Chapitre 32
Write by EdnaYamba
Chapitre
32 :
Grace
Jeannie MOUKAMA BOUMI
La maison mortuaire accusait du monde, les deux familles
avaient trouvé un accord pour qu’on pleure mes parents ensemble même si
l’atmosphère demeurait tendue.
La supposée malédiction des MOUKAMA planait à nouveau et
titillait les esprits.
Il a fallu que ma tante Julie intervienne en
disant :
« Ce qu’Antoine a toujours désiré c’est être avec
Isabelle, respectons au moins ça dans sa mort ! »
Je ne réalisais pas encore que je n’avais plus de
parents.
Ma mère et mon père m’avaient définitivement quittée.
Je n’avais même pas pu leur dire au revoir. Je ne pouvais
pas croire qu’un accident de voiture avait pu tout m’enlever du coup. Je refusais de le croire.
J’avais crié au complot mais on m’avait demandé de me
taire. On n’accusait pas les gens sans preuve. Je ne pouvais pas accuser la
femme de mon père que je ne connaissais pas sous des suppositions ni tonton
René qui était le père de mes frères.
-
As-tu pensé à tes frères en disant de
pareilles choses ? m’avait grondé tonton Richard. Il ne faut pas de
l’autre côté rendre ta mère triste ! nous tous sommes touchés par cette
perte mais nous gardons un peu de lucidité.
Garder un peu de lucidité était un exercice difficile
j’étais à présent orpheline de père et de mère.
Quand je n’avais pas de père, ma mère était au moins là.
Maintenant je les ai perdus tous les deux.
La vue des deux cercueils exposés au centre des pleurs m’était
insupportable.
Je cherchai un endroit pour me refugier et pleurer toutes
les larmes de mon corps à l’abri des regards. J’avais dû être forte tout au
long de cette semaine pour mes petits frères.
Je restai attachée à eux, ne les lâchant pas une seule
seconde.
Le lendemain à l’heure du départ des corps pour le
cimentière alors qu’on avait passé une partie de la nuit bercée par les chants
de la chorale d’une église, les pleurs redoublèrent.
Le cœur meurtri, je pars avec la délégation accompagner
mes parents dans leur dernière demeure. Quand la terre se referme sur les
cercueils, à ce moment une douleur indescriptible me saisit et je me mets à
crier au point où on vient m’enlever de là.
Réunis dans le grand salon de tonton Richard, les écoute
distraitement évoqué ce qu’ils se sont dit avec les parents de mon père pour la
suite.
Il y a eu quelques accrochages après que les collègues de
papa soient passés présenter leurs condoléances. Ils ont déposé une enveloppe à
l’attention de ma grand-mère dont les parents de mon père se sont emparés sans
qu’on ne sache.
Mais quelqu’un a soufflé l’info à mon oncle qui est
aussitôt allé leur demander des comptes. L’échange a été tendu.
Il est revenu avec 500 mile dans une enveloppe et il nous
a dit :
-
À cette allure, les évènements à venir
n’augure rien de bon. Il est préférable qu’on mette cette argent dans un compte
pour toi.
J’ai acquiescé distraite. Tout cela importait tellement
peu à l’heure actuelle.
-
À en entendre certains, ils veulent évoquer
cette vieille histoire de malédiction pour écarter la petite mais ça ne va pas
se passer comme ça ! tonne mon oncle.
-
Ça n’a même pas de sens, renchérit tonton
Xavier, elle a été reconnue par son père.
Les corps de mes parents viennent à peine d’être jetés en
terre que déjà ils doivent se retourner dans leurs tombes avec tout ce qui se
passe.
-
Nous attendrons le conseil de famille qu’ils
convoqueront. En attendant, dit tantine Mireille, maintenant que René prend les
garçons, Dean et moi allons garder Grace !
Mes oncles acquiescent.
Il était clair que je ne pouvais pas retourner dans cette
maison où tout me rappellerait mon père,
tout ce que nous avions pu partager le peu de temps qui nous avait été accordé.
Quand tonton René vient récupérer mes frères j’ai dû mal
à me séparer de ce qui me reste comme souvenir de ma mère, j’en arrive à le
supplier de les laisser encore avec nous.
Nous n’avions pas vraiment eu le temps de nous recueillir
tous les 3Ils ont plus besoin de moi que de toi ! m’a-t-il répondu avant
de les emmener.
-
Nous aussi nous allons partir, Dean nous
attend !
Je rejoins triste, ma tante dans la voiture où son mari
nous attend.
-
Je sais que c’est difficile ce qui se passe,
mais nous saurons te donner de l’amour chez nous ! dit tonton Dean alors
que je monte dans la voiture.
Les jours passent et je ne sors pas de la chambre dans
laquelle j’ai trouvé refuge.
***
-
Dis-moi Grace, me dit tante Julie en
m’appelant une semaine après, tu es passée chez vous entre temps ?
-
Non tantine, pourquoi ?
-
Mais je suis là devant le portail, je ne peux
rentrer. il y a un autre gardien et il me dit qu’il a reçu des ordres bien
précis de ne faire entrer personne !
-
Je ne comprends rien tantine, laisse-moi te
rappeler je vais appeler le gardien !
Aussitôt raccroché, je compose le numéro de notre
gardien.
-
Ah petite madame, la femme du patron être
passée avec police.
-
Comment ça avec police !? demandé-je
intriguée.
-
Maison là c’est pour elle, et que moi doit
partir sinon aller en prison, moi pas vouloir problèmes, moi venir au GABON
pour chercher l’argent pas pour la prison !
-
Mais la maison là n’est pas à elle, elle n’y
a jamais vécu ! m’indigné-je.
-
Ah petite madame, problème pour vous
là-bas !
-
Ok merci !
Je raccroche dépassée.
Elle n’a jamais vécu dans cette maison, ni mis les pieds.
De quel droit peut-elle la revendiquer comme la sienne ? C’est la dernière
demeure de mon père, là où il a trouvé un peu de paix dans les derniers
instants de sa vie.
Et je rappelle ma tante à qui je rapporte ma conversation
avec notre ancien gardien.
-
MOUKASSE WO Lèdi (la femme-là est
folle !) s’écrie ma tante. Ok je te
rappelle !
Deux semaines plus tard, nous étions réunis chez ma tante
Julie
Tantine Mireille en tuteur était présente. Nous écoutons
ahuris le récit de tantine Julie qui nous raconte son entrevue avec Mélanie
BOMO.
Elles en sont même venues aux mains après que cette
dernière ait dit à ma tante.
-
La vie lui avait donné une belle revanche sur
Antoine et Isabelle.
Cette femme était vraiment le diable en personne.
-
Maintenant donc Grace ne peut pas récupérer
ses affaires qui sont restées chez son père ? demande Tantine Mireille.
-
Personne n’a le droit de s’approcher de cette
maison, déjà elle a employé un gorille pour gardien mais elle a mis une grosse
chaine et un cadenas sur la porte donnant accès à l’intérieur de la
maison !
-
Elle a eu son bac et a un voyage à préparer,
et son passeport s’y trouve. on fait comment ?
Tantine Julie accablée, lève les mains au ciel.
-
Mais je ne comprends pas, s’exclame un oncle
à mon père. s’ils étaient séparés en quoi tout ça la concerne ? la loi, le
lui permet-elle, et le conseil de famille ?
-
Ah tonton, le divorce n’était pas encore
prononcé donc devant la loi, elle reste la femme d’Antoine ! et elle a décidé de nous emmerder !
-
Donc on ne peut rien faire sans elle ?
demande l’autre !
-
Rien ! Selon la modification du code
civil gabonais en 2015 code civil, il n’y a plus de conseil de famille mais de
conseil successoral qui ne peut se faire qu’avec les héritiers légaux les descendants à savoir Grace, les
ascendants donc maman et le conjoint survivant Mélanie. voilà dans quoi nous
sommes et avec les affaires de spoliation de la veuve et de l’orphelin on n’a aucun
mot à dire.
La méchanceté de cette femme est d’une extrémité telle
que je n’en ai jamais vu.
-
Quel intérêt gagne-t-elle à faire tout
ça ?
-
Je suis allée rencontrer un ami avocat et il
m’a dit qu’il est impératif de s’entendre avec elle pour la suite , nous
informe-t-elle.
-
Ce qui s’avère être mission impossible. Dit
tantine Mireille.
-
D’autant plus qu’elle a pris l’avion. Madame
est en vacances !
Elle secoue la tête et là , la voix pleine de regrets
elle lance :
-
Je
regrette mon Dieu quand je pense que dans le temps nous avons tous condamné
Isabelle pour des broutilles alors qu’on envoyait mon frère dans la fosse aux
lions.
-
Il est un peu tard pour les regrets, réplique
tantine Mireille amère. Tout ce qui nous reste c’est attendre et commencer à
nous préparer à une bataille juridique ! Aussi, bien que c’est la
succession qui nous réunit, Grace a eu le bac !
La nouvelle est accueillie avec des acclamations mais
tantine Julie poursuit.
-
La dernière volonté de son père était qu’elle
fasse ses études à l’étranger maintenant
qu’il n’est plus cette tache nous incombe. on fait comment ?
Soudain, la salle devient silencieuse.
-
L’idéal aurait été qu’avec sa part de
l’héritage, elle se gère mais maintenant qu’il y a des complications. Qu’est-ce
que vous proposez ?
-
Ma fille, tu veux qu’on propose
quoi ? réplique le grand oncle.
C’est Antoine qui avait l’argent nous tous ici nous dépendions de lui.
Quand nous arrivons à la maison, je sas déjà que je ne
peux compter sur aucun de mes parents paternels pour me soutenir dans le futur.
***
-
Grace ! Grace ! entends-je tonton Dean
m’appeler.
Puis ses pas se rapprochent de ma chambre qu’il ouvre
sans attendre que je ne donne la permission. Il me regarde.
-
Ta tante est sortie, viens me faire à manger !
-
D’accord tonton Dean !
Il esquisse ce sourire qui me met mal à l’aise, alors que
je réajuste ma robe et sort pour aller dans la cuisine.
J’allume le gaz et met la marmite au feu puis je vais m’assoir
attendant que tout soit prêt. Perdue dans mes pensées, je regarde les derniers
messages de Jonathan auxquels je n’ai pas encore donné suite.
-
Ce n’est pas en t’isolant que ton chagrin va
passer !
Je sursaute en me rendant compte qu’il est juste derrière
moi.
-
Ton..ton ….Dean
Il se décale et prend une chaise à côté de moi. Sa
présence me rend mal à l’aise.
-
Nous sommes là pour t’aider Grace, tu
comprends ! nous voulons tous t’offrir de l’amour…
-
D’accord tonton Dean….je vais aller arrêter
la marmite , dis-je en me levant brusquement.
Il se lève à son tour également.
-
Pourquoi tu as peur ? allez viens là !
Il me tire brusquement vers lui et m’emprisonne dans ses
bras tandis que ma joue s’écrase sur son
torse.
-
Tu ne dois pas avoir peur de moi, je suis un
gentil tonton qui ne te veut aucun mal. Détends-toi !
-
Tonton Dean….la marmite …est au feu !
-
J’ai compris.
Il écrase un baiser sur ma joue avant de me lâcher !
Le cœur battant je cours vers la gazinière alors qu’il s’en
va dans au salon.