chapitre 31

Write by leilaji

Chapitre 31

***Samantha***

A ce moment précis, je suis la seule personne dans la salle qui sait ce qui va arriver dans les toutes prochaines minutes. Et ce sentiment de contrôler la situation alors que les autres protagonistes n’en ont aucune idée, me donne une sensation de pouvoir grisante, je l’admets volontiers.
Un spot s’allume et parcourt la salle en éclairant de manière furtive des visages inconnus. J’aime bien sa robe en pagne africain. Je n’aurais pas choisi la même mais il faut avouer que cela lui va parfaitement.
Contrairement à la Fondatrice que j’ai rarement rencontrée, Elle est de nature moins discrète. On sent tout de suite que c’est une femme de terrain, à l’aise dans toutes les situations. Ca a été très difficile pour moi de terminer son mandat. Personne ne voulait de moi à la Fondation, tous espérait qu’elle allait revenir le plus tôt possible.
Puis Elle reprend la parole.

- Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée de remercier une personne très chère à mon cœur et de laquelle je suis très proche… commence t-elle avant d’être interrompue par les mouvements du spot.

Le spot tourne et tourne encore sur le public puis s’éteint de nouveau pour s’allumer une silhouette au fond de la salle.

- Denis… murmure Elle dans son microphone en distinguant la personne éclairée au bout de la salle.

Monsieur Ondimba entre complètement dans la salle, un objet en main et s’avance vers la scène sous les applaudissements nourris de l’assistance. Personne ne s’attendait à le voir participer à la soirée alors que Madame Khan n’est pas là. L’année dernière, il s’était fait représenter par elle, auprès des élèves. Tout le monde sait que pour lui, donner de l’argent c’est peu de chose, mais assister personnellement à un évènement au Gabon, est très rare de sa part. Il est très discret sur le territoire national. Mais ayant appris le combat d’Elle contre la maladie et à la demande de Madame Khan, il a tenu à la soutenir à sa manière. C’est ce qui m’a été dit.
J’ai eu accès au discours d’Elle griffonné sur un bout de papier et laissé à Mamara qui devait le taper et l’imprimer de manière à ce qu’il soit plus propre et facilement lisible. C’est pourquoi je sais que l’intention d’Elle était de remercier Adrien pour tout ce qu’il a fait pour elle et bla bla bla. La suite du discours est d’un sentimentalisme tout mièvre qui m’a donné des hauts le cœur.
Je veux ma part du gâteau. Un homme comme Adrien, prototype parfait de l’homme de mes rêves, je ne peux le laisser m’échapper aussi facilement. Qu’il soit amoureux ou pas de cette femme n’entre pas en compte. C’est un homme après tout, fait de chair et de sang, et nous les femmes savons à quel point la chair de l’homme est faible. Tellement faible devant notre corps, notre désir, la tentation que nous représentons. Je ne suis pas une mauvaise femme en tant que tel. C’est juste que j’ai toujours su attraper les occasions quand elles se présentaient à moi, c’est pourquoi j’en suis là où j’en suis à présent. Ne pas avoir froid aux yeux est ma devise. Il faut savoir se battre pour obtenir ce qu’on veut dans la vie. J’estime que tant qu’Adrien n’a pas d’alliance au doigt, c’est un célibataire comme tout autre. Je n’insisterai pas autant s’il ne me plaisait pas tant. Je dansais tranquillement au bar de cette boite de nuit quand il a fait son entrée. J’ai tout de suite aimé sa manière d’être simple et discret. Ses yeux ne furetaient pas sur tous les petits derrières des serveuses et j’ai beaucoup apprécié ce fait. Puis quand je me suis assise à sa table et que j’ai pu entendre sa belle voix grave qui contrastait avec son regard doux, ça a été le déclic dans ma tête. Je me suis dis, je veux cet homme.

Que les gens le comprenne ou pas, je m’en fiche, je veux cet homme.
Je n’ai donc pas donné l’occasion à Elle de le remercier. Parce que dès la première fois que je les ai vu ensemble, elle si apprêtée et sophistiquée et lui avec son tee-shirt, j’ai su sur quoi jouer pour tirer mon épingle du jeu. A le voir si concentré sur elle, je sens que quelque part au fond de lui, il espère qu’elle dira un mot pour lui. L’égo d’un homme qui vous aime, se nourrit de respect et de marque d’attention en public. Les hommes aiment que tout le monde sache à quel point vous leur êtes attachée.  Et Adrien ne fait surement pas exception à la règle.
Le moment où Monsieur Ondimba, principal donateur de la Fondation mis à part Madame Khan, devait remettre à Oyane un prix surprise au nom de tout son entourage professionnel, je l’ai malicieusement avancé pour qu’il colle avec le discours. De sorte que là, on dirait que l’idée d’Elle était de remercier Ondimba. Et lui qui ne se doute de rien avance tranquillement, tout sourire. Les choses se sont tellement bien enchainées que c’est comme si même le ciel voulait qu’elles se passent ainsi.
Quel mignon petit couple ils forment tous deux. Et je ne sais pas pourquoi, il me semble qu’il y a eu quelque chose entre ces deux là. J’ai du flair pour décrypter les hommes. Et je sens que celui-là a déjà couché avec Oyane. Elle est toute raide et embarrassée devant lui. Hum, un peu comme quand on est avec son mec et qu’on croise un ex un peu trop entreprenant. Ca tombe bien n’est-ce pas ?
Je tourne mon visage vers Adrien. Quoi de plus malléable qu’un homme jaloux ?

A le voir, on dirait qu’il est calme. Mais le muscle de sa mâchoire qui tressaute obstinément trahit sa colère. Je souris et regarde de nouveau la scène. Elle est surprise par la présence d’Ondimba. Tellement surprise qu’elle en oublie même de rectifier le tir et terminer son discours…  Une jeune hôtesse tend un micro à Monsieur Ondimba.

- Mais que se passe-t-il ? demande-t-elle en souriant.
- Au nom de Madame Khan, de tes chères élèves et de moi-même, je tiens à te féliciter pour le travail abattu à la Fondation et te remettre ce prix pour lequel, toutes les élèves ici présentes ont mis la main à la poche…
- Je ne sais pas quoi dire, je suis surprise…  dit-elle en lui souriant.
- C’était l’effet recherché.

Elle regarde l’objet sculpté dans de la pierre de Mbigou et du bois d’ébène puis regarde le public. Elle est émue. On sent que sa surprise n’est pas feinte. Monsieur Ondimba pose l’objet sur le pupitre. Il s’agit du corps d’une femme en pierre de Mbigou, drapé d’un tissu sculpté dans du bois d’ébène qui dresse le poing vers le ciel en signe de victoire. Même de là où je suis, je peux remarquer que c’est une très belle sculpture. Elle s’en approche et finalement le prend dans ses bras puis regarde Ondimba.

- Merci beaucoup… dit-elle d’une voix pleine d’émotions tandis que ses élèves se mettent à lui hurler leur soutien.

Puis peu à peu la salle se calme.

- De rien ma chérie. Tu le mérites largement et je sais ce que tu traverses. T’es une battante et tout le monde ici est très fier de toi.

Il la prend longuement dans ses bras sous les vivats de la salle puis ils descendent tous les deux de scène, Monsieur Ondimba ayant posé une main sur le bas de son dos en signe de galanterie. Le pupitre est enlevé pour faire place au dernier artiste invité. Peut-être l’effet de surprise est passé car elle scrute à présent la salle d’un regard inquiet qui fouille la pénombre qui règne sur le public très peu éclairé. A la recherche d’Adrien ? Surement. Mais celui-ci ne regarde pas vers elle, son regard est plongé dans le verre à vin vide qu’il examine depuis quelques minutes déjà. 

Il a envie de boire ? Tant mieux ! Je prends la bouteille et remplis son verre puis le mien. Il tourne enfin sa tête vers moi. Mais son esprit est ailleurs. J’avale une gorgée de vin et pose mon verre.

Encore un peu de patience Samantha.

***Adrien***

La prestation de la chanteuse de zouk est enfin terminée. Le supplice que je suis en train de vivre va prendre fin dans les toutes prochaines minutes car je compte bien rentrer avec Elle et oublier le désastre de cette soirée.

Dois-je me sentir humilié d’être relégué ainsi aux oubliettes ? Je pensais… bref, je pensais mal.
Cette impression que dès qu’il s’agit de s’exposer, elle ne veut pas de moi dans les parages me prend aux trippes et fait bourdonner mes oreilles. Et j’ai beau essayer de me raisonner, de me dire que ce n’est qu’un malentendu, ma possessivité naturelle me renvoie la soirée au visage comme une évidence. Ondimba vaudra toujours mieux que moi pour elle.

Je me lève, comme la plupart des invités de cette soirée. A présent chacun bavarde joyeusement avec son voisin en évoquant les temps chauds de la soirée. Les cartes et numéros s’échangent pendant que d’autres quittent la salle de spectacle. Je quitte à mon tour ma table pour celle d’Elle qu’Ondimba squatte à présent.

Quand je les rejoins enfin, Elle sourit aux deux ministres présents et ils parlent de la Fondation. J’attends le moment opportun pour l’interrompre. J’en ai plus que marre de cette soirée. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit centrée sur le couple que nous formions. Evidemment. Mais je ne pensais pas non plus que ce couple serait nié à ce point.

- Elle, on peut y aller ? je lui demande légèrement irrité par l’attitude d’Ondimba.
- Non, pas encore, s’excuse-t-elle avec un petit sourire contrit. Donne-moi une petite minute Adrien. Monsieur le ministre, dit-elle au ministre de la santé, je voudrais vous présenter monsieur Ondimba qui finance généreusement les bourses d’études de la Fondation…
- Oh petit frère ? Tu es là ? s’exclame le ministre.

Ils partent tous d’un rire franc et les deux hommes se saluent en se cognant les côtés du front en guise d’embrassade. L’un des assistants du ministre me pousse légèrement sur le côté pour que la ministre de la prévoyance sociale puisse à son tour saluer Denis. 

- Mais Madame Oyane, votre Fondation n’a plus besoin de notre aide avec un appui comme Monsieur Ondimba !
- Ah non madame la ministre je ne vais pas jouer à l’hôpital qui se moque de la charité ! Toute aide est primordiale…

Je ne suis clairement pas à ma place. Je recule d’un pas tandis qu’Elle happée par ses fonctions m’oublie et oublie que la main de Denis est toujours posée très bas sur son dos. Mes yeux ont le plus grand mal à quitter cette main qui n’est clairement pas à sa place. Pour ne pas faire un geste inopportun, je fourre mes mains dans les poches de mon pantalon et serre les dents.

Je lève mes yeux vers Elle.
Elle s’est arrêtée de parler pour me regarder. Et je sais que ce qu’elle lit dans mon regard, elle peut l’interpréter.

Elle doit savoir que là, j’en ai vraiment assez !
***Elle***

Je fais des sourires à ne plus pouvoir sentir mes zygomatiques. Ce boulot, c’est Leila qui s’en charge habituellement mais elle m’a demandée de la remplacer à cette soirée et j’essaie de faire de mon mieux malgré la fatigue. Au moment où je m’apprête à fausser compagnie aux officiels pour enfin rejoindre Adrien qui m’attend à quelques mètres de ma table, le ministre de la santé insiste pour me présenter une de ses nièces qui souhaiterait être intégrée au cursus de la Fondation l’année prochaine. Le genre de service qui ne se refuse pas. Je ne comprends pas pourquoi ils ne comprennent pas le concept de la Fondation : venir en aide aux femmes qui n’en ont pas les moyens. Une nièce de ministre, est-ce que ça entre en compte ? Je fais signe à Adrien que je n’en ai plus que pour quelques minutes mais je ne crois pas qu’il soit d’humeur à comprendre. 

Dans cinq petites minutes je suis à toi Adrien, accorde moi cinq minutes…

***Trente minutes plus tard***

Cette conversation s’allonge démesurément… Je me décide à accorder au ministre tout ce qu’il veut pour échapper à cette torture et c’est à ce moment précis qu’il se décide à me parler des subventions que nous pourrions recevoir de l’Etat s’il appuyait notre demande.

Je ne peux pas partir maintenant. Je jette un coup d’œil à ma table et Adrien me regarde toujours. Je lui souris tendrement et me replonge dans la conversation…

***Adrien***

Elle me prend pour son larbin, son planton ? Je suis censé  l’attendre comme un idiot toute cette foutue soirée ?

- Enervé ?

Je tourne la tête vers celui qui s’est adressé à moi… Denis. Il ne manquait plus que ça ! Il prend la statuette qu’Elle a laissée sur la table et me la tend.

- Il ne faudrait pas qu’elle oublie son précieux prix…

Sa manière de s’adresser à moi avec hauteur, comme s’il sait mieux que moi que je ne suis pas à ma place et qu’il veut me le faire sentir m’hérisse complètement mais j’arrive à lutter contre ce sentiment. Je n’ai rien à prouver aux gens qui sont dans cette salle. Je suis peut-être le bâtard d’un homme très riche mais tout ce que j’ai, je l’ai gagné à la sueur de mon front.
Peut-être ai-je besoin de me défouler sur quelqu’un. Je m’approche de lui jusqu’à ce qu’il ne reste que quelques centimètres entre nous. Il me sourit avec nonchalance. J’ai bien envie de lui fracasser la gueule mais la violence n’a jamais rien résolu et ça ne ferait que me faire passer pour le gros con de service. Déjà que je sais que les gens me juge à mon apparence, je ne voudrais pas leur donner de quoi me descendre complètement en agissant mal en public. Elle en souffrirait plus que moi.

Je me demande bien pourquoi je passe mon temps à la mettre au premier plan lorsqu’elle ne pense à le faire que lorsqu’elle a besoin de moi.

- Qu’est-ce qu’il y a le tatoué ? Ca te dérange d’attraper pour elle le prix qu’elle a gagné ? Et surtout n’oublie pas le chèque qui l’accompagne.
- Tu peux te le foutre là où je pense. 

Un sourire goguenard incurve ses lèvres et moi je m’éloigne de lui avant de perdre mon sang froid. Je vais m’assoir à ma table, c’est ce que j’ai de mieux à faire pour le moment.

- Est-ce que ça va Adrien ? me demande Samantha en posant sur moi un regard compatissant.
- Oui pourquoi ?
- Tu fais la même tête que le jour où on s’est rencontré…

Elle a raison.
Rien n’a changé.
On est toujours au même point Elle et moi ?

Je fais tourner le vin dans le verre, regarde le liquide écarlate tournoyer dans son piège puis je le pose sagement. L’alcool et moi, ça n’a jamais rien donné de bon. Je perds tout contrôle lorsque je bois.

Une main se pose sur ma cuisse puis remonte légèrement.

- Pourquoi ne passerais-tu pas la fin de soirée avec moi. Apparemment, personne ne t’attends vraiment… Adrien, dit-elle en regardant Elle bavarder avec les officiels.
- …
- Adrien ?
- …
- S’il te plait chéri, tu ne le regretteras pas. Je te le promets.
- … Non. Ca va…
- Tu es sûr ?

Ca se voit tellement que j’ai envie de dire oui ? Je regarde Elle qui continue de présenter des hommes à d’autres hommes. Denis les a rejoints et ils discutent tous comme de bons vieux amis. Je me lève de ma table et file vers les toilettes pour homme. Je vais me rafraichir un peu le visage puis si elle est toujours occupée, je rentrerai chez moi. C’est aussi simple que cela.

Tandis que je me passe de l’eau sur le visage, la porte des toilettes pour homme que je viens de rejoindre, s’ouvre et se ferme quelques secondes plus tard. Je cherche une serviette jetable pour m’essuyer le visage, l’utilise puis la jette dans la corbeille prévue à cet effet.

Au moment où un parfum éminemment féminin m’effleure les narines, je me retourne pour découvrir Sam appuyée sur la porte. Elle me fixe intensément en se mordillant la lèvre inférieure. 

- Samantha…
- Adrien…

Elle s’approche de moi à pas lents et je croise les bras sur ma poitrine. Cette fille est d’une ténacité qui force l’admiration. Si Elle pouvait me vouloir aussi fort, peut-être n’en serions nous pas là.

- Ici c’est réservé aux hommes…
- Oups ! fait-elle en posant ses mains manucurées sur ses lèvres.

Elle continue d’avancer.  Tout ce que j’arrive à me dire c’est qu’il me suffirait d’aller ouvrir la porte et de la laisser plantée là. Mais mes jambes refusent de m’obéir parce que mon cerveau lui sait déjà que je pourrais généreusement accepter ce qui m’est si gracieusement offert. Ce n’est pas comme si je n’avais jamais … fais cela. J’ai déjà trompé d’anciennes partenaires. La relation n’en est pas morte pour autant. Un bon coup de gueule et les choses ont continué comme elles étaient. Les femmes elles-mêmes justifient nos écarts de conduites. C’est un homme après tout disent-elles, ils sont tous pareils. Elle, elle-même a justifié des dizaines d’années les écarts de conduites de son mari.

Samantha pose la main sur le revers de ma veste puis lève les yeux vers moi…

- Je pourrai te faire passer de si bons moments Adrien, murmure-t- elle en faisant tomber ma veste d’un geste sur.

Je ne dis absolument rien. Je ne fais que l’observer, elle et son aplomb. Déjà sa main descend vers la boucle de ma ceinture…

***Plus tard***

***Elle***

C’est fou ce que le beau monde appelle le beau monde. Plus je cherche à fuir les invités prestigieux  conviés à notre spectacle de fin d’année et plus ils s’accrochent à moi, espérant obtenir par mon entremise, un rendez vous avec le couple Khan. Denis m’épaule et intimide comme il peut ceux qui sont trop envahissants. Mais moi tout ce dont j’ai envie c’est d’avoir Adrien à mes côtés. Je me mets de nouveau à le chercher pour lui dire de venir me chercher de manière à ce que je puisse profiter de sa présence pour m’éclipser, mais je ne le vois plus à notre table. A force d’insister, je finis par deviner sa silhouette qui sort des toilettes pour homme puis regarde vers nous.

Mais Denis me conduit vers un dernier invité que je dois parait-il absolument rencontrer. Je fais signe de la main à Adrien. Il me regarde intensément. Je voudrais le rejoindre mais Denis me retient…

- Elle c’est la représentante de la Fondation de la première dame, depuis tout à l’heure elle cherche à te parler pour discuter d’une possible collaboration entre vos deux fondations. C’est une occasion à saisir parce que demain, elle prend le vol pour New York. Parle-lui juste deux minutes le temps d’échanger vos coordonnées et tu pourras partir.

Seigneur Jésus ! Cette soirée n’en finira donc jamais ? Je fais signe à Adrien mais je pense qu’il a trop attendu. Il se retourne et s’en va. Je soupire puis au moment où je veux détourner mon regard de la porte des toilettes, je vois Samantha en sortir à son tour… Elle sort, des toilettes des hommes ? Juste après Adrien ?

Cette impression de replonger dans mes anciens démons, je la chasse en battant rapidement des cils. Ce n’est pas ce que je crois. Non, je refuse que ce soit ça. Je me calme puis suis Denis.

 ***Plus tard***

Je n’ai pas mon téléphone sur moi alors, dès que je le peux enfin, je quitte la soirée et conduis comme une folle pour me rendre chez moi. Il me faut quinze minutes pour me rendre compte qu’Adrien n’y est pas. Il a déjà passé la semaine entière chez lui. Après cette soirée, il était censé rester avec moi le week-end et la semaine qui suivrait. Mais il n’est pas là et son trolley non plus.

Mon esprit dérive, essaie de comprendre pourquoi il n’est pas avec moi. J’ai vu Samantha quitter la soirée juste après lui.

Ne tire pas de conclusions hâtives je me dis en allant chercher mon téléphone dans ma chambre. Je lance l’appel les mains tremblantes mais tombe à chaque fois sur le répondeur. Il est très rare qu’Adrien ferme son téléphone, à cause des coups de fil urgent qu’il peut recevoir à tout moment.

Je suis fatiguée. Vraiment fatiguée. Mais je sais que je ne réussirai pas à fermer les yeux ce soir si je ne suis pas dans ses bras, si je ne le vois pas. Je me change, reprends les clefs de ma voiture et me rends chez lui.

Quelques minutes de conduite dangereuse plus tard, je peux enfin cogner à sa porte. Au bout de trois coups, il m’ouvre. Il ne porte plus que la chemise qu’il avait à la soirée ainsi que le pantalon de son ensemble veste. Il n’a pas encore eu le temps de se déshabiller ?

- Pourquoi es-tu parti comme ça de la soirée ? je lui demande en entrant.

Ce n’était pas la question que je voulais poser. Non ! Mon intention première était de me fondre dans ses bras et de passer la nuit ici sans poser de question… mais je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas pu me retenir de lui lancer sur un ton accusateur sa fuite.

- C’était si important que ça que je reste admirer le beau couple que tu formais avec Denis ? hein Elle c’était si important que ça que je sois là pour voir cette personne chère à ton cœur ?
- Ne fais pas ça Adrien ce n’est pas ce que tu crois…
- Ce n’est jamais ce que je crois avec toi.
- Adrien… je murmure… C’était la soirée de l’école de la Fondation et ils ont estimé nécessaire de me féliciter pour le travail que j’ai accompli. Qu’il y a t-il de mal à cela ? Ne donne pas aux choses plus de sens qu’elles n’en ont.
- C’est là que tu fais erreur car c’est justement ce que je dois faire. Donner un sens aux choses. Je suis celui qui te soutiens Elle …  Mais tu préfères donner de l’importance aux regards des autres plutôt qu’au mien. Ca a toujours été comme ça alors je me demande bien pourquoi je te le reproche… dit-il en me tournant le dos pour se rendre à la cuisine.
- Quoi tu veux me faire passer pour l’égoïste ? Celle qui ne pense jamais à toi ? C’est ça ? je commence à dire en haussant le ton. 
- Quoi tu nies ce fait ? Tu as plus de valeur à mes yeux que moi je n’en ai au tien.

Ce qu’il dit là me fait un mal de chien parce que je me rends compte à quel point il est persuadé que c’est vrai.
Mais ça ne l’est pas. Il se trompe tellement.

- Ne sois pas méchant Adrien… Tu n’as aucune idée de ce que j’avais l’intention de dire aujourd’hui…
- Ce que tu avais l’intention de dire ? Et qu’est ce qui t’as empêché de parler Elle. Oyane, plus insolente que toi n’existe pas alors dis moi ce qui t’a empêché de parler.
- Je…

Il finit d’un trait le verre d’eau qu’il s’est servi et sort de la cuisine sans un regard pour moi. Je le suis promptement. Il faut qu’on s’explique.

- Laisse-moi t’expliquer Adrien…
- Je n’ai vraiment pas envie de t’écouter Elle. Vraiment pas.

Il entre dans sa chambre et je suis toujours sur ses pas. La situation m’échappe et j’ai tellement peur de ce que cela pourrait signifier pour nous que je n’ose plus parler. Adrien n’est pas d’humeur à être conciliant et je pense que quoi que je puisse dire en ce moment sera mal interprété. Il jette sa chemise par terre, ôte son pantalon et s’habille d’un jogging. Je sais qu’il dort en caleçon alors je ne comprends pas pourquoi il s’habille ainsi.

Il sort de la chambre et récupère son i-pod sur la table du salon puis se dirige vers sa porte principale. Je le retiens par le bras.

- Adrien, il est une heure du matin, où vas-tu comme ça ?
- Lache-moi ! fait-il en repoussant ma main.

Pourquoi le dit-il avec cet air coupable dans les yeux ? Pourquoi ? Suis-je vraiment sure de vouloir la réponse à cette question ?
Il s’en va en claquant la porte.
Les jambes coupées, je le laisse partir… loin de moi.

***Une heure plus tard***

***Adrien***

J’ai couru comme un chien fou. A en perdre haleine. J’ai couru pour évacuer la colère, le dépit, tout ce qui me ronge… Chaque fois que quelque chose va mal dans ma vie, je ressens ce besoin pathologique de contrôler les limites de mon corps. Inconsciemment, je me dis peut-être que c’est la seule chose que je peux encore maitriser. Alors je cours, je soulève des poids, je pousse mes limites à ses extrêmes pour ne plus penser à rien si ce n’est la douleur physique, car la douleur psychologique est trop difficile à contrôler pour moi. Et quand j’y parviens enfin, pour représenter ma victoire sur mes tourments, je me tatoue quelque chose de symbolique sur ce même corps qui représente pour moi toutes mes batailles. J’étais maigre, mal dans ma peau et je renvoyais à tous l’image du perdant pathologique. Mais tout ça est derrière moi à présent. Je ne suis plus ce gamin là.
Mais cette certitude ne suffit pas à faire cesser ce malaise en moi. Ca ne suffit pas et tout ça, Elle ne le comprend pas. Elle voit l’homme fort sur lequel elle peut se reposer à tout instant. Jamais, elle n’a eu maille à partir avec mes faiblesses… Mais je ne tiendrais pas longtemps ainsi.

La voiture d’Elle n’est plus garée devant chez moi. Je suppose qu’elle est partie.
Elle est partie…
Je n’ai plus les idées claires sinon pourquoi serai-je déçu qu’elle soit partie.
Je laisse mes baskets sur mon paillasson puis fais quelques pompes rapides pour clôturer ma séance nocturne. Je me redresse et pousse la porte de chez moi qu’elle n’a pas fermé en partant. Le salon est plongé dans le noir. J’appuie sur l’interrupteur…

Il y a quelqu’un.
*
*
*
*

Chapitre bonus inclus dans ce chapitre… lol

***Elle***

Adrien est rentré.

Assise dans un coin de la pièce je n’ose lever les yeux vers lui. Je regarde le bracelet en argent ainsi que les cordelettes en raphia rose qui relient les trois mot-clef. Le bracelet de la fondation. Eloïse a fait du bon boulot ce bracelet et vraiment magnifique même si je le verrai plus au poignet de jeunes filles qu’au mien.

- Je voulais partir. Je suis montée dans ma voiture, je l’ai démarrée puis je me suis arrêtée au coin de la rue et j’ai fait le chemin inverse à pied en espérant te rencontrer. A un moment il faisait trop froid pour que je reste dehors à t’attendre alors je suis rentrée m’assoir. Je ne comprenais pas pourquoi je devais rester là à t’attendre, seule chez toi alors que tout ce que je voulais c’était être dans tes bras. Dès que j’ai ouvert les yeux aujourd’hui, c’est la seule chose à laquelle j’ai pensé. Etre dans tes bras. J’ai senti mon cœur se serrer et j’ai fouillé mes poches pour en sortir un kleenex et je suis tombée sur ce bracelet. C’est Eloïse qui a fait celui là pour moi. C’est le même que celui des élèves à un détail près…

Je détourne la tête un moment parce que je sens une boule de tristesse se former dans ma gorge et m’opprimer. Les larmes me montent aux yeux. Mais je ne veux pas pleurer. Non. Je veux qu’il sache. Mais je n’arrive plus à rien dire et finis par laisser couler les larmes trop longtemps retenues.

Adrien soupire et se rapproche de moi. Je lève la tête vers lui. Il s’accroupit.

- Ne pleure pas Elle. Je ne supporte pas de te voir pleurer. Ne …

Je pose ma main sur sa bouche pour l’empêcher de parler. Il veut encore tout prendre sur lui alors que son cœur a besoin d’être rassuré. Je ferme les yeux, reprends mon souffle et continue :

- J’ai parlé avec Eloïse. C’est la grande sœur de celui qui a organisé l’événement de ce soir. Elle a rencontré un homme et elle s’est mise à m’en parler. Puis je ne sais pas pourquoi, peut-être pour qu’elle sache qu’elle n’était pas la seule à être heureuse, je lui ai parlé de toi. Juste de toi. Pas de ma maladie et du soutien que tu m’apportes, non. Juste de mon Adrien, qui m’aime comme personne ne m’avait encore jamais aimé auparavant. Je lui ai parlé de ce que tu me fais ressentir là. Dis-je en touchant mon cœur. De ce feu qui brule en moi à chaque fois que tu m’approches. Je lui ai dit à quel point je voulais être à toi, pour toujours. Et quand j’ai fini de parler… Elle a juste dit : « waouh, Elle ». Je me suis sentie amoureuse comme une collégienne et j’ai pris peur. Parce que t’aimer comme je t’aime Adrien c’est te donner le pouvoir de me faire mal comme personne auparavant.
- Elle…
- Laisse-moi terminer. Je t’aime Adrien. C’est aussi simple que ça. Je t’aime. Dis-je en effaçant la larme qui coule sur ma joue. Je t’aime. Cette merde de cancer, cette souffrance ne seront jamais rien à côté de ce que je ressens pour toi. Et ça Eloise l’a compris et elle m’a remis ça, très tôt ce matin. Dis-en posant le bracelet dans sa paume.

Il me regarde puis regarde l’objet en question. Les mots « force, courage et espoir » qui figurent sur les bracelets des élèves n’y figurent pas. Il n’y a qu’un seul mot marqué sur les trois médaillons : Adrien.

- Tu es ma force quand je faiblis. Mon courage quand je pense que tout va mal mais que je continue la lutte. Et l’espoir que Dieu pense toujours à moi, parce qu’il m’a envoyé un homme tel que toi quand l’épreuve de ma vie a commencé à pointer à l’horizon. Tu n’as pas idée de l’amertume qui habitait mon cœur quand je t’ai rencontré et grâce à toi, cette amertume s’est transformée en espoir…  C’est comme ça que je t’aime Adrien et pardonne-moi de m’être cachée derrière cette soirée pour ne pas te le dire.
- Elle… Je …
- Ne dis rien. 

Il baisse la tête puis tout doucement m’aide à me lever.  Son tee-shirt est trempé de sueur. Je l’empoigne par le bas et le remonte pour qu’il l’enlève. Il s’exécute.

Je lui ai dit ce que j’avais sur le cœur, ce que j’aurais dû lui dire depuis des lustres et maintenant que mon cœur est vide de ces mots, autre chose le remplit… Quelque chose que je croyais perdu … Quelque chose qui prend vie devant son corps à moitié dévêtu. Son jogging descend très bas sur ses hanches et révèle l’élastique de son boxer.  C’est une vision qui me met en émoi. Le corps d’Adrien est admirablement sculpté et pour moi cette partie en V est la plus sexy qui soit après sa bouche.  Je pose ma main sur son torse puis la fait remonter à son cou et appuie pour qu’il s’abaisse un peu vers moi. Ce qu’il fait sans me regarder mais je m’en fiche.

J’ai le cœur qui bat à cent à l’heure et l’impression que je vais m’évanouir si sa bouche ne se pose pas sur la mienne immédiatement.

- Adrien… je murmure tout doucement.

Enfin, il me regarde de son regard doux frangé de longs cils. Je passe le pouce sur son sourcil gauche parfaitement dessiné et descends sur son nez puis vers sa bouche, que je caresse avant de m’arrêter pour la contempler. 
Que n’aimé-je pas dans cette bouche… parfaite ? La texture, la luxure, la couleur, la douceur, la langueur qu’elle crée en moi … je veux qu’elle se pose sur la mienne. Et même cette barbe qui lorsqu’elle a quelques jours de trop me pique. Je l’aime. Je veux sa bouche et sa langue adroite et expérimentée. Celle qui joue avec moi, s’amuse de me faire languir, me domine, me défie.

Je veux que sa bouche me possède comme elle ne l’a encore jamais fait.

Mais maintenant qu’il est si proche de moi… les brumes de mon désir qui tentent de me cacher ce qui était tellement flagrant olfactivement, se dispersent.

Une odeur… un parfum que je ne peux jamais oublier même si j’essaye très fort. Ma poitrine se soulève puis s’abaisse à un rythme effréné. La colère monte parce que, me rendre compte de cela après lui avoir avoué tant de choses est humiliant. J’essaie d’ouvrir la bouche mais la douleur dans ma poitrine est telle que je ne fais qu’avaler des bols d’air. Adrien sent le changement dans ma physionomie et son regard se fait plus dur. Il se colle à moi.

- Elle…
- Ne m’approche pas espèce de salaud ! j’arrive enfin à crier malgré ma peine.

Je n’arrive même plus à me persuader de ne pas pleurer. Ca fait trop mal de sentir ce parfum sur lui alors qu’il s’est déshabillé. A quel point ont-ils… Seigneur ! J’essaie de le repousser mais c’est à peine s’il bouge sous ma charge.

- T’étais pas tranquille hein ? Il fallait que tu la sautes cette pétasse. Tu n’avais pas le droit de me faire croire que toi et moi c’était … différent et faire ça par la suite… Oh mon Dieu.
- Elle arrête… je vais t’expliquer…
- Maintenant que tu te l’es faite dis le moi… Dis-moi ce qu’elle a de plus que moi…
- Elle !

Le ton monte… Mais je suis bien plus hystérique qu’il ne le pense. Je repousse ses bras qu’il a posés de part et d’autre de moi afin de me bloquer contre le mur. Il les repose immédiatement au même endroit.

- Qu’a-t-elle ? Dis le moi. Je veux l’entendre … Dis moi Adrien. Je veux savoir ce que les autres femmes ont toujours eu de plus que moi. Toi tu peux me le dire… Tu m’aimes tant, j’ajoute de manière ironique.

Et dire cette phrase me donne une telle colère que j’arrive enfin à le repousser. Lui-même n’en revient pas.

Il faut que je m’en aille. Je lui demande de me le dire mais en même temps je ne veux pas entendre cette vérité là. Elle fait trop mal. Il essaie de me retenir mais je me dégage et prends tout ce qui me tombe sous la main pour le lui lancer.
Mais il n’a même pas peur et essaie de me maitriser. Ma colère décuple.

- Dis-le Adrien… Ah oui. Elle est plus jeune, c’est ça. Son corps est parfait … Je ne peux pas en dire autant du mien après trois grossesses. Tu as raison. Il fallait en profiter. Mais je peux te garantir qu’après avoir porté des enfants comme moi je l’ai fait, elle ne sera plus aussi parfaite à tes yeux.
- Tais-toi Elle.
- C’est la vérité qui te blesse ? Elle sera comme moi et elle aussi, tu la laisseras pour une plus jeune… Est-ce qu’elle le sait ça ?

J’essaie de le contourner mais il m’en empêche. Je ne veux plus qu’il me touche. Mais il me fait reculer avec son corps imposant.

- Ne me touche pas !

Il soupire et passe une main fébrile sur sa tête.

- Ah oui, j’oubliais… Elle n’est pas malade elle. Et moi je … je suis devenue… un tel poids pour toi… c’est ça ? C’était comment de te la faire dis moi. Peut-être fait-elle des choses que je ne sais pas faire, apprends moi Adrien comme ça peut-être que le prochain mec je saurai enfin le retenir.
- Tais-toi. Hurle-t-il.

Je m’arrête. Je ne l’avais encore jamais entendu hurler si fort. Ses narines sont déformées par la colère ou la honte ? je suis soudainement plus calme parce que j’ai encore plus mal après avoir autant crié. Tout ce remue ménage me permettait de ne pas trop penser et maintenant, la douleur m’empoigne plus fort. Je me rends compte que nous sommes dans sa chambre.
Tout doucement, je me laisse glisser sur le lit.

- Pourquoi vous ne comprenez pas à quel point ça fait mal d’être trompée ? je lui demande la voix et le cœur brisés. Pourquoi vous donnez vous ce droit? Pourquoi dois-je vivre ça encore et encore à toutes mes relations? Seigneur mais pourquoi ? C’est ma maladie c’est ça ? Tu en as eu assez ? Tu ne reconnaissais plus ta Elle ? Ce n’est pas moi cette femme, qui n’a plus de formes, qui souffre en permanence à cause de la chimio, qui n’a plus de…  cheveux. Je murmure en enlevant ma perruque.

J’en ai assez.
J’ai essayé de masquer mes manquements, être à la hauteur de la femme qu’il a toujours dit aimé. Mais tout ça n’était qu’une perte de temps.  Je ne serai plus jamais cette Elle. Ce cancer m’a tellement marqué. Je ne serai plus jamais la femme que j’ai été.
Je ne peux pas décrire ce que je ressens à cet instant précis.
Tout est vide en moi. Vide et sombre. J’ai tellement bataillé et là, je n’en peux plus. Tout simplement.

Adrien se laisse tomber à genoux devant moi.

- Qu’est-ce qui t’a donné le droit de recoller les morceaux de mon cœur pour le briser à nouveau ainsi ?

C’est à peine si moi-même je m’entends lui poser la question, tellement ma voix est basse.

- Ne dis plus jamais de pareilles choses Elle. Plus jamais, dit-il en me regardant droit dans les yeux et en essayant de me prendre dans ses bras.
- Ne me regarde pas. Je ne veux pas. Je réponds en me dégageant sans succès.

De honte je ferme les yeux et me recroqueville sur moi-même en pleurant. Je veux rentrer chez moi et retrouver mes enfants. Je veux …

Je veux arrêter de souffrir.

Les yeux fermés, j’essaie de me sortir de son emprise mais Adrien pèse de tout son poids sur moi.

- Je ne te dirai pas que je n’ai pas eu envie de le faire… commence-t-il.

***Flash back***

***Adrien***

Je ne dis absolument rien. Je ne fais que l’observer, elle et son aplomb. Déjà sa main descend vers la boucle de ma ceinture… Et peut-être parce que je la regarde étrangement, elle tente de faire diversion en m’embrassant.

Instinctivement, je l’en empêche en levant ma main entre nos deux bouches. Elle me regarde et je sens poindre l’impatience chez elle.

Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. Enfin je le sais mais … ça me met plus en colère qu’autre chose. Samantha est une très belle femme. Et apparemment, elle me désire. Les choses ne vont pas plus loin. Il s‘agit juste de prendre son pied et de se séparer après…  Ce n’est pas un engagement à vie. Juste du sexe dans un endroit inapproprié, ce qui rend les choses encore plus tentantes. Alors pourquoi ai-je levé la main alors que je commence à me sentir à l’étroit dans mon pantalon?

Je regarde cette main que j’ai levée sans réfléchir. Cette main qui porte le tatouage de la citation de Green qu’Elle a aimé.

« Ca va faire mal parce que ça en vaut la peine »

Ce qui est clair c’est qu’aujourd’hui, j’ai eu mal de la voir me reléguer au second plan ainsi. Mais je lui ai demandé de me choisir. Et c’est ce qu’elle a fait. Elle l’a fait parce que je lui ai dit que je voulais être son homme.

Le truc c’est de savoir si Elle en vaut la peine.
Je suppose que oui.
Non je ne suppose pas. Je sais que oui. Plus de vingt ans que j’ai ce même sentiment pour Elle et ce sera éternellement ainsi. Plus vite je l’accepte et mieux ce sera pour moi.
L’aimer inconditionnellement même sans retour… Ca fait mal. Mais ça en vaut la peine.
C’est pourquoi, je sors des toilettes avant de faire une bêtise.

***Fin du flash back***

***Elle***

- Je n’ai rien fait, murmure Adrien en approchant ses lèvres des miennes.

J’ai tellement envie de le croire. Lui et ce regard franc qu’il pose sur moi.  Je tourne la tête sur le côté. Je n’ai plus envie qu’il me voit ainsi. Je veux me recouvrir… Pourquoi me regarde t-il toujours aussi intensément. Je ne le dégoutte pas ? De l’index et du majeur il fait dévier ma tête pour que je fasse de nouveau face à lui…

- Je n’ai rien fait Elle.
- Fais taire cette bouche menteuse Adrien. Dis-je haineuse me raccrochant à ce seul sentiment qui m’évite d’avoir honte de moi, de mon corps.

Il ment. Comme tous les autres avant lui et comme ceux qui le suivront. Il ment. Ca ne peut être que ça.

- Je ne peux pas faire taire la bouche qui a refusé d’embrasser une autre femme que toi. Tu devrais en prendre soin de cette bouche plutôt que de l’insulter car elle m’a rappelé  que je ne m’appartenais pas, cette bouche que tu aimes tant.

J’essaie de nouveau de me débattre.

- Je t’ai laissé vider ton sac, dire ce que tu avais à dire. Mais maintenant tu vas te calmer ou je vais vraiment m’énerver Elle. Et je t’assure que c’est pas beau à voir un Adrien en colère.

Tout ce que je veux c’est m’en aller. Je ne veux pas qu’il me voit ainsi. Tout ce que je veux c’est m’en aller. Pourquoi ne me laisse-t-il pas partir ? Maintenant que la colère est passée je me sens tellement honteuse ainsi, tête découverte. Mais qu’est-ce qui m’a pris d’ôter cette perruque bon sang !

- Elle…
- Ne … me regarde pas… dis-je en tournant une nouvelle fois la tête.

Il doit sentir que je lutte pour ne pas m’effondrer une nouvelle fois. Mais c’est si difficile. Adrien m’a tellement manqué. Cette semaine passée sans lui a été très difficile. Je ferme les yeux priant pour qu’il relâche son étreinte et que je puisse remettre ma perruque.

- Tout ce que je vois moi, c’est une belle femme, Elle… Pourquoi devrais-je fermer les yeux ?
- Parce que je ne suis plus … je ne suis plus…

Je me tais et pleure en silence.

- Ce que je ne veux pas voir ce sont tes larmes…

Les mains bloquées au dessus de ma tête par la poigne très ferme d’Adrien, je ne peux rien faire lorsque ses hanches creusent les miennes. De surprise je me cambre.  De nouveau sa bouche s’approche de la mienne. Il dit qu’il ne s’est rien passé… Dois-je le croire ? Un homme comme lui existe –il vraiment ou n’est-ce qu’un mirage. Un mirage ? Après tellement d’années à t’aimer ? Pourquoi mentirait-il ?

Cette bouche… Si tentante…

***Adrien***

Elle a cette manière affamée de regarder mes lèvres qui me met facilement dans mes états. Sans un mot de sa part, sans une caresse, juste ses yeux posés sur ma bouche. C’est un truc qui ne m’arrive qu’avec Elle. Juste elle. Je la regarde et elle est complètement absorbée par ma bouche. Je ne sais pas exactement à quoi elle pense et je n’ai pas besoin de la savoir. Ce que je veux c’est gouter à ces lèvres. Mais elle dévie la tête à chaque fois.

Elle a honte.

Les femmes et leurs artifices. Elles s’y accrochent tellement qu’elles croient bien souvent n’être rien sans ces artifices. Moi aussi je pensais que je serai gêné de la voir ainsi, si … Le cancer ce n’est pas comme la varicelle avec de gros boutons qui apparaissent sur tout le corps. Non. On peut passer devant une personne qui a un cancer sans le savoir. Mais dès que les masques tombent, tout devient tellement criard que c’est difficile de ne pas prendre peur.

Son maquillage de la soirée est toujours là mais pas ses cheveux. Elle sans cheveux… c’est différent. Mais je sais au plus profond de moi, que c’est toujours la même femme insolente qui est sous mon corps et se débat comme un beau diable pour que je la laisse s’enfuir.

Elle a honte et ferme les yeux comme si ça pouvait m’empêcher de la voir. De la voir vraiment. Si je pouvais lui prêter mes yeux pour qu’elle se voie à travers eux, elle cesserait immédiatement de pleurer. Elle sourirait, elle me laisserait faire.

Elle me laisserait l’aimer. Ce soir.

Je bloque ses deux poignets de la main droite et de la gauche entreprends de déboutonner sa robe.  Elle écarquille les yeux de stupeur.

- Ne fais pas ça… Adrien !

Elle s’énerve, remue plus fort et moi je lui souris, confiant. Je sais ce que j’ai vu tout à l’heure, le désir est là, enfoui sous la tonne de honte et de colère dans lesquelles elle s’est immergée. Sous sa robe, un ensemble beige et noir se dévoile, une pure merveille comme elle n’en mettait plus depuis des mois. Je me mords la lèvre inférieure et la regarde me regarder. Sa respiration se fait haletante et presque de manière imperceptible, elle creuse ses reins pour mieux me recevoir. Mon excitation est telle qu’elle commence à me faire mal. Je constate amèrement que j’ai couru pour rien. Colère ou pas, je n’ai pas du tout l’intension de m’arrêter là. Je m’approche tout doucement de ses lèvres et laisse quelques millimètres nous séparer…

- Pourquoi ne dis tu pas avec ta bouche ce que ton corps me crie depuis tout à l’heure…
- Va te faire…

J’éclate de rire et l’empêche de terminer sa phrase en posant tout doucement mes lèvres sur les siennes. 

- Boo, dis le.
- …
- Dis le. J’insiste en bougeant les hanches de manière sensuelle.

Elle gémit et ferme les yeux. Je pose mes lèvres sur son cou et descends vers ses seins. Je délivre les deux globes de la barrière de dentelle et les titille amoureusement. Le frisson qui la traverse est un bon signe n’est-ce pas ? Si je descends plus bas, il me faudra lui lâcher les mains. Je ne veux pas lui lâcher les mains.

- Dis le boo… je veux t’entendre clairement me dire ce que tu veux que je te fasse là maintenant.

Elle tient bon et essaie encore de se dégager lorsque je caresse son ventre, ses hanches puis m’insinue dans son intimité. Le souffle court, elle ferme de nouveau les yeux et à son tour se mord la lèvre pour ne plus gémir… J’ai toute la nuit devant moi. Cette alchimie entre nous qui nous avait quittés est de nouveau là, alors quoi qu’elle fasse, je ne la laisserai pas fuir, nous fuir…

Le regard dur… Je cesse de jouer…

- Dis le Elle.

Elle lève les yeux vers ses poignets que je libère. Elle prend mon visage entre ses mains et approche ses lèvres de mon oreille… pour me murmurer les mots que je voulais entendre… Dans sa bouche, c’est aussi doux qu’une caresse et aussi tendre qu’un regard amoureux… Ces mots crus qui feraient fuir les plus téméraires, elle me les susurre… c’est une invitation au péché et à la luxure…  Je veux l’entendre me le dire encore et encore jusqu’à ce que repus, nous nous effondrions sur ce lit.

- C’est pour ça que je ne peux pas te laisser partir Elle… Pour ça, dis-je en creusant plus fort ses reins… Jamais te laisser partir…  Je t’aime Elle. Et je serai toujours là pour toi quoi qu’il m’en coute…

Enfin, elle s’abandonne, oublie tout ce qui n’est pas nous.
La nuit ne fait que commencer de même que ses lèvres sur les miennes.

*
*
*

A demain.

Leilaji.

Je t'ai dans la peau