Chapitre 29

Write by EdnaYamba

Chapitre 29

Chapitre 29

Mireille MOUKAMA

Tout le monde est réuni chez Richard chez qui Isabelle s’est réfugiée depuis plus d’une semaine. Si son couple battait déjà de l’aile, il est bel et bien terminé.

Dans une énième dispute, ils en sont venus aux mains et Isabelle a fui avec les enfants. C’est incroyable qu’un homme pourtant si calme ait changé du tout au tout. La jalousie est vraiment mauvaise conseillère.

-         Il n’y a vraiment aucune possibilité que vous arrangez les choses ? demande Richard

-         J’ai dit, je ne veux plus de ce mariage ! répond-t-elle catégorique, j’ai assez d’argent de côté pour rembourser sa dot !

Isabelle est déterminée et je connais ma sœur quand elle a pris une décision, celle-ci est irrévocable.

-         Isabelle, tous les couples traversent des crises….

-         Non, Richard ma décision est prise !

-         On ne devrait pas l’obliger, dis-je à Richard.

Il soupire.

-         Il réclame ses enfants ! annonce-t-il, on fait comment ?

-         Mes enfants sont encore trop petits pour partir avec lui, alors c’est non ! je ne lui interdis pas de les voir mais pas question qu’ils les utilisent comme un moyen de pression !

-         Je pense que vous devez essayer de discuter quand même, tente à nouveau Richard.

Mais sa tentative reste un échec car Isabelle sans un mot se lève et se dirige dans la chambre.

-         Il n’y a plus d’amour, on ne devrait pas la forcer ! dis-je à mes frères.

-         Cet amour disparait juste au moment où revient Antoine ? après il faut comprendre René, dit la femme de Richard.

Je la toise. Si ce n’était pas la femme de mon grand frère, je l’aurais bien remise à sa place celle-là. Isabelle n’aurait jamais quitté René malgré le retour de BOUMI, si René était resté le même homme qu’elle avait rencontré. Elle l’aimait tout de même, peut –être pas avec la même intensité que son amour pour Antoine, mais elle l’aimait. Mais il a additionné bêtises sur bêtises détruisant au passage le peu de sentiments qu’elle pouvait éprouver pour lui. Faut-il qu’elle reste dans ce mariage malheureux parce qu’on l’accuserait de vouloir se remettre avec son ex ?

Je me contente de me lever à mon tour  et de suivre ma grande sœur. Je la trouve assise pensive. Dès qu’elle me voit elle me dit :

-         Mireille se pourrait-ils qu’on soit vraiment maudites ?

Je m’approche d’elle.

-         Ne dis pas ça ! lui dis-je en posant ma tête sur son épaule.

-         Il m’arrive de me dire ce qu’on dit est vrai, les filles MOUKAMA sont maudites ! d’abord BOUMI, puis mon restaurant et maintenant mon mariage.

Il m’est arrivé d’y penser mais quand je regarde ma vie, je ne vois aucune ombre de malédiction. J’ai un travail stable, je mène une vie de famille épanouie avec mon enfant et mon mari qui me rendent si heureuse. Alors non je ne me considère pas comme maudite. Je suis bien plus intelligente que ma mère et sa sœur qui ont fait des mauvais choix et je suis bien plus chanceuse qu’Isabelle….

Elle éclate en sanglots.

Elle me fait de la peine.

La vie ne semble pas être tendre avec elle.

Le soleil brillera-t-il un jour indéfiniment sans éclipse dans sa vie ?

Elle mérite tellement d’être heureuse.

-         Je dois aller voir Grace.

-         Je t’aurais bien accompagné mais l’enfant fait un peu de fièvre ces derniers temps-ci.

-         C’est pas grave et puis je n’ai pas besoin de nounou pour veiller sur moi chaque fois que je vais chez Antoine, j’y vais pour voir ma fille !

-         Je n’en doute pas !

Avec ma voiture, je l’avance jusqu’au carrefour et quand elle descend je la regarde arrêter un taxi. Je me demande comment cette histoire va finir maintenant qu’Antoine et elle sont tous les deux célibataires ?

Personne ne pourrait les blâmer s’ils se remettaient ensemble. Ce qui à mon avis ne tarderait pas d’arriver quand on sait que les sentiments qu’ils ont un jour prouvés l’un pour l’autre ne se sont jamais éteints.

Ils méritent d’être heureux.

L’expérience a montré que loin l’un de l’autre, ils sont malheureux.

 

Antoine BOUMI

-         Tu n’es pas allé travailler aujourd’hui ?  me demande Grace surprise de me trouver au salon.

-         Non maman. Je vais travailler sur place aujourd’hui.

-         J’espère que ce n’est pas à cause de moi, maman et toi vous vous faites un peu trop de soucis. Je vais déjà beaucoup mieux et je compte reprendre les cours.

-         Je sais. Comment va ta mère ?

Elle me regarde compatissante. C’est la n-ième fois que je demande après sa mère en une semaine. Et je sais qu’elle m’a déjà surpris plusieurs fois à la regarder du coin de l’œil quand elle vient la voir.

Elle sait que je l’aime toujours. D’ailleurs tout le monde le sait.

Je m’étais pourtant promis de l’oublier. Mais c’est un échec.

Je ne peux me résoudre à l’effacer de mon cœur surtout pas maintenant que je sais qu’elle s’est séparée de son mari.

-         Elle va bien papa.

Elle vient se blottir dans mes bras.

-         Quand je pense que bientôt tu seras une universitaire, lui dis-je en l’embrassant sur la tempe,  tu ne voudras certainement plus que je te câline de la sorte.

-         Peut-être pas devant les gens, avoue-t-elle souriante, mais en cachette oui !

-         Ah parce que tu auras honte de ton vieux père !

-         Non mais je pourrais avoir un prétendant, rigolé-je

-         Ah non, pas maintenant ! ton vieux père n’a pas encore assez profité de toi ! donc tu diras à ces jeunes gens que je ne suis pas prêt à te laisser filer, surtout celui avec qui tu passes toutes tes nuits sur Skype

-         Ah papa, rigole-t-elle, c’est juste un ami !

-         Un ami ? fais-je en levant le sourcil. J’ai été jeune moi aussi, je faisais les rendez-vous secrets avec ta mère….

Nostalgique, je lui raconte comment je m’organisais pour donner rendez-vous à celle que je considérais comme la plus jolie fille de notre génération,  dans les bois pour ne pas que notre relation soit connue. Ma frustration de la voir en journée sans pouvoir l’aborder publiquement.

Toutes les promesses que je lui faisais sans qu’on ne  m’ait laissé l’opportunité de les réaliser. Tout cet amour que je lui portais et qui n’a pas disparu.

Grace me regarde compatissante.

-         Papa tu mérites d’être heureux ! je sais que…bref je ne veux pas que tu te fasses d’illusion !

Elle me serre encore fort dans ses bras.

17 ans et déjà si mature.

Elle a compris que la nouvelle de la séparation de sa mère a ravivé mes espoirs. Je ne peux m’empêcher de croire que la vie m’offre une chance.

Ce n’est pas de ma faute si l’autre s’est comporté comme un idiot. Je me suis tenu à l’écart, j’ai évité Isabelle autant que possible. Mais maintenant qu’elle est libre, je vais m’efforcer de la convaincre de nous accorder cette chance.

Je sais qu’elle m’aime encore. C’est la seule femme que je veux, que je désire et qui me rendrait heureux. Et je sais que la rendrais heureuse.

-         Quand on a aimé comme moi mon cœur, c’est difficile d’aimer à nouveau avec la même intensité une autre femme ! ne t’inquiète pas pour moi !

-         Ah Papa !  fait-elle résignée en se levant.

Au moment où elle se lève, nous entendons des pas à la terrasse et une  voix qui demande :

-         Grace tu es là ?

C’est la voix d’Isabelle.

-         Entre maman !

Je me redresse essayant de garder mon calme et masquer le trouble que je ressens chaque fois que je suis en sa présence.

Quand elle pénètre la pièce, c’est comme un rayon de soleil qui rentre à nouveau dans ma vie. Elle est chaque jour encore plus belle, tel le vin elle se bonifie avec le temps. Mille émotions m’animent mais je choisis de rester calme. Nos regards se croisent. Je note une lueur de tristesse.

Je connais chacune des expressions de son visage et leur signification. J’ai été le témoin de ses pleurs, de ses craintes, de ses peines, ses larmes, de ses joies. Souffre-t-elle de sa séparation ? Et si elle l’aimait vraiment et moi non ?

-         Je ne savais pas que tu serais là Antoine, sinon je ne serais pas…

-         Tu as le droit de venir voir ta fille quand tu veux Isabelle, la coupé-je, Grace invite ta mère à s’asseoir !

Grace l’installe en face de moi où elle s’efforce de ne pas me regarder dans les yeux.

-         Je vais te prendre quelque chose à boire maman, j’arrive.

Quand elle s’éclipse, c’est le silence total. Ni Isabelle ni moi ne disons un mot.

-         Papa les courses qu’on a faites sont finies, me dit Grace en revenant de  la cuisine. Je vais aller à la boutique !

-         Ce n’est pas la peine de te fatiguer pour moi, dit Isabelle, reviens t’asseoir Grace c’est toi que je suis venue voir !

-         Non, j’avais aussi des trucs à prendre. J’arrive maman ça ne me prendra pas 15 minutes.

Elle s’en va. Nous laissant encore seuls dans le silence. Je me décide à le rompre.

-         J’imagine que la séparation doit être difficile à vivre… Grace m’a dit pour René et toi !

-         Elle n’aurait pas dû !

-         Je dois avouer que je me suis montré insistant en prenant de tes nouvelles… il te manque ?

-         Je n’ai pas envie d’en parler avec toi BOUMI !

-         Pourtant il le faut, il faut que je sache s’il y a la moindre chance pour nous deux Isabelle !

-         Je viens à peine de quitter René et tu me parles de nous deux, s’offusque-t-elle en se levant.

Je me lève à mon tour pour la rejoindre.

-         Tu crois que j’ai encore du temps à perdre Isabelle, 17 années, ce n’est pas déjà assez de temps perdu pour nous ? je ne veux plus perdre une seule seconde d’être avec toi !

Elle me tourne le dos, troublée.

-         C’est à croire que ce qui m’arrive te réjouit !

Elle a la voix tremblotante.

-         Si j’avais pu nous éviter ça Isabelle, tu sais que je l’aurais fait. Mais l’histoire est telle qu’elle est, on ne peut plus la changer. Je ne me réjouis pas que tu aies à passer par là, mais je ne suis pas triste non plus  parce que je considère que je suis l’homme de ta vie !

-         BOUMI, soupire-t-elle, rien ne peut plus être comme avant….tout le monde pensera que j’ai quitté René pour toi, mes enfants m’en voudront…

Je pose mes deux mains sur ses épaules alors que sa respiration s’accélère. Elle a peur.

-         Je ne peux pas te garantir que les gens ne parleront pas Isabelle, je ne peux pas te garantir que tes enfants ne t’en voudront pas, tout ce que je peux te garantir chérie  c’est mon amour ! mon amour qui t’aidera à tout surmonter, qui t’aidera s’il le faut à expliquer à tes enfants….

Je la retourne face à moi.

Ces larmes me déchirent le cœur.

-         Qu’est-ce qui te rend si triste Isabelle ? c’est le quitter ? tu l’aimes ?

-         Ce qui me rend triste c’est de t’aimer comme je t’aime BOUMI, m’avoue-t-elle.

-         Je suis vraiment désolée pour toi Isabelle, dis-je en me penchant pour l’embrasser.

Si je pouvais réécrire l’histoire où elle n’aurait pas toutes ses tristesses, toute cette pression, je l’aurais fait mais  c’est impossible. Tout ce que je peux faire aujourd’hui c’est de tout mettre en œuvre pour que jamais plus le sourire ne quitte ses lèvres. Je la rendrais heureuse.

-         Je me sens injuste envers René, me dit-elle alors que nous  reprenons nos places assises.

J’ai bien envie de lui répondre qu’on ne peut pas résister indéfiniment à l’appel des sentiments, mais je comprends son sentiment. Mais rester avec lui par reconnaissance n’est pas pire que de le quitter et d’avoir la chance d’être heureux avec une femme qui l’aimera sincèrement.

-         Ce qui serait injuste, c’est de vivre avec lui sans l’aimer ! tu le rendrais malheureux !

-         Promets-moi BOUMI que nous serons discrets…..

-         Isabelle, soupiré-je

-         Promets BOUMI, et puis tu as un divorce à finaliser, il ne serait pas bon pour toi d’être  vu en ma compagnie.

Je ne m’imaginais pas encore à cet âge à cacher mon amour pour la femme que j’aime mais si c’est la seule chose que j’ai à faire pour l’avoir à mes côtés, je le ferais. Je caresse affectueusement sa joue et elle m’offre son sourire. Je garde sa main dans la mienne.

Quand les pas à la terrasse nous indiquent le retour de Grace, elle veut rapidement retirer ses mains des miennes mais je les tiens fermement. Je veux bien cacher à tout le monde qu’on s’aime à nouveau mais je refuse de faire une telle cachotterie à Grace.

-         Pas à Grace, lui dis-je alors que celle-ci franchit le seuil du salon.

Son regard passe de sa mère à moi, mais sans mot dire elle continue vers la cuisine.

-         Tu crois qu’elle est fâchée ? demande craintivement Isabelle.

J’ose espérer que non.

Elle revient alors que nous guettons la moindre de ses réactions. Elle s’assoit face à nous.

-         Alors ? lui demandé-je

Elle se jette dans nos bras.

-         Je ne sais pas combien de fois j’ai rêvé de ce moment enfant, pleure-t-elle. Si la vie vous donne l’occasion de retrouver ce qu’on vous a volé je ne serais jamais contre.

Nous restons là enlacés tous les trois.

J’ai essayé de vivre sans partager cet amour avec ceux que j’aime et cela s’est soldé par un échec maintenant que j’ai la chance de le faire, je ne laisserais plus personne se mettre en travers de notre bonheur.

 

 

Mélanie BOMO

Je regarde les derniers membres de notre famille venus nous soutenir pour le décès de mon père faire leurs au revoir à ma mère assise dans un coin, un pagne la recouvrant.

C’est difficile de savoir qu’il n’est plus parmi nous et même si je me remémore les paroles de la vielle folle. Je refuse de croire que c’est de ma faute.

-         Mélanie, ton téléphone sonne ! me dit ma sœur en m’apportant mon téléphone.

Je regarde et c’est un appel de mon avocat.

Que veut-il bien encore me dire celui-là ?

L'orpheline