Chapitre 36

Write by WumiRa

_« Pour la deuxième fois en quelques heures, je te demande pardon. Il n'aurait jamais dû arriver ce qui s'est passé cette nuit. C'est une erreur im... »_


D'un geste rageur, Maya froissa le bout de papier d'une main et s'apprêtait à le lancer au loin, lorsqu'elle se ressaisit et le déplia à nouveau. Elle reprit depuis le début.


_« Pour la deuxième fois en quelques heures, je te demande pardon. Il n'aurait jamais dû arriver ce qui s'est passé cette nuit. C'est une erreur impardonnable et j'ai honte de moi, parce que même si tu t'obstines à vouloir penser le contraire, tu n'es pas amoureuse. Tu ne m'aimes pas, moi. Ce que tu aimes en réalité, c'est ce que tu éprouves à chaque fois que je pose mes mains sur toi... »_


Son estomac se contracta douloureusement.


_« Quelque soit la manière dont je te traite, tu es incapable de résister à mes avances. J'ai compris que tu ne peux pas te passer de moi, de mes caresses, que rien ne t'est à ce point indispensable, mais après tout ce n'est que du sexe et je ne veux pas que tu dépende à ce point de moi. Je ne pourrai jamais être celui que tu attends que je devienne. »_


Après lecture, Maya déchira le papier et alla le jeter dans les toilettes, avant de tirer la chasse d'eau. 


Ensuite elle prit son téléphone et composa le numéro de Malik. Il décrocha immédiatement.


- Bon...


- Tu n'es qu'un pauvre type, assena t-elle, sans lui laisser le temps de placer un mot. 


- Je sais, répondit-il sur le coup. Et je suis vraiment...


- Désolé ?! Tu vas encore me dire que tu es désolé ? Mais merde Malik, comment fais-tu ? Comment peux tu embrasser une femme et lui faire l'amour avec passion, pour ensuite te comporter comme si rien ne c'était passé ?


Aucune réponse ne lui parvint, sauf le bruit de la respiration de son mari. 


Elle s'apprêtait à lui lancer des flots d'injures, mais ses émotions prirent le dessus et elle dû raccrocher. Jamais encore il ne lui avait manqué de respect de cette façon... Il fallait que cela cesse nom de Dieu ! C'était insensé ; à croire qu'elle n'avait jamais existé avant de le rencontrer.



***


Dans l'ascenseur qui le conduisait à son bureau, Malik repensa à la conversation de quelques secondes qu'il venait d'avoir avec sa femme. Il s'y était attendu de toute façon, prétendre le contraire aurait été malhonnête. C'était même précisément pour cela que durant toute la réunion à laquelle il venait d'assister, tout son esprit s'était trouvé ailleurs. Il avait appréhendé le moment où elle se réveillerait, toute seule et verrait les mots qu'il avait écrit à la hâte. 


Il avait mal agit, mais pourtant il n'était pas le seul à blâmer. Il ne comprenait pas pourquoi elle se laissait aller à lui de cette manière, malgré toutes les atrocités qu'il lui avait dites. 


La veille par exemple, il n'aurait pas été étonné qu'elle le repousse systématiquement, après leur grande dispute, mais vu ce qui s'était ensuite passé, il avait des doutes. 


Et s'il s'était trompé ? En lui écrivant ces mots, il y avait pensé et même durant la moitié de la réunion, il n'avait pas cessé de se demander s'il ne s'était pas trompé. Et si c'était vraiment la bonne ? Jusqu'alors, aucune femme n'avait réussi à retenir son attention assez longtemps et il avait mis le cas «Maya» sur le compte de sa vengeance, mais si c'était vrai ? Si elle l'aimait comme elle le prétendait et de manière totalement désintéressée ? Était-ce une bonne chose qu'il la laisse filer, même après la naissance de leur enfant ?


L'ascenseur s'ouvrit et juste au moment où il sortait, il tomba sur Umar. 


- Pourquoi es-tu allé voir sœur Léa ? 


Ce fut sa première question.


- Je ne suis pas venu parler de mes motivations, répondit son meilleur ami. J'ai une mauvaise nouvelle à t'annoncer.


- Ça pourra attendre, je ne suis pas d'humeur...


- Sœur Léa est morte. Tu n'es toujours pas d'humeur ?


En un clin d'œil, le visage de Malik passa de la colère à l'incrédulité. Il se pétrifia carrément de surprise sur place.


- Pardon ?


- Elle est morte dans son sommeil, hier nuit. Comme par hasard, j'ai décidé d'aller lui rendre visite et c'est là que je l'ai appris. 


Une grande chaleur l'envahit et des gouttes de sueur se mirent à perler sur son front.


- Mes condoléances, frères, fit Umar, en posant une main sur son épaule. Je sais ce qu'elle représentait pour toi.


Vraiment ? Non, il en doutait.


En réalité nul ne le savait. Nul ne savait quel rôle exact cette femme avait joué dans sa vie de petit garçon abandonné et d'adolescent rebelle. Et maintenant, elle était morte. Morte ! 


Sans mot dire, il se dirigea d'un pas rapide vers son bureau, n'oubliant pas de fermer à clé derrière lui. Il se débarrassa de sa veste, arracha la cravate qui à présent l'étouffait, puis s'assit. À même le sol, le dos mur, ne sachant comment réagir à cette nouvelle inattendue. 


Sœur Léa morte signifiait qu'il n'avait plus personne. En un mot, il était redevenu l'orphelin d'autrefois, parce qu'évidemment il n'y aurait plus personne pour lui donner les conseils qu'une mère lui aurait donné. 


Était-ce donc cela le manque ? C'est vrai qu'à huit ans, l'on ne sait pas grand chose de la vie et donc rien concernant la mort. C'est ce qui justifiait le fait que la mort de ses parents ne l'ait pas tout de suite affecté.


Mais à présent, il y'avait ce poids anormal sur sa poitrine et sa gorge se nouait à chaque fois qu'il essayait de respirer convenablement. Des coups resonnèrent à la porte, mais il demeura ainsi, dans la même position, ne daignant pas se lever pour aller ouvrir. C'était sans doute Umar, mais il n'avait aucune envie qu'on le voit dans cet état. Comme l'enfant qu'il avait été et qu'une partie de lui continuait toujours à être. 


Il repensa à leur toute dernière discussion et pour la première fois en une vingtaine d'années, une larme coula sur sa joue.


- L'enterrement est prévu pour tout à l'heure, dit la voix d'Umar de l'autre côté de la porte. Apparemment, elle tenait à ce qu'on lui fasse une cérémonie musulmane... Elle s'est reconvertie.


Il se tut un instant avant de dire :


- Elle savait qu'elle allait mourir. 


Voilà pourquoi elle avait absolument insisté pour qu'on le fasse venir ? Il était arrivé trop tard dans ce cas. Et malgré ce lien entre eux, il n'aurait jamais cru que sa mort l'affecterait autant. Il avait l'impression d'avoir perdu quelque chose qu'en fait il n'avait jamais vraiment eu : l'amour d'une mère. Parce que malgré ces airs de tyran, c'était ce que sœur Léa avait été pour lui durant tout le temps qu'il avait passé à l'orphelinat. Sans parler de comment elle l'avait rassuré, après qu'il soit revenu de chez les Sacko ; s'il n'y était plus retourné, c'était grâce à elle. 


Lorsqu'il n'entendit plus la voix d'Umar, il sut que ce dernier était parti. On allait vraiment enterrer sœur Léa dans quelques heures !


Il prit son visage dans ses mains, tandis que son corps entier était secoué de tremblements. C'était la première fois que cela lui arrivait, dans sa vie d'adulte, mais le plus étonnant encore, était qu'il n'arrivait pas à pleurer. La larme qui avait coulée tout à l'heure fut la seule qu'il arriva à verser, malgré toute l'envie qu'il avait de se laisser aller... pour une fois. À croire qu'il s'était trop endurcit et que cette «faveur» lui était à présent refusée. 


Il resta donc ainsi, l'amertume au ventre. Il repensa à chacune de leurs conversations, à chacun des conseils que cette bonne femme lui avait donné et plus précisément à la première fois qu'elle l'avait revu en tant que Malik. Malgré toute la rudesse de ses traits, il avait bien vu de la fierté dans ses yeux et cela l'avait touché. Car outre les vaines flatteries des journalistes et autres, jamais personne ne l'avait réellement félicité pour ses efforts, pour en être arrivé là. Personne.


Un vibrement dans l'une de ses poches lui signala l'entrée d'un appel. Il laissa sonner, avant de se souvenir que cela pouvait être Maya. Mais après... avait-il envie de lui parler, là maintenant et de l'entendre le traiter de tous les noms ? 


Sans beaucoup réfléchir, il sortit l'appareil de sa poche et le porta à son oreille, après avoir décroché.


- Allô.


- Bonjour monsieur. 


Ce n'était pas elle.


- C'est votre gardien, dit la voix.


Le gardien ?


- Excusez moi d'avance, mais je crois qu'il se passe quelque chose d'anormal ici. Madame vient de sortir de la maison avec plusieurs valises et au lieu d'utiliser la voiture qu'elle m'a demandé de laver hier, elle est allé chercher un taxi. Je voulais savoir si...


- J'arrive.


Il raccrocha brusquement et se leva, avant de se mettre à chercher les clés de sa voiture des yeux. 


Il aurait dû s'en douter. Il avait eût raison de penser être allé trop loin. Et comme si la mort de sœur Léa ne suffisait pas, à présent, il allait à nouveau devoir essayer de raisonner Maya pour ne pas perdre son fils.


***


Deux heures plus tard...



- Le premier endroit auquel il pensera c'est ici, tu y as pensé j'espère.


Maya haussa les épaules.


- Je ne compte pas squatter ici, So. Je ne peux pas me permettre de te créer des ennuis, mais...


- Quels genres d'ennuis pourrais-tu me causer ? Tu t'entends ?


- Je ne veux pas que tu l'aies sur le dos. Il...tu ne peux pas comprendre.


- Bien, explique moi ! dit Sonya en s'asseyant à côté d'elle. Déjà je ne comprends pas comment tu as pu tomber dans un tel piège et pourquoi tu ne m'as rien dit. Et c'est sans parler du fait que tu m'aies caché que ton ex te frappait.


Maya soupira.


- Djibril n'a levée la main sur moi que deux ou trois fois. Et oui j'ai été stupide, heureusement que je ne l'ai pas épousé.


- Parce que tu crois que ton Malik est mieux en comparaison ?


Elle repensa à leur dispute d'hier, puis à la façon dont elle avait ensuite succombé.


- Ce n'est pas pareil... J'aime Malik.


- Tu aimais Théo, tu aimais Djibril, mais de tous...


- Tu te trompes, ce n'est rien comparé à ce que je ressens maintenant. Ces deux là, je ne les ai jamais vraiment aimé, je te l'ai dit, je ne sais pas ce qui m'a pris.


- Alors, pourquoi te retrouves-tu à fuir ? Tu ne t'es quand même pas lassée de ton palais, n'est-ce pas ? Et le plus important, où est-ce que tu vas aller comme ça ? Si tu comptes rentrer à la maison, je te le déconseille, ce serait mal vu.


- Je n'irai pas chez mes parents.


- Alors où ?


Le téléphone de Sonya se mit à sonner. Elle s'en saisit.


- Numéro inconnu, c'est sûrement...


Avant qu'elle ne remarque l'air sidéré de sa cousine et avant que celle ci ne puisse l'en empêcher, elle décrocha.


- Allô ? Steve ?


La surprise qui apparût ensuite sur son visage, donna raison à Maya. Elles échangèrent un regard, avant que Sonya ne mette le téléphone sur haut-parleur. 


- Allô.


La voix de Malik se fit aussitôt entendre.


- Salam, fit-il, d'une voix calme.


Maya se redressa sur son siège.


- Salam, répondit Sonya.


- Tu vas bien, j'espère ? demanda t-il.


- Alhamdoulilah ça va. Mais je ne me souviens pas t'avoir donné mon numéro de téléphone.


Il y eut un silence à l'autre bout, avant qu'il ne reprenne en disant :


- Tu ne t'en souviens pas, en effet. Puis-je parler à ma femme, s'il te plaît ?


Maya secoua vigoureusement la tête en guise d'un "non".


- Ta femme ?


- Je sais qu'elle est avec toi. Passe la moi, s'il te plaît. Je dois lui parler.


- Écoute je ne vois vraiment pas où tu veux en venir et je ne tiens absolument pas à le savoir. Je pensais avoir été assez claire hier nuit : occupe toi de ta femme et veillez tous les deux à ce que je ne sois plus mêlée à toute cette histoire. 


- Justement, si tu veux que je m'occupe d'elle, vire la de chez toi.


- Comment oses-tu...


- Elle porte mon gosse. Je ne peux pas être tranquille tout en sachant qu'il ne sont pas en sécurité. 


Il s'éclaircit la gorge.


- Je ne sais pas ce qu'elle t'a raconté, mais si tu...tiens à elle, demande lui d'agir comme une adulte et de rentrer. Si elle compte me quitter, qu'elle patiente, neuf mois ce n'est pas bien long.


Et bip. Il venait de raccrocher.


Interloquée, Sonya se tourna vers Maya.


- Neuf mois ce n'est pas bien loin ? Qu'essayait-il de dire ?

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