
Chapitre 4
Write by Josephine54
Arthur
Nous étions mardi et nous venions à peine de finir les cours de la journée. Je sortais de la fac en compagnie d'Amanda et de Beverly, avec l'intention de faire un saut au marché pour quelques achats. J'avais mangé de la nourriture achetée toute la semaine, et je devais admettre qu'avec un budget mensuel de 40 000 francs, je n'aurais jamais pu tenir jusqu'à la fin du mois.
Hier soir, j'avais reçu un appel de Gérard, mon grand frère qui vivait en France et qui prenait totalement en charge mes dépenses. C'était son premier appel depuis mon installation à Yaoundé.
- Hum... j’ai eu du mal à y croire quand maman m’a dit que tu avais finalement décidé de rejoindre ta chambre à Yaoundé. Je suis très content et j’espère que tu le fais avec de bonnes intentions.
- Bien sûr que oui, lui avais-je répondu d’un ton légèrement irrité.
Gérard avait soupiré un bref moment au téléphone avant de reprendre la parole.
- Tu comprendras avec le temps que je le fais pour ton bien.
J’avais préféré ne pas lui répondre. On ne pouvait pas décider, sur un coup de tête, de changer radicalement la vie de quelqu’un d’autre
- En fait, je t’appelais pour te communiquer le code du transfert d'argent que j’ai à peine effectué.
Malheureusement, au Cameroun, les virements bancaires étaient encore peu répandus. D'ailleurs, très peu de personnes possédaient un compte bancaire. Pour envoyer de l’argent, on passait généralement par les sociétés de transfert d’argent.
- Le code est : 465456783, la société est XX, le mot de passe est « Gérard ». Le montant est de 40 000 FCA. La chambre est déjà payée, et je continuerai à régler cela directement avec le propriétaire. Avec ce montant, tu devras gérer tes dépenses quotidiennes.
- Merci grand-frère, avais-je dit tout de même.
Même si je n’approuvais pas ses méthodes, je devais admettre qu’il n’était pas obligé de faire tout cela pour moi.
- Concentre-toi simplement sur tes études, c’est le seul moyen de me remercier.
- D’accord, avais-je répondu d’un ton partiellement irrité.
Nous étions restés à papoter pendant de brèves minutes et il avait enfin pris congé de moi.
- Hé Arthur, t’es avec nous ? demanda Amanda en me fixant d’un air insistant, m'obligeant ainsi à m'extraire de mes pensées.
- Oui, désolé les filles, j’étais perdu dans mes pensées.
- Euh, je dois y aller. Je me demandais si ça te dirait de prendre un verre ensemble ce soir. Beverly la sainte, bien qu’elle ne travaille pas ce soir, préfère rentrer se reposer.
- Merci de l’invitation ma belle, répondis-je poliment, mais j’ai des courses à faire. Je suis là depuis quelques jours et je n’ai encore rien acheté.
J’ai préféré décliner son invitation, car je voyais clairement ses intentions. Disons aussi que la subtilité n’était pas son point fort. Je devais me concentrer sur mes études et sincèrement, Amanda ne m’intéressait. Elle n’était simplement pas mon style de femme.
- Bah, je vais vous laisser, lança Amanda d’un air légèrement vexé en hélant un taxi.
Je restai seul avec Beverly.
- Euh, je te passe ton sac alors ? demandai-je à Beverly.
- Merci, répondit-elle timidement.
J’avais parfois l’impression de l’embarrasser, pourtant, je faisais simplement preuve de courtoisie avec elle.
Je lui tendis son sac qu’elle saisit.
- Euh… en fait, je voulais te demander quelque chose, lui dis-je, légèrement gêné. Je dois faire quelques achats et, sincèrement, je ne sais pas par où commencer. Pourrais-tu m’indiquer le marché le plus proche ? Et surtout, comment m’y orienter ?
J’admets que je ne savais vraiment pas comment m’y prendre. Cela n’était pas seulement dû au fait que j’étais nouveau dans la ville de Yaoundé, mais aussi au fait qu’à la maison, maman se chargeait de tout gérer, et je n’avais aucune idée de ce qui était nécessaire dans une cuisine.
- Euh... en fait, il y a plusieurs marchés dans la ville. Où habites-tu ? demanda Beverly.
- Au quartier Tsinga, répondis-je.
- Pas de très loin de moi alors. J’habite au quartier Nkomkana.
Elle me fit savoir que nos quartiers étaient distants de moins de cinq kilomètres l'un de l'autre.
- Alors, ce sera plus facile pour toi de faire tes achats au marché Mokolo. Je te préviens déjà qu’il est énorme et assez chaotique, néanmoins, tu y trouves tout, absolument tout. Que comptes-tu préparer ?
Mon air confus à sa question la fit éclater de rire.
- C’est bon, j’ai compris, reprit-elle d’un air hilare. Je vais te donner un coup de main. De toute façon, c’est sur mon trajet. On va faire escale au marché Mokolo.
Elle stoppa un taxi et donna notre destination.
- T’as quelque chose à la maison ? demanda-t-elle.
- Euh... rien du tout, répondis-je.
- Comment t’as fait depuis que tu es là ? m’interrogea-t-elle d’un air rieur.
- J’ai toujours acheté à manger.
- Mais, c’est extrêmement cher ainsi ! s’exclama-t-elle.
- Je sais, c’est bien pour cela que j’ai décidé de faire quelques achats, lui répondis-je d’un air légèrement vexé.
- Haha, ne le prends pas mal. Ce n’était pas pour me moquer. Mon petit frère est exactement comme toi.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
Elle me parla de son frère Arnaud, qui n’était même pas capable de découper un oignon. C’était elle qui s’occupait des repas chez elle, et quand elle ne pouvait pas le faire, sa sœur Virginie prenait la relève. Mais lorsqu’elle était aussi dans l’incapacité, elle demandait parfois à Arnaud de préparer de simples omelettes, mais c’était généralement une catastrophe. Elle éclata de rire en me racontant cela. Elle était tellement réservée que cela m’étonna qu’elle me partage un fait aussi privé, bien que banal. J’eus envie de lui demander ce que faisaient ses parents pour que ce soit exclusivement elle qui s’occupe des repas chez eux, surtout qu’elle étudiait et travaillait, mais je décidai de tenir ma curiosité pour moi.
- Tu veux préparer quelque chose de précis ? demanda Beverly.
Je pris une fois de plus un air perdu à sa question. Elle se retint cette fois d’éclater de rire, mais son regard espiègle en disait long.
- As-tu un frigo ? demanda-t-elle.
- Oui et même un petit congélateur intégré, mais je te préviens, il est minuscule.
- D’accord, nous allons prendre le strict nécessaire à tenir dans un frigo. Quel est ton budget ?
- 30.000 francs.
Elle me fit une liste des choses à acheter : huile, oignons, riz, arachides grillées et à écraser après, pâtes, tomates, ail, persil, céleri, viande en morceaux et hachée, poulet.
- Nous allons tout prendre en petite quantité. Cela devrait suffire pour gérer tout le mois, à moins que tu sois un gros mangeur.
- Haha, je ne suis certes pas un ogre, mais pas non plus une fine bouche.
On descendit du taxi au marché Mokolo et Beverly me demanda simplement de la suivre. On se promena dans les différents rayons pendant près de deux heures, car certains vivres se trouvaient à l’autre bout du marché. Je la suivais docilement comme un enfant.
- Ouf, souffla Beverly, je crois que nous avons pris tout le nécessaire.
- Merci beaucoup, lui dis-je d’un air perdu er reconnaissant.
Je tenais dans mes bras deux sacs bien pleins et je me demandais bien ce que j’en aurais fait une fois arrivé chez moi. Beverly sembla comprendre mon désarroi.
- Malheureusement, je ne pourrai pas te donner un coup de main aujourd'hui. Tu devras essayer de t'acheter quelque chose à manger pour ce soir. Nous avons le premier cours à 11 heures demain. Je pourrai passer chez toi après avoir déposé mes cadets à l'école. Je pourrai y être vers 8 h 15. Ce n’est pas bien loin de chez moi.
- Merci infiniment, lui dis-je, le ton plein de gratitude.
Je comprenais aujourd’hui qu’il était important pour les mamans d’impliquer les garçons dans la préparation des repas. Ma sœur était capable de préparer tout type de plat, des plus simples aux plus élaborés, tandis que moi, j’étais incapable de cuire un œuf.
J’étais complètement désemparé et j’espérais que Beverly tiendrait parole demain, sinon je ne savais vraiment pas quoi faire de toute cette nourriture achetée. D’un autre côté, je ne pouvais pas me permettre de manger au restaurant tous les jours.
Je rentrai à la maison et disposai les denrées périssables dans le frigo et au petit congélateur. Beverly bien évidemment avait pris soin de m’indiquer quels aliments pouvaient rester hors du frigo et lesquels non. C’était vraiment une chic fille.
J’étais en train de refermer le frigo quand mon téléphone se mit à sonner. Je jetai un œil et vis que l’appel provenait de ma mère.
- Allô maman, dis-je en décrochant l’appel, me préparant mentalement à une avalanche de questions.
Ma mère m’appelait presque tous les soirs pour prendre de mes nouvelles. Savoir si je m’adaptais à ma nouvelle vie, comment se déroulaient mes études, si j’avais assez mangé et, surtout, ce que j’avais mangé.
- Arthur, tu ne devineras jamais. Tu ne devineras jamais, Dieu merci, tu es parti.
Mon cœur se mit à battre à ces mots. J'avais interrogé maman à plusieurs reprises pour savoir si j'avais reçu de la visite depuis mon départ. Elle m'avait dit que personne ne s'était présenté chez nous. Je lui avais ensuite demandé des nouvelles du quartier, et elle m'avait simplement répondu : " La routine, les mauvais coups des petits voyous du quartier, mais nous sommes déjà habitués."
- Il y’a eu une agression ici au quartier. Des bandits ont braqué hier soir le bar de Monsieur Fotso. Je causais ce matin avec la voisine, maa Pauline et elle m’a indiqué la maison de l’un d’entre eux. Te rends-tu compte que ce sont toujours les enfants du quartier ?
- Pardon maman ? demandai-je le cœur battant.
Le bar de Monsieur Fotso était assez fréquenté dans le quartier. J'avais ma petite idée sur les responsables de ce braquage, mais bien évidemment, je ne pouvais pas énoncer ma pensée à haute voix.
- Oui, il paraît que c'est une bande de cinq voyous, apparemment tous des enfants du quartier. Il semble qu'il y ait eu des tirs d'armes à feu et qu'un client du bar ait été grièvement blessé durant le braquage. On raconte maintenant qu'il serait mort, s'écria maman d'une voix effrayée.
- Mort, maman ? demandai-je en sentant les battements de mon cœur s’accélérer.
- Oui, répondit maman.
J'étais certain de connaître l'identité des personnes recherchées. Maman avait parlé de cinq individus, et cela ne pouvait pas être une simple coïncidence. Bon Dieu, et dire qu'ils étaient mes amis, et qu'il y a quelques jours...
- Je suis convaincue que les voyous avec qui tu traînais sont dans le coup, lança tout à coup maman d'un ton accusateur, me sortant ainsi de mes pensées.
- Mais maman, que racontes-tu ? demandai-je d’un ton innocent.
- J’en suis sûre ! J’espère qu’on finira par les prendre et que ton nom ne sortira dans aucun de leurs coups, insista maman.
- Ah, maman, tu accuses les gens pour rien, insistai-je d'un ton que j'espérais convaincant.
- Tu sais très bien que j’ai raison. Alors, comme se passent tes cours, demandant maman, changeant tout à coup de sujet.
- Tout va bien maman, répondis-je avec soulagement.
Elle me prodigua encore et encore des conseils avant de raccrocher.
- Bonne nuit mon fils, que Dieu te guide, conclut-elle.
- Bonne nuit mater (maman en jargon camerounais).
Je raccrochai et pus enfin pousser un ouf de soulagement. J’avais retenu ma respiration durant toute la conversation avec maman, dans la crainte que mon souffle ne trahisse mes appréhensions.
Je me posai sur le lit et me rendis compte une fois de plus que j'avais échappé belle. J'espérais que les gars ne citeraient pas mon nom par esprit de vengeance.