
Chapitre 27 : Oh... Et puis merde !
Write by Nobody
POV Naila
J'ai à peine fermé l’œil mais suffisamment pour être en forme quand même. La nuit s'est écoulée comme un long soupir suspendu, entrecoupé de respirations irrégulières, de pensées agitées et de sueurs froides. Allongée dans ce lit d’hôtel qui m’a paru tout à coup bien trop vaste, je n’ai fait que fixer le plafond. Le ventilateur lentement, inlassablement, découpait l’air en tranches comme si lui-même cherchait à tuer le silence. Mais rien, rien n’a pu étouffer la voix dans ma tête : cette foutue convocation.
Le document tourne en boucle dans ma tête, cette convocation officielle venue tout droit de chez moi, rédigée par ce cabinet d’avocats dont j'ignorais encore le nom jusqu'à hier, avec en en-tête ces mots lourds de menaces : “mise en cause pour détournement de biens patrimoniaux.” Détournement de quoi donc, Seigneur ? C’est comme si tout ce que j’avais bâti se fissurait lentement sous mes pieds.
Je ne savais même pas qu'il était possible de détourner des biens comme ceux que je restaure! Certes nous menons des études d'expertises en début de chaque contrat mais c'était beaucoup plus pour le principe et pour être professionnel. Je ne dis pas que ça ne sert à rien mais je pense que ça servirait plus si au Bénin on avait vraiment des agences d'expertises on va dire, plus performants. Généralement c'est Jocelyne qui s'occupe du suivi des études d'authentification mais j'avais déjà eu à assister à quelques expertises, le bon monsieur s'était contenté de scruter un masque avec sa loupe et de confirmer que c'était un authentique, ce qui m'a toujours fait me demander si cette histoire d'authentification devait être prise au sérieux.
Je suis encore en chemise de nuit, les cheveux en bataille, assise en tailleur sur le lit, l’ordinateur portable ouvert sur mes genoux. Je relis le mail, encore, comme si les mots allaient se réécrire d’eux-mêmes.
Mais non. C’est là. Noir sur blanc. Une date. Une convocation. Et surtout, une mise en cause directe.
Je sens mon estomac se nouer à chaque fois que je tombe sur l’expression “à défaut de réponse, une procédure pourra être engagée.”
Je crois que j’ai rarement eu aussi peur. Je sais que je n'ai rien fait mais est-ce que je peux être certaine que mes employés aussi n'ont rien à se reprocher ? Mais même s'il s'avère que la culpabilité de l'un d'eux venait à être établie c'est quand même ma responsabilité et celle du centre qui seront engagées.
Et puis ce dont m'a parlé Jocelyne par rapport à cette arriviste d'Adèle serait-ce possible que ça soit vrai ? Je ne l'ai jamais porté dans mon cœur et clairement elle non plus mais je n'aurais jamais imaginé qu'elle pourrait nuire à mon activité et ce qui lui a donné à manger pendant plus de 3 ans.
Je ferme l’ordi brutalement et me lève sans trop réfléchir. J’ai besoin de bouger. Je veux bouger. Faire quelque chose. Organiser. Fuir, peut-être. Il est à peine 7h et je commence déjà à rassembler mes affaires. Je fouille les armoires, je plie les vêtements, je lance les valises ouvertes sur le sol. Dans ma tête, c’est clair : il faut partir, rentrer au pays le plus vite possible. Je veux m’occuper de ça avant que ça n’éclabousse tout. Et je ne pourrais rien faire à distance comme ça. De toutes les façons nos vacances arrivaient bientôt à échéance alors c'est sans regret que je me prépare à dire aurevoir à mon pays d'accueil.
J'ouvre mon ordinateur aussi vite que je l'avais fermé, téléphone calé contre mon oreille, les sites de réservation de vols
affichés sur l’écran. Mais je dois dans un premier temps, appeler la compagnie avec laquelle on a eu notre vol aller pour savoir si je peux déplacer notre date de retour.
Je discute un long moment avec eux, et quand je désespérais de trouver une solution on m'informe que je peux modifier nos billets pour un retour demain après midi mais je devais dépenser une somme astronomique pour nos trois billets. Je n'hésite pas une seconde même si franchement les frais supplémentaires me brisent le cœur puis je valide la modification et je valide le paiement en ligne grâce à ma carte bancaire.
Je raccroche puis pousse un soupir satisfait.
— Maman ? Qu’est-ce que tu fais ?
La voix endormie de Maïssa me surprend. Elle est debout juste là devant moi en pyjama, les yeux mi-clos, ses tresses éparpillées autour de son visage. Je ne l'avais même pas entendu se lever du lit.
— Rien de grave, mon cœur. Je range juste un peu. On va devoir rentrer plus tôt que prévu.
Elle s’arrête dans l’embrasure de la porte de la salle de bain, le regard suspicieux.
— Pourquoi ?
— Il y a une urgence… au centre. Rien de méchant, mais il faut que je sois là tu comprends ?
Je ne mens pas, pas vraiment, mais je ne lui dis pas tout non plus. Elle hoche la tête, sans insister, mais je sens bien qu’elle a compris qu’il y a quelque chose de plus lourd que ce que je laisse paraître. Cette fille me connait par cœur, elle sait que je suis une femme d'organisation et de rigueur, quand je dévie un peu de ce que j'avais moi même planifié c'est qu'il ya quelque chose qui ne va pas.
J'ai la journée pour boucler nos affaires, prévenir qui de droit, et… affronter tout ça.
À 8h35, j’appelle papa. Lui dire à lui, c’est comme passer
du papier de verre sur une blessure déjà ouverte. Mais je ne peux pas éviter
cette conversation. Mon père a beau être l'homme le plus aimant avec ses enfants, malheureusement quand il s'agit des affaires il devient une toute autre personne. Il m'a toujours dit : "tu es une femme, à la tête de quelque chose d'énorme et ça au Bénin, tu n'as pas droit à une seule petite erreur"
Je le trouve dans mon répertoire sous le nom “Man”. Quand il décroche, sa voix est encore pâteuse.
— Naïla ? Il est à peine huit heures…
— Je sais, Papa, excuse-moi.
Je l'entends s’étirer et bailler à souhait.
— Il y a un problème ?
Je soupire profondément. Je ne sais même pas comment poser les mots.
— J’ai reçu une convocation officielle d’un avocat à Cotonou.
— Une convocation pour quoi ?
— Une mise en cause… pour détournement de biens patrimoniaux.
Le silence de l’autre côté est plus glaçant que n’importe quelle réaction violente.
— Tu plaisantes j’espère.
— J’aimerais bien.
— Ils t’accusent de quoi exactement ? Quelle œuvre ? Quel bien ?
— Ils ne précisent pas encore. Juste qu’il s’agit d’une pièce restaurée il y a quelques mois, qui aurait fait l’objet d’une fausse déclaration. Apparemment.
— Tu vas me transférer ce document immédiatement. Je veux le nom de l’avocat, l’adresse, les pièces jointes. Je vais appeler qui il faut. Mais toi, ne fais pas de vagues. Prépare ton retour. Et surtout, reste calme on va gérer ça.
— D’accord. Je savais que je pouvais compter sur le meilleur papounet du monde.
— Ce n’est pas un jeu Naïla reste sérieuse s'il te plait. Ça peut détruire une carrière ce dont nous parlons.
Sa voix est calme, mais je connais assez bien mon père pour savoir qu’il est furieux. Pas contre moi. Contre quelqu’un ou contre le monde entier. Et s’il dit qu’il va “appeler qui il faut”, c’est que ça va secouer dans les hautes sphères.
— D'accord merci papa.
— Sois prudente, d’accord ?
Je raccroche en acquiesçant la gorge nouée. Je sais que j’ai toujours pu compter sur lui, mais je déteste me sentir petite, comme si je n’étais qu’une gamine qui appelle son père à la rescousse. Je suis toutefois forcée de reconnaitre qu'il me sera d'une aide précieuse dans cette épreuve.
Il faut maintenant que je rappelle Jocelyne.
Elle décroche aussitôt.
— Naïla ?
— Tu es au centre ?
— Oui, je suis arrivée il y a une demi-heure. On est en train de finir un polissage sur la statuette du Musée de Porto-Novo.
— D'accord et au centre ? La nouvelle se répand déjà ?
— Non pas que je sache ne t'en fais pas me rassure-t-elle
— D'accord, et tu penses vraiment que ça pourrait être Adèle ? Elle n'a jamais travaillé seule sur une oeuvre non ?
— Je sais. Mais souviens-toi, elle avait quand même accès à certaines fiches de
restauration. Et elle avait eu un moment accès aux scans des documents
originaux. Si elle a falsifié ne serait-ce qu’un seul dossier… et qu’elle a
fait croire qu’on a détourné une pièce, on est foutu.
Je me laisse tomber sur le canapé.
— T’as une idée de la pièce concernée ?
— J’ai une suspicion. Un masque que tu avais restauré à la demande d’un
collectionneur privé en février. Y a eu des échanges flous sur son origine,
mais t’avais été claire avec lui. Tu lui avais demandé un certificat
d’authenticité.
— Je m’en souviens. Et il l’avait fourni. C’est dans le dossier.
— Ouais. Mais si elle a falsifié la fiche d’intervention… et qu’elle fait
croire qu’on a maquillé l’état du masque pour augmenter sa valeur… alors oui,
on pourrait te poursuivre.
Je ferme les yeux. Mon crâne bourdonne.
— On va vérifier tous les documents, Jo. Chaque fiche,
chaque scan, chaque mail. Je veux pas juste prouver mon innocence. Je veux lui
faire ravaler sa haine, à cette fille.
Elle souffle dans le téléphone.
— On est ensemble, boss. Tu peux compter sur moi. Je ne sais pas, mais je vais regarder. Je vais fouiller dans les backups. On garde toutes les versions on trouvera.
Je raccroche avec la gorge nouée. Il me faut prendre du recul. Respirer. Boire de l’eau. Me calmer. . J’en peux plus. Je suis à bout. Et pourtant, je me lève encore. Je retourne à ma chambre, là où Maïssa a déjà commencé à plier ses affaires toute seule. Elle est assise, sérieuse comme une adulte. Mon cœur se fend encore un peu.
— Tu fais ta valise, mon ange ?
— Oui. Comme ça on part plus vite.
Je l’embrasse sur la tempe. Je ne dis rien. Je serre juste
sa petite main dans la mienne et je l’aide à fermer la valise rose.
Il est presque midi. Chafik m’envoie un message : “Tu veux que je passe vous aider pour les bagages ?” Je lui réponds que ce n’est pas encore nécessaire mais qu’il peut passer ce soir. J'avais eu le temps de faire un message vite fait à mon frère pour lui dire qu'on rentrait plus tôt que prévu sans lui donner une explication concrète, je le ferai dès ce soir. Mais pour l'instant, j’ai encore un truc à faire avant.
Moussif.
Je sais que ça paraît bête. Irréfléchi. Mais je ressens le
besoin d’aller voir Moussif. Je n’ai pas envie de l’appeler, je veux juste… lui
parler. Le voir et surtout lui dire que je rentre. Et puis, peut-être, juste quelques
minutes, respirer près de quelqu’un qui n’est pas mêlé à tout ça. Quelqu’un qui
ne me voit pas comme une proie médiatique ou une fille à défendre. Quoique, le côté chevaleresque que j'ai descelé chez lui peut le pousser à vouloir me porter assistance mais honnêtement ce n'est pas ce que je désire.
Je me rappelle vaguement du chemin qui mène à sa demeure. Mon cerveau fonctionne comme une carte mentale, les repères s’impriment vite. Je me rappelle alors qu'il habite à deux pas d’une quincaillerie très connue de Pointe-Noire, la dernière fois quand je l'avais déposé j'avais reperé cette énorme quincallerie. Je n'ai qu'à taper le nom de celle-ci dans le GPS, puis une fois là bas je compte sur mon excellente mémoire pour me rappeler de la maison de Moussif ou au pire je l'appelerai.
Je n’ai pas le temps de tergiverser. Je me prépare à sortir, robe longue en wax crème et rouge, petit sac en bandoulière, sandales plates. Pas pour lui plaire. Juste pour me sentir droite et vivante et aussi parce que j'aime ça, prendre soin de moi et me sentir belle.
Je devrais l'appeler pour le prévenir de mon arrivée non ? Je finis par prendre mon téléphone et je l'appelle une première fois sans réponse, une deuxième fois toujours sans réponse puis je décide de lui laisser un message et je me mets en route.
Direction le quartier de Moussif. En croisant les doigts qu’il soit bien chez lui — et pas chez Maman Élise.
POV Moussif
Je suis levé depuis l’aube. Pas par discipline, par nervosité. J’ai mal dormi. L’idée tourne et retourne dans ma tête comme du manioc dans un mortier. Le plan de Naïla. L’enregistrement, Lemvo, tout.
Je repasse le script dans ma tête pendant que je me brosse les dents. J’ai pas intérêt à bafouiller, pas le droit d’oublier un mot. J’ai la boule au ventre mais j’y vais.
Au bureau, j’arrive plus tôt que d’habitude. Lemvo n’est pas encore là. Je prends un café au distributeur et je cache mon téléphone dans la poche intérieure de ma veste. J’ai tout configuré pour enregistrer dès que je presse deux fois le bouton latéral. J’ai testé hier soir plusieurs fois et ça marche. Merci à la technologie !
Quand il arrive, je me lève direct, je toque à son bureau et entre.
— Chef, vous avez deux minutes ?
Il me regarde par-dessus ses lunettes. Il ne s’attend pas à me voir là, encore moins avec cette voix posée, presque docile.
— Assieds-toi, Moussif.
Je m’exécute. Je souris un peu et dans un mouvement discret je déclenche l’enregistrement.
— Je voulais m’excuser pour avant-hier. J’ai réagi à chaud… J’ai pas bien compris ce que vous vouliez m’expliquer.
Lemvo penche la tête, intrigué. Il ne parle pas tout de suite alors je continue.
— C’est vrai, c’est pas très esprit d’équipe de réclamer à chaque fois la paternité d’un travail. Dans ce genre de cabinet, on doit avancer ensemble. Comme sur le dossier MMK en janvier dernier. C’était moi qui avais fait le prévisionnel, mais au final c’est vous qui avez signé. Et tout le monde a eu une prime. Et sur le compte de la Pharmacie Lumière aussi, pareil. C’était moi, mais on a dit que c’était vous et voilà, tout le monde a été content et on a reçu une grosse prime.
Il sourit. Il croise les bras. Il mord à l’hameçon un peu trop facilement à mon goût, décidément il n'est pas très futé.
— Exactement. Tu vois que tu comprends, Moussif. C’est ça l’intelligence. Laisser les egos de côté. Dans ce métier, faut apprendre à fonctionner en meute. Et moi je t’ai toujours dit que t’étais brillant, c’est pour ça que je prends tes projets à cœur.
— Justement, le dossier Zimat, c’était pareil, je crois. C’était votre façon de me couvrir, de me porter et moi je l’ai mal pris au départ. Mais à force de réfléchir, j’ai compris que c’était encore une preuve de votre confiance. Parce que c'est mon travail mais vous vous portez garant de moi, si jamais il y a un problème c'est sur vous que ça va retomber et égoistement je ne l'ai même pas pris en compte.
Il se redresse et lâche, fier :
— Bien sûr que c’est moi qui porte le dossier Zimat. Enfin, grâce à ton boulot certes mais il fallait une tête d’affiche. Et ça, c’est moi. C’est pas contre toi, c’est la règle du jeu.
Mon téléphone capte tout. Sa voix. L’assurance, la suffisance. La vérité, enfin. Moi je hoche la tête, je souris. J’avale la pilule comme si elle était sucrée.
— Vous avez raison, chef. Et je suis content de pouvoir apprendre à vos côtés.
Il se lève, ravi.
— Prends ton après-midi si tu veux. Même demain, si tu veux. Tu reviens lundi, frais, concentré. On aura une bonne discussion à ce moment-là qu'est-ce que tu en penses ?
Je le remercie. Je me lève et je sors. Et dès que je ferme la porte, je presse deux fois le bouton latéral et arrête l’enregistrement. J’ai tout. De quoi l’envoyer valser sans bruit. Ou avec fracas, selon ce qu’il préfère.
Je sors du bureau. Il est à peine midi. Et j’ai la sensation étrange d’avoir gagné quelque chose. Pas une victoire éclatante, mais une revanche muette. Naïla avait raison. Encore une fois.
Je marche jusqu’au petit restaurant habituel, celui où bosse Yaya. Je suis en avance, alors je m’assois dehors. Le soleil tape fort aujourd’hui. Le bruit des cuillères contre les assiettes, les éclats de voix, l’odeur de poisson braisé et de piment me font du bien.
Quand elle arrive, Yaya me voit et sourit largement.
— Moussif ! T’es là tôt aujourd’hui.
— J’ai pris mon après-midi. Mon chef est de bonne humeur.
Elle rit.
— Ça doit être rare ça !
— Très.
Elle s’approche. Ses bras nus effleurent ma chemise. Je ressens tout, chaque détail, chaque odeur de son parfum mélangé à la chaleur. Elle dépose un petit bol d’arachides devant moi.
— Tu veux manger quoi aujourd’hui ? C’est moi qui t’invite.
— Ah bon ? J’ai gagné quoi ?
— Tu verras.
On rigole, on parle de tout et de rien. À la fin de son service de l'aprèm, je lui propose de venir chez moi.
— Juste pour passer un moment. Tranquilles tous les deux ma belle.
Elle hésite un peu, puis accepte.
Sur le chemin, je lui envoie l’adresse par texto. J’arrive avant elle. Je range vite fait le salon, j’allume un encens que j’avais gardé dans un tiroir. Je sors deux verres et mets un peu de musique douce sur l’enceinte.
Chris me laisse un message vocal :
— Aujourd'hui tu conclus hein mon gars. C’est pas le moment de trembler, soldat ! Faut détruire la petite bien bon
Je ris puis j’efface le message, attends on n'est jamais trop prudent.
Quand elle arrive, elle est en robe courte, toute simple, mais Yaya a cette manière de marcher qui donne du caractère à n’importe quel tissu.
— C’est chez toi ici ? C’est mignon !
— Merci. Fais comme chez toi.
Elle se déchausse, pose son sac.
On passe directement en cuisine. Elle m’aide à éplucher, à touiller, à grignoter des morceaux crus pendant qu’on rigole. Il y a une complicité simple entre nous. C'est tellement fluide que j'ai l'impression de la connaitre depuis toujours et c'est ça que j'apprécie dans notre relation.
Puis on se pose sur le canapé. Les verres se vident doucement et la conversation ralentit tout naturellement. Il y a cette pause dans l’air, cette tension douce qu’on ne nomme pas mais qu’on sent venir depuis des jours.
Je la regarde et elle aussi me regarde. Aucun de nous ne détourne le regard, il n'y a aucune gêne entre nous au contraire on s'échange des sourires complices et des regards charmeurs.
C’est moi qui me penche le premier. Elle ne recule pas et nos lèvres se touchent. C’est tendre. Puis plus pressé. Nos corps se cherchent. Elle rit contre ma bouche pendant que ses mains glissent sous ma chemise.
Je sens ensuite sa main glisser derrière ma nuque, guider. J’enlace sa taille puis je l’attire directement sur moi. Elle se déplace et se met à califourchon sur mes genoux. Son souffle est chaud. Son parfum plus enivrant maintenant que je le sens directement sur sa peau.
Ma main remonte, découvre la courbe de son dos. Je
déboutonne lentement sa robe pendant que je continue de l'embrasser et qu'elle se presse contre moi. Elle se laisse faire. Elle se redresse à peine pour
la retirer. Le tissu tombe doucement, en silence, dévoilant une peau dorée,
satinée, vivante. Elle ne porte rien d’autre, pas de soutien gorge juste cette simple ficelle qui sert à garder son intimité que je devine tout humide à cet instant.
Je reste figé une seconde. Je la regarde comme on admire une œuvre trop belle pour y croire. Elle ne dit rien et se contente de me regarder en retour en se mordillant les lèvres.
Elle me défait à son tour. Sa main passe sur ma chemise, la
déboutonne doucement. Chaque bouton saute avec le bruit léger d’une clé dans
une serrure. Elle m’ouvre. Littéralement. Elle accompagne chaque bouton défait avec un baiser sur mon torse ce qui me fait plus d'effets que je ne l'aurais jamais imaginé.
Je suis nu devant elle. Elle aussi.
Et puis sans crier gare, elle s'empale sur moi dressé comme rarement je ne l'ai été, doucement, comme si on se
connaissait déjà, depuis longtemps et que sa place avait toujours été là sur moi. Au diable les préliminaires avait-elle semblé me faire comprendre, ce qui n'était pas pour me déplaire !
Nos corps se cherchent, s’épousent avec une lenteur
calculée. Elle guide et je me contente de suivre. Puis comme je n'aime pas demeurer en reste, je reprends le rythme. J'aggrippe ses fesses et je m'enfonce en elle plus lentement puis plus rapidement et j'alterne entre ses deux rythmes meublés par ses gémissements.
Sa bouche se loge sur mon cou et me fait des suçons qui gardent mon érection dure. Mes lèvres sont sur sa clavicule et mon
souffle entre ses seins. Son dos se cambre et elle me chevauche comme si sa vie en dépendait.
Elle ferme les yeux. Je les garde ouverts. Je veux la voir.
Voir comment elle vibre, comment elle prend, comment elle donne.
On ne parle pas. On gémit parfois. Un soupir, un râle, une plainte de plaisir.
Elle est féline. Contrôlée. Elle aime prendre le dessus et je sens dans la cadence que c'est elle qui mène maintenant.
Elle se positionne bien sur moi, me tient par les poignets, comme pour me dire : Laisse-moi
faire. Et je laisse. Elle ondule, elle danse presque. Et je suis là,
offert, heureux, incapable de formuler autre chose que son prénom.
Quand je reprends le contrôle, je la retourne avec une
douceur ferme. Mes mains explorent ce dos, cette cambrure parfaite. Je
ralentis. Je vais profond. Elle tremble. Je la retiens. Puis soudainement elle explose dans un
murmure long et vibrant.
Et je la suis, peu après, dans un souffle déchiré.
On reste là. Collés, en sueur et brûlants.
Je ne me suis pas senti vivant comme ça depuis… je ne sais même pas. Depuis jamais, peut-être.
Elle se laisse glisser à côté de moi sa main trouvant la
mienne.
Je tourne la tête vers elle. Elle sourit, les cheveux en
bataille, les joues rouges, les yeux pétillants.
— Tu veux un peu d’eau ? je souffle.
— Non. Juste rester là.
Alors on reste là en silence.
À un moment, je murmure :
— Tu viens de rentrer dans mon top trois.
Elle rit, fatiguée mais amusée.
— Top trois de quoi ?
— Des femmes les plus incroyables que j’ai connues.
— T’en as eu combien ?
— Assez pour savoir que t’es pas comme les autres.
Elle pose un baiser sur ma poitrine.
— Toi non plus, Moussif.
Puis elle se lève, tranquillement et se dirige vers la salle
de bain, toute nue, libre, confiante. Elle se retourne juste avant d’entrer et
dit :
— Garde-moi une place.
Je souris. Je garde bien plus que ça.
Quand je l’entends couper l’eau, je me lève à mon tour et prends sa place dans la salle de bain. Je me rince rapidement le sourire aux lèvres.
Je ressors. Yaya est là, debout dans le salon, en train de boutonner une de mes chemises.
Elle est magnifique.
Et puis on sonne.
— Tu attends quelqu’un ? qu’elle me demande.
— Non…
Je fronce les sourcils en regardant Yaya se diriger vers la porte. Je n’ai aucune idée de qui ça peut être.
Elle ouvre la porte et je la vois.
Naïla.
Son sourire est large d’abord. Puis son visage se fige.
Ses yeux glissent sur Yaya. Puis sur moi.
Je ne dis rien. Pas tout de suite.
Le silence est brutal.