Chapitre 4
Write by Olys_ Soul
❹
Le lendemain matin, je me levai de bonheur, pris
quelques fruits et me mis en route. Mon cœur battait la chamade. J’étais
impatiente. Il me fallait connaitre l’histoire
de ce petit garçon. Je me faisais tout un film sur ce qui lui était arrivé.
C’était il enfuit ? L’avait-on
abandonné ? Pourquoi ? Quel était le cheminement qui l’avait mené sur
ce lit d’hôpital. Il fallait que je
sache.
Il était huit heures lorsque je quittai la maison.
L’hymne national claironnait sur pratiquement tous les postes de radio. Impossible
de le rater. C’est que dans cette ville peu importe que tu aies envie ou non d’écouter
la radio, si ton voisin aime tu finiras soit par en dégoûter soit par aimer. Il
ne te laissera pas le choix. Je me souvenais d’un temps où la politesse et la
notion de limite voulaient encore dire quelque chose. Le matin on prenait les
nouvelles, écoutait de chansons et de émissions évangéliques et Hormis le dimanche où l’on écoutait du « Tabou
combo[1] », du « Tropicana[2] » ou du Septem[3] » à plein tube dans certaines maisons on ne
mettait pas la radio pour que le voisin entende. Mais aujourd’hui dans les camionnettes,
dans les rues, dans les boutiques, sous la fenêtre des maisons et tous les
jours la ville ressemble à une gigantesque discothèque. Quand aux goûts
musicaux n’en parlons pas. Comme dirait ma grand-mère « tan an ale li p’ap
tounen[4] »
Deux heures plus tard j’étais devant le portail de
l’hôpital.
La veille j’avais demandé à ma sœur d’appeler pour
prévenir de ma visite et qu’on me permette de voir Tibou.
Je traversai la cour et me dirigeai vers le hall
d’entrée. J’aperçu Jenny une amie de ma sœur qui occupait le poste de réceptionniste à l’hôpital trois fois par semaine. Jenny
était un peu la fille que vous fuyez si vous êtes pressé. Une vraie pipelette. Elle connaissait
les dossiers de tout le monde dans cet hôpital.
_ Bonjour Jenny
_ Georgia.
Tu vas bien?
_ Bien ma
Chérie. Et pour toi ?
_ Pas plus mal.
Et évidemment il a fallut que je commette l’erreur
de lui demander ce qui n’allait pas. Je savais à quoi m’attendre pourtant.
_ Ah Les choses sont miel. Si je te disais tu ne
me croirais pas. J’ai des problèmes partout dans le corps.
Après trente minutes à m’expliquer : qu’on ne
la payait pas assez, qu’elle commençait à 22 ans à se sentir veille, qu’elle
pensait à quitter son fiancé parce qu’il ne savait pas bien articuler « ti
garson an ap tuye m’ pitit[5] ! », que sa garde robe commençait à
dater… Quand elle eu fini d’expier ses « tracas », Elle pensa
finalement à me demander ce que je venais faire à l’hôpital aujourd’hui.
_ Je pensais que Fefe t’avais prévenue de ma
venue. Elle m’avait dit l’avoir fait.
_ Ah oui !
C’est vrai qu’elle m’a prévenue. La tête commence à partir avec tous ces problèmes.
Tu t’es apparemment fait un nouvel ami.
Elle ouvrit le tiroir du haut de son bureau, en
sorti la carte et me la tendit. Je souri, lui fit la bise et me pressai de
partir.
Je me dirigeai vers les escaliers menant à la
chambre de Tibou.
Lorsque je suis arrivée dans la salle où il était je le trouvai étonnamment calme. Il
était recroquevillé sur son lit.
_ Bonjour Tibou
_ Gigi !
_ Comment te sens tu ?
_ Les gens ne savent pas respecter l’artiste ici.
Il aurait essayé ce matin de donner une autre de
ses singulières prestations et une infirmière l’aurait grondé.
_ Oh, il ne faut pas leur en vouloir. Ils ne
savent pas reconnaitre le talent c’est tout.
Il se retourna et enfin j’ai eu droit à un petit
sourire.
_ Qu’est-ce que tu m’as apporté ?
Il aurait entendu le bruit que faisait le sachet
que je portais alors que je m’asseyais.
_ Rien de bien intéressant juste quelques fruits.
_ J’aurais préféré des bonbons mais ça fera l’affaire
Il avait repris ses aises. Je lui ai tendu mon
petit paquet de fruits qu’il considérait avec si peu d’intérêt et s’était
attrapé une mandarine presque immédiatement.
On eu dit que ce que le monde qui l’entourait s’était évanoui. Il
prenait tellement de plaisir à téter chaque tranche de mandarine. Mais d’où
est-ce qu’il pouvait bien venir ? Personne ne s’inquiétait-il donc de son
sort ?
_ Dis moi Tibou. Tu veux qu’on parle un peu ?
Où sont tes parents Tibou ?
_ Cela fait longtemps que je ne les ai pas vus ces
moun[6]
_ Mais comment ça ? Ce sont tes parents ils
ne peuvent pas avoir simplement disparu. Ça fait combien de temps que tu ne les as
pas vus ?
_ Je ne sais pas. Je ne compte pas.
_ Il ne te manque pas ?
Il haussa les épaules et continua avec sa mandarine.
Mais je m’aperçu qu’il avait une petite mine mais ma curiosité était tellement
forte.
_ Tu te souviens de …
_ Georgia.
C’était Marise, l’infirmière de garde.
_ Excuse
moi un moment. Je dois m’occuper de ce petit chenapan.
Elle tenait un petit plateau argenté avec des
seringues, du coton imbibé d’alcool, des ampoules de médicaments, des comprimés
etc. Elle venait pour enlever le pansement de Tibou. Il a fait une de ces
grimaces comme s’il sentait déjà
l’alcool sur sa blessure.
_ Bien sûr Marise.
_ Je te laisse avec Marise Tibou. Je reviens vite.
En partant j’ai
entendu Tibou s’adresser à Marise
_ Pa fè l’ fè m’ mal non[7]
Je suis descendu à la cafétéria. Je pris le temps
de boire une boisson fraîche en m’imaginant l’histoire derrière ce petit visage.
Alors que j’étais perdue dans mes pensées,
tiraillée par mes envies. Marise étais venue me voir pour me dire qu’elle avait
terminé avec Tibou mais qu’il avait tellement pleuré qu’il s’était endormie presque immédiatement après.
Je laissai
un petit mot à Jenny à l’intention de Tibou puis rentrai donc me préparer pour
mon rendez-vous de demain au cabinet Tanis. Je passai voir mon esthéticienne
pour une manucure, pédicure et une coiffure, que je sois à mon avantage.
Il était six heures de l’après midi, je voulais me
coucher tôt pour être en forme le lendemain.
Une heure plus tard, rien à faire. L’excitation de mon rendez-vous
d’embauche et le visage ce petit garçon me taraudait.
[1] Groupe culte des années 90.
[2] Idem
[3] Ibidem
[4] « Les temps anciens sont passés
et ne reviendront pas” Proverbe haïtien
[5] Il me tue
[6] Personnes en créole
[7] Fais en sorte que cela ne me fasse pas
mal