Chapitre 37
Write by Djelay
- La version courte ou la longue ?
- Je veux tout savoir. Depuis ma blessure jusqu’à mon réveil. Tout.
J’écoute attentivement Dav qui m’explique comment Luc s’est sacrifié pour me sauver la vie. Je ne digère toujours pas cette information. C’est vrai que Luc a toujours été différent avec moi. J’avais droit à plus d’attention de sa part, plus de privilèges et même plus d’autorité. Je crois que c’est la raison de la haine Tiger à mon égard. Il ne n’acceptait pas que je sois le préféré de Luc. Pourtant, Luc m’a toujours semblé être une personne égoïste, qui se soucie uniquement que de ses intérêts et de sa vie. Jamais je n’aurais pensé qu’il pourrait être capable d’un tel sacrifice. M’aimait-il autant ? Au point d’échanger sa vie contre la mienne ? Un étrange sentiment s’empare de moi. La culpabilité ? Oui je me sens coupable de ce qui lui ait arrivé. Je réalise seulement maintenant que tout ce qu’a fait Luc, c’était dans le seul but de m’avoir à ses côtés, moi, son unique fils. Quand je repense à la haine que je lui portais alors que lui m’aimait de tout son cœur. Je sens tout d’un coup un pincement au cœur. L’image de Luc traverse mon esprit et étrange que cela puisse être, il me manque.
- Mike ? Tu es toujours avec moi ?
- Euhh oui, oui excuse-moi.
Je prends le verre d’eau posé sur la commode et le vide d’un trait. Putain ! Ce qu’il me faut c’est de l’alcool. Mais cet enfoiré de David a refusé de m’en donner.
- Tu sais Mike, je n’arrive toujours pas à croire que Luc est ton père.
- Bienvenue au club. Dis-je sarcastiquement.
- Et ta mère ? Qu’a-t-elle dit ? Lui as-tu parlé ?
Mon humeur vire au noir lorsqu’il mentionne ma mère. L’idée de la revoir me répugne tellement que je lui en veux.
- Ne parlons pas d’elle pour le moment. Moi ce que je veux savoir c’est comment se porte ma p’tite poupée ? Qu’a-t-elle fait pendant que j’étais inconscient ? A-t-elle repris les cours ? Tom se comporte-il bien avec elle ? Raconte-moi tout.
La réserve de Dav m’interpelle. Que se passe-t-il ? Pourquoi semble-t-il gêné tout d’un coup ?
- Qu’est ce qu’il y a ?
- Euh comment ça ?
Je déteste quand on ne répond pas à mes questions.
- Ne me provoque pas Dav. Même invalide, je suis capable de te foutre une raclée qui te conduirait directement au bloc opératoire. Alors dis-moi ce qu’il y a. Que se passe-t-il avec Lili pour que tu changes d’expression soudainement.
- Eh bien, rien de particulier. Enfin si mais ce n’est pas à moi de le dire. C’est à Lili de le faire.
- Bon sang Dav ! Ne me fais pas peur ! S’agit-il d’un autre homme ?
David ne pouvant plus supporter mon interrogatoire se lève du lit. Il est nerveux. Mais pourquoi ? Putain, je sens que je vais devenir fou. Ça suffit ! Je vais de ce pas chez Lili. Peu importe ce que j’y trouverai, il faut que je sache ce qui se passe.
- Hé, que fais tu ?
- Ça ne se voit pas j’essaie de me mettre debout. Rétorqué-je sèchement.
- Tu n’y arriveras pas de sitôt. Laisse-moi t’examiner d’abord, Tu pourras ensuite aller où bon te semble mais en chaise roulante.
Mes yeux s’ouvrirent grandement lorsque j’entendis « chaise roulante ». Il perd la boule ou quoi ?
- Tu crois vraiment que j’irai voir Lili, ma Lili en chaise roulante comme si j’étais un incapable ? Un moins que rien ?
- Oh que si tu le feras, tu y es obligé d’ailleurs mon petit Mike. Je te rappelle que tu ne peux pas marcher.
- Les béquilles, ça te parle ?
- Ah ! C’est vrai. J’avais oublié cette option. Dommage, je mourrais d’envie de te voir en chaise roulante.
- Enfoiré ! Dis-je un sourire aux lèvres. Appelle Kevin s’il te plait et dis-lui de venir.
- A vos ordres caméléon ! Oups, pardon, je voulais plutôt dire Mike.
- Prépare ton cercueil parce que lorsque je serai totalement rétabli je te tordrai le cou.
Lili occupe toutes mes pensées depuis que David sans le vouloir m’a fait comprendre que quelque chose se passait. Si jamais il y a un autre homme dans la vie de Lili, je le bute puis je récupère ma p’tite poupée. Mais elle devra assumer les conséquences de ses actes par la suite parce que je ne l’épargnerai pas. Cette fille est à moi pour la vie. Personne ne me la prendra. J’attends impatiemment que Dav finisse de m’examiner pour aller rejoindre mon p’tit ange. Je me rappelle ses douces petites lèvres au goût de fraise. Et ses fesses, lorsque je la prends en levrette. Putain ! Le simple fait d’y penser me fait bander.
- Au moins ce membre-là fonctionne correctement.
- Dégage ! Dis-je en le repoussant, embarrassé qu’il m’ait surpris.
Au même moment, l’on toque à la porte.
- Entrez dis-je m’attendant à voir l’infirmière.
Mais, grande fut ma joie lorsque je vis Kevin. Jamais je n’ai été autant heureux de retrouver un ami. Kevin est devenu bien plus qu’un ami, c’est mon frère.
- Bonjour monsieur. Dit-il, la voix remplie d’émotion.
Putain ! J’ai l’impression qu’il est sur le point de chialer.
- Viens là fréro. Dis-je en ouvrant grandement les bras.
Kevin court presque pour me rejoindre. Notre accolade est digne de celle de deux frères qui se retrouvent après une longue période d’absence. Je pouffe de rire en l’entendant renifler. M’écartant aussitôt de lui, je l’observe et constate qu’il chiale comme un gamin. Je suis immédiatement pris d’un fou rire.
- Bon sang Mike ! C’est pas gentil de ta part . Fait remarquer Dav.
Mais je m’en fiche. C’est la première fois que je vois Kevin pleurnicher et il faut bien que je profite de la scène car elle ne répètera peut-être plus jamais.
- Depuis quand es-tu devenu une femmelette ? Dis-je entre deux rires.
- A l’instant. Répond-il d’un air sérieux.
Je m’arrête aussitôt de rire. Son expression est bouleversante. On aurait dit qu’il vient de renaître en cet instant. N’est-ce pas moi qui ai été dans le coma ? Kevin à la fois soulagé et heureux m’émeut sincèrement.
- Ne nous abandonnez plus jamais de la sorte monsieur.
Il essuie les dernières larmes sur ses joues avec un doigt. Je le regarde faire en silence. Je me rends compte du lien fort qui existe entre Kevin et moi. Je me souviens de notre rencontre. Cela remonte à sept ans, un an après que j’ai rejoint la bande de Luc. Kevin venait à peine de perdre ses parents. De trois ans mon cadet, le gamin qu’il était dormait dans la rue n’ayant nulle part où aller. J’étais en mission dans un bar non loin de l’endroit où créchait Kevin. Ce jour-là, je devais récupérer de l’argent que nous devait un client depuis belle lurette. J’y étais allé dans l’intention de lui infliger une belle correction avant de repartir avec l’argent. C’était de cette façon que nous faisions passer les messages d’avertissement. Alors que j’avais sectionné le pouce de cet enfoiré et ce après lui avoir foutu une bonne raclé, je ne m’imaginais pas qu’un de ses hommes me suivrait en dehors du bar pour m’abattre d’une balle. Ce jour-là Kevin m’a sauvé la vie en assommant cet homme par derrière avec un gros bois. Je m’étais retourné brusquement en entendant le bruit de craquement. C’est là que j’ai vu ce gamin d’à peine dix-huit ans, tenant un bois en main. Je n’oublierai jamais notre première conversation.
- Il s’apprêtait à vous tirer dessus monsieur. M’a-t-il dit encore sous le choc.
- Oui je sais. Merci de m’avoir sauvé la vie, petit. Mais que fais-tu ici à pareille heure.
- Je vis ici.
- Ici ? Avais-je dit surpris. Mais où ?
- Bah ici. Avait-il répondu en montrant du doigt un carton couvert de sachets noirs étalé près du mur.
J’avais ressenti de la peine pour lui. C’est alors que j’ai décidé de le prendre sous mon aile.
- Où sont tes parents ?
- Morts tous les deux dans un accident de moto.
- Une tante ? Un oncle ? Des frères et sœurs ?
- Je suis seul au monde monsieur. Mes oncles n’ont pas voulu de moi après la mort de mes parents.
- Depuis quand vis tu ici ?
- Quatre mois.
- As-tu été à l’école ?
- Oui monsieur, j’aurais passé le bac cette année si mes parents étaient encore en vie.
- Ça te dirait de venir avec moi ?
Il avait hésité un instant avant d’accepter. Au début, je voulais juste qu’il ait un toit où dormir, de quoi manger, se laver, s’habiller et terminer ses études. Mais est arrivé un jour où Kevin a insisté pour s’entrainer au Judo avec moi. J’ai tout de suite remarqué qu’il avait en lui quelque chose de spécial. Il apprenait très vite. J’ai payé ses cours jusqu’à ce qu’il obtienne son brevet de technicien supérieur en comptabilité à vingt et un an. Je lui ai même trouvé un emploi dans ma boîte à Johannesburg. Un an après Kevin m’a encore sauvé la vie alors qu’un individu était entré dans notre maison pour m’assassiner ; Un coup du clan adverse. C’est suite à cet incident qu’il a demandé à être mon garde du corps chose que j’ai bien entendu refusé. Car je ne voulais de cette sale vie pour lui. Mais Kevin ne l’entendait pas de la sorte. Il m’a supplié, me disant que ce ne serait que pour quelques jours, le temps que je trouve un bras droit. J’ai fini par accepter et les jours se sont transformés en semaines qui à leur tour sont devenues des mois puis des années. Depuis, Kevin et moi sommes inséparables.
- Tu vas bien Kevin ?
- Oui monsieur. Et je vais encore mieux maintenant que vous êtes là.
Il me gratifie d’un large sourire qui me va droit au cœur.
- Et as-tu pris soin de ma p’tite poupée ?
Il ne répond pas toute de suite à ma question se contentant de sourire.
- Quoi ? Qu’est-ce qui t’amuse ?
- En fait Je lui ai dit que lorsque vous vous réveillerez, la première chose que vous me demanderiez serait de savoir si j’ai veillé sur elle.
- Tu me connais tellement bien mon frère. Répondis-je en souriant moi aussi. Et dis-moi qu’a-t-elle dit ?
- Elle a explosé de rire.
- C’est vrai ? Je suis content de savoir qu’elle a continué de profiter de la vie pendant mon absence.
Le visage de Kevin se ferma à peine ai-je prononcé ces paroles.
- Quoi ? Demandé-je le cœur battant.
- La vie n’a pas été facile pour elle dernièrement monsieur.
Il se tait un instant.
- En fait, cela fait cinq mois qu’elle pleure jour et nuit mettant même en danger le…
- Quoi ? Mettre qui en danger ? Crié-je presque.
- Sa vie, je voulais dire sa vie. Car elle a été hospitalisée il y’a de cela quelques semaines.
- Bon sang ! Ma pauvre p’tite poupée. Et moi qui croyais qu’elle s’était peut-être trouvé un autre mec.
- Quoi ? S’offusque Kevin. Jamais elle n’aurait fait ça. Lili vous aime trop. De plus je ne l’aurais jamais permis.
- Je le sais Kevin. Je peux toujours compter sur toi.
- Bon bah, merci de m’ignorer. Apparemment je ne compte pas moi. Se plaignit Dav dont on avait oublié la présence.
- Bien sûr que tu ne comptes pas. Dégage d’ici maintenant ! Kevin prend la relève.
- Va te faire foutre Mike. Réplique Dav en faisant un doigt d’honneur.
- Kevin rappelle moi que je dois lui défoncer la tronche.
Ce dernier éclate de rire, puis Dav et enfin moi. C’est bon d’être de retour parmi les vivants et de retrouver ses proches.
- Merci Dav pour tout ce que tu as fait pour Lili et moi. Je te serai toujours reconnaissant frangin.
- Je t’en prie. Tu es mon frère et la famille est précieuse. Aller, je rentre à présent. Appelle-moi pour m’exprimer ta joie lorsque tu auras vu Lili.
Il fit un clin d’œil avant de s’en aller. C’est moi où sa phrase était sous entendue ? Bref ! Je ne m’y attarde pas, trop pressé de retrouver ma p’tite poupée.
- Apporte-moi des béquilles s’il te plait. Il doit en avoir au bloc.
- Toute de suite monsieur…
- Attends Kevin ! ça suffit avec les « monsieur ». Je ne sais pas mais ça sonne bizarre maintenant. Appelle moi Mike et tutoies moi s’il te plait. Tu es mon frangin et les frères ne s’appellent pas monsieur.
- Vous allez bien ? Me demande-t-il à la fois surpris et inquiet.
- Plus que bien. C’est juste que j’ai réalisé que la vie est courte et qu’il faut en profiter au max avec ses proches. Et toi Kevin tu en fais partie.
- Je ne sais pas quoi dire… Vous… enfin tu es l’ange que m’ont envoyé les cieux lorsque j’étais dans le besoin. Et tu as toujours pris soin de moi. Merci pour tout Mike, mon frère.
Dans la voiture, je sens l’excitation monter à chaque kilomètre parcouru. Mon cœur risque d’exploser tellement il bat vite. J’ai pensé et repensé à la première chose que je lui dirai lorsque je la verrai. « Hey mon ange, je suis de retour ». Ou « p’tite poupée, tu m’as tellement manqué ». Mais rien n’était assez bien à mon goût. Je finirai bien par trouver. Putain ! J’ai tous les sens en alerte.
- Tu peux aller un peu plus vite Kevin !
- Ça ne servira à rien de toute façon. Lili n’est pas à la maison en ce moment.
- Quoi ? Et c’est maintenant que tu me le dis ? Bon sang Kevin ! Où est-elle donc ?
Il se moque de moi pendant que je suis dans tous mes états. J’exagère peut-être un peu mais c’est compréhensible ou pas ? Je sors à peine d’un coma de cinq mois. C’est normal que je veuille voir ma femme au plus vite.
- Tu réponds oui !
- Elle est à la fac. Je l’y ai emmenée avant de venir.
- Et A quelle heure finit-elle ?
- A quinze heures.
- Quoi ? Dans trois heures ? C’est trop long ! Je ne pourrai pas tenir jusque-là. Allons la chercher maintenant.
- Détend toi Mike. Tu viens à peine de te réveiller et Dav a dit que tu as besoin de repos. Ce qui veut dire moins d’agitation. Alors je t’emmène chez ta p’tite poupée et quand il sera l’heure j’irai la chercher.
- Tu me dis quoi faire maintenant ?
- Oui parce qu’il y va de ta santé.
- Je n’ai donc pas le choix, n’est-ce pas ?
- Tu as tout compris.
- Rappelle moi aussi lorsque je serai rétabli que je dois te casser les côtes.
Je suis nostalgique en voyant la maison de Lili. Toutes ces fois où j’y suis venu me viennent à l’esprit comme si c’était récent. J’ai hâte de la retrouver et de la serrer dans mes bras. Je descends de la voiture avec beaucoup de difficultés. Kevin ne m’aide pas et je lui en suis reconnaissant. Lui plus que quiconque comprend à quel point je suis frustré d’être dans cet état. Et il sait que je n’accepterai jamais d’aide. Oui, il connait ma fierté. J’aurais fait pareil si les rôles étaient inversés car lui et moi sommes semblables. Cela m’a pris du temps mais j’ai réussi à sortir du véhicule. A l’aide de ma béquille, Je gravis le perron suivi de Kevin. Une fois à l’entrée j’appuie sur la sonnette. Au moins cinq minutes ne s’écoulent avant que Tom ne vienne m’ouvrir. Comme je m’y attendais, il se fige en me découvrant au seuil de sa porte. Ses petits yeux, s’agrandissent comme s’ils viennent de voir un fantôme. Le visage de l’infirmière apparaît aussitôt dans ma mon esprit. Tom reste muet pendant un bon moment, me détaillant de la tête aux pieds. Au bout de quelques secondes qui m’ont paru une éternité, il ouvre la bouche avant de la refermer.
- Ne t’inquiète pas ! Je ne suis pas un fantôme. Dis-je en riant.
- Mike ?
- Ai-je autant changé ?
- Non… Bien sûr que non ! C’est que pour être honnête je n’espérais plus te revoir. Putain ! C’est bien toi ?
- Bah ouais.
- Bon sang ! Lâche-t-il avant de me faire une accolade.
Il me relâche ensuite pour me prendre de nouveau dans ses bras.
- Je suis content aussi mon pote mais comme tu peux le constater je ne tiens pas sur mes jambes. J’ai besoin de m’assoir un moment.
- Oh oui bien-sûr. Je suis bête. Vas-y entre.
- Tu viens Kevin ?
- Oui.
Fin du trente septième chapitre. Bizbi.