Chapitre 32 : Confessions
Write by Auby88
"Tôt ou tard, un jour la vérité triomphera ! Comme le soleil, un moment éclipsé, finit toujours par percer de ses rayons les voiles jaloux qui s'étaient amassés devant lui pour l'obscurcir.
Pedro Calderón de la Barca ; Le pire n'est pas toujours certain (1640)"
Un soft-taxi s'arrête devant la demeure des AKOWE. A l'arrière, se trouvent deux demoiselles. L'une d'entre elles sort et, de la main, fait un signe d'aurevoir à l'autre. Elle porte un chapeau en paille et une longue robe de plage en soie, au haut de la laquelle sont logées des lunettes de soleil.
Le portier l'aide à entrer sa valise à l'intérieur dans la maison.
- Satine ! s'exclame Richmond quand il aperçoit sa petite sœur.
Il est sur la véranda. Il porte un débardeur blanc sur une culotte jean.
Elle saute dans ses bras.
- Richmond ! Enfin, je te revois. Trois semaines sans pouvoir te parler. Cica m'a dit que tu étais en voyage.
Il hoche juste la tête.
- Au fait, elle est là ?
- Non !
- Tu l'as laissée à Fidjrossè ?
Il hésite à répondre. In extremis, il est sauvé par sa mère qui les rejoint sur la terrasse.
- Satine !
Elles s'embrassent.
- Enfin, je te revois. Autant de jours sans toucher ton doux visage et entendre le son de ta voix.
- Petite maman ! J'ai rapporté pleins de petits souvenirs pour toi, Ricky, Cica et même Sandra. Là, je suis impatiente de voir ma Cica ! (Elle se tourne vers son frère ).Où est-elle, Richmond ?
- Nous avons rompu elle et moi !
Il le dit d'un ton sec. Il n'ose pas regarder Satine, dont l'enthousiasme s'anéantit aussitôt.
- Rompu !
Satine, abasourdie, se laisse tomber sur une chaise. Elle jette un regard réprobateur à sa mère.
- Ne me regarde pas ainsi Satine ! Je n'y suis pour rien ! Tu devrais plutôt remercier Dieu d'avoir démasqué cette mauvaise fille avant qu'elle ne nous fasse plus de mal !
Satine balaye son regard entre sa mère et son frère.
- Est-ce que l'un d'entre vous deux peut me dire ce qui se passe exactement ?
- Figure toi que ta Cica n'est personne d'autre que l'ancienne copine de Jonas ! lance la mère sans retenue.
- Cela ne peut pas être vrai ! s'insurge Satine.
Richmond s'accroupit en face de sa sœur.
- C'est bien vrai. J'ai été autant déboussolé que toi quand je l'ai su.
- Tu vois, cette fille s'est bien moquée de nous tous ! ajoute la mère.
Des larmes se déversent sur le visage de la demoiselle. Sa mère essaye de prendre sa main.
- Ne me touche pas maman, crie-t-elle. Je suis sûre que tu as tout manigancé !
- Je t'assure que je n'y suis pour rien.
- Nous souffrons tous, Satine ! Je t'assure que maman n'y est pour rien. J'ai moi-même vu dans le sac de Cica des photos d'elle et de Jonas, qu'elle appelait Leo.
- Et alors ! riposte Satine. Qu'est-ce que cela change qu'elle soit cette Izzy dont maman nous a toujours méchamment parlé ? Moi, je m'en fiche royalement ! Je ne veux garder d'elle que le moment présent. Je lui dois en grande partie ce que je suis aujourd'hui. C'est elle qui m'a tendu la main quand vous tous m'aviez délaissée. C'est grâce à elle que je suis mature, indépendante et passionnée d'accessoires de mode. Ce serait ingrat et injuste de ma part de lui tourner le dos à présent.
Elle se lève et fait face à son frère.
- Comment t'as pu la laisser vous séparer, Richmond ? Parce que je le redis avec certitude : tout a été manigancé par maman.
Folle de rage, la mère lui donne une gifle !
- Me frapper ne m'empêchera pas de dire la vérité. Tu t'es servie de moi pour clarifier tes doutes sur elle, en apprendre plus sur sa vie et ensuite, tu as profité de mon absence pour mettre ton plan en oeuvre. Parce que si j'étais ici, jamais je ne vous aurais laissés lui faire du mal. J'imagine tout ce qu'elle a enduré. Quand je pense que je l'ai moi-même jetée dans la gueule du loup ! Oh mon Dieu ! Je te déteste maman !
- Satine, là tu dépasses les bornes ! Baisse d'un ton, intervient Richmond.
- Tu penses que j'en fais trop ? Qu'est-ce qui t'arrive Richmond ? Ouvre les yeux. Si vraiment, tu aimais Cica, rien de tout cela n'aurait eu d'importance à tes yeux.
- Je ne peux pas ignorer qu'elle a causé la mort de deux êtres chers !
Il le dit sans grande certitude.
- Après l'avoir vue pleurer tellement de fois pour Jonas, je n'arrive plus à croire qu'elle ait pu lui faire du mal ! Je t'ai toujours admiré, Richmond, mais là tu me déçois profondément. Je me demande quelle culpabilité te ronge à ce point concernant Jonas pour que tu tiennes à tout prix à te convaincre que Cica est la parfaite bouc-émissaire à sacrifier, pour que tu sois capable de renoncer à une femme qui t'aime tellement et qui a accepté de souffrir pour rester à tes côtés ! Rappelle-toi toutes les larmes qu'elle a versées à cause de toi ! Tu n'es qu'un lâche, Ricky !
Elle les laisse précipitamment et rentre à l'intérieur.
- Satine ! crie Richmond.
- Quand elle pique sa crise, il est préférable de rester loin, conseille la mère. Cela lui passera !
Elle lui donne une tape sur l'épaule et rentre à l'intérieur. Il demeure pensif. Les propos de Satine pèsent sur sa conscience.
Des heures plus tard.
Dans la cour de l'orphelinat, Satine marche à pas pressés vers le bureau de soeur Grâce. La religieuse est bien contente de voir cette âme charitable qu'elle considère comme sa fille.
- Satine ! C'est un plaisir de te revoir. Qu'est-ce qui t'afflige autant ?
- Je pensais pouvoir trouver Cica ici, mais une autre personne occupe son lit. Vous pouvez me dire où elle est ?
- Hélas, ma fille. Moi-même, je n'ai aucune nouvelle d'elle. Elle a quitté l'orphelinat avec soeur Anne, sa mère biologique.
- Soeur Anne, sa mère !
- Oui, soupire la soeur. Figure-toi qu'elles ont gardé ce secret pendant longtemps, et qu'elles auraient continué si ta mère n'était pas venue les dénoncer. Je n'ai pas eu d'autre choix que d'en référer à mes supérieures. Même si, me séparer de Cica et sœur Anne m'a fendu …
Elle se lève de la chaise telle une somnambule, n'entend plus soeur Grâce qui lui parle. Dehors, dans sa BMW, elle pose sa tête sur le volant et fond en larmes.
Deux semaines plus tard.
Satine est dans sa chambre, affalée sur son lit, ses yeux sombres fixant le plafond. Elle n'a toujours pas de nouvelle de Cica. Avec Cica loin, une part d'elle s'est brisée. Elle a perdu sa joie de vivre. Et pour comble, son lâche, oh combien lâche, de frère a décidé de rentrer au Canada pour reprendre le cours de sa vie, l'abandonnant à nouveau dans sa solitude. Elle rumine intérieurement.
Les valises de Richmond, ainsi que celles de Samson et Sandra qui l'accompagnent sont déjà, depuis la veille, faites, prêtes et rangées dans un coin du salon. Dans deux heures, tous trois quitteront la maison pour l'aéroport. Sandra ne renonce pas à l'idée de conquérir Richmond. L'effet du gbotemi bizarre-là s'est dissipé.
A présent, elle discute une dernière fois au salon avec madame AKOWE, tandis que Samson se distrait devant la télévision Ultra-HD. Quant à Richmond, il a une dernière chose très importante à faire. Il tient à dire adieu à son frère, il tient à faire ce qu'il n'a jamais réussi à faire depuis sept ans : entrer dans la chambre de Jonas.
Devant la porte de Jonas, il se trouve. Dans sa main, il tient une clé qu'il a dérobé chez sa mère à son insu. Il ouvre avec hésitation et sent un frisson. Il ressent comme une présence derrière lui. Il a la chair de poule. Il se retourne tout doucement et constate qu'il n'y a personne derrière lui.
Il balaie la pièce du regard, touche chaque meuble, chaque photo, s'assoit sur le lit, touche le drap qui garde encore l'empreinte de Jonas. Des souvenirs lui reviennent à l'esprit.
Des années plutôt.
Richmond cogne fortement contre la porte de la chambre de son frère. Jonas lui ouvre. Richmond l'empoigne par le col.
- Dis-moi femmelette ! commence Richmond. Où as-tu …
- Je ne suis pas une femmelette ! rétorque Jonas en le regardant droit dans les yeux.
Il lâche sa chemise.
- Qu'est-ce que tu me veux encore ? ajoute Jonas.
- Je parie que c'est toi qui as pris ma boîte de condoms !
- Oui, je pense que tu multiplies un peu trop tes aventures.
- En quoi cela te concerne ? A moins que le puceau que tu es sois jaloux de ma grande notoriété auprès des femmes ! Avoue-le.
Richmond lui ricane au nez.
- Je tiens beaucoup à toi, c'est tout.
- Vraiment ! Tu ne voudrais pas que je te donne quelques cours ou que je te branche quelques copines pour qu'elle te fasse mille et une choses qui réveilleront ton machin mou là.
En parlant, Richmond lui touche le bas. Jonas retire sa main aussitôt.
- Non, ne te méprends pas ! Je ne suis pas intéressé par tes bassesses. Et si j'ai besoin d'apprendre, je le ferai moi-même avec la fille qui volera mon coeur !
- Bah monsieur le sage, le romantique ! fait Richmond en souriant ironiquement. Alors, file-moi ce que je suis venu chercher. Samson m'attend en bas.
- Fais attention à ce type, Richmond. Je t'assure que c'est un hypocrite !
Richmond se raille de lui.
- Et cela recommence, Monsieur le Prophète. Et pourquoi donc ?
- Parce que … (il s'arrête). Parce que je ne le sens pas.
- Dis plutôt que tu le jalouses parce que, contrairement à ce que Papa souhaite, c'est lui mon meilleur ami et non toi !
- Pense ce que tu veux. Je t'aurais prévenu. Voilà ce que tu cherches. Sois prudent !
Richmond s'en va sans ajouter un mot, ni donner de l'importance aux propos de Jonas. Il n'a qu'une seule idée en tête : s'adonner à ses plans cul.
Il se lève, déambule dans la pièce et décroche une photo où Jonas est avec leur père. Ses pensées s'envolent à nouveau dans le passé, vers une discussion entre lui et son père concernant Jonas qui, par la suite, était devenu alcoolique.
Des années plus tôt.
Monsieur AKOWE est assis devant sa télé. Il suit les informations. Richmond passe derrière lui. Son parfum attire l'attention du père qui l'appelle.
- Richmond, où vas-tu à cette heure-ci ?
- Je sors papa. Je vais retrouver des copains.
- Je trouve que tu sors un peu trop au final et que tu prends moins au serieux tes études, que tu as beaucoup changé. Tu mets même des piercings aux oreilles.
- Papa, tu ne vas pas t'y remettre, voyons ! Je te rappelle que j'ai 20 ans.
- Peut-être, mais c'est encore moi qui dépense pour toi !
- Ne t'inquiète pas pour cela. D'ici à là, j'acquerrai mon indépendance financière grâce à mon talent au saxophone.
- Je l'espère vivement. En réalité, je voulais te parler de l'alcoolisme de ton frère.
- Jonas n'est qu'un lâche, une femmelette ! lance-t-il.
- Tu n'as pas le droit de parler ainsi de ton frère !
Le père hausse le ton, ce qui ne semble pas désarmer l'intrépide jeune homme.
- Bah ! fait-il en haussant les épaules. Ecoute, papa, je te respecte beaucoup mais je ne vais pas le materner, ni lui parler. Il est assez grand pour faire ses propres choix. C'est ton fils préféré après tout. A toi de t'en occuper !
- Non, je vous aime tous autant. C'est juste qu'il me ressemble beaucoup plus.
- C'est justement ce que je disais. Bonne soirée papa.
Il sent un courant d'air dans la chambre alors que toutes les fenêtres et portes sont fermées. Il sent à nouveau une présence derrière lui. Une peur l'envahit mais il ne bouge pas. Le cadre photo, posé dans le petit creux, situé au milieu de la bibliothèque, tombe. Il s'approche pour le remettre en place quand quelque chose attire son attention. Un livre plus volumineux que tous les autres intitulé ELLE. Il pense immédiatement à Cica ou plutôt Izzy.
Il le prend, l'ouvre et demeure interdit devant ce qu'il voit. Le livre est en réalité une boîte secrète qui contient le journal intime de Jonas.
Sur le petit bureau de son frère, il dépose le journal et s'assoit. Au hasard, il parcourt les pages devant lui.