Chapitre 3: suite

Write by RIIMDAMOUR

Partie 5 :

 

L’heure était grave, indubitablement.

Si vous n’avez toujours pas compris la gravité de la situation, laissez-moi vous expliquer un peu.

Mes parents se sont rencontrés à l’université lorsque mon père avait 23ans et ma mère tout juste 20ans. Mon père venait d’obtenir sa licence en  agro- alimentaire et ma mère venait tout juste de valider sa seconde année en médecine. Je ne sais plus comment ils se sont rencontrés mais ils se marièrent deux années plus tard, ce qui suscita beaucoup les polémiques, leur mariage était considéré comme un crime aux yeux de la société sénégalaise.

Je crois que le principal problème de leur union était leur différence de classe sociale.

Ma mère était issue d’une famille bourgeoise et mon père était le fils d’un modeste professeur d’université.

A ce que j’ai compris, mon grand-père ne fut pas très content lorsque mon père envoya ses oncles demandé la main de maman.

Il le traita de « crève la faim » et dit qu’il ne méritait pas ma mère. Il le renvoya comme un chien et ce fut parti pour un an de problèmes. Même après que les affaires de mon père devinrent fleurissantes, mon grand-père ne l’acceptait toujours pas. Ce fut sa mort qui les délivra de son courroux. Mais après cela maman perdit le contact avec son unique frère  Tonton Beckaye qui lui en voulait pour les mêmes raisons que leur père.

En gros voilà tout ce que je savais de l’histoire de mes parents.  Ils n’avaient pas toujours du temps à me consacrer à cause de leurs travails respectifs. Ma mère continuait à travailler en tant que chirurgien obstétricien malgré que mon père était devenu aisé financièrement. A dire vrai on elle n’était jamais là. Elle était réputée dans tout le pays et devait  voyager un peu partout dans la sous-région pour ses opérations. Il m’arrivait de rester deux ou trois jours sans la voir et quand elle revenait, elle était si fatiguée qu’elle s’enfermait direct dans sa chambre pour se reposer. On ne passait que quelques heures ensemble par semaine, et pendant celles-ci elle essayait de nous partager son temps entre papa et moi. Oui j’ai bien dit PARTAGER.

Comment vous expliquer ? La relation entre mes parents était quelque peu particulière. Quand on était tous ensemble il y avait une sorte de courant entre eux. Une sorte d’aimant qui les attirait l’un vers l’autre. Il m’arrivait très souvent de prétexter avoir des exercices à faire pour les laisser seuls. Les regards qu’ils pensaient échanger discrètement, les mots qu’ils se murmuraient à l’oreille, leurs mains tout le temps liés ensemble, rien ne m’échappait, et ça me rendait mal à l’aise. Leur amour était détectable de très loin. Ils m’aimaient aussi hein, très forts, je le savais, mais leur amour à eux c’était autre chose.

Papa considérait maman comme un objet fragile. Il la couvait le plus clair de son temps et lorsqu’elle était en déplacement, ils se parlaient à longueur de journée au téléphone.

Il arrivait que papa aussi voyage pour son travail, je restais donc seule à la maison avec Diouma, c’était ma nounou en quelque sorte. La solitude m pesait et je regrettais souvent  de ne pas avoir de frère et sœurs, mais mes parents faisaient en sorte de combler leur absence en me faisant plein de petits cadeaux à chaque fois qu’ils rentraient de voyage, ils m’appelaient aussi dès qu’ils étaient libre pour me parler pendant des heures.

Maman m’appelait dès fois pendant plus de deux heures de temps pour me raconter des histoires qu’elle avait entendu, me demandait ce que j’ai fait de ma journée, me racontant la sienne, me décrivant les villes et villages où elle passait. Je l’aimais énormément et j’essayais de ne pas lui en vouloir, je savais que son travail était important, elle sauvait des vies.

Papa lui, était investisseur dans le domaine de l’agro-alimentaire, ce qu’il aimait lui, c’était la terre, les plantes, les arbres, les animaux. Il possédait des centaines d’hectares de terre ou il employait des paysans et des fermiers pour gérer ses exploitations de fruits et légumes, des fermes…

On avait chez nous un énorme jardin avec toutes sortes d’arbres fruitiers, de potagers, qu’il laissait en mon soin (et celui du jardinier, Paul), pour m’occuper disait-il. J’ai toujours été plus proche de  lui que de ma mère, il m’a transmis son amour pour la terre et les animaux, sans doute dû à notre ascendance peulh. Il m’emmenait quelques fois voir ses exploitations, on passait des moments inoubliables. Une étincelle illuminait ses yeux à chaque fois qu’il me parlait de son travail, ou des nouveaux chevaux qu’il avait achetés…

Safiètou aussi a joué un rôle important dans mon éducation, elle était comme une seconde mère pour moi, enfin …avant qu’elle ne devienne ce qu’elle est aujourd’hui. Elle n’a jamais été mariée malgré sa grande beauté et n’a jamais eu d’enfant. Elle passait me voir dès qu’elle avait l’occasion et jouait le rôle de la tata gâteuse qui satisfaisait mes moindres caprices.

Elle faisait tellement partie de la famille que quelques temps après le décès de maman, les oncles de mon père n’ont pensé qu’à elle pour combler le manque laissait par ma chère mère. Au début mon père avait fermement résisté en leur disant que personne ne pouvait remplacer maman, mais ils ont su le convaincre que j’avais besoin d’une présence féminine autour de moi, et comme je n’y voyais pas d’inconvénient papa a fini par capituler au bout d’un certain temps. C’est après qu’elle devint ce qu’elle est maintenant…

Peut-être que j’aurais dû avoir la puce à l’oreille lorsque qu’elle m’envoyât dans un internat,  pour que je fréquente des jeunes de mon âge disait-elle. Elle avait aussi ôté tous les portraits ou apparaissait maman, avait changé la décoration du salon, sous prétexte que ça ne nous aiderait sans doute pas à l’oublier. Elle passait aussi le plus clair de son temps collé à mon père à le chouchouter comme un bébé, ce qui énervait toujours ce dernier. Quand j’y repense maintenant plein de choses qui auraient dû me faire douter de sa sincérité me passent par la tête, mais à l’époque je n’étais qu’une innocente jeune fille qui croyait que les méchants n’existaient que dans les films et les contes de fées.

   

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