Chapitre 39 : En plein visage
Write by Auby88
Margareth IDOSSOU
Je raccroche l'appel. Au téléphone, j'étais avec "maman" et "papa". Je les appelle et je vais les visiter autant que possible. D'ailleurs, chaque fois que je me retrouve avec ces deux "jeunes" de l'ancienne génération, il passe leur temps à me donner des conseils sur comment bien m'occuper de leur fils, tant sur le plan culinaire que …. (Je préfère passer). Ils sont même impatients de tenir un autre petit-fils ou une petite-fille dans leurs bras, un enfant de David et moi.
Si seulement ils savaient qu'il n'y a "rien" entre nous, ils crieraient haut et bien fort et se mettraient à douter de la virilité de David.
Je sais bien que je "torture" David, mais je ne peux faire autrement pour le moment. S'il m'aime vraiment, il saura attendre que je sois prête. Au fait, quand le serai-je ? Je ne sais pas. Pauvre de moi ! Pauvre de lui !
Je soupire.
Cela fait un mois que notre relation dure, un mois durant lequel j'ai dû inventer plein de prétextes pour ne pas visiter David chez lui ou pour ne pas me retrouver seul avec lui dans mon appartement. Je multiplie les dîners au restaurant avec lui, les réunions in extremis au boulot, les sorties avec Sibelle…
Pourquoi suis-je différente des autres femmes ? Suis-je anormale ? Pourquoi quelque chose d'aussi simple, aussi normal que de se donner à l'homme qu'on aime me fait autant peur ? Pourquoi tant de doutes dans mon esprit, alors que je sais qu'il m'aime et qu'il ne veut pas me faire du mal ?
Pourquoi ? Pourquoi ?
Je tape ma tête plusieurs fois, puis je me laisse tomber dans le canapé, laissant des larmes couler sur mes joues.
Quelqu'un sonne. Je n'attends personne. Qui cela peut bien être ?
Je me lève et vais ouvrir. J'ai à peine le temps de montrer ma surprise qu'un "paf" retentit près de mon oreille.
- Aie !
Je garde ma joue endolorie.
- C'est ce que tu mérites pour m'avoir pris mon homme !
Je la fixe longuement et j'éclate de rire.
- Alors, tu as fait tout ce parcours juste pour cela ! Tu penses qu'en me giflant, David arrêtera de m'aimer et reviendra vers toi ? Tu es pathétique, Cynthia !
Elle parle mais je ne l'entends pas, je ne l'écoute pas. Je continue de me moquer d'elle, de rire à n'en point finir, ce qui l'agace.
- Tu ne paies rien pour attendre, sale vermine !
- Sache que je n'ai pas peur de toi, Cynthia ! Les filles dans ton genre, je les connais. Vous passez votre temps à ne jamais reconnaître vos erreurs et à passer vos colères sur les mauvaises personnes.
- Je te déteste, Mélanie, dit-elle en essayant de me gifler à nouveau.
Je parviens à caler sa main et à lui rendre sa gifle de toute à l'heure, en prenant soin de la rendre plus sonnante. Ensuite, je la pousse dehors et referme ma porte.
- Bon débarras !
Cette fille venait de dépasser les bornes en m'agressant à domicile. J'aurai pu faire autrement, ne pas répondre à sa provocation et lui faire parvenir plus tard une convocation ; mais tout cela aurait été trop long.
Cynthia méritait bien que quelqu'un la remette à sa place. J'espère qu'elle arrêtera de se comporter comme une enfant pourrie gâtée et qu'elle commencera à réfléchir avant d'agir.
J'avais décidé de me montrer tolérante envers elle, de la comprendre, mais c'est fini. Si elle me cherche encore après cela, elle va encore me trouver.
Je prends le temps de retrouver ma sérénité avant d'appeler David. Je lui explique ce qui vient de se passer dans les moindres détails. Car connaissant cette idiote de Cynthia, elle risque d'aller raconter des histoires fausses sur ma personne.
David n'en revient pas. Il est tellement en colère qu'il compte l'appeler pour en finir une bonne fois pour toutes ; ce dont je le dissuade. J'espère qu'il m'écoutera. De toute façon, je parie qu'elle ne tardera pas à aller le voir.
Cynthia DOSSOU
Péniblement, j'ai pu me relever du sol. J'ai sous-estimé mon adversaire. J'ai encore fort mal à la tempe. Je crois que je me ferai ausculter par un docteur pour m'assurer que la gifle de Mélanie n'a causé aucun dégât.
Un docteur ! Mais bien sûr !
Je me dépêche de me rendre à la clinique de David, après un tour rapide chez moi pour me faire plus coquette. Je sais qu'il est pédiatre, mais je suis sûre qu'il ne verra aucun inconvénient à m'ausculter. Je verrai quelle histoire lui raconter.
J'ai beaucoup de chance. Il y a peu de patients là. Je m'annonce et j'attends mon tour. Il ne refusera pas de me voir.
Dès que j'entends la secrétaire m'appeler, je me lève en jubilant intérieurement.
David N'KOUE
Si j'ai accepté de recevoir Cynthia, c'est parce que j'avais à lui parler. Je me dois d'être ferme avec elle. Je lève les yeux. Ce que je vois ne me laisse pas de marbre. Elle porte une robe rouge, légèrement décolletée que j'ai toujours aimé la voir porter. Je détourne mes yeux.
- Je crois que tu me dois des explications, Cynthia !
- Je vois que ta Mélanie t'a déjà tout raconté.
- Oui, dans les moindres détails, figure-toi.
Je me lève de mon fauteuil.
- Comment as-tu osé t'en prendre à elle ? C'est moi qui t'ai quittée. Et ce, à cause de ta jalousie maladive.
- Je te rappelle que c'est à cause d'elle que ma jalousie s'est accrue !
- Retiens bien une fois pour toutes que je suis heureux avec Mélanie. Et que je ne veux plus rien avoir à faire avec toi.
- D'accord, docteur.
Sa réponse trop hâtive ne me convainc pas. Je ne la crois pas sincère. Je la fixe.
- Je suis sincère, David. J'ai bien compris que tu ne m'aimais plus. Nous pourrons quand même rester de bons amis ?
- Cela reste encore à voir. Il faudra d'abord que je sois sûr de ton changement. Bonne journée !
- Bonne journée ! s'étonne-t-elle. C'est ainsi qu'on traite une femme avec laquelle on a passé de très bons moments ?
- J'ai des patients qui attendent.
- Qu'ils attendent donc. Moi, aussi je suis une patiente !
- Je te rappelle que je suis un pédiatre !
- Bof. Ta sauvageonne a failli me crever les tympans.
Je réprime un rire.
- Je voudrais que tu y jettes un coup d'oeil et si nécessaire j'irai voir un spécialiste.
- D'accord. Assois-toi sur le lit d'auscultation.
A l'aide de mon autoscope, je vérifie l'intérieur de son oreille.
- Tu n'as rien, Cynthia. La douleur …
Mes mots se coincent dans ma gorge. Je viens de sentir les mains de Cynthia là où il ne faut pas, plus précisément sur mes parties intimes. L'effet chez moi est rapide, d'autant plus que je me contiens depuis un mois avec Mélanie. Je suis terriblement en manque de sexe.
- Enlève tes mains de là, Cynthia !
J'essaie d'être ferme sans y arriver.
- Je vois que je te fais toujours de l'effet, cher David. Ce qui prouve que Mélanie n'est pas si douée que cela dans ce domaine.
Je parviens à dégager ses mains.
- Tu n'es pas prête à changer, Cynthia !
Je m'éloigne d'elle.
- Nous n'avons besoin que de quelques minutes, tu sais !
- Tu es folle. Je te rappelle que je suis dans un milieu professionnel.
- Cela n'empêche rien.
- Va-t'en d'ici.
Elle s'approche de moi. J'évite de la regarder.
- Va-t'en Cynthia ! J'aime Mélanie, tu comprends, je l'aime.
- Je sais, mais on peut toujours …
- Non ! Tu devrais avoir honte d'agir ainsi, de te ridiculiser ainsi. Je te le répète. J'aime Mélanie. Ce n'est qu'à elle et elle seule que je fais désormais l'amour.
- Vraiment ! Cela ne me dérange pas de te partager avec elle.
- Dégage d'ici, Cynthia. Tu me dégoûtes. Tu n'as décidément aucune dignité, aucun amour propre pour vouloir que je t'utilise ainsi !
Avant même qu'elle ne prononce un mot, je saisis fortement son bras et l'entraîne vers le dehors. Je prends également soin de prendre son sac à main.
- David, tu me fais mal !
- J'ai été assez patient avec toi, Cynthia ! Désormais, ce sera ainsi que je te traiterai jusqu'à ce que tu comprennes que c'est fini entre nous.
Je la jette dehors avec son sac et je prends soin de notifier à ma secrétaire que Cynthia n'est désormais plus autorisée à entrer dans mon bureau. Toute honteuse, je la vois sortir du hall de l'hôpital. Je suis satisfait.
Puis, je souris en direction de mes patients et de leurs parents étonnés de me voir agir ainsi. Enfin, j'entre dans mon bureau avec le patient suivant. Je suis plus serein...
Des heures plus tard.
J'ai décidé de rendre une visite surprise à Mélanie. Je ne sais pas si elle est déjà rentrée. Mais si c'est bien le cas, elle sera seule. Sibelle est chez les da SILVA. Ce qui m'arrange bien. J'aurai enfin sa mère pour moi tout seul.
Je sonne. J'entends des bruits de pas à l'intérieur. Elle est bien là. Je souris.
Margareth IDOSSOU
J'ai eu comme un choc en le voyant à travers le trou de la porte. Je ne l'attendais pas.
- David !
J'essaie tant bien que mal de cacher ma surprise.
- Comment va celle qui fait battre mon cœur ?
- Bien, dis-je en m'écartant de la porte.
Il entre et m'attire tout contre lui.
- J'ai pensé à toi toute la journée, Mélanie.
Je souris, ne sachant quoi lui répondre. Il colle ses lèvres contre les miennes. Je ne résiste pas car j'aime me laisser embrasser par lui. Il sait si bien le faire, mon David.
- Tu veux que je te serve à boire ? Ou bien tu as faim ? Il me reste des spaghettis que je peux réchauffer pour toi.
- Ne te gêne surtout pas ! Je n'ai ni soif, ni faim en tout cas pas de ces trucs là. C'est de toi que j'ai faim et soif.
En me parlant, il me regarde intensément.
Au dépourvu, il vient de me prendre. Je souris juste, changeant immédiatement de sujet.
- Au fait, Cynthia est passée te voir ?
- Oui, répond-t-il timidement.
- Je parie qu'elle a tout déformé.
- Je n'ai pas vraiment envie de parler d'elle, Mélanie. Mais si cela peut te rassurer, sache que je lui ai bien fait comprendre que je ne veux plus jamais la revoir.
- Vraiment ! Comment t'as fait ?
- Cela n'a pas d'importance, Mélanie. Parlons plutôt de nous.
Il s'approche à nouveau de moi, me retient par la taille.
- J'ai envie de toi, Mélanie !
- Pas si vite, David !
Je me dégage de lui.
- Je te l'ai déjà dit. C'est trop tôt. Nous avons besoin de mieux nous connaître.
Il lance vers moi des yeux réprobateurs.
- Je vois. Je reste encore un inconnu pour toi ! Il vaut mieux que je parte. Je ne suis pas le bienvenu ici.
- David, attends !
J'essaie de le retenir, mais il esquive mon geste.
- Bonne nuit, Mélanie !
Il s'en va, me laissant seule au milieu de mes doutes. Son regard triste m'a fendu le coeur, mais je n'y peux rien. Comment expliquer à l'homme qu'on aime qu'on n'éprouve pas de désir pour lui ou qu'on a peur d'avoir une relation intime avec lui ? Il ne me comprendrait sûrement pas. D'ailleurs, qui pourrait me comprendre ? On me dirait que je me fais juste des idées, que j'angoisse pour rien.
Sur la terrasse, je vais m'isoler. Je le vois entrer dans sa voiture et démarrer en trombe.
"David !" murmure-je.
David N'KOUE
Tandis que je roule, je repense à ce qui vient de se passer avec Mélanie. Je ne sais plus quoi penser. Je commence à douter de son amour pour moi. J'ai peur que mes craintes à son égard s'avèrent. Parce que si c'est le cas, je ne sais pas si je le supporterai à nouveau. Il m'a fallu du temps pour l'accepter dans ma vie, alors si elle s'est encore moquée de moi, je ne lui pardonnerai jamais plus. Jamais plus !
Devant un bar au hasard, je m'arrête.Je m'assois au comptoir et commande à boire. Une femme vient prendre place près de moi. Celle-là, c'est bien une professionnelle du sexe. Elle est attirante, belle à croquer, mais la seule que je veux dans mon lit ce soir et dorénavant, c'est Mélanie.
- Mon chou, tu…
- Pas la peine de continuer, je ne suis pas intéressé.
Elle ne se fait pas prier avant de s'en aller. Je finis mon verre et prends une pause. Mon objectif n'est pas de me saouler.
Une discussion, entre deux hommes assis près de moi, attire mon attention. L'un parle de sa copine vénale qui passe son temps à lui soutirer de l'argent. L'autre parle de sa femme qui l'a cocufié avec son voisin, parce qu'il avait une panne sexuelle ces jours-ci.
Je souris intérieurement. Je ne suis décidément pas le seul à souffrir à cause d'une femme.
- Les femmes sont compliquées ! conclut l'un.
- Oui, un vrai mystère ! renchérit l'autre.
Je m'immisce dans la conversation.
- Je suis parfaitement d'accord avec vous !
- Bien dit, mon frère ! Qu'est-ce que la tienne t'a fait ?
- Cela me prendrait des jours entiers si je devais vous raconter mon histoire. Je peux juste vous dire que je suis amoureux de la plus compliquée des femmes. A elle seule, elle gagnerait tous les oscars en matière de mystère !
- Tu es vraiment à plaindre, mon frère !
- Malheureusement, nous ne pouvons nous passer des femmes ! dis-je.
- Cela est bien vrai, mon frère. Nous avons besoin d'elle pour satisfaire nos bas instincts.
- Pas que cela, rappelle l'autre. Nous avons besoin d'elles pour avoir des enfants, pour s'en occuper, pour s'occuper de la maison et même nous aider financièrement...
J'acquiesce.
- Au final, je pense que nous ne devrions pas nous morfondre pour elles, puisqu'elles n'en ont que faire. Elles savent que nous reviendrons toujours vers elles.
- C'est vrai, dit l'autre encore plus saoulé que le premier. Trinquons à nouveau chers confrères.
Je prends un verre avec eux, puis je me dépêche de quitter les lieux avant qu'ils ne m'entraînent dans leur beuverie sans limites.
Tandis que je m'apprête à partir, mon téléphone vibre. Au total, dix appels en absence de Mélanie.
Je n'ai aucune envie de lui parler, mais je décide de le faire en ravalant mon égo d'homme blessé. Je compose son numéro.
- David ! Enfin, je t'entends. Tu vas bien ?
- Oui, Mélanie. Je vais bien.
- Je me faisais du souci pour toi. Tu es bien rentré ?
- Non, pas encore. J'avais besoin de me distraire un peu avant de rentrer.
- Te distraire ? demande-t-elle inquiète.
- Bon sang, Mélanie ! Cela se voit que tu ne me connais vraiment pas. Tu ne penses quand même pas que je t'ai trompé avec une autre femme !
- Je…
- Tu sais quoi ? Il vaut mieux qu'on en reste là pour cette nuit. Je rentre chez moi. Je t'enverrai un message dès que je serai à la maison. Ainsi, tu seras rassurée.
- David, je suis désolée pour tout. Je…
- On en reparle un autre jour, s'il te plaît.
- D'accord, David. N'oublie jamais que je t'aime.
Je garde le silence quelques secondes avant de lui répondre :
- Sache que moi aussi, je t'aime Mélanie.
- Merci, l'entends-je dire.
Je pose la tête sur mon volant et respire profondément en murmurant "Dieu, que je l'aime !"