chapitre 36

Write by leilaji

Chapitre 36


***Lorelei***


Je me réveille en plein milieu de la nuit et je sens de puissants bras autour de mes épaules.  

Mickael. Je reconnais son odeur de  propre sans même me retourner. 

J’ai mal à la tête. J’ai trop pleuré. Il faut que je me reprenne et que j’arrête de craindre pour un futur que je ne maitrise pas encore. Je vais me battre au jour le jour. C’est ainsi que j’ai fait pour m’en sortir en séchant mes larmes de petite fille pour laisser place au courage et à la détermination. 


J’ai arrêté l’école pour faire des ménages. Oui ! Lola la star a fait des ménages mais les femmes qui souvent craignaient que leurs maris ne s’intéressent à moi finissaient toujours par me renvoyer. Je me suis alors mise à gérer des bars. Libreville est remplie de petits bars minables aux clients tout aussi minables. Des hommes parfois des femmes, qui viennent tenter de noyer leur chagrin dans quelques verres oubliant complètement que les problèmes sont des maitres nageurs chevronnés. Fatiguée d’avoir à lutter et me disputer tous les jours avec des ivrognes qui refusaient de me payer les boissons une fois consommées, je me suis retournée vers les boites de nuit… 

J’ai fait tout ça pour mon fils. Et si j’ai eu la force de le faire à cet âge là, pourquoi aurais-je peur maintenant que j’ai mûri ? 


Hugues ! Ce salop là, me prendre mon ange Raphael. Plutôt mourir que de permettre à sa noirceur d’atteindre mon enfant. Plutôt mourir ! Rien que d’imaginer qu’il pourrait un jour débarquer chez papa et maman sans nous avertir, pour repartir avec mon bébé me donne envie d’hurler. J’ai la rage au ventre et la peur nouée à l’estomac. Je ne le permettrais jamais. 


Il faut que je parle à Raphael, qu’il me pardonne et qu’on recommence tout à zéro. Ce cœur de lionne qu’il m’a donné, il ne peut pas à son tour le faire souffrir ainsi. Raphael est ma consolation. C’est Dieu qui me l’a donné pour que je puisse me pardonner mes erreurs car de ces erreurs est né un ange, un petit miracle à lui tout seul. 


Et j’ai mon autre ange qui est là derrière moi et je sais qu’il me protégera. Avec lui à mes côtés rien de mal ne pourra nous arriver. Je me retourne dans ses bras pour lui faire face. Ses yeux sont grand ouverts et me fixent intensément. Il ne dort pas non plus apparemment.  


- Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ? 

- De quoi ? 

- Raphael. 

- Ta mère t’a beaucoup fait souffrir et …

- Comment le sais-tu ? demande-t-il en haussant les sourcils. 

- Tu ne parles jamais d’elle. Tu adores ta grand-mère, ton père tu ne le supportes pas mais au moins tu en parles. Mais de ta mère, jamais.  J’avais … peur que tu me compares à elle, que tu me dises que j’ai fait souffrir mon propre fils en lui cachant la vérité, j’avais peur que …

- Chut. 

- J’avais peur Mickael … vraiment. Je suis bien avec toi mais tu es tellement énigmatique… 


Il me caresse doucement les cheveux, puis passe un doigt sur la courbe de mon sourcil, de ma joue, de mon menton puis il m’embrasse. Ses lèvres roses se posent délicatement sur les miennes. Je m’accroche à lui de toutes mes forces. 


- Peur de quoi ? Peur que je me rende compte à quel point tu es courageuse et que je prenne peur et m’enfuie ? Peur de quoi Lola ? D’avoir su faire à 13 ans ce que ma mère en toute une vie n’a jamais fait… Aimer son enfant, le protéger, être là pour lui, lui offrir le meilleur de toi ? 


Est-ce Mickael qui parle ainsi ? 


- Quand je vois la force avec laquelle tu as affronté cette terrible épreuve, ça me donne juste envie d’être plus fort. Pour toi. Pour que tu n’aies plus jamais à livrer de telles batailles sans personne à tes côtés. Je ne vais plus me préoccuper de mes cauchemars,  de mon sommeil, de mes bleus à l’âme parce que je serai trop occupé à te protéger toi. 


Je ferme les yeux très fort et pose ma tête sur sa poitrine. Il n’y a rien de plus doux que t’entendre des mots aussi  apaisants sortant de la bouche de l’homme qu’on aime. 


Je suis triste de penser au mal que j’ai fait à Raphael et en même temps tellement heureuse que ce secret soit enfin dévoilé. Je vais peut-être pouvoir enfin endosser pleinement mon rôle. 


Celui d’une mère. 


- Toujours triste ?

- Juste un coup de blues. Ca fait longtemps que ça m’était arrivé. 

- Allez lève toi. 

- Quoi ! 

- Lève –toi. Dit-il en me forçant à me lever.


Je finis par le faire en levant les yeux au ciel pour lui signifier mon exaspération. Je ne suis pas d’humeur mais je ne veux pas lui faire de la peine. 


- Si tu me fais un sourire, je te promets de te montrer ma botte qui tue…

- Quoi ? 


C’est quoi cette histoire de botte qui tue ? Il enlève un des écouteurs de ses oreilles et me le met dans une oreille en me souriant. Il écoute de la musique. Je prête une oreille attentive et découvre … du Fally Ipupa.


- Quoi tu écoutes de la musique congolaise ? 

- Oui. Une fois en passant, j’aime bien… Ecoutes ce qu’il dit…


J’avoue que je ne suis pas très musique africaine alors je ne connais pas bien les paroles de la chanson de Fally pourtant très populaire l’année passée. 


« La vie est belle, la vie est douce … »


Il me prend dans ses bras et on danse tout doucement tous les deux, nos corps collés pour n’en former qu’un seul. Pour un petit blanc, il se débrouille pas mal. 


- Je suis fier de toi Lola. Ne le laisse pas gâcher les moments que nous partageons en lui accordant trop de place. 

- Ok. 

- T’as intérêt hein. Sinon, je te refais le petit coup de rein de Fally. 


J’éclate de rire et on s’écroule tous les deux sur le lit. 


Puis il me murmure à l’oreille : 


« J’ESPERE QUE LA SEULE CHOSE QUE TU NE FERAS JAMAIS C’EST DE TE CONTENTER DE MOINS QUE CE QUE TU MERITES. TU ES BELLE TALENTUEUSE, INTELLIGENTE DROLE ET SI DIGNE. NE L’OUBLIE JAMAIS S’IL TE PLAIT. NE L’OUBLIE JAMAIS. »


Je lui souris et l’embrasse tendrement. 


***Mickael***


Enfin, elle rit. Je suis soulagé. Je sais qu’elle est forte. Elle a juste besoin qu’on le lui rappelle quand elle a un pied à terre pour l’aider à se relever. Quand je pense qu’on appelle les femmes : le sexe faible ! Cette expression est une vraie absurdité. 

Les femmes sont des héroïnes du quotidien, des lionnes qui partent à la chasse pour nourrir leur famille, pendant que les lions pissent partout pour marquer leur territoire et se proclamer roi de la jungle. Marquer le territoire, jouer les gros durs, c’est ce que nous faisons tandis qu’elles veillent à tout. Je n’idéalise pas toutes les femmes loin de là. Je suis très bien placé pour savoir qu’elles peuvent aussi être de la pire espèce… 


Quand je la vois aujourd’hui, lovée dans mes bras comme s’ils constituent pour elle une forteresse imprenable, je ne peux m’empêcher de penser à l’unique chanson de Cabrel que je connais : 


« Moi je n'étais rien, Et voilà qu'aujourd'hui, Je suis le gardien, Du sommeil de ses nuits

Je l'aime à mourir, Vous pouvez détruire, Tout ce qu'il vous plaira, Elle n'a qu'à ouvrir

L'espace de ses bras, Pour tout reconstruire, Pour tout reconstruire, Je l'aime à mourir

Elle a gommé les chiffres, Des horloges du quartier, Elle a fait de ma vie, Des cocottes en papier

Des éclats de rire, Elle a bâti des ponts, Entre nous et le ciel, Et nous les traversons

À chaque fois qu'elle, Ne peut pas dormir, Ne peut pas dormir, Je l'aime à mourir »


C’est vraiment l’impression que j’ai. Je me sens comme un gardien, un ange gardien pour elle. Je l’ai déjà protégé une fois, je saurai le refaire quitte à … tout y perdre. Je ne peux tolérer de la voir malheureuse une nouvelle fois, elle qui a passé sa vie à être courageuse, elle qui n’a pas fui devant mes démons. 


« Elle a dû faire toutes les guerres, Pour être si forte aujourd'hui, Elle a dû faire toutes les guerres

De la vie, Et l'amour aussi

Elle vit de son mieux, Son rêve d'opaline, Elle danse au milieu, Des forêts qu'elle dessine

Je l'aime à mourir, Elle porte des rubans, Qu'elle laisse s'envoler, Elle me chante souvent

Que j'ai tort d'essayer, De les retenir, De les retenir, Je l'aime à mourir

Pour monter dans sa grotte, Cachée sous les toits, Je dois clouer des notes, À mes sabots de bois

Je l'aime à mourir, Je dois juste m'asseoir, Je ne dois pas parler, Je ne dois rien vouloir

Je dois juste essayer, De lui appartenir, De lui appartenir, Je l'aime à mourir

Elle a dû faire toutes les guerres, Pour être si forte aujourd'hui, Elle a dû faire toutes les guerres

De la vie, et l'amour aussi

Moi je n'étais rien, Et voilà qu'aujourd'hui, Je suis le gardien, Du sommeil de ses nuits

Je l'aime à mourir, Vous pouvez détruire, Tout ce qu'il vous plaira, Elle n'aura qu'à ouvrir

L'espace de ses bras, Pour tout reconstruire, Pour tout reconstruire, Je l'aime à mourir »


Je n’étais vraiment rien avant elle. Rien. 


***Leila Khan***


Je suis choquée par ce que Gabriel m’a expliquée et Xander a dû s’énerver pour que je consente à me recoucher. Ce qu’il m’a raconté sur Lola est profondément révoltant. Comment peut-on faire une telle chose à une enfant ? Lorsque Xander s’est rendu compte que je n’arrivais pas à fermer les yeux malgré son injonction, il a rallumé la lampe de chevet pour me demander ce qui me tracassait. 


- Non, rendors-toi bébé. Je vais gérer ça. 

- Lei c’est la première fois que je te vois dans cet état depuis très longtemps alors explique toi sinon on va y passer la nuit. 


Je lui ai raconté tout ce que je savais. Il s’est tu un long moment avant de prendre la parole. 


- En Inde aussi on a le même problème tu sais.  Les adultes profitent des jeunes filles sans vergogne et souvent, elles ont honte de les dénoncer. Parfois ça se passe dans les familles, et c’est la mère elle-même qui couvre ce crime lorsque son conjoint en est l’auteur de peur de le perdre ou de perdre l’argent qu’il donne. C’est difficile de lutter contre ça. Je suis vraiment désolé pour ta protégée. Que comptes-tu faire pour l’aider? 

-  Voir d’abord Denis. 

- Denis ? 


Xander se redresse comme un ressort. 


- Je te le dis déjà si elle t’a fait croire que c’est lui le père, ce n’est pas possible. 


Je lève un sourcil amusée par sa réaction. Xander et Denis c’est une amitié tellement vieille et forte. 


- Pourquoi ? Tu es si sûr que ça de ton frangin ?  

- Lei ! On parle de Denis là. Les gamines ce n’est pas son truc, il aime les femmes fortes qui peuvent lui tenir tête et tu me parles d’une personne qui a abusé d’une petite fille… 


Je me compose une mine sérieuse et le fixe l’air de ne pas trop le croire. D’ailleurs, je croise mes bras sur ma poitrine. Il rougit légèrement… 


- Et preuve finale, il y a douze ans, il n’était pas ici mais en Angleterre avec moi. Je peux l’attester… 

- Mon bébé calme ton cœur … Ce n’est pas Denis le père, mais son demi-frère. 

- Lei je te vois déjà partir en guerre là. Il doit avoir une centaine de demi-frères et un bon tiers qu’il ne connait même pas. Laisse le tranquille ! Les histoires de femmes ne lui réussissent pas en ce moment…

- Hugues ça te dit quelque chose ? 

- Hugues ! Merde !  Il est quasiment comme un fils pour lui. 


L’idée ne m’avait même pas traversée l’esprit que ce pouvait être Denis mais l’envie de le mettre sur les charbons ardents m’a poussé à titiller mon homme… Ca me fait sourire. 


Mais concernant Hugues. Voilà ce que je craignais ! 


***Quelques heures plus tard***


Je garde ma voiture dans la cour de la maison de Denis situé au quartier le plus chic de Libreville : La sablière. Ici vivent les immenses fortunes du Gabon. Xander m’a demandé si je voulais qu’on y dégote une maison quand il a fallu déménager du Taj Mahal mais j’ai refusé tout net sa proposition. Ce quartier est silencieux et tellement sans âme. Chacun reste cloitré chez lui avec gardien de société armé… Ce n’est pas ici que j’aimerai élever des enfants. 


Si Dieu m’en donne. 

Non, quand Dieu m’en donnera. 

Je descends et souris au gardien qui vient me saluer. 


- Bonjour Madame. Monsieur Denis est là. 

- Merci. Comment vont ta femme et tes enfants ?

- Ils vont bien merci beaucoup. 


Je prends congé et me dirige vers la maison. Cette maison c’est une vraie publicité tellement elle sent l’opulence. La bonne m’ouvre et m’installe au salon. J’appelle le propriétaire des lieux. Il décroche. 


- Je suis dans ton salon, tu es où ? 

- Dans le bureau. Viens. 


Je me lève promptement pressée d’en finir avec cette histoire qui me dérange au plus haut point. J’espère convaincre Denis d’agir. 


Je cogne et j’ouvre. Il parle avec un jeune homme qui se lève lorsqu’il me voit. A sa manière de me détailler du regard, je sais qu’il se demande qui je suis. 


- Lei, assieds toi. Je te présente Hugues mon neveu. Hugues Leila Khan, une très bonne amie à moi. 


Le hasard fait si bien les choses. Il me tend une main que je sers du bout des doigts. Mon attitude attire son attention. 


- Enchanté Madame Khan, dit-il poliment. 

- Tout le plaisir est pour moi, je dis avec un sourire de rapace. On aurait pu se connaitre plus tôt. 

- Vraiment ! 

- Je suis la tante de Lorelei. 


Il pâlit brusquement. Et un silence pénible envahit tout doucement la salle. Denis me regarde longuement puis regarde Hugues. Il sent que je suis très énervée malgré mon sourire de façade. C’est dans ces moments précis que j’aime l’argent, parce qu’il donne une assurance dont les femmes au départ timides comme moi sont dépourvues. 


Mes courbes sont embrassées par un tissu de costume que j’ai spécialement fait venir d’Italie. La coupe de ma robe classique, est haussée par le rang de perles grises qui ornent mon cou. C’est mon ancienne patronne qui m’a appris à aimer les perles. C’est toujours très chic d’en porter. A mon bras pend un sac Hermès que je me suis offert quand j’ai décroché un gros dossier que n’espérais pas vraiment obtenir. Et ma fameuse chute de rein qui rend fou Xander est encore plus cambrée qu’habituellement. Merci au Monolo Blanik (marque de chaussure) dont je me suis récemment entichée. 


Son cerveau de batard essaie de me catégoriser. Hummmm. Je vais me faire un plaisir de lui faire savoir dans quelle catégorie je boxe. 


- Tu es là pour affaire ? Peut-être pourrai-je te venir en aide…

-  Lei possède l’un des plus gros cabinets de la place, explique Denis. Si ça t’intéresse. Elle te fera un prix. 

- Je ne fais de prix que pour les très gros portefeuilles Denis et ça tu le sais. 


Denis fronce les sourcils. 


- Es-tu un gros portefeuille ? Il faut beaucoup de zéros dans ton compte pour être un gros portefeuille à mes yeux. 


Denis me sourit. Il sent qu’il doit laisser Hugues partir s’il ne veut pas que je me mette à mordre. 


- Hugues, on se voit plus tard ?

- Ok yaya. J’y vais. Madame Khan, je vous souhaite une bonne journée. 


Puis il s’en va. Je pose mon sac sur la chaise visiteur et reste debout face à Denis. 


- Bon, dis moi ce qui ne va pas… ce n’est pas dans tes habitudes d’être aussi agressive.

- Il va falloir que tu parles à ton Hugues. 

- Ne me dis pas que la Lorelei dont tu as parlé c’est elle la fille qu’il a enceinté…

- Il t’en a parlé ? 


Denis soupire et me demande de m’assoir. Je prends place. 


- Il faisait beaucoup de conneries ici alors dès qu’il a eu son bac, sa mère me l’a envoyé. J’ai payé ses cours, son appartement, je l’ai quasiment pris en charge. Il était turbulent au début mais dès qu’il a compris qu’il n’obtiendra rien de moi en foutant la merde, il s’est rangé et depuis c’est vraiment un bon petit. 

- Ca c’est le Hugues que tu connais. Moi celui qui me pose problème a couché avec une fillette de douze ans et ne s’est jamais occupé du fruit de cet … de cet acte. 

- Il vient de m’en parler et son comportement est impardonnable. J’ai été très déçu par ce qu’il m’a raconté. Mais ce sont les conneries qu’il a laissé derrière lui. Il a changé Lei, je l’ai élevé ce gamin. Et il mérite de connaitre son fils s’il veut faire amende honorable. C’est aussi son fils, Lei et n’oublie pas qu’il peut lui apporter beaucoup.  

- J’aurai pu croire cette version des faits, s’il n’avait pas débarqué la bouche en cœur pour le réclamer alors qu’il n’a jamais rien fait pour le fils en question. 

- Laisse-les régler ça entre eux… 

- Ah ça jamais. On sait comment ça se passe au Gabon. Elle n’a pas assez de poids face à lui. Je ne vais pas le laisser faire et je suis venue te dire de le mettre en garde par respect pour toi. C’est ton frère, tiens le en laisse ou il va se faire méchamment mordre. 

- Lei, tu ne peux pas t’attaquer à nous, à lui. Arrête ça tout de suite. 


A nous ?! 


- Denis !

- C’est mon demi-frère. Il est venu me demander des conseils et de l’aide. Que veux-tu que je fasse ? Que je le renie alors qu’il veut bien faire ? Et je te signale que ce n’est pas n’importe qui au cas où tu l’aurais oublié. Je ne peux pas te laisser faire…

- Tu me menaces ? 

- Je te dis juste que ce n’est pas n’importe qui et que je ne pourrai pas te protéger si tu t’entêtes… 


Je me lève déçue par la teneur de la conversation que nous sommes en train d’avoir. 


- Je n’ai pas besoin que tu me protèges. J’ai un mari qui le fait déjà très bien. 

- Lei ne le prends pas ainsi. 

- Je sais ce que ça fait de se voir arracher un enfant Denis. Je le sais. 


Je maitrise du mieux que je peux ma voix tremblante. 


- Neina m’a arrachée Puja et j’ai bien cru ce jour là mourir. Je ne l’avais pourtant que depuis quelques temps. Lola, gamine de treize ans a élevé avec ses parents Raphael dans un dénuement total.  Et contre toute attente, le bébé est devenu un garçon vif et intelligent qui mène une vie équilibrée. Alors ton frère Hugues n’a rien à dire à moins de négocier avec la mère un droit de visite parce que c’est tout ce qu’il aura. Il veut lui arracher son enfant Denis. Est-ce qu’il t’a expliqué ça avant de prendre sa défense? Je ne permettrai pas que cette jeune fille qui essaie de s’en sortir du mieux qu’elle peut, voit sa vie une nouvelle fois détruite par … ton frère. Il n’a pas réussi la première fois alors il revient finir le travail ? C’est ça que tu es en train de cautionner. Tu étais là pourtant et tu as traversé toutes mes souffrances avec moi. Tu le sais qu’aucune mère aimante ne devrait se voir arracher son enfant par une personne malhonnête. 

- Leila ! dit-il d’un ton conciliant. 

- Prépare déjà un billet aller simple pour l’Angleterre. 


Il me regarde sceptique sans comprendre où je veux en venir.  


- Pourquoi ? 

- Parce que c’est là bas où il ira se terrer quand j’en aurai fini avec lui. 


Je prends mon sac et m’en vais sans plus rien ajouter. 


***L’après midi***


***Gabriel***


Lola retrouve avec joie le staff pour préparer le tournage du clip de sa nouvelle chanson. La tension et les malentendus sont loin derrière nous. L’équipe est de nouveau unie et prête à casser la baraque. Scalinov montre à Lola les nouveaux pas de danse qu’elle devra exécuter dans le clip. 


- Je dis hein Scali, tu trouves tes pas là où ? demande-t-elle à bout de souffle

- Rhooo, la « lolo », c’est à ta portée. Essaie encore…


Elle rigole et se remet dans le rang avec les autres danseuses qui la regarde attentivement faire. Mon téléphone sonne et je décroche. 


- Oui Tyson ? 

- Monsieur j’ai un problème ici. Venez s’il vous plait. 


Je suis intrigué par son ton alarmé alors je me dépêche de le rejoindre pour tomber sur … le connard de la dernière fois. 


- Il faut que je parle à Lorelei. 

- Ca c’est hors de question. 


Il sourit. Mon regard se fait plus dur. 


- Valentine c’est ça ? Quoi ? Comme ton frère et toi vous couchez tous les deux avec elle ça y est vous vous sentez pousser des ailes ? 


Je suis tellement choqué par ce que j’entends que je reste coi au départ. Puis la colère gronde et je m’approche de lui prêt à en découdre lorsque Tyson s’interpose. 


- Patron, dit-il tout simplement. 


Je comprends qu’il est venu me provoquer pour que je réagisse, et qu’il serait plus smart (intelligent) de ne pas le faire. Alors je fous mes mains dans mes poches pour ne pas le frapper malencontreusement. Quand je pense que c’est moi qui ai interdit à Mickael de le toucher.  


- Dis ce que tu veux. Mais tu ne parleras pas à Lola, je réponds froidement. 

- Je vais te donner un conseil. Retire tes billes avant de devenir un dommage collatéral. Cette histoire ne te concerne pas. 

- Je suis son producteur, bien sûr que ça me concerne. Tu veux lui voler dans les plumes ? Il faudra d’abord passer par moi. 


Il soupire théâtralement et fais signe à ses gardes du corps d’ouvrir la portière de sa voiture. Avant de monter il m’adresse un dernier mot. 


- Tu ne pourras pas dire que je ne t’aurais pas prévenu. 


La minute d’après, il a disparu. 


- Ohhh. Ca c’est encore qui ?  s’étonne Tyson. 

- Tyson, merci de m’avoir appelé. Tu ne le laisses jamais passer. 

- Oui patron. 


Je pensais pourtant que le fait d’avoir prévenu Leila aurait arrangé nos affaires. N’a –t-elle pas parlé à Denis pour qu’il touche un mot à son demi frère ? 


***Hugues***


C’est plus compliqué que je ne l’avais imaginé mais pas insurmontable. Je ne me décourage pas facilement. 

J’ai au moins réussi à mettre Denis dans ma poche. Il est presque un père pour moi alors avoir l’air contrit suffit souvent à le rassurer sur mes nobles intentions. Denis, l’homme intraitable a aussi ses points faibles et j’ai la vague impression que cette Leila en fait partie. 

Bref. La première étape n’a pas été très brillante. Je crois que j’ai gardé de Lorelei le souvenir de la petite fille tremblante qui était venue supplier ma mère. Ce n’est plus elle. J’ai sous-estimé l’adversaire. Je pensais frapper un grand coup pour la même KO sans avoir à jouer les prolongations mais elle a résisté. Elle ne se rendra pas sans se battre. 


Je n’avais pas non plus prévu la présence de la tante au côté de Lorelei. Qui est-elle ? Les menaces sous entendues dans chacune de ses phrases prouvent qu’elle ne me porte pas vraiment dans son cœur. 


Raphael. Mon fils. Le rapport qu’on m’a rendu sur la famille Bekale quand j’ai enfin pu les retrouver grâce à la médiatisation de Lorelei est très éloquent. Je sais qu’il est sourd. Ca doit surement être dû à une négligence de sa mère. Mais il est brillant. A onze ans, il est en classe de quatrième. Je suis extrêmement fier de lui alors que je ne le connais même pas encore. Je ferai de lui mon héritier. Après le décès de ma mère emportée par un cancer du sein, j’ai hérité de sa colossale fortune. J’ai besoin de transmettre tout ça à quelqu’un à mon tour. 

 

Je n’aurai jamais cru un jour devoir courir derrière un enfant que j’ai refusé d’assumer plus jeune. Je savais que c’était le mien mais le reconnaitre devant ma mère qui à l’époque occupait de très hautes fonctions, c’était signer mon arrêt de mort et rater le voyage en Angleterre pour la poursuite de mes études. La vie est ingrate. J’ai fini mes études grâce à Denis qui a tout pris en charge quand ma mère découragée m’a coupé les vivres après mes premières conneries là-bas. A l’époque il trainait avec un indien surdoué appelé Khan. Leila Khan ?! Est-ce la femme de cet indien ? Merde alors. Il va falloir que je manœuvre avec habileté parce qu’il est plus qu’un frère pour Denis. Merde. 


J’ai fini mes études et trouvé la femme de ma vie. Mais le jeu du sort étant souvent ironique, elle ne veut pas d’enfants. Je l’aime tellement que je ne peux pas me résoudre à la quitter malgré sa décision. Elle dit vouloir se consacrer à l’œuvre que Dieu lui a assignée et je la comprends. C’est une femme merveilleuse. Mais je ne peux pas rester sans descendance. D’ailleurs je ne le reste pas puisque j’ai un fils. Je lui ai expliqué pour Raphael. Je lui ai dit qu’à l’époque l’esprit du mal m’habitait et que grâce à elle j’ai découvert la lumière. Et petit à petit je l’ai amenée à accepter l’idée que j’ai déjà un fils qu’elle pourrait élever comme le sien puisqu’elle ne veut pas m’en donner un. On formerait une petite famille exemplaire aux yeux de sa congrégation et elle en ressortira encore plus forte. Elle a répondu qu’elle m’aimait et qu’elle consentait à le faire pour moi. 


Ce que je n’avais pas prévu c’est la résistance farouche de Lola. Si elle croit que je vais lui laisser cet enfant alors qu’elle mène une vie dépravée c’est qu’elle ne me connait pas encore. 


***Trois jours plus tard***


***Gabriel***


Nadine accourt en panique dans mon bureau alors que je planche sur la soirée Castel bière à organiser dans les tous prochains jours. 


- Monsieur Valentine, on a un gros souci.  Dit-elle en reprenant son souffle. Le ministère de la communication vient de nous envoyer un courrier dans lequel il est écrit que toutes vos autorisations concernant votre studio de production sont retirées. 


J’accuse le coup et desserre ma cravate sans rien dire. Puis elle étale un journal satirique devant moi qui titre :


« Scandale : celle qui faisait passer son fils pour son frère tout en couchant avec deux frères ! »


Merde !

Putain je sais de qui ça vient ça !

Le guerre a commencé…



L'histoire que vous lisez

Statistiques du chapitre

Ces histoires vous intéresseront

LOVE SONG