Chapitre 2

Write by MoïchaJones

Je fulmine de rage et il doit l’avoir senti, car depuis que nous avons quitté la soirée improvisée chez ses parents, il n’a rien dit. Pas un mot, et je lui en suis grée. Je n’aurai pas supporté d’entendre le son de sa voix, encore moins maintenant que j’ai envie de lui tordre le cou. Ça a été l’une des soirées les plus tendues que j’ai eu à vivre dans ma vie. Toute cette énergie que j’ai due déployer, pour supporter la présence de l’autre sans en faire un scandale, a fini de me vider. Je regarde sans les voire les luminaires et immeubles qui borde la route. La foule qui profite de cette heure tardive pour vivre une vie dénuée de tout interdit. Et dire qu’à  une époque moi aussi j’étais de ceux-là, qui adorent ces retrouvailles de fins de semaines pour profiter de mes amis. Maintenant, ma vie de couple m’oblige à me coltiner des énergumènes que je donnerai gratuitement au diable en personne.


Une fois la voiture stoppée devant la maison, je m’apprête à descendre quand je sens sa main se poser sur mon bras.


-          Attends une minute Béli….

-          Je suis fatiguée.


J’ouvre et pose un pied à terre sans attendre la suite. Je le déteste ! Je les déteste tous, de m’infliger ce supplice tous les soirs. On revient encore d’un de ces innombrables repas en famille, qui n’arrêtent pas depuis la petite fête improvisée d’il y a une semaine. J’en ai par-dessus la tête de les voir le traiter comme s’il était le fils prodigue. En fait, oui il l’est et ça m’énerve d’autant plus.


Je vais directement dans notre chambre et me mets rageusement à me dévêtir. Chaque bout de tissus va atterrir rageusement sur la porte close de la salle bain. Loin de me défouler, ces gestes désespérés ne font que décupler ma haine. Je m’en veux de réagir avec autant de force. Il m’insupporte c’est vrai, mais pas au point de me mettre dans tous mes états. Il faut que je me calme… Je ferme les yeux un instant et respire un bon coup. Le battant entrebâillé de la porte derrière moi, s’ouvre sur Uhu qui me regarde sévèrement.


-          Je peux savoir ce qui t’arrive ? Attaque-t-il une fois la porte refermée derrière lui.


Il est debout entre la porte et moi, pas moyen d’échapper à la confrontation que je sens venir. Il est là, les yeux fixés sur moi, les deux mains dans ses poches. Seul son regard reflète la turbulence qui le secoue en ce moment. Le reste de son corps est de marbre. Pas un muscle ne tressaille, on lui aurait demandé de jouer le rôle d’une statuette qu’il serait parfait. J’essaie de ne pas me laisser intimider par son calme apparent.


-          Tu veux savoir ce qui m’arrive ?


Sans le vouloir, ma voix a atteint les aigues de l’hystérie.


-          Baisse d’un ton s’il te plait, ma fille dort.


Son regard est toujours aussi calmement menaçant. Si je l’ouvre de nouveau, ce sera pour crier encore plus fort, alors je me contente de ramasser  mes habits épart sur le sol et rentrer dans la salle de bain. J’allume la douche d’un geste automate avant de calmement aller mettre mon linge dans le panier. Puis je reviens sur mes pas et m’empare de ma brosse pour m’acharner sur mes pauvres dents.


-          Je ne pense pas encore avoir racheté des parts de la compagnie des eaux.


Sa voix me parvient depuis la chambre et m’irrite encore plus tant elle est calme. Je m’enferme à double tour et laisse couler l’eau quand même. Je prends plus de temps qu’il ne faut pour une simple douche, juste pour l’énerver et ça me rend heureuse. On dirait une gamine.

30 minutes plus tard, je ressors de là plus calme, avec un sourire satisfait qui s’élargit quand je remarque le vide qui règne dans la chambre. J’ai réussi à le faire capituler, un bon point pour moi. Le reste de la maison est aussi silencieuse que la chambre, et je me dis qu’il doit être sorti pour passer ses nerfs sur quelqu’un d’autre. Je vais en profiter pour avaler une boisson chaude et mettre au lit avant qu’il ne revienne.


Je descends dans la cuisine en prenant garde de passer inaperçue, me fait un thermos de thé que j’emporte sur la terrasse. Je m’installe sans éclairer l’abri et le bruit assourdissant de la pluie sur le toit fini d’effacer ce qu’il reste de colère en moi. Je reste ainsi à savourer ma bavaroise, le regard perdu dans les vagues et bercée par l’averse. Au bout de ce qui me semble être une éternité, un mouvement à ma gauche me fait sursauter.


-          Je savais que tu finirais par venir te cacher ici.


La surprise me fait porter une main à ma poitrine, comme si elle pouvait arrêter les battements désordonnés de mon cœur.


-          Ça ne te suffit pas de m’imposer ta famille, il faut maintenant que tu me tues. 


Ma propre voix m’étonne. Elle est calme et posée, pourtant mon corps entier n’est que tremblement.


-          Désolé je ne voulais pas te faire peur. Je veux juste qu’on parle, c’est tout.


Je pousse un soupir las et vide ma tasse d’un trait.


-          Je n’en ai pas envie, Uhu s’il te plait on en parle plus tard.


Ma voix est rêche.


-          Je n’ai pas envie qu’on dorme fâché tous les deux, et puis c’est mieux de crever l’abcès tant qu’il est chaud.


Au fond de moi je sais qu’il a raison, mais le simple fait de témoigner de son self contrôl m’irrite au plus haut point. Le voir si zen, quand moi je ne suis que tourbillon de sensations.


-          C’est maintenant que tu me juges digne d’avoir une conversation avec toi ? Où étais-je quand tu décidais que je devais aller vivre chez tes parents ?


C’est à son tour de pousser un soupir las.


-          Ne le prends pas comme ça Belinda.

-          Comment veux-tu que je le prenne ? Explique-moi comment je dois réagir quand mon mari me traite comme sa gosse devant le reste du monde ?


Je vois la masse sombre de son corps se rapproche de mon transat.


-          Ma famille n’est pas le reste du monde, commence-t-il avant de se racler la gorge. Je pense que c’est une bonne idée que tu ailles rester là-bas, juste le temps de mon absence.


Comme si la fin de sa phrase changeait beaucoup à la donne. Je sens sa main sur ma cuisse et comme dénuée de volonté, je frissonne bêtement à ce contact.


-          Je ne resterai pas absent si longtemps que ça. Tu ne t’en rendras même pas compte, à peine je serai parti que tu me verras devant la porte à nouveau.


Silence. Je ne dis rien. Je n’y pense même pas, trop concentrée à me retenir de poser ma main sur la sienne qui monte et redescend doucement sur ma cuisse.


-           Ça me rassurerait vraiment de te savoir en sécurité là-bas, continue-t-il, me croyant surement hésitante. Du moins, pour un début, le temps que les choses se calment en ville. Je ne peux pas partir et vous laisser Imani et toi sans aucune défense.

-          Ne va pas te servir de ce qui est arrivé au Westgate comme excuse. Tu penses que je suis la seule femme qui va devoir vivre avec la peur qui plane dans la ville ? Ce n’est pas parce que des idiots de terroristes s’amusent à prendre des gens en otage au centre commercial que la terre va s’arrêter de tourner.

-          Je pense à ta sécurité Belinda.


Je sens de l’agacement dans sa voix.


-          C’est tout vous ça. Les hommes toujours à penser que les femmes ont besoin d’être protégé par vous. Je ne te savais pas si macho.

-          Ce n’est pas ça….

-          Engage un garde du corps si tu veux, mais je ne vais pas vivre là-bas.


Il me regarde dans un silence lourd, ma proposition a fait mouche. Je ne sais pas comment ça m’est venu à l’esprit, mais c’est venu au bon moment.


-          Je ne vois pas pourquoi j’irai dépenser de l’argent alors que tu peux avoir tout ça en allant vivre avec mes parents.


J’éclate de rire. Je ne l’ai pas vu venir celle-là.


-          Tu rigoles ? Demandé-je en reprenant mon souffle.

-          Votre sécurité n’est pas un sujet drôle.

-          Tu en fais trop…

-          J’en fais trop si je veux.


Je le sens à bout de patiente. Je crois que j’ai un peu surestimé son flegme.


-          La discussion est close Belinda, on ne va pas rester dessus toute la nuit. Tu iras chez mes parents point final. Et si tu veux jouer les femmes fortes, c’est à ta guise, mais en ce qui concerne Imani, il n’y a pas de réflexion à faire.

-          Elle n’ira nulle part. Dis-je sèchement.

-          C’est ma fille et je décide ce qu’il y a de mieux pour elle.


Il se lève d’un geste brusque. Sa voix est sans appel, et j’en ai froid dans le dos. Mon cœur bat à tout rompre, mon stress est à son comble et comme s’il ne manquait plus que ça, je sens mes yeux s’humidifier.


-          Qu’est-ce qui t’arrive Uhu, pourquoi tu fais ça ?


Ma voix est coupée par un sanglot que je retiens à grande peine. Il me tourne le dos.


-          Je ne pense qu’à votre bien à toutes le deux. Et puis six mois ce n’est pas si long que ça, je serai vite de retour.


Il se veut rassurant mais ne fait qu’enfoncer le clou. Je ramène mes genoux sur ma poitrine et pose ma tête dessus. Les larmes coulent de mes yeux en silence. On pourrait penser que j’en fais trop, mais comment réussirais-je à vivre plusieurs jours d’affilés, sous le même toit qu’un homme qui s’est fait passer pour mon mari pour coucher avec moi ? Je ne peux pas, c’est plus fort que moi. Tout comme je ne peux pas non plus en parler, Uhu ne me croira jamais. Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau, c’est vrai, mais en les connaissant on arrive facilement à les distinguer. Le problème n’est pas là.


Bien que je savais qu’il avait un frère, Uhu n’avait jamais mentionné qu’ils étaient jumeaux, qui plus est identiques. De toute façon  c’est le passé, je n’en ai pas parlé à l’époque ça va ressembler à quoi sept ans plus tard ? Une jeune mariée qui confond son époux et va ouvrir les jambes à son frère. Je vois ça d’ici, ce sera moi la fautive. On va m’accuser de tous les maux, et ce salopard va s’en tirer avec juste quelques mots sévères. Non, je ne peux pas faire que ça se sache, sinon je ne donne pas cher de mon mariage.


-          Wapenzi, s’il te plait arrête de pleurer. Les voisins pourraient croire que je te maltraite.


Et il se veut drôle en plus. Je le sens s’assoir prêt de moi avant qu’il ne m’attire dans ses bras. Le fait de savoir qu’il se méprend sur la vrai raison de mes larmes, me rend encore plus inconsolable. Je pleure sur ma vie, mon mariage, ma bêtise, mon erreur, et malgré tout ça, j’ai encore envie de pleurer.


*

**


J’ouvre les yeux, il fait jour et je suis dans notre lit. La maison est silencieuse. Tant mieux pour mon mal de tête. Je me lève, avale un cachet, prends une douche rapide puis descends dans la cuisine où Raïla s’active déjà.


-          Bonjour Raïla, pourquoi je n’entends personne ? Où sont-ils allés

-          Oh bonjour madame, ils sont partis au zoo.


Je marque un temps d’arrêt. La surprise. Avec notre prise de tête d’hier il n’a surement pas eu le temps de m’en parler. A moins que ce n’était pas prévu du tout.


-          Monsieur Jomo frère était là ce matin et il a mentionné le fait qu’il n’était pas allé au Zoo depuis qu’il était enfant, alors Imani a dit qu’elle voulait y aller….


Elle me tourne le dos et continue tranquillement de couper les légumes qui sont étalés sur la paillasse. Elle ne se doute pas un seul instant qu’elle vient de me couper tout envie de savoir quoi que ce soit. Je change de sujet sans tarder, plus intéressée d’un coup.


-          Tu prépares quoi?


Elle me répo

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