Chapitre 29 : Sombres

Write by Moktar91

Chapitre 29 : Sombres




Cotonou 


Les entreprises Amoussou


Naimath retira ses yeux de son dossier. Elle se massa le front avec sa main. Il sonnait 18h56. La jeune avait pris fonction depuis douze jours déjà. Elle découvrait un nouveau monde où il lui fallait apprendre à concilier différents aspects de sa vie. En elle, devraienr cohabiter la jolie et petite élève de collège, mais aussi la femme d'affaires qui se faisait son petit chemin dans l'entreprise familiale. Pris au dépourvu, la petite avançait ses pas dans ce monde qui lui était totalement inconnu une quinzaine de jours auparavant. Mais elle s'en sortait plutôt bien. Et quand ce genre de compliment vient de Moriane, sa taciturne de sœurs, Naimath ne pouvait que laisser un léger sourire apparaître. Elle repensa à toute cette période qui, loin d'être difficile pour elle, révélait ses talents cachés. La jeune aura réussi à séduire le gota des entrepreneurs lors du dîner annuel des chefs d'entreprises du Bénin. Elle aura élargi son carnet d'adresses. C'était bien l'un des moments les plus clés. Au delà de sa timidité, la jeune fille aura surtout été impressionnée par l'attrait que l'on peut avoir quand votre statut social change... Oui Naimath n'était plus la même. Si elle avait gardé toute son humilité et sa joie de vivre, Naimath avait surtout compris qu'il lui fallait composer avec une nouvelle race d'amis : celle des vautours hypocrites. Ils étaient encore plus difficile pour elle de se retrouver au sein de ses hommes qui lui vouaient un sourire et un culte même si la plupart sont des faux semblants. Elle savait qu'à son passage, il se mumurait des choses impossibles, de ces dames du service qui la qualifiait de bâtarde à longueur de journées ou de ces hommes indécents et pervers qui n'hésitaient pas à lui reluquer le derrière sans coup férir. Naimath avait dès les premiers jours exigés un professionnalisme qui lui interdisait de se faire amis aux autres au risque de se voir trainer dans la boue. Certaines de ses filles avaient tout de même eue l'outrecuidance d'essayer de l'approcher...mais entre toutes, une seule avait retenue son attention. C'était Ak'pa, cette jeune benino-togolaise d'une trentaine d'années qui lui faisait office de secrétaire. La première fois que les deux dames s'étaient offertes un dîner après le bureau, Naimath fut étonnée de voir en elle une femme plaine de vie mais surtout une dame qui ne faisait pas son âge. Combien lui aurait-elle donné ? 25 ans au maximum ? Non peut-être 22, pensa Naimath. 


La sonnerie de son bureau retentit. C'était Ak'pa. Elle entra, déposa un dossier sur le bureau de Naimath avant de venir lui faire la bise, signe qu'elle rentrait déjà.


En retournant sur ses pas, Ak'pa émit une pause et se tourna vers sa patronne.


-<<Chérie, le père Florent est là. Il souhaiterait te voir.>> Dit-elle


-<<C'est compris grande sœur, dit lui d'entrer>>, ajouta Naimath avant de se concentrer sur son portable qui donnait de plus belle.


Quand elle regarda l'écran, son visage s'illumina. Un éclair y jailli et elle laissa sonner encore quelques secondes, se laissant bercer par la douce mélodie que diffusait l'appareil. Elle se replongea dans son fauteuil pour mieux écouter la chanson. Devrait-elle décrocher cet appel qui est des plus pressants ? Elle n'eut pas le temps de répondre que le portable arrêta son manège pour reprendre de plus belle. À la première sonnerie, Naimath décrocha. C'était Jaël.


-<<Oui, à qui ai je l'honneur ? >> 

Naimath venait de répondre de sa voix la plus professionnelle possible, ne laissant apparaître aucun trouble, elle qui pourtant rêvait de se voir dévorer par ce jeune homme...


Le silence se fit au bout du fil pendant quelques secondes avant que l'inconnu, d'une voix plutôt timide, reprit : 


-<<En fait, c'est Jaël Madame. Je remarque que vous n'avez toujours pas enregistré mon numéro.>>


-<<Ah c'est donc vous ? Reprit une Naimath passive. Que puis-je pour vous cette fois-ci ? >>


-<<Je voudrais bien deux choses. Premièrement, que vous enregistrez mon numéro, car c'est assez humiliant de se voir poser l'étrange question alors que je vous appelle trois fois par jour depuis six jours déjà. Deuxièmement, je voudrais vous inviter à dîner. Un endroit de votre choix, le samedi prochain. Et surtout ne me dites pas non svp.>>


Naimath resta interloquée et surprise quelques secondes par tant d'audaces venant de ce jeune homme. Elle voulait le faire sortir de ses gons, voir ce qu'il avait au plus profond des tripes. Et elle y parvient avec assez de réussites. Pour une enfant qui n'avait jamais vécu une relation amoureuse, Naimath maniait l'art en se basant sur les conseils de Ak'pa.


-<<Alors ? C'est un oui ? >>


La voix nasillarde au bout du fil reprit pour sortir la jeune dame de ses rêveries.


-<<M'avez-vous laissé le choix ? Je pense donc que ce sera un oui. Je vous rappelle demain pour vous confirmer le lieu et l'heure. Et pour ce qu'il en est de votre numéro, ne comptez pas sur moi pour l'enregistrer de si tôt. Votre nom doit mériter sa place dans mon répertoire. Ajouta-t-elle en souriant>>


-<<Heu, ok, compris Madame. Je vous rappelle plus tard, balbutia Jaël avant de raccrocher sur un bonsoir fade.>>



Oui. Elle le savait. Ce garçon ne la laissait pas indifférente. Et dire qu'il est le serveur de ce restaurant qu'elle a l'habitude de fréquenter pour ses déjeuner avec Ak'pa sa secrétaire et sœur. Pendant trois jours c'était ce même jeune homme qui recevait leurs commandes et les servaient. Comment a-t-il eu son numéro ? Elle ne saurait le dire. Toujours est-il qu'elle le trouvait charmant et mignon, elle en était même arrivé à fantasmer sur lui une fois. Et cette fois, c'était la nuit où pour la troisième fois, elle se réveilla avec cette sensation d'avoir été couchée par un homme. Elle se rappela que ni, le sel béni, ni les feuilles d'hysopes n'avaient été efficace... En y repensant, elle était peut-être en faute puisqu'elle avait disposé les feuilles aux entrées de sa demeure et non autour d'elle... 

<<Il va falloir que je le fasse ce soir>>, se dit-elle en se dirigeant vers la porte pour l'ouvrir. Le Père Florent se levaw déposa le magazine Jeune Afrique qu'il faisait semblant de lire et suivit la jeune fille dans son bureau. 

Naimath le laissa s'installer et se dirigea vers sa douche pour se débarbouiller. À son retour, elle avait enlevé la veste qu'elle portait depuis le matin. Il ne lui restait alors plus que le chemise moulante qui emprisonnait ses seins. 


Le prête l'observa quelques minutes sans rien dire. Naimath soutint son regard. L'atmosphère était très tendu. À travers la baie vitrée du bureau de Naimath, on pouvait voir la sombre nuit qui s'abattait sur Cotonou laissant place aux incessants noctambules.


-<<Pardon ? >> 

C'était Naimath. Elle n'avait pas entendue la question posée par le prêtre quelques instants avant.


-<<Ouvre les écluses des cieux. Quand l'astre de l'élu apparaît, de toi je ferai mienne et furieux, quand les ombres de l'enfer s'ouvrirait.>>


Le Père Florent reprit l'indication une seconde fois en fixant majestueusement la frontanelle de la jeune dame. L'effet fut immédiat. Elle parut interloquée et absente, le regard vide et glacial. Le prêtre s'approcha d'elle alors et la fit lever. Naimath n'y opposa aucun geste de refus. Il souffla alors sur sa tête, chassant les dernières forces du bien qui la protégeait. Il lui ordonna de se déshabiller. A cet instant, l'ignoble individu durcissait déjà et se caressait les lèvres... Naimath se mit nue devant le prête. Elle était dans un état second et semblait être déconnectée de la réalité. Florent balaya du revers de la main le bureau et l'y déposa.

Quand il entra en elle, d'un coup sec, la jeune fille émit un cri strident qui aurait cassé les tympans à plus d'un. Florent se déhanchait en répétant frénétiquement la formule magique. Naimath devenait plus livide entre ses mains. 


Au moment où il voulut se libérer, Florent reprit son apparence de démon. Il se présenta avec des cornes sur la tête et des griffes de lion. Son aspect était celui des plus ignobles avec des yeux vitreux. Quand Naimath le regarda droit dans les yeux, elle y vit toute l'horreur qu'elle avait décelé la première fois qu'elle l'avait vu prendre y'a Rockyath dans le bureau de son père. 


La voix en elle, lui insuffla de frapper à ce moment précis. Alors, la petite, de sa main droite frappa très fortement le crâne du prêtre en prononçant le mot qui lui venait à l'esprit : <<Déchu>>. 


Au même moment, le prêtre se retira avec un effroyable cri et alla se perdre à reculons dans le divan installé dans le bureau. Il fixa Naimath quelques secondes. La petite avait repris déjà ses esprits au moment de la jouissance du prêtre. Ce dernier se leva en sursaut, regarda autour de lui avec des yeux de biche et sorti nu du bureau en courant.


En effet, quand le prête jouissait, sa frontanelle était ouverte laissant apparaître son esprit, le siège de sa personne et son être. Naimath le frappa et referma la frontanelle alors que son esprit divaguait encore dans la jouissance.


La jeune fille se leva, referma son bureau et vint se placer derrière son fauteuil. 

Du troisième étage où était ses quartiers, elle put voir le prêtre courir nu dans la rue en divaguant seul.


Elle s'enferma ensuite dans la salle de bain et pleura de toute son âme.


En se changeant, une image lui traversa rapidement l'esprit. Elle se souvint de cette prémonition, où elle se faisait déflorer par un inconnu dans le bureau...



Ouidah


Quartier Brésil


41.5km de Cotonou


Amos boucla les dernières valises qui lui restait. Il se rassit sur le lit et attendit patiemment le départ. Cella fit son entrée à cet instant. Sa tendre et douce fiancée.

Elle vint le prendre dans ses bras. Amos se libéra alors et pleura longuement. Que diantre vivait-il ? Avait-il mis les pieds où il ne fallait pas ? Pendant longtemps, il avait essayé de rester fort. De ne plus pleurer. Et d'être surtout cet homme impassible qui se dessine et qui reste malgré les doutes. Il se rappelle de la dernière fois qu'il avait pleuré. C'était il y a quelques jours quand Cella avait officiellement accepté d'être sa fiancée. Mais c'était des pleurs de joies. Aujourd'hui, il pleure la haine, le dégoût, le desarroi et surtout la peur de tout perdre. Lui qui avait repris espoirs en retrouvant sa dulcinée. 

Il effleura la bague qui pendait au doigt de Cella. Elle en frissona et prit entre ses mains le visage de son homme. Elle lui fit un faible sourire avant de l'embrasser.

Les deux êtres se perdirent dans ce moment de sombres solitudes qu'ils vivaient.

Que leur réserve l'avenir ?


Déjà onze jours que Amos était caché dans cette maison. Cella l'avait rejoint deux jours plus tard. Elle appartenait à maître Assou qui s'était promis de protéger les deux jeunes au péril de sa vie. La meilleure opportunité était de les éloigner de Cotonou, le temps de laisser cette affaire se tasser avant de les faire quitter le pays. 


Au lendemain de ce feu qui avait ravagé le commissariat central de Cotonou, une enquête avait été diligentée. En moins de 24 heures, le coupable tout désigné était l'inspecteur Amos Zinsou. Selon le rapport de police, Amos avait voulu faire disparaitre les preuves de ses magouilles avec certains détenus. L'information était à la une de tous les journaux en ligne déjà le lendemain de l'incendie. Mais c'est bien le Ministre de l'intérieur en personne, qui, au cours d'une conférence de presse confirmera les conclusions de l'enquête.


Dès cet instant, l'inspecteur était radié de la police républicaine et recherché pour haute trahison.


Maître Assou comprit tôt que son frère en voulait à ce jeune homme. Depuis ce jour, il avait fait caché le couple chez lui.

Ce soir, ils doivent s'en aller par voie terrestre, traverser la frontière avec le Togo pour prendre ensuite un vol pour Johannesburg...


La voiture klaxonna une deuxième fois. 

Amos prit sa valise suivit de Cella.


Il sonnait 22h23 quand la voiture disparut dans le silence de la nuit...




Cotonou


Haie vive


Naimath se réveilla en sursaut. Elle transpirait énormément malgré la climatisation. 

Cela ne pouvait être un cauchemar.


Deux sombres événements dans la même journée ?


Son viol et maintenant ça ?


Elle jeta un coup d'oeil à son réveil. 

23h55.


Non, elle ne pouvait laisser faire. 


Amos serait-il mort dans cet accident ?


Elle se prit sa tête entre ses mains et laissa couler ses larmes en silence.

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