Chapitre 31
Write by WumiRa
Impatient et las de tourner en rond, Malik alla frapper à la porte de la salle de bain, dans laquelle s'était enfermée Maya quelques minutes plus tôt.
- Tu es sûre que ça va ? s'enquit-il.
Il ne pouvait pas s'empêcher d'être inquiet, parce que si elle était vraiment enceinte...
- Ça fait plus de cinq minutes que tu es à l'intérieur. Je veux savoir ce qu'il en est.
La porte s'ouvrit en grand et elle apparût, le test de grossesse à la main. Il put également constater que son maquillage avait coulé par endroit et que sa robe était tachée ; elle avait pleuré.
- Alors ? la pressa t-il.
- Quoi ?
- On va avoir un enfant ou...
- On ne va rien avoir.
Il ne la crut pas et tendit la main.
- Fais moi voir ça.
Elle lui tendit le test et il vit en effet qu'il s'était réjoui un peu trop vite. Cette idée d'avoir un enfant s'était tellement ancrée dans sa tête que pendant ces quelques minutes, il s'était projeté dans l'avenir et...
- Ce truc est-il fiable ? demanda t-il.
- À quatre-vingt-dix pour cent, j'en suis sûre.
- Il faudrait qu'on voit un médecin.
- Je ne suis pas enceinte, Malik. Il n'y a pas de bébé et il n'y en aura jamais. Mais si tu veux la preuve que je me suis trompée, allons voir le médecin de ton choix.
Sans un mot, il se détourna d'elle, le test toujours dans sa main.
- Vu comment tu as l'air déçu, tu t'attendais vraiment à ce que je te l'abandonne ensuite ? Quel genre de personne es-tu ? Tu n'es pas content que tout puisse se terminer sans encombres ?
- Un enfant n'aurait pas été une encombre.
- Comment l'aurais-tu élevé ?
Il se retourna.
- Quoi, tu lui aurais peut-être raconté qu'il est né parce que sa mère a accepté une sorte de pacte odieux ?
- Je lui aurait dit la vérité, je ne sais pas mentir. Et d'ailleurs pourquoi pleures-tu si c'est ce que tu voulais ?
- Si je pleure, c'est de soulagement, rétorqua t-elle. Je ne sais pas ce que j'aurais fait s'il s'était avéré que j'attends un enfant de toi. Je remercie tellement Dieu de n'avoir pas pris mes péchés en considération.
Sans doute agacé par ces propos, Malik sortit de la pièce, après avoir jeté le test de grossesse par terre. Il referma si brutalement la porte, que même les murs en tremblèrent.
- Merci mon Dieu, murmura Maya, en s'asseyant aux pieds du lit. Merci...
À leur sortie du restaurant, elle avait fait un calcul rapide et comme par malheur, elle avait un retard de deux semaines environ. Ensuite il y'avait le stress, mais ça c'était - bien entendu - dû à toute la pagaille qui régnait entre eux deux depuis le début. Pour ce qui était du retard de ses règles, elle se souvenait que c'était précisément pour cela que son médecin lui avait conseillé de prendre la pilule, pour pouvoir les régulariser. Ce qu'elle avait toujours fait, donc impossible qu'un Sylla junior soit en route. En tout ce n'était même pas envisageable. Pas avec lui, même si à présent, elle en bavait complètement pour lui.
LE LENDEMAIN.
Chez Lincoln-Prod.
- Vous ne pouvez pas vous absenter de la sorte, sans prévenir à l'avance, mademoiselle Fall. Ce lieu n'est pas un marché.
- Désolée monsieur, mais j'ai appelé pour...
- Vous auriez dû prévenir à l'avance, je vous dis, répéta Osé Lincoln. Je sais qui vous êtes et j'ai compris que vous tenez à garder votre place ici. Mais pour ça il faudra travailler dur et ne pas s'octroyer des jours de congés sans motifs valables, est-ce compris ?
- Oui, monsieur.
- Vous pouvez retourner dans votre bureau.
Maya ne se fit pas prier et sortit du bureau de son employeur, non sans les nerfs à vifs. Elle s'était tellement retenue et avait retenue son envie de craquer devant son mari, qu'à présent, elle avait l'impression d'avoir complètement touché le fond.
Ce matin il lui était apparût encore plus distant que les autres fois, comme s'il lui reprochait le fait de n'être pas tombée enceinte. Il n'avait même plus refait allusion à l'aveu qu'elle lui avait fait et elle non plus n'avait plus rien dit à propos. Cela passera, ne cessait-elle de penser. Ce n'était dû qu'à leur cohabitation, à ce qui s'était produit entre eux, à deux reprises ; oui finalement c'était plus raisonnable qu'elle se convainc que tout ça n'était que le fruit de son imagination.
Dans l'un des couloirs qui menaient aux toilettes, elle croisa le même type qu'elle avait heurté quelques jours plus tôt à une fête et dont Malik l'avait sévèrement mis en garde. Il la reconnut tout de suite, parce qu'en la voyant, il mit fin à l'appel qu'il était en train de recevoir.
- Maya ? C'est bizarre, on m'a dit que tu étais malade.
Il avait demandé d'après elle ? Pourquoi ?
- Tu te souviens au moins de moi ? demanda t-il, le regard insistant.
- Non, mentit-elle. Je ne vois pas qui vous êtes.
- Je suis...
- Désolée, je n'ai pas de temps à perdre.
Elle le dépassa tranquillement, lui laissant une expression de surprise sur le visage. Comme si elle avait vraiment à s'en soucier !
Dès que la porte des toilettes se fût refermée derrière elle, elle s'adossa à la porte et d'eux même, les larmes se mirent à couler sur ses joues.
C'est vrai qu'il ne faut jamais attendre quoi que ce soit des autres, au risque d'être déçu et de souffrir. Elle avait inconsciemment désiré dès le début qu'il - Malik - soit quelqu'un d'autre que celui qu'il était et à présent elle se rendait compte de sa stupidité.
Et ce n'était pas seulement le fait qu'il ne l'aime pas en retour qui la révoltait, mais il y avait aussi cette façon blessante qu'il avait de lui faire comprendre qu'elle ne lui servait absolument à rien, qu'il avait voulu l'épouser par pure fierté. À bien y réfléchir, il savait depuis le début que ceci arriverait. Qu'elle finirait par attendre beaucoup plus venant de lui. Et maintenant que c'était arrivé, il lui demandait encore un mois de plus ! Une trentaine de jours, durant lesquelles elle allait encore devoir vivre sous le même toit que lui, alors que le plus raisonnable aurait été qu'elle s'éloigne et aille le plus loin possible.
***
Pendant ce temps, dans une clinique de la place.
- Vous pouvez la voir, mais j'ignore si elle sera d'accord. En fait, sœur Léa a quasiment perdu la vue et depuis qu'elle est dans cet hôpital, elle ne veut voir personne.
Malik hocha la tête, compréhensif.
- Qu'est-ce qui lui est arrivé ? demanda t-il, à la jeune sœur, qu'il avait croisée à l'entrée de l'orphelinat, une heure plus tôt.
C'était elle qui lui avait confirmé que la sœur principale était maintenant à l'hôpital. D'ailleurs, c'était tout à fait normal ; il aurait dû y penser. Mais vu les soucis des derniers jours...
- Seule sœur Léa pourra vous dire ce qui s'est passé. Son état empire de jour en jour, mais apparemment c'est psychologique. Et pour ce qui est de ses yeux... Je n'en sais pas plus.
- Je vois ça.
- Vous êtes de sa famille ? Oh désolée, je m'appelle Marie, je suis l'une des nouvelles.
- Enchanté sœur Marie.
Elle eut un sourire timide.
- Vous êtes...
- Puis-je voir la sœur à présent ?
- Si, bien sûr. Le docteur ne dira rien, mais ne soyez pas surpris si elle ne nous reçoit pas de la manière la plus chaleureuse qui soit.
L'instant d'après, ils longèrent un grand couloir, pour finir par s'arrêter devant une porte. Dans la salle d'attente, Malik avait remarqué que la moitié de ceux qui attendaient étaient des femmes, la plupart tenant dans leurs bras, un enfant. En scrutant l'expression sur chacun de ces visages, il se demanda pourquoi Maya trouvait-elle le fait d'être enceinte, comme étant une fatalité. Il ne comprenait pas ce qui la bloquait et cela le perturbait tellement, qu'il ne pouvait plus s'empêcher d'y penser à chaque minute qui passait. Surtout depuis la veille, où il avait cru son vœu réalisé.
- C'est ici, dit la sœur Marie, en se tournant vers lui. Vous voulez toujours entrer la voir ?
Il sourit, compatissant à ce que devait vivre la jeune femme. Sœur Léa était déjà tout sauf un ange, lorsqu'il était petit.
Il tourna la poignée de la porte.
- Je vous promets de ressortir en vitesse, s'il y'a le moindre problème, la rassura t-il. Et je ne serai pas long, soyez tranquille.
Dès que la porte s'ouvrit, il entra et la referma derrière elle.
- Écoutez docteur, je vous ai déjà dit que je me rétablirai une fois rentrée chez moi. La nourriture qu'on me donne ici empeste les médicaments.
Malik s'approcha de la vieille femme à moitié couchée, qui se plaignait en langue vernaculaire, des traitements de l'hôpital qu'elle ne trouvait plus à son goût.
- Je suis vielle, mais pas folle et je ne veux pas mourir dans un hôpital.
Elle ne l'avait toujours pas reconnu et il fallut qu'il aille se placer devant elle.
- Vous n'êtes pas le docteur, observa t-elle. Qui vous a laissé entrer pertuber le sommeil d'une pauvre vielle ?
- Bonjour sœur Léa.
Elle le regarda plus attentivement, pendant quelques secondes.
- Zayn ? demanda t-elle, ensuite. C'est toi ?
- En chair et en os.
Il fallait croire qu'elle l'avait reconnu au son de sa voix, ce qui était des plus étranges.
- Alors cette femme a vraiment tenue sa promesse.
Bien entendu, la femme en question n'était personne d'autre qu'Inaya.
- Je me demande comment tu as fait pour la convaincre.
- Pour une octogénaire, j'ai plus d'un tour dans mon sac. Elle me devait bien ça, après ce qu'elle a fait à l'adolescent que tu étais.
Malik se raidit.
- Tu comptes rester prostré là, au lieu de venir me faire la bise ? Si j'ai demandé à te voir c'est bien parce que je sais que je n'en ai plus pour longtemps. Allez, approche et cesse de faire comme si je pouvais encore t'intimider.
Oh que si, songea t-il. Il éprouvait encore une certaine crainte à son égard, malgré son âge. Encore qu'elle était l'une des rares personnes à savoir qu'il avait changée son identité.
Il s'approcha d'elle et l'embrassa sur ses deux joues, à présent creuses.
- Assieds-toi.
Il prit une chaise et l'approcha du lit, avant de s'y asseoir.
- Cela se voit que tu ne t'es pas enfui pour rien. Tu as visiblement réussi.
Était-ce de la réprobation dans sa voix ?
- Tu as toujours eu beaucoup de chance.
- Je ne dois pas qui je suis devenu à la chance. J'ai travaillé, j'ai fait ce que tu m'as appris : arracher à la vie ce qui nous est dû...
- Es-tu satisfait ?
Elle sortit un mouchoir et s'en recouvrit le nez et la bouche, pour tousser.
- Tu n'as pas l'air d'un homme heureux, mon Zayn. Tu es grand, beau et fort, mais j'ai l'impression qu'il te reste encore tout un parcours à faire.
- C'est possible.
- Hum.
- La femme que tu as envoyée vers moi, m'a assuré que tu étais entre la vie et la mort, mais à ce que je vois, tu te portes à merveille.
Un large sourire éclaira le visage de sœur Léa.
- J'étais convaincue que tu ne viendrais qu'en me sachant au plus mal.
Il secoua la tête. C'était bizarre comme elle avait changé. Il ne restait presque plus rien de la sœur autoritaire que lui et les autres enfants de l'orphelinat avaient connue ; on aurait dit que le temps l'avait adoucie.
- Je n'aurais certainement pas dû lui révéler qui tu es devenu, mais cette femme voulait à tout prix réparer le tort qu'elle avait causé. Elle est venu me voir et j'ai fait ce qu'il fallait.
- Je serai venu à toi, si tu m'avais simplement appelé. J'aurais...
- La dernière fois que je t'ai vu, c'était il y'a cinq ans et tu m'as clairement fait comprendre que le petit garçon des Sylla était mort. As-tu oublié ?
Elle toussa à nouveau.
- J'aurais dû te demander à ce moment ce qui lui est arrivé, mais j'ai compris qu'il te fallait du temps et je me suis tue. Seulement comme tu peux le voir à présent, le temps est un luxe que je ne peux plus m'offrir, bientôt j'en serai probablement à marcher avec une canne et ça c'est si je survis à une nouvelle crise ! Je ne suis pas ta mère, Zayn. Aucune ne pourra remplacer cette femme dans ta vie, mais je peux me permettre de faire ce qu'elle aurait fait si elle était toujours en vie... Je veux que tu renonces à ce que tu as prévu de faire à Henri Fall.