Chapitre 3

Write by anomandaris

Nicolas jura et composa le numéro de son ami amateur de shorts hawaïens. Pas de réseau. Il se dit que ça devait être la coupure locale qui avait créé une perturbation hertzienne, sans y croire lui-même une seule seconde. Il scruta la maison peinte en gris clair, les planches usées et craquelées. Un frisson d’effroi parcourut son échine. C’est cet élan de peur qui lui donna le courage de prendre la décision qui s’imposait pour son ami.

Il inspira à fond et retira son crucifix de baptême de son cou. L’attacha sur sa main droite et referma son poing. Recomposa le numéro de son ami, sans succès ; puis alluma l’application torche de son portable. Le coeur bondissant dans la poitrine, il franchit l’embrasure du portail de fer et mit les pieds sur l’allée de gravier. Un pas après l’autre, il s’approcha de la bouche de la tête de monstre borgne, environnée d’une odeur forte de prunes pourries. Puis il poussa la lourde porte de bois noir.

L’odeur rance de générations de rats morts dans les recoins de la masure lui assaillit immédiatement les narines. Le lourd tapis persan qui assourdissait le son des vans de Nicolas était marqué par leurs dents aiguisées et une poussière décadaire. La torche éclairait devant Nicolas un couloir plongé dans les ténèbres où devait se trouver la porte arrière. A sa droite, il distingua un petit salon au bout du vestibule, et il distingua la forme ronde de meubles de cuir disposés en cercle. Mais s’il y’avait quelque chose qui distinguait cette maison de toute autre, c’étaient les corniches.

Sur tous les murs, à hauteur de poitrine, se trouvaient de minces corniches de bois noir usé, garnies de bouts de vieilles bougies parfumées de diverses couleurs : noires, vertes, rouges,… un véritable patchwork. Il y’en avait tant que Nicolas en conclut que la maison datait d’au moins les années cinquante, date à laquelle le pays eut sa première compagnie d’électricité. Ce détail lui rappela le but de l’exploration de Jeffrey et son appréhension laissa place à une curiosité contenue. Il se surprit à prendre quelques clichés de cette singularité architecturale, unique à la maison de Mamoun Kassab. Les bouts de bougies tordus étaient séparés d’environ un bras et la combinaison colorée gardait quelques traces de suie à chacun des pieds de ses membres. Après avoir pris une dizaine de clichés au rez-de-chaussée pour l’exposé, il s’arrêta de filmer et cria d’une voix hésitante, devant le faisceau de son téléphone :

« Hé oh ! Y’a quelqu’un ? Jeffrey ? »

Aucune réponse. Jeffrey était d’un naturel blagueur et Nicolas l’imaginait bien faire semblant d’être porté disparu. Mais il y’avait l’esprit de Mamoun aperçu quelques instants plus tôt. En même temps, il aurait très bien pu avoir louché ; et puis, le crucifix attaché à son poignet lui donnait du courage. Dans tous les films d’horreur qu’il avait vu, on combattait les forces du mal avec des objets consacrés. En supposant que les équipes de tournage se basait sur des faits réels, il était assez armé contre une légende urbaine vieille de quarante ans.

Après un moment de réflexion, il décida de monter le double escalier à droite du couloir sombre. Mais au moment où il montait la première marche, quelqu’un en bas cria : « Au secours ! » Le cri lui fit lâcher son portable qu’il ne rattrapa qu’avec une acrobatie aérienne désespérée. La lueur blanche éclatante éclairait sa main moite, et Nicolas s’essuya machinalement le front. Les poils de son bras se couchèrent sous la couche de sueur qu’il retira de sa peau ; le crucifix était perlé de gouttes salées. Sa foi l’avait quitté.

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