Chapitre 31

Write by Auby88

Aurore AMOUSSOU​


5,4,3,2,1. Tous, y compris moi, entonnons en choeur Joyeux anniversaire. Arabella est assise sur mes jambes. A deux, — c'est plus moi qu'elle — nous soufflons sur la bougie qui s'éteint d'un coup.

Puis elle et sa mémé gardent le couteau et tranchent le gâteau en forme de poupée.

L'instant est immortalisé au moyen d'une caméra et d'un appareil photo. D'ailleurs, j'immortalise à chaque fois tous ces précieux moments : la première fois où elle a marché, son premier mot, son premier sourire, la première fois où elle m'a appelée maman puis quand elle a dit papa et aussi mémé…


Pour son anniversaire, Arabella porte une belle robe de princesse rose que j'ai moi même dessinée pour elle. Suzanne a fait le patron et cousu la robe tandis que Laura s'est chargée de la décorer avec de magnifiques petites fleurs en cristal. Ses cheveux crépus relevés en chignon sont ornés d'un diadème de princesse.


La musique retentit dans la pièce. Je balance ma fille du mieux que je peux. Elle rit. J'en fais autant. Pour l'occasion, j'ai invité mes voisins de palier, quelques collègues de l'Ecole de mode ainsi que leurs enfants.

On mange, on danse, on boit en l'honneur d'Arabella et on prend beaucoup de photos, les unes plus hilarantes que les autres.


Plus tard dans la soirée quand tout le monde est parti, je demande à maman de m'aider à prendre une photo spéciale. Je garde Arabella sur mes genoux. Derrière nous se trouve une photo de Femi.

A ma fille, j'indique la photo.

- Pa-pa ! prononce-t-elle.

- Oui, c'est bien cela. Nous allons prendre une photo de famille avec toi, lui et moi.

- Ma-man.

- Oui, ma princesse. Pa-pa et ma-man. Puis m'adressant à ma mère, j'ajoute :

- C'est bon Maman. Nous sommes prêtes. Veille à ce que Femi sorte bien dans la photo.

Elle hoche juste de la tête. Puis Flash…


- Merci maman !

- Je t'en prie, Aurore. Mais ce serait tellement plus simple si tu lui parlais de sa fille !

- Maman !

- Tu passes ton temps à parler de lui à la petite, alors qu'il n'est même pas au courant de son existence ? A quoi cela te sert finalement de te gêner autant ? Arabella grandira en rêvant d'un père qu'elle risque de ne jamais voir. Elle finira par être désillusionnée. Penses-y bien ! Je vous laisse.

Les paroles de maman ne me laissent pas indifférente. Le doute s'installe dans mon esprit.

Je dépose Arabella sur le lit et m'empare de mon téléphone. Je masque mon numéro et tente de joindre Femi. Je me rappelle qu'il avait bloqué mon numéro. Ça risque donc de ne pas fonctionner. J'essaie quand même. Je dois tenter ma chance. J'entends sonner. C'est bien. Quelqu'un finit par décrocher. Enfin.

- Allô !

C'est une voix de femme, une voix de jeune femme. Je raccroche aussitôt.

Je n'ai plus le courage de continuer, ni de parler. Ce doit sûrement être sa nouvelle petite amie et ce doit être bien sérieux entre eux pour qu'il la laisse décrocher ses appels à sa place et à une pareille heure. Elle doit sûrement se trouver chez lui.

Pourquoi me sens-je si mal ? J'étais pourtant consciente qu'il ne serait pas resté longtemps seul. A présent, je ne pense plus le joindre à nouveau. Il a désormais sa vie et j'ai la mienne.


Quoi qu'il en soit, mes sentiments pour lui, que je m'efforce de réprimer, viennent de refaire surface. Je suis tellement jalouse de cette femme !


Tout doucement, je quitte mon fauteuil et me hisse dans mon lit, près de ma fille qui s'est déjà endormie. Je serre tout contre moi tout ce qui me reste à présent de Femi, l'homme que j'aime : Arabella.



************

Femi AKONDE


Je jette un coup d'oeil à l'horloge accrochée au mur. Elle indique 21h. J'en ai encore pour 1 heure environ avant de rentrer chez moi. Il me faut obligatoirement en finir avec certains dossiers cette nuit. Car demain, je pars en mission dans la sous-région : cette fois-ci au Burkina-Faso pour 3 jours. Je serai accompagnée par Paula, la secrétaire du DG qui est actuellement en Suisse. 

Paula doit être encore à son poste. J'étais avec elle tout à l'heure pour peaufiner les derniers détails concernant notre voyage. Paula est l'accompagnatrice parfaite pour mes voyages d'affaires. Elle prévoit toujours tout à l'avance et est très organisée. J'adore à chaque fois voyager avec elle.


Je prends une pause bien méritée de 5 minutes. Je m'étire longuement puis je vais me mettre contre ma fenêtre, celle qui donne sur la rue. J'aperçois la voiture Advensis que j'ai récemment substituée à ma vieille moto. Au moins avec cette bagnole, je suis à l'abri de la pluie et des visites devenues trop fréquentes chez le mécano ou le vulcanisateur. (Sourire)


Quelqu'un cogne contre ma porte. Ce doit être Paula.

- Entre, Paula.

- Je vois que tu es encore là, Femi.

- Oui et j'en ai encore pour une heure.

- Moi, je viens de finir. Tu veux que je t'aide ?

- Surtout pas. Je ne veux pas, une fois de plus, abuser de ta gentillesse. Et puis ton petit-ami doit sûrement t'attendre. On se verra demain matin puisqu'on prend le départ d'ici pour l'aéroport !

- D'accord. Je n'insiste pas. Ne reste pas trop tard.

- Non. Mais de toute façon, grâce à ton aide, je vis dans un joli appartement pas loin d'ici.

- Oui, mais il faudra que tu dormes tôt pour te réveiller tôt demain et ne pas manquer le vol !

- Ne t'inquiète pas pour moi ! Je serai à l'heure ! Promis !

- A demain donc !

- A demain, Paula.

Elle fait quelques pas en avant, puis revient vers moi.

- J'oubliais ceci.

De la poche arrière de sa jupe, elle sort un objet qu'elle me tend :

- Mon téléphone ! Je l'avais complétement oublié.

Je le prends de ses mains.

- En effet, tu l'as laissé sur ma table tout​ à l'heure. Au fait, quelqu'un t'a appelé avec un numéro inconnu.

- Un numéro inconnu, tu dis ?

- Oui, je n'ai vu aucun chiffre affiché.

 

Je consulte mon journal d'appels. Elle a bien raison.

- C'est bizarre, je me demande qui cela peut bien être.

- En tout cas, j'ai à peine eu le temps de dire Allô que la personne a coupé l'appel.

- Etrange !

- J'espère que tu n'es pas contrarié. Je sais que je n'aurais pas dû décrocher ton appel, mais si je l'ai fait c'était parce que ça a longtemps sonné et que tu n'étais pas à côté.

J'adore sa franchise.

- Bien sûr que non, Paula. Je n'ai rien à cacher. Et surtout, je ne suis pas en couple. Je n'ai donc aucune petite-amie susceptible d'être jalouse parce qu'elle aurait entendu ta voix.

- Là, je suis rassurée. Je te laisse travailler. A demain, Femi.

- A demain Paula.

Elle sort et je reste pensif. Qui cela peut bien être ? Je cogite quelques secondes sans réponse valable, puis je me remets au boulot.



**********"************************

Deux ans plus tard.


Femi AKONDE


- Bonjour Monsieur le DAF.

- Bonjour Carole ! lui réponds-je en souriant. Ai-je des documents à signer pour aujourd'hui ?

- Oui, monsieur.

- Apporte les-moi dans dix minutes.

- D'accord, monsieur.


Une fois encore, je regarde l'enseigne sur la porte " Monsieur Oluwafemi AKONDE, Directeur Administratif et Financier", souris puis rentre à l'intérieur de mon bureau.

J'accroche ma veste sur le porte-manteau, aère un peu la pièce puis mets le climatiseur en marche.

Eh oui, à présent je suis le DAF de Müller Building Services. L'ancien DAF ayant été engagé pour un poste international, j'ai été promu à sa place. Et je le méritais bien, de par mes compétences professionnelles et mon diplôme adéquat.

En effet, parallèlement à mon précédent poste de comptable, je suivais des cours du soir de master en contrôle de gestion et audit organisationnel, tous frais payés par l'entreprise, dans une grande université privée de la place.

 

Mon nouvel emploi, je l'aime bien même s'il me donne plus de responsabilités. D'ailleurs je reviens comme ça d'une mission en Suisse et tout à l'heure, j'irai représenter le DG au sein de la nouvelle banque dans laquelle nous souhaitons désormais investir nos avoirs.

Je dois quand​ même reconnaître que, grâce à cette nouvelle position, je bénéficie de beaucoup d'avantages comme cette belle Range Rover qui reste ma bagnole de fonction — mais que je peux également utiliser à ma guise — ainsi que la belle résidence que j'occupe à Fidjrossè.

En tout cas, tout ce confort ne me fait pas oublier mes origines, ni mon côté humble et charitable. Je viens financièrement en aide au Centre de Rééducation même si je n'y suis plus bénévole, par manque de temps.

Je continue également d'aider ma famille. Mes relations avec ma mère sont au beau fixe; Aurore, notre pomme de discorde n'étant plus là.


Quelqu'un sonne à mon bureau. Ce doit être ma secrétaire. Je lui ouvre depuis mon fauteuil.

- Monsieur, je vous apporte les documents.

- Bien, merci.

- Vous désirez autre chose ?

- Non, Carole, tu peux disposer. Je m'absenterai tout à l'heure pour mon rendez-vous à la banque.

- Bien, monsieur.


* *

 *

Je viens d'arriver à la banque. Je sors de mon véhicule et ajuste ma veste.

- Daniel, à tout à l'heure, dis-je au chauffeur avant de pénétrer les locaux de la banque.



La standardiste m'accueille avec grand enthousiasme. Je réponds à son sourire.

- Bonjour madame, j'ai rendez-vous avec votre DG. Je viens de la Müller Building Services.

- Vous êtes monsieur Oluwafemi AKONDE, le DAF de la société ?

- Oui, c'est bien cela.

- Veuillez me suivre, le DG vous attend.

Nous prenons l'ascenseur pour nous rendre au troisième étage. Trois hommes sont avec le DG, dont un que j'ai l'impression d'avoir déjà vu quelque part. Il fuit mon regard.

- Bonjour monsieur Oluwafemi AKONDE, c'est un plaisir de vous rencontrer. Laissez-moi vous présenter mes collaborateurs. Ils sont tous informés de notre nouveau partenariat et ils se feront un véritable plaisir de vous offrir les meilleurs services chaque fois que vous viendrez ici.

- Merci, monsieur le DG.

C'est par le visage familier que le DG commence les présentations.

- Voici monsieur Steve ANIAMBOSSOU, notre conseiller en patrimoine.


Je me souviens maintenant de lui. Comment ai-je pu oublier la tête de l'ex d'Aurore, ce prétentieux qui me regardait de haut et me traitait comme "pauvre rat d'égout" ?  Je lui tends une main qu'il serre en fixant un point au-dessus de ma tête, tandis que moi je garde un sourire ironique au coin des lèvres.

- Enchanté, Monsieur Steve.

- Enchanté, répond-t-il faiblement, toujours pas à son aise.

Intérieurement, je me dis en le fixant tandis qu'il continue de fuir mon regard : "Comme quoi, la roue tourne, mon cher Steve ! Il ne faut jamais négliger plus petit que soi !". J'espère que cette fois-ci, il aura retenu la leçon. (Sourire)





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