qu’il s’éloigne trop de Yaoundé, par contre lui allait être obligé d’aller s’installer à Ouesso de façon à avoir une vue de proximité à l’exploitation.

Ce choix de l’endroit où il devait vivre allait être crucial les jours à venir car, ici il y’a des gens à qui il tient et dont il ne veut, mieux ne peut se séparer. Alors décider allait être très difficile pour lui.

Lorsqu’il eut la force nécessaire pour aller dans sa salle de bain et de se mettre sous le jet d’eau chaude qui lui fit un grand bien, on sonna à la porte du loft qu’il occupait au treizième étage de son immeuble.

Il sortit de la douche à la troisième sonnerie en piaffant face à l’impatience de celui qui se trouvait derrière la porte. Il ne prit pas le temps de vérifier par le judas de qui il s’agissait, la seul chose qu’il voulait faire après avoir ouvert étant de renvoyer cette personne de chez lui.

Immense fut sa surprise lorsqu’il découvrit derrière la porte la seule personne qu’il espérait voir en ce moment, dont il espérait la présence à ces côtés depuis un mois.

  « Vicky ? »

  « En chair et en os on dirait que tu es surpris de me voir, c’est super c’est ce que j’espérais susciter comme réaction, je suis servie ! »

Elle parlait en trainant tous les paquets qu’elle portait derrière elle en investissant les lieux comme si elle avait toujours vécu dans cet appartement. Elle réussie d’ailleurs à trouver  la cuisine, sans l’aide de Stéphane qui était encore sous le choc de la surprise de voir celle  qui le rendait indécis en ce qui concernait son départ. Il la voyait là dans son territoire en train de s’affairer pour lui préparer à manger. Il ne se lassa pas de l’observer s’agiter dans tous les sens à chercher des instruments qui se trouvaient juste sous son nez.

L’anxiété qu’il lisait dans ses gestes l’ému et lui prouva qu’il n’était surement pas le seul à se poser des questions sur l’avenir de leur couple.

  « Tu sembles ailleurs on… on dirait que tu n’es pas très content de me voir débarquer ici ! », lâcha-t-elle en s’arrêtant brusquement de tourner dans tous les sens. « Si tu préfères rester seul je… je peux… »

Elle récupérait son sac à main sur le plan de travail lorsqu’il s’interposa en la prenant par la main.

  « Pour savoir ce que je ressens par rapport à ta présence tu aurais dû commencer par me dire bonjour comme cela est de coutume chez les gens civilisés ! », murmura-t-il.

Elle lui sourit visiblement soulagée, comme si elle appréhendait sa réaction et fit exactement ce qu’il attendait d’elle. Elle fondit dans ses bras.

Stéphane avait la sensation en embrassant cette femme qu’il n’en aura jamais assez d’elle, elle était une source intarissable de bonheur pour lui.

  « J’ai cru que tu ne voulais pas me voir ! », dit-elle en se détachant de ses lèvres. « Un mois Stéphane sans aucune nouvelle de toi, aucune ! »

  « Désolé ! »

  « C’est tout ? Je croyais que tu allais au moins me trouver une de ses explications bidon comme quoi tu avais une tonne de boulot ! », fit-elle en lui donnant un coup à l’épaule.

  « Même une montagne de travail ne peut m’empêcher d’avoir envie d’écouter ta voix… si je n’ai pas fait signe de vie c’est parce que je suis un peu préoccupé par mes nouvelles prérogatives, elles vont m’imposer des choses qui risques de chambouler mes plans ! »

  « Et je peux savoir de quoi il s’agit ? »

  « T’inquiètes, tu seras vite au courant… alors qu’est-ce que tu vas nous préparer ? Je meurs de faim, comment savais-tu que j’étais de retour ? »

  « Je passe ici tous les jours depuis deux semaines et je sonne pendant des heures… qu’est-ce que tu crois j’ai fait promettre à ton frère d’être la première au courant lorsque tu prendras l’hélico ! »

Stéphane éclata de rire en l’entendant dire ces choses, elle feint l’énervement et lui lança un torchon à la figure. Il l’esquiva et prit le chemin de sa chambre pour finir de s’habiller. Quand il en sortit il la trouva en admiration devant ses photos. Une d’entre elles sembla maintenir son attention. Sur celle-là il était dans les bras de Samuel, il avait dix ans et Stéphane se souvint qu’ils étaient allés tous les deux dans un parc d’attraction à Paris et que cette photo avait été prise alors qu’ils descendaient des montagnes russes, cet après-midi là son père lui avait dit quelque chose qu’il n’oubliera jamais ! C’était même devenu pour lui une sorte de doctrine qui lu permet de relativiser et de supporter les coups durs :

« La vie procure exactement cette sensation de montée vertigineuse et de descente folle mais si tu es bien accompagné tu pourras profiter de chaque montée et surtout des descentes parce que tu auras une main pour te tenir ! »

Il ne pouvait pas oublier cet après-midi.

  « Il était fan de montagnes russe ! »

Victoire sursauta et se retourna en l’entendant parler derrière elle. Il lui prit la photo des mains, et observa de près la seule personne qui n’ait jamais fait figure de père à ses yeux et qui l’a d’ailleurs si bien fait.

  « Il disait que la vie est une grande montagne russe, il avait raison, un jour on se croit au fond de l’abîme le jour suivant on touche le ciel puis on atteint un virage qui selon les angles peut être dangereux ou juste nécessaire donc inévitable. »

  « On dirait que tu racontes ma vie… tu l’aimais vraiment hein ? »

  « Plus que tout au monde et sa disparition a été un choc pour nous tous, mais j’ai survécu et ces photos sont tous ce qui me reste de lui ! »

  « Non il y’a son souvenir, toutes les choses que vous avez vécu ensemble et toute ces choses qui ont fait que vous aviez une relation exceptionnelle tous les deux... Mais tu pourrais encore avoir cette relation avec ton… géniteur ! »

  «  Je sais… Mais je crois que je n’ai pas envie de connaitre cet homme ! Il avait la possibilité d’entrer dans ma vie… Il ne l’a pas fait ! C’est pour une bonne raison ! »

Stéphane remit la photo à sa place et se tourna vers elle prit son visage en coupe et lui sourit.

  « Mais toi tu ne m’as jamais parlé de ton père et de votre relation ! » 

Elle baissa aussitôt les yeux comme s’il venait de commettre un interdit. Il savait que la relation père fille n’était pas au beau fixe mais il voulait savoir quelque chose que son frère n’était pas capable de lui apprendre.

  «  Je sais que tu n’aimes pas beaucoup parler de lui mais je voudrais savoir ce qui s’est passé entre vous deux pour que vous ne vous parliez plus que s’il vient chez toi à plus d’une heure du matin pour te parler. »

  « Il n’y a rien à savoir à part ce que j’ai déjà dit ! », assura-t-elle.

  « Mais qu’est-ce qu’il a fait de si impardonnable ? Au point de couper ainsi les ponts avec lui… je sais qu’il a fait souffrir ta mère mais… »

  « Tu ne sais pas Stéphane tu ne peux même pas imaginer alors s’il te plaît laisses tomber ! », trancha-t-elle avec un ton qui n’invitait pas son interlocuteur à continuer cette conversation.

Apparemment irriter elle se dirigea vers la cuisine où elle s’affaira derrière les fourneaux. Stéphane ne chercha pas à aller plus loin, il n’avait aucune envie de se disputer avec elle et encore moins maintenant qu’il avait quelque chose de très important à lui demander. D’ailleurs il ne savait pas comment s’y prendre vue la délicatesse du sujet. Il fut cependant soulagé de l’entendre lui demander comment ce passait son travail à la mine.

  « Tout se passe bien pour toi à l’exploitation ? », s’enquit-elle en goûtant à la sauce qui mijotait.

  « On ne peut mieux, tu j’ai une tonne de travail là-bas… » 

  « Normale… tu comptes t’installer ? On dit qu’il fait froid là-bas dans la nuit ? Tu auras froid… »

  « Pas si il y’a une personne à mes côtés pour dormir avec moi ! », murmura-t-il.

L’effet escompté se produisit car Victoire leva aussitôt la tête vers lui, ses yeux ressemblaient à celle de quelqu’un qui se demandait est-ce que j’ai entendu ce que je crois avoir entendu ?

  « Je sais que tu as des obligations ici, mais je me disais que tu pouvais surement venir de temps à autre du moins les week-end me tenir compagnie… »

  « J’arrête le mannequinat ! »

Cette déclaration fit à Stéphane l’effet d’une douche froide, cela ne faisait pas partie de ses intentions, de l’arracher à sa passion.

  « Victoire ce n’est pas… »

  « Ça fait cinq ans que je veux arrêter et chaque fois je trouve la force de me rattacher à quelque chose qui ne me procure plus le plaisir qu’il avait l’habitude de me donner et j’étouffe là dedans je n’en peux plus et tu arrives… tu me redonnes l’occasion de faire tourner mon monde autour de quelque chose de nouveau ! »

  « Mais je ne veux pas que tu arrêtes pour moi ! », s’exclama-t-il ne comprenant pas pourquoi elle précipitait les choses.

  « Ce n’est pas pour toi… rassures toi pour une fois dans ma vie je vais faire exactement ce que je veux et non pas ce qu’elle m’impose et puis j’y pense depuis tellement longtemps que je crois qu’il est temps pour moi de prendre le taureau par les cornes et d’aller jusqu’au bout pour découvrir ce que la vie me réserve. Il se trouve tout simplement que tu es sur mon chemin alors… je crois que je peux en profiter et vivre enfin ! »

Il la prit dans ses bras et la serra très fort.

  « Si tu avais l’intention de me demander de venir vivre avec toi… saches que je serais ravi de t’accompagner d’ailleurs je te suivrais même si tu allais en antarctique. »

  « Tu sais que je t’aime, toi ! »

  « Non, tu peux me le redire ? »

  « Je t’aime. »

    

Sortie des locaux de la EDANG BROS, Angèle récupéra sa voiture qui se trouvait dans le parking du sous-sol, elle s’était même assurée de ne pas garer devant une caméra de surveillance  car il ne fallait absolument pas réveiller les soupçons sur ce qu’elle faisait à cet instant. La disquette une fois dans son sac elle démarra et se mit en route pour le point de rencontre qu’elle avait convenue avec son associé. Dont elle ne connaissait pas l’identité, car il l’avait contacté via un intermédiaire, qui n’était que son père. Elle n’avait aucune idée d’où celui-ci connaissait une personne qui pouvait en vouloir à la famille Edang, mais elle s’en contre fichait.

La seule chose qui lui importait était de savoir qu’ils allaient souffrir autant qu’elle souffrait chaque jour où elle devait aller à un travail où personne n’avait la moindre estime pour elle. Et tout ceci, c’est la faute de sa sœur qui une fois de plus lui avait volé le bon rôle et l’avait affublé de ce chapeau de mégère.

Dans les normes elle se serait attaqué tout simplement à Victoire mais les Edang ont décidé de se mettre en travers de sa route et de faire du destin du mannequin le leur, alors elle allait frapper le plus fort possible pour qu’ils ne puissent même plus se relever.

Le plan était de créer une faille dans le système de sécurité pour en pirater les informations et causer un bug général qui se transmettra de manière systémique à l’ensemble des entreprises de la famille bicentenaire. Pendant qu’ils essaieront de réparer le problème ses associés piraterons les informations sur les produits les plus concurrencés de la EDANG BROS qu’ils vendront au plus offrant. On verra bien s’ils pourront se relever d’un coup pareil.

Victoire savait exactement ce qu’elle avait à faire elle et rien d’autre d’ailleurs elle avait fait promettre à son père qu’elle ne devait surtout pas être mêlée à toute cette histoire une fois que se sera effectif.

Elle gara sa voiture dans le tunnel de la province où elle était censée déposer le paquet. Elle le laissa dans la caisse rouge qui trainait là comme il était convenu et elle s’en alla.

Elle avait rempli sa part du marché à présent il fallait que les autres fassent correctement le leur. Une fois le compte des Edang réglé elle se fera un plaisir de détruire ce qui reste de la réputation de sa sœur. Elle sera là pour voir la tête de sa sœur, pour la voir crasher une nouvelle fois, d’ailleurs c’est la seule chose qu’elle savait faire le mieux, du moins autant que se pavaner nue devant des soi-disant  admirateurs.

Elle en avait plus que marre de voir sa sœur posséder tout ce dont elle avait envie. Elle a toujours été la plus futée des deux mais il a fallu que le ciel donne un corps de rêve à sa sœur et que le monde se jette à ses pieds, pour si peu !

Le moment était venu de payer pour toutes les humiliations qu’elle lui avait fait subir.

     

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