Chapitre 28

Write by Djelay

-         C’est impossible ! Pour une quantité pareille, il y’a une procédure à suivre et même étant le commandant je me dois de m’en tenir. A un certain stade, nul n’est au-dessus de la loi.

Depuis le début de la conversation, pas une seule fois, je n’ai bronché me contentant d’assister à leur échange. Hamed et son équipe écoutent eux aussi. Et je crois que c’est l’occasion parfaite pour faire tomber le réseau. Si Djédjé se rétracte, c’est foutu. Car c’est sûr qu’une occasion pareille se présentera d’aussitôt. Il faut absolument le convaincre.

-         Mike, Dis-lui que c’est insensé ! Tu as toujours été le plus sage d’entre nous. Tu sais quand il faut agir et quand il faut abandonner ! Alors dis-lui que…

-         Il s’agit de trois milliards Djédjé ! Tu t’en rends comptes ? Imagine tout ce que tu pourras accomplir avec une telle somme ? Tu pourrais te construire toute une ville  si tu le voulais.

-         N’exagère pas ! Dit-il dans un ricanement. 

Malgré ce ton moqueur, je perçois de l’hésitation dans sa voix. Bien ! On y vient. Luc semble heureux que je sois de son côté.

-         Supposons que je veuille le faire, comment vais-je m’y prendre ? Je n’ai aucun moyen d’outrepasser…

-         Qui te dit d’outrepasser la loi ? Tu n’as qu’à soudoyer tes subordonnés. Tout le monde a un prix. Dis-je avant de porter ma coupe à ma bouche.

-         Très bonne idée Mike. Comme toujours tu es l’homme de la situation.

Luc ravi ne s’abstient de chanter mes louanges. Il se lève, et se dirige vers son bar duquel il sort une autre bouteille de champagne.

-         Qu’est-ce que tu en dis Djédjé ?

Ce dernier semble réfléchir. J’attends sereinement sa décision en sirotant mon champagne. Luc nous rejoint avec la seconde bouteille déjà ouverte.

-         Alors ? Il ne s’est toujours pas décidé ?

-         Il réfléchit encore. Répondis-je.

Djédjé remplit de nouveau sa coupe. Il en boit une gorgée, se racle la gorge puis annonce :

-         D’accord. On le fait !

-         Parfait ! Fêtons ça ! S’écrie Luc.

-         Pour ce qui est du transport de la marchandise jusqu’à l’entrepôt…

-         Je m’en charge ! Coupé-je Djédjé.

-         Mais Mike, tu sais que c’est risqué. Si tu te fais prendre avec une telle quantité, c’est la prison à perpétuité. En es-tu conscient ?

-         Contente-toi de convaincre tes gars, le reste c’est mon affaire !

-         Ça c’est mon fiston !  

Luc s’est exclamé en tapant sur la table.

-         Nous n’avons pas assez de temps ! Juste un mois, alors Djédjé, tu as au maximum une semaine pour tout régler avec tes hommes.

Djédjé hoche la tête en guise de réponse.

-         Encore une chose.

Une lueur triste s’installe sur le visage de Luc. Je ne l’ai jamais vu dans cet état.

-         Un problème ? S’inquiète Djédjé.

-         Non. Répond calmement Luc.

Celui-ci pose sa coupe sur la table et prend subitement un air sérieux.

-         Après ce coup, je prends ma retraite. Annonce-t-il

Djédjé qui pense avoir à faire à une blague explose aussitôt de rire. De mon côté, connaissant Luc, je sais qu’il est sérieux. Cependant, je demeure dans le silence. Mon intuition me dit que la suite ne va pas me plaire.

-         Elle était bonne celle-là ! Si on avançait à présent.

-         Je suis sérieux Djédjé. Il est temps de laisser les rennes aux plus jeunes. (Il boit une gorgée de champagne). J’ai quasiment soixante ans et mes forces me lâchent. J’ai donc décidé de profiter du peu d’énergie qui me reste pour vivre ma vie sans stress.

-         Tu ne plaisantes pas alors ! Putain Luc. J’ai toujours pensé que tu mourrais narco.

Luc explose de rire.

-         Moi aussi je le pensais mais tu vois on ne sait pas ce que nous réserve le destin.

Il marque une pause.

-         Alors, celui que je désigne pour me succéder n’est autre que…

-         Le caméléon c’est évident.

Djédjé achève la phrase. Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas surpris. Je m’y attendais. S’il n’y avait pas Hamed et cette opération en vue de démanteler le réseau, je crois que j’aurais flippé et même refusé de prendre la place de Luc. Vu que c’est la réaction à laquelle ils s’attendent, il est préférable de jouer le jeu afin de ne pas éveiller les soupçons.

-          Tu crois qu’il te suffit de décider pour que les chosent se fassent selon ta volonté ? Lâché-je sèchement.

Bien Mike. Tu n’aurais pas pu faire mieux.

-         J’étais certain que tu réagirais de la sorte !

-         Tant mieux. Je n’ai donc pas besoin de te dire que je refuse.

-         Je voudrais que tu y réfléchisses… s’il te plait fiston.

-         Merde Luc ! Arrête de m’appeler comme ça !

Je m’emporte et hausse le ton. Je ne supporte pas qu’il me traite comme si nous avions de bons rapports. Qu’est-ce que je le déteste !

-         Excuse-moi, je ne voulais pas t’énerver.

-         S’il n’y a plus rien à ajouter, je vais m’en aller.

J’associe l’acte à la parole en me levant.

-         Mais je viens à peine d’ouvrir la deuxième bouteille !

-         Buvez-la sans moi. Répondis-je sèchement avant de leur souhaiter bonne nuit.

Ma montre affiche vingt-trois heures et demie lorsque je me gare dans le parking de mon immeuble. Lili doit déjà être au lit. Je repense à la réunion. Faire tomber Luc et Djédjé ne servirait à rien si la racine n’est pas arrachée. Il faut arriver à faire sortir Tonnerre de sa tanière. En ouvrant la porte de mon appartement, un sentiment d’inquiétude s’installe aussitôt. Lili doit m’en vouloir à mort. Je monte dans ma chambre en croyant l’y trouver. Mais elle n’y est pas ! Gardant mon calme, je pars voir dans la chambre d’à côté. Lili est couchée sur le côté, vêtue seulement d’un tee-shirt. De là où je suis, j’ai une vue parfaite sur la courbe de ses fesses nues. Merde ! Elle ne porte pas de petite culotte. Je bande à l’idée de la sentir autour de moi. Luttant contre ce désir soudain, je retourne dans ma chambre prendre une douche froide. A ma sortie de la salle de bain, je combats mon envie de rejoindre Lili et me couche dans mon lit sans toutefois la sortir de mes pensées.

-         Bon sang ! Marmonné-je avant d’éteindre la lampe de chevet.

Je me réveille en sursaut en entendant le son agaçant du réveil. Mince, il ne me reste plus que vingt minutes avant mon rendez-vous avec Hamed. Ce dernier a voulu que nous mettions en place un plan pour le jour fatidique. Moi qui voulais avoir une discussion avec Lili afin de lui présenter des excuses, c’est raté. A cette heure-ci elle doit être déjà debout ! J’aurais peut-être l’occasion de lui dire bonjour vite fait. Après ma toilette, je cours frapper à sa porte. N’obtenant aucune réponse, j’entre et découvre la pièce vide. Elle est sans doute dans la cuisine.

-         Bonjour.

-         Bonjour monsieur. Me répond la servante.

Une délicieuse odeur de café titille mon nez.

-         Votre petit déjeuner est servi monsieur. S’empresse-t-elle de me dire après avoir essuyé ses mains dans son tablier.

-         Bien merci. Lili est-elle dans la salle à manger ?

-         Non monsieur. Elle est sortie il y a un bon moment.

-         Un moment ?

Je répète en consultant ma montre.

-         Mais il n’est que neuf heures. A quelle heure est-elle partie ?

-         Euh… cela doit faire une quarantaine de minutes maintenant…Enfin je crois.

Awa semble nerveuse. Ma présence la met terriblement mal à l’aise. C’est évident. Eh bah, pour une femme timide elle l’est.

-         Et a-t-elle dit où est-ce qu’elle partait ?

-         Non monsieur. Désolée.

-         Pas grave. Vous pouvez desservir, je n’ai pas le temps de déjeuner.

J’appelle immédiatement Lili en sortant de la cuisine. Merde, elle ne décroche pas. J’insiste tandis que l’ascenseur m’emmène au parking.

-         Réponds Lili ! Marmonné-je entre mes dents.

Je suis sur le point de raccrocher lorsqu’elle décroche enfin.

-         Lili ? Demandé-je inquiet.

-         Oui Mike.

Bon sang ! J’ai eu peur qu’il lui soit arrivé quelque chose.

-         Où es-tu ?

-         Chez Emy ! Elle m’a téléphoné ce matin toute chamboulée.

-         Ah bon ? Que lui est-il arrivé ?

-         Je t’expliquerai à mon retour.

-         Non. Appelle-moi quand tu voudras rentrer, je viendrai te chercher.

-         Ce n’est pas nécessaire, je peux…

-         Ce n’est pas à discuter Lili. Je suis en route pour le bureau

-         Mais c’est samedi.

-         J’ai une réunion. J’en ai pour deux heures max. J’attendrai donc ton coup de fil.

-         Très bien.

Je demeure silencieux quelques instants.

-         Lili ?

-         Oui ?

J’hésite une seconde.

-         Tout va bien entre nous ?

-         Je dois raccrocher Mike. A plus.

-         Lili attends… Merde !

Elle a raccroché ! La peste, elle a osé me raccrocher au nez ! Pourquoi son audace ne m’énerve pas plus que ça ? Me serais-je habitué à ces crises d’insolence. Non ! Je crois plutôt que je me suis radouci. Putain ! Cette petite m’a complètement ramolli. L’idée me fait sourire. Qui aurait cru que moi, Mike Ibara deviendrait aussi tolérant et pas seulement ça.  Je suis maintenant attentionné, doux, tendre et même galant. Est-ce parce que je suis amoureux ? Suis-je comme ça uniquement avec elle ? Pas certain. Le fait est que Lili m’a transformé et pour être franc j’adore ce nouveau Mike. Le Mike de dix ans plus tôt est de retour. A treize heures plie, je reçois un message de Lili me demandant de venir la récupérer chez son ami. Je l’appelle aussitôt. Elle répond à la première tonalité.

-         Je suis en chemin.

-         D’accord je t’attends.

-         Tu as déjeuné ?

-         Non.

-         Bien. A toute de suite.

Je me gare devant la maison d’Emy. A travers la vitre, je les vois assises sur les marches du perron. Je m’apprête à descendre lorsque Lili après avoir enlacé Emy, se dirige vers moi. D’un geste de la main, Emy me salue avant de rentrer.

-         Salut.

Lili s’installe dans la voiture.

-         Salut. On va déjeuner avant de rentrer.

-         Ok.

Son ton froid me pince le cœur. J’aurai le temps de m’excuser une fois au restaurant. Je compte bien me faire pardonner. L’établissement dans lequel je l’emmène est mon restaurant préféré. On y cuisine les meilleurs plats africains. Le chef est même un ami et chaque fois que je viens, il m’octroie la meilleure table, celle située tout au fond avec une vue d’ensemble sur l’intérieur de la salle. L’humeur glaciale de Lili disparait au moment même où nous pénétrons dans le restaurant. La chaleur accueillante de cet endroit captiverait n’importe qui. Nous nous installons et commandons par la suite le plat du jour. J’entame la conversation en attendant les mets.

-         Lili…excuse-moi pour hier. Je sais que j’avais promis t’emmener au cinéma mais il y a eu un contretemps de dernière minute. J’ai dû aller à une réunion très importante.

-         Je vois.

-         Arrête de dire je vois ! M’écrié-je presque.

Elle ne rétorque pas se contentant de m’ignorer. Putain ! Ce silence me tue. Pourquoi me torture-t-elle ainsi ? Et pourquoi dois-je supporter tout cela ?

Parce que tu es fou amoureux ducon !

-         Lili ! Vas-tu me punir encore longtemps ?

-         Que veux-tu que je te dise ?

Elle daigne enfin me regarder.

-         Tout ce que tu veux mais dis quelque chose.

Encore le silence. Ça devient lourd à la fin. Alors que je m’apprête à reprendre la parole elle lâche :

-         Je ne peux t’obliger à quoi que ce soit Mike. Si tu ne voulais pas aller au cinéma, il te suffisait de me le dire au lieu…

-         J’ai envie d’y aller…avec toi. Crois-moi si je te dis que j’ai réellement eu des empêchements.

-         C’est difficile à croire Mike.

Le ton de sa voix m’indique que j’y suis presque. Je prends alors sa main dans la mienne tout en la fixant du regard.

-         Je sais p’tite poupée, pourtant c’est la pure vérité. Tu veux bien me pardonner ?

Je porte sa main à mes lèvres. Je ressens les frissons qui la parcourent lorsque mon baiser caresse sa douce peau. Malheureusement, le serveur choisit ce moment pour réapparaitre. A contre cœur, je relâche la main de Lili avant de me redresser.

-         Je vous souhaite un bon appétit !

-         Merci ! Répondis-je froidement.

De nouveau seuls et tranquilles, je lève mon verre et porte un toast.

-         A toi mon ange, à ton apparition dans ma vie, à ta beauté époustouflante, à ton cœur généreux.

Lili sourit puis lève à son tour son verre.

-         A nous ! dit-elle simplement.

-         Oui, à nous ! renchéris-je.

Je me sens léger et apaisé maintenant que Lili m’a pardonné. Nous mangeons en bavardant. Je lui raconte mes journées de travail en omettant bien entendu les entrevues avec Hamed et la bande.

-         C’est quoi le problème avec Emy ? Vous n’étiez pas fâchés toutes les deux ?

-         Si mais quand je l’ai entendu pleurer au téléphone, je n’ai pas pu m’empêcher d’aller la voir.

-         Alors ? Que lui arrive-t-il ?

L’expression de Lili change subitement. Elle semble en colère.

-         Elle est enceinte !

J’arque un sourcil dérouté, ne comprenant pas en quoi cette nouvelle justifie-t-elle le mécontentement de Lili.

-         De Tom. Ajoute celle-ci.

Là, je suis surpris. Tout s’explique !

-         Eh bah, pour une surprise c’en est une.

-         Quand je pense au nombre incalculable de fois où je lui ai dit de s’éloigner de Tom parce qu’il était un salaud.

-         Je suppose que ton frère ne compte pas assumer la paternité…

-         C’est un connard ! Emy est inconsolable. Le pire c’est que son père risque de la mettre à la rue s’il l’apprenait.

-         Et sa mère ? Est-elle au courant ?

-         Non. Emy a peur de leur dire.

-         Il va pourtant falloir qu’elle le fasse 

Lili baisse les yeux et je sais tout de suite qu’elle ne me dit pas tout.

-         Qu’est-ce qu’il y a Lili ?

-         En fait, elle veut avorter.

-         Mais toi tu n’approuves pas. Deviné-je.

Elle secoue la tête, le regard rempli de tristesse.

-         Essaie de lui faire entendre raison.

-         Je l’ai fait mais elle semble décidée.

Lili est une fille extrêmement sentimentale. Il ne faut pas grand-chose pour l’affecter profondément. C’est sans doute cette fragilité émotionnelle qui m’a conquis. Elle est tellement vraie.

-         Moi je serais heureux que tu portes mon enfant !


Fin du dix-septième chapitre. Bizbi et bonne fête des mères mes louloutes.
 

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