Chapitre : 3
Write by MoïchaJones
Je retourne cacher ma peine et ma honte sous ma
couette. Ma mère serait triste de savoir que j’ai réussi à faire fuir mon homme
de la maison, même si c’est juste pour une nuit, ça n’en est pas moins grave.
Ce n’est jamais arrivé en plus de trente ans que dure la relation de mes
parents, sauf s’ils cachent bien leur jeu. Du peu que j’en sache, même quand
ils se prenaient la tête sur un sujet quelconque, ma mère prenait toujours sur
elle pour qu’il l’a rejoigne. Est-ce que je suis trop faible d’esprit. Trop
émancipé, où que sais-je, je suis surement une mauvaise épouse de faire fi de
l’inquiétude qu’Uhu a pour sa famille. Après tout, les récents évènements qu’il
y a eu en ville, sont une bonne raison de se faire du souci. Et c’est valable
pour quiconque qui a un peu de jugeote.
Faut quand même avouer qu’il s’y est mal pris. Il aurait dû m’en parler d’abord avant de me mettre dos au mur devant les siens. Je suis surement de mauvaise foi en ce moment, car je dois reconnaitre que moi aussi je n’ai pas employé la bonne méthode de résistance.… Me suis-je vraiment mal prise ? J’aurai peut-être dû lui faire changer d’avis sur l’oreiller, parait que cette technique fonctionne du tonnerre.
Pendant que mon regard se balade sur le plafond à la recherche de réponses, la porte s’ouvre sur une Imani à moitié endormie. Je lui fais de la place et elle se rendort comme à son habitude. Ma pauvre chérie, elle est loin de se douter du tumulte avec lequel je me bats pour garder la tête hors de l’eau. Je la regarde longuement avant de sombrer à mon tour.
*
**
Toute la journée on la passe ainsi, à trainer au lit en pyjama. Imani a bien essayé de me sortir de là, mais très vite elle a compris que si elle veut rester avec moi, sa place est dans le lit. Bien évidemment, on n’a pas eu de nouvelle de lui. Même pas un coup de fils. Il en fait vraiment trop. Je ne m’étais jamais imaginé en 7 ans de mariage qu’il avait un tempérament aussi soupe au lait. J’ai voulu l’appeler à la tombée de la nuit, mais je me suis vite reprise. C’est lui qui a levé la main sur moi, c’est à lui de faire le premier pas. C’est la moindre des choses…. Enfin je crois.
C’est dans un demi-sommeil que je l’ai senti sortir Imani du lit. Quand il est revenu s’allonger, je n’ai pas hésité une seule seconde à faire celle qui remue dans son sommeil, pour me caler dans ses bras. Et j’ai bien failli tout faire raté quand j’ai souri alors qu’il n’a pas essayé de m’en déloger. Malgré ça, la semaine a été difficile. Si je pensais que tout allait s’arranger comme par magie, j’en ai eu pour mon compte. Une gêne inhabituelle persiste entre nous, c’est inconfortable.
Il ne nous reste que 2 jours avant qu’il ne s’envole pour Londres. Encore une fois, j’ai décidé de prendre sur moi et de m’excuser. J’ai pris ma journée au centre et là, munie d’un panier bien fourni, je suis dans l’ascenseur dont les portes s’ouvrent dans un bruit sourd. Je prends une grosse inspiration pour me donner du courage. Je plaque un sourire sur mes lèvres et m’avance vers sa secrétaire.
- Bonjour Gisèle ! Lancé-je en une fois devant elle.
- Oh… Madame Kibaki, bonjour.
Sa voix est douce et son sourire chaleureux. Elle n’est pas là depuis bien longtemps, l’ancienne ayant dû prendre sa retraite il y a six mois.
- Quand est-ce que je vais vous dire de laisser tomber le « madame », nous savons toutes deux qui répond à cette appellation.
Je lui fais un clin d’œil pour la rassurer et on rigole d’un commun accord.
- Je peux le voir ?
Un signe de tête vers la porte close du bureau d’Uhu, accompagne mes paroles.
- J’ai bien peur que vous arriviez une seconde trop tard. Me dit-elle d’une voix désolée. Son frère est passé le prendre, ils déjeunent dehors.
Je suis déçu que ma surprise tombe à l’eau, mais j’essaie de ne rien laisser paraitre. Je redresse mes épaules et la regarde dans les yeux.
- Je voulais lui faire une surprise, mais ce n’est pas bien grave... A condition que tu partages ce gros panier plein de victuailles avec moi.
Elle me dévisage comme si un arbre m’est poussé sur la tête et je ne me départie pas de mon sourire.
- Je m’apprêtais à y aller moi aussi… Commence-t-elle hésitante
- Allez ! Ne te fais pas prier.
- Mais madame…
- Belinda. La coupé-je.
- Belinda. Dit-elle incertaine. Vous êtes sure que ça ne vous dérange pas ?
- Je suis sortie avec de la nourriture, ce serait vraiment bête que je ramène tout ça. Trouve-nous juste un endroit tranquille où nous poser.
Elle me regarde encore longuement avant de se lever et de me demander de la suivre. On va dans leur salle de réunion et on s’installe l’une près de l’autre. Je déballe vite le panier et sans aucune forme de protocole on se met à manger. Les bouches mastiquent en même temps qu’elles papotent, nous mettant de bonne humeur. L’ambiance est bonne et on rigole la plus part du temps. Je regarde Gisèle, c’est une très belle femme qui déborde de joie de vivre, et je me demande pourquoi je n’ai pas eu la bonne idée de faire ce rapprochement plus tôt. Bien qu’elle soit mon ainée et que nous ayons eu un parcours assez différent l’une de l’autre, nous avons beaucoup de centre d’intérêt communs. Ca fait que nous nous entendons plutôt bien. Elle n’a pas eu la chance de faire des études, mais son père s’est battu à lui offrir une formation en secrétariat. Elle a occupée des postes çà et là, pas aussi bien payé que celui qu’elle occupe ici, mais avec ses maigres revenus, elle a réussi à entretenir sa famille. Avec son nouveau salaire, elle pourra mieux s’occuper d’eux. C’est une battante.
- Pourquoi vous me regardez comme ça ?
Sa voix me tire de ma rêverie et je fais un sourire pour masquer ma gêne.
- Je me demandais juste pourquoi nous n’avons pas eu l’occasion de faire plus connaissance avant aujourd’hui.
Son visage s’illumine, la rendant encore plus belle.
- Je ne vous dérange pas ?
La voix d’Uhu claque dans la salle et l’air se refroidit instantanément. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens arriver les problèmes à grand pas. Je commence à être rodée dans ce domaine.
- Bonjour chéri. Je me suis permise d’inviter Gisèle à déjeuner.
- Elle n’est pas payée pour ça.
Je le regarde, choquée. Qu’est-ce qui lui prend ?
- Mais Uhu…
Déjà Gisèle se lève tremblante. Elle s’excuse avant de quitter la salle dans la précipitation. Elle n’oublie toutefois pas de fermer la porte derrière elle.
- Qu’est-ce qui t’arrive ? La pauvre… On ne faisait que manger.
- Qu’est-ce que tu fais ici ?
Sa voix est sèche, je ne le reconnais vraiment plus. J’essaie de me calmer avant de lui dire quoi que ce soit.
- J’étais venue te faire une surprise, mais tu étais sorti. Donc j’ai proposé à Gisèle de déjeuner avec moi, je ne vois pas où est le mal.
- Tu ne vois jamais où est le mal, c’est ça ton problème.
- Sommes-nous encore en train de parler du déjeuner là ?
- Si on parlait d’autre chose… Tu n’as rien à me dire ?
Les battements de mon cœur s’accélèrent, et je sens mes mains devenir moites. J’ai comme l’impression qu’il est au courant. Mais… Comment ?
- Tu as perdu ta langue ?
- Euh… Je ne sais pas de quoi tu parles.
- Ne me prends pas pour plus idiot que je ne suis déjà Belinda.
Je tremble comme une feuille au gré du vent. Je ne sais pas par où commencer. Une phrase me vient en tête « Wasn’t me ». Ma meilleure amie n’arrêtait jamais de me répéter qu’il ne faut jamais avouer quoi que ce soit qui ne soit pas prouvable par des preuves tangibles. Alors qu’est-ce que je fais, j’avoue ou pas. De toute façon il est déjà au courant, apparemment son frère s’est confié à lui, je ne sais pas dans quel but, mais ça me semble évident que c’est pour me créer encore plus de trouble que je n’ai déjà.
- Tu m’as fait cocu ? En plus avec mon frère… Mon propre frère.
- Tout de suite les grands mots...
Je m’arrête quand je le vois faire un pas vers moi.
- Alors ?
- Je ne te demande pas d’où tu tiens cette information.
Il se passe une main sur la tête, avant de la descendre sur son goatee.
- J’attends une réponse de ta part.
Je prends le temps de poser calmement la fourchette que je tiens toujours dans ma main. Sans m’en rendre compte, je me retrouve à rassembler les assiettes éparts sur la table et à les mettre dans le panier à mes pieds. Je n’ai pas le temps de le voir fondre sur moi que le panier se retrouve à de l’autre côté de la pièce.
- J’attends une putain de réponse Belinda.
Mes pieds me portent à peine quand je réussi à me lever. Au son de sa voix je sais qu’il est à la limite d’en revenir aux mains avec moi. Je m’accroche au rebord de la table, mais n’arrive pas à le regarder. Je n’ai pas cette force-là.
- C’est arrivé une seule fois. Je dis dans un souffle
La tête toujours baissée dans une attitude coupable, j’attends que la tempête s’abatte sur moi mais rien ne vient. Je risque un coup d’œil vers lui et son regard noir me fixe ahuri. Il s’attendait vraiment à ce que je réfute tout en bloc. J’aurai vraiment dû nier, qu’elle idiote je suis.
Je tends une main vers lui
- N’essaie même pas salope !
La brutalité de sa réplique me coupe le souffle, dans la mesure où on peut qualifier ma respiration d’acceptable. Je laisse échapper un sanglot en me mordant fortement le poing. Cette fois je peux vraiment dire adieu à mon mariage. Son regard haineux laisse présager son envie de me tordre le cou. Il sert les poings de toutes ses forces, les veines de ses bras sont contractées au maximum, comme ses muscles que je peux voir à travers sa chemise dont les pants sont remontés jusqu’aux coudes.
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