Chapitre 4: La rencontre

Write by Alexa KEAS

Kimora Wilson

Je salue tous ceux que je croise avec sourire, du premier palier au troisième étage. Aujourd’hui, je me suis réveillée de si bonne humeur que je me sens comme une héroïne en mission de sauvetage. Il faut dire que des jours comme ça, arrivent rarement dans mon existence, je veux dire des jours où je me sente si bien et heureuse d’être tout simplement en vie. Cyrille mon petit ami m’a dit qu’il prendra la route retour vers quinze heures, cet après-midi. Ce qui veut dire qu’il doit pouvoir être sur Paris vers dix-heures trente ou dix-neuf heures au plus. J’ai largement le temps de mettre mes plans à exécution. Il a dû se rendre à Saint-Quentin sur demande de son frère. Une affaire de famille, m’a-t-il dit. Je compte donc nous préparer une belle soirée romantique et érotique. J’ai envie de me lâcher et de m’amuser. J’espère vivement qu’il ne tardera plus à me demander en mariage. Ça fait un an que nous sommes ensemble, la plus longue relation de mon existence. J’en ai enchaîné, des relations courtes, qui m’ont chacune un peu plus brisée que la précédente. En m’installant en France, il y a trois ans, j’aspirais à une certaine stabilité de ce côté-là. Mais les arnaqueurs de cœur sont partout dans le monde. Il faut croire que personnellement, je les attire plus que quiconque.

Arrivée devant la porte de l’appartement de Cyrille, je pose mes sacs de courses au sol et me lance dans la mission recherche de sa clé, dans mon sac. Rechercher un objet, telle une clé, dans un sac de femmes est un véritable casse-tête chinois. Je finis par renverser le contenu de mon sac au sol, avant de retrouver la fameuse clé. Je pousse un ouf de soulagement et la glisse dans l’une des poches de mon Jean. Je range mes effets à leur place initiale et me lève pour ouvrir la porte. Dès que c’est fait, je ramasse mes sacs de courses et entre dans l’appartement. Je referme la porte avec le pied. L’espace que j’adore le plus, dans cet appartement est le séjour. Il est si grand ! J’ai déjà pensé à comment refaire la décoration, quand je m’y installerai. Je me rends à la cuisine et dépose mes sacs sur la table. Je me dirige vers le frigo et y prends du jus d’orange. Il y en a presque dans la boite alors, je la porte à la bouche et vide le reste. En voulant jeter la boite à la poubelle, je crois entendre du bruit, provenant de la chambre. Je m’immobilise et prête oreille. Je n’entends plus rien durant deux secondes puis, des éclats de rire me parviennent. Cyrille aurait-il prêté son appartement à quelqu’un sans me mettre au courant ? Je sors de la cuisine et longe le petit couloir. Plus j’avance et plus j’ai la certitude qu’il y a des gens dans la chambre. Une fois devant la porte, j’entends des paroles. C’est bien la voix de Cyrille et d’une femme. Je suis soudainement prise de vertige. Je m’adosse à la porte pour ne pas tomber. Je me demande s’il faut que je tourne la poignée de cette porte et que je tombe sur une scène que je redoute. Les battements de mon cœur s’accélèrent, j’ai comme une crampe à l’estomac. « Calme-toi, Kimora », me répété-je. Peut-être que je suis simplement confuse. Cyrille est à Saint-Quentin, on s’est écrit vendredi et Samedi. Il m’a également appelé et était normal au téléphone. Des voix peuvent se ressembler. C’est certainement les voix d’un de ses amis et sa copine, à qui il aurait prêté l’appart. Il a sûrement oublié de m’en parler. Bon, je vais tranquillement retourner à mes occupations, en attendant qu’ils sortent et que je fasse leur connaissance. Ce ne serait pas poli que j’aille les déranger. Mais pourquoi Cyrille leur a-t-il donné sa propre chambre ? Il y en deux dans cet appartement ! Je suis tellement perdue dans mes réflexions que le temps que je réalise, je suis au sol parce que la porte vient d’être ouverte de l’intérieur. Je me lève rapidement, avec dans mes pensées, l’intention de présenter des excuses au couple, quand mon regard tombe sur le redoutable. Cyrille, mon Cyrille, celui-là même qui devrait se trouver à 170km d’ici, nu comme un ver.
-Bon sang, mais qui est-ce ?j’entends la blondasse, aussi nue que lui, demander.
Elle ne se gêne même pas et n’essaie pas de couvrir son corps.

-Kim, qu’est-ce que tu fais là ? Dit Cyrille, en essayant d’attraper une culotte, trainant par là.

Je veux parler mais ma gorge se noue. Je balade mon regard entre les deux. Apparemment, ils viennent de sortir de la douche.

-Saint-Quentin.

C’est le seul mot que je parviens à dire. Mes larmes menacent de couler. Je ressens une atroce douleur, traverser tout mon corps. Le ciel semble m’être tombé dessus. Ma tête lourde, menace d’écraser le reste de mon corps.

-Cyrille, mais qui c’est celle-là ? Réitère la fille.

-Mandy, les questions pour plus tard, s’il te plait, lui répond-elle.

-Ben, je vais chercher mon verre d’eau.

Elle passe à côté de moi, toujours aussi nue qu’à sa naissance, non sans me lorgner. Une vraie éhontée, cette fille !

-Tu m’expliques ?

-Ecoute Kim, je suis désolé. Je ne voulais pas que tu l’apprennes de cette façon.

-Tu es donc resté ici, durant tout le weekend. Tu m’as menti !

-Je suis vraiment désolé.

-Depuis quand Cyrille ? Depuis quand tu te fous de moi ?

-Je vais épouser Mandy.

Cette dernière phrase est le coup de grâce. Il me l’annonce comme ça, comme si ces douze derniers mois passés ensemble, n’avaient jamais existé.

-Je suis vraiment désolé, je comptais t’en parler à mon retour de Saint-Quentin.

-Où tu n’es jamais allé, en fin de compte !

-Je voulais réfléchir à la meilleure façon de te le dire…

Je crois que j’en ai assez vu et entendu. Je tourne les talons et prends mes jambes à mon cou. Malgré ma douleur, je trouve quand même la force de faire un crochet à la cuisine pour reprendre mes sacs de courses et mon sac à main. Déjà que j’ai du mal à joindre les deux bouts, je ne vais pas lui laisser mes courses. Je croise la pétasse qui m’ignore royalement. Pire, elle m’exhibe ses seins qui ressemblent à deux obus. Je suis consciente que les miens sont moins beaux mais est-ce la raison ? Je rassemble le peu de fierté qui me reste et sors de cet appartement, non sans laisser la clé à l’intérieur.

Je descends, d’humeur contraire, à celle avec laquelle je suis montée toute à l’heure. Je n’ai pas la force d’attendre le bus ou d’aller prendre le métro. Je claque mes sous en taxi. J’attends d’être entre les quatre murs de mon studio pour éclater en sanglot, laissant tomber mes affaires au sol, en même temps que mon corps. Sur quel karma suis-je née ? Pourquoi ça ne m’arrive qu’à moi ? Vie privée chaotique, vie professionnelle confuse, vie familiale, encore pire. Oh Dieu, pourquoi avoir permis que je naisse ? Je pleure, sans me soucier de déranger les voisins. Je crie, je roule au sol, j’exprime ma détresse sans retenu. J’ai mal, très mal. Et pourtant, rien ne présageait une telle tournure de ma relation avec Cyrille. Tout allait bien, enfin, il me semble que c’était le cas. Il m’avait bien remis la clé de son appartement, sans que je ne réclame quoi que ce soit ! N’était-ce pas là, un signe qu’il voulait du sérieux avec moi ?

Je pleure jusqu’à épuisement et finis par m’endormir. Ce sont des coups frappés contre ma porte qui me sortent du sommeil. Péniblement, je me lève, en me demandant qui ça peut être, je n’attends personne. J’enjambe mes effets, dont une partie est éparpillée sur la moquette.

-Qui est-là ?

J’ai du mal à reconnaitre ma voix. Elle est enrouée. Il me faut un effort supplémentaire en répétant ma question, pour que la personne de l’autre côté de la porte m’entende.

-C’est Cyrille.

Mon cœur ratte un battement. Qu’est-ce qu’il fout là? Consciente que mon apparence ne doit pas être des plus présentables, je refuse d’ouvrir. En plus, je n’ai même pas envie de voir sa tête de « monsieur, je suis désolé ».

-Va-t-en, nous n’avons plus rien à nous dire.

-Je suis encore désolé Kim.

-Tes excuses, tu peux te les fourrer où je pense.

-Je t’ai amené tes affaires, adieu Kimora.

J’attends une minute et ouvre la porte. Je vois Cyrille de dos, s’en allant et un petit carton déposé sur le paillasson. Je le tire rapidement vers l’intérieur et referme la porte à clé. Je dois être maudite, c’est certains. Je suis maudite ! Je n’ai même plus la force de pleurer ou alors, mon corps s’est peut-être vidé de tout liquide lacrymal. Je reste là à fixer le vide durant dix minutes environs avant de pouvoir bouger. Je range mes courses et me mets à refaire le ménage, bien que ce soit fait plus tôt ce matin.
Quand je finis, je prends une longue douche. Je reste une quinzaine de minutes devant le miroir de la salle de bain, me posant mille et une questions. Enfin, j’arrive à m’ôter de là. Je me porte jusqu’à mon coin cuisine et ouvre le frigo. Je sors la nouvelle bouteille de jus d’orange que j’ai tantôt rangé. J’en bois une bonne rasade et range le reste. Je cherche mon téléphone et une fois trouvé, je vais m’installer dans mon lit. Je supprime le numéro de Cyrille, ainsi que toutes nos photos. Je le fais sans pleurer. Je ne pleurerai d’ailleurs plus. C’est fini tout ça ! Je veux que cette douleur dans mon cœur ne se dissipe point. Qu’elle y reste et que jamais je n’oublie que je ne dois plus essayer d’aimer de nouveau, de refaire confiance à un homme. N’arrivant pas à dormir, je vais fouiller ma boite pharmaceutique et y trouve une boite de somnifère, vieille de mes débuts dans ce pays. Le médecin a dû m’en prescrire à l’époque. J’en ai pris durant six mois puis, il m’a été demandé d’arrêter. Je prends deux comprimés, contrairement à l’unique que je prenais avant, et vais me recoucher.

A mon réveil, je me sens bizarre, comme si j’étais alitée depuis des jours. Je cherche mon téléphone et le trouve à côté de mon oreiller. Je vois plusieurs appels en absence de Cynthia, ma collègue de travail. Je lance aussitôt l’appel vers elle.

-Nom d’un chien, Kim. Où es-tu ? Pourquoi tu n’es pas venu au boulot ce matin ?

-Ce matin ? Mais quelle heure est-il ?

Je me rends compte que je n’y ai même pas fait attention. 
-Ecoute, ramène tes fesses, le plus rapidement possible et surtout, j’espère que tu as une bonne excuse à donner au patron.

Je réponds par un simple « ok » avant de raccrocher. J’ai bien envie de me lever de ce lit, m’apprêter et me rendre au boulot où le patron, un libanais, me ferait passer un sale quart d’heure, mais je n’y arrive pas. La petite voix dans ma tête me dit, « Kimora, tu as besoin de ce boulot de serveuse dans ce restaurant libanais. Tes factures ne vont pas se payer seules ! », mais je n’arrive toujours pas à me lever. Mes paupières encore lourdes se referment.

Lorsque je me réveille de nouveau, mon premier réflexe est de vérifier l’heure sur mon téléphone. Elle est bien avancée, en tout cas, seize heures.

Je me lève et vais boire le reste de mon jus d’orange. Revigorée un tant soit peu, j’arrive à me préparer pour le boulot. Entre tous les tralalas, j’arrive à destination vers dix-sept heures dix. L’équipe de la journée à laquelle j’appartiens, a fini depuis une heure déjà. Je suis là, dans l’intention de proposer au patron de faire des heures supplémentaires, sans être rémunérée pour. Dès que je franchis la porte du restaurant, sans même se soucier des clients à l’intérieur, le gros et méchant libanais qui me sert de patron se met à vociférer.

-Fais déjà demi-tour, tu es virée !

J’avance quand même, sans faire cas de la honte qu’il me fiche, puisque tout le monde a le regard braqué sur moi.

-Non mais tu es sourde ? Sors d’ici et ne reviens plus. Je te dis que tu es virée.

-Monsieur Saïd, s’il vous plaît, je…

-Je ne veux rien entendre. Je te dis de t’en aller.
Je sens mes larmes monter. Pour ne plus subir davantage la honte qu’il m’inflige, je prends la porte. Super, je viens aussi je perdre mon boulot. Je ne suis pourtant pas une vulgaire illettrée, j’ai fait des études ! J’ai deux licences, une en droit des affaires et une autre en communication des entreprises. Mais ici, il est dur de trouver un travail en rapport avec mes compétences, encore que je n’aie fait aucun stage au pays, avant de m’exiler ici. J’ai essayé durant un long moment et ensuite, j’ai dû me résoudre à m’ériger en technicienne de surface. Les blancs ne nous font pas assez confiance nous les noirs, pour nous embaucher dans leurs entreprises. C’est généralement plus facile lorsque nos diplômes sont délivrés par leurs propres écoles sur place. Si j’étais restée dans mon pays le Togo, peut-être aurais-je trouvé un bon poste et aurais-je eu une bonne situation. Mais j’ai dû partir, parce que le pays était devenu bien trop petit pour ma famille et moi. Je chasse rapidement les douloureux souvenirs de l’époque. La France me semblait la meilleure solution. Il m’était facile de m’y rendre alors je suis partie, espérant une vie meilleure et voilà ! Je m’arrête au premier bar du coin et vais m’asseoir au comptoir.

-Double whisky, s’il vous plaît.

Je vide le verre d’un trait, dès que le serveur le dépose devant moi.

-Encore un autre s’il vous plaît.

J’en enchaine quatre, avant de m’arrêter, triturant le cinquième en main. Je ne me sens pas mieux pour autant. Je repense à ma vie, tout ce que j’ai traversé jusqu’ici et sans pouvoir me retenir, j’éclate en sanglot. Je pleure si bruyamment que la musique qui résonne dans la salle, n’arrive pas à couvrir le bruit de mes pleurs. Je sens une main sur mon épaule, une bouche qui se penche vers mon oreille, une voix grave me souffler quelques mots, « La vie vaut la peine, d’être vécue malgré tout ». J’efface rapidement mes larmes, honteuse de m’être ainsi donnée en spectacle. Je fais face au propriétaire de la voix qui vient de me parler. Ce dernier me sourit, un sourire qui se veut réconfortant. Je me confonds en excuses et vide mon verre. J’appelle le serveur et sors mon porte-monnaie, à la recherche de quoi payer. Je règle ma note et descends de la chaise haute. L’effet de l’alcool se fait ressentir et je suis prise de vertige. Je prends appuie sur la chaise.

-Laissez-moi vous aider, dit le monsieur, qui m’observait depuis toute à l’heure.

-Non ça va, merci.

J’essaie de faire un pas et me retrouve au sol. Mince alors, l’alcool et moi, ça a toujours fait deux. Cette fois, je ne résiste pas, quand l’inconnu à la voix m’aide à me relever.

-Prenez appui sur moi.

C’est ce que je fais, avant d’arriver à mettre un pied devant l’autre, jusqu’à ce que nous soyons hors du restaurant. L’air chaud de l’été me fait un peu de bien.

-Merci, je crois que je peux maintenant me débrouiller seule, dis-je à l’inconnu.

-Ah oui ? Vous n’arrivez même pas à tenir debout.

Il a raison mais, que veut-il faire de plus ? Me raccompagner chez moi ?

-Venez, je vais vous raccompagner chez vous, dit-il, comme s’il lisait dans mes pensées. 

-Non, merci. C’est bien gentil mais…

-Je vais vous raccompagner, ma voiture est garée juste là, avance-t-il, en désignant une voiture à quelques mètres de nous.

Au point où j’en suis et avec l’envie de m’écrouler qui me tourmente, je me laisse aider. Il m’installe à l’avant et me place même la ceinture de sécurité, avant de monter à son tour.

-J’ai l’impression que la terre tourne, je me sens très mal.

Je l’entends rigoler.

-Quand on ne supporte pas l’alcool, on ne boit pas, chère inconnue.

-Kimora, je m’appelle Kimora.

-Enchanté Kimora, c’est un très joli prénom. Moi c’est Fabrice.

-J’en suis ravie.

-Donnez-moi votre adresse.

J’arrive à la lui donner.

-Je ne maitrise pas trop Paris donc, il va falloir me guider. Vous pensez pouvoir y arriver ?
J’acquiesce de la tête et il démarre. Sauf que je ne tiens pas, une fois la climatisation en marche et m’endors.

-Kimora, réveillez-vous, Kimora !

Je sursaute. Fabrice se tient debout à côté de moi, ma portière ouverte entre la main. En promenant mon regard tout autour, je réalise que je ne suis pas devant mon immeuble mais dans une rue ambiancée, que je ne reconnais pas encore. 

-Où sommes-nous ?

-Quelque part dans le 18ième. Venez, je pense que vous avez besoin de dessoûler. 

Je me laisse entraîner à l’extérieur. Je ne reconnais toujours pas l’endroit. C’est toujours Paris ça ! Fabrice m’entraîne, dans ce qui semble être un restaurant africain. J’ai lu sur la pancarte « Chez Ami la togolaise ». L’odeur des mets pimentés, chatouille agréablement mes narines. A l’intérieur, l’ambiance est chaleureusement africaine. Une musique traditionnelle du bled appelée « akpéssée » est diffusée. Une serveuse souriante nous installe à une table, la seule de libre. Je laisse à Fabrice, le soin de commander pour tous les deux.

Je n’en reviens pas d’avoir en face de moi, du foufou accompagné d’une bonne sauce claire, bien pimentée et poivrée. Rien qu’à l’odeur, je peux deviner la dose. Et dire que j’ignore que de tels endroits existent, depuis trois ans que je suis ici.

-Bon appétit et surtout bois la sauce jusqu’à la dernière goutte. Tu ne te sentiras que bien mieux ensuite.

-Merci et j’y compte bien, elle a l’air très bonne.
Après le repas qui s’est déroulé en silence, je me sens mieux, comme si je n’avais pas bu la moindre goutte d’alcool de toute la soirée.

-Merci, dis-je à mon sauveur.

-C’est un plaisir d’aider une jeune et belle demoiselle en détresse.

Il réussit à m’arracher un sourire.

-Alors, vous résidez à Paris ?

-Non, je suis de passage. Je rentre dans une semaine.

-Où ça ?

-Au Togo.

-Ah bon ? Je suis togolaise aussi.

-Vraiment ?

-Oui, je suis d’Aného.

-Nous ne parlerons pas de lien de sang mais de lien patriotique alors !

Nous éclatons de rire tous les deux. Maintenant que j’ai l’esprit plus clair, je scrute du regard mon bienfaiteur, un peu plus attentivement. C’est un bel homme.

-Vous faites ça souvent ?

-Quoi donc ?

-Aider des inconnues.

-Non, c’est la première fois.

-Ah !

-J’étais assis à une table au bar. Je vous ai vu entrer et je n’ai pu détourner mon regard de vous. Je vous ai vu enchainer les verres et j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Sans trop savoir pourquoi, je me suis décidé à venir vous parler et là, je vous ai entendu pleurer.
Je respire profondément et baisse la tête un moment, avant de la relever de nouveau.

-Vous voulez en parler ?

Je secoue la tête.

-Bien, je vous comprends.

-Pourquoi êtes-vous sur Paris ? Des affaires ou du tourisme ?

-On va dire, un court exil, histoire de me retrouver avec moi-même. J’ai perdu ma femme, il y a quelques semaines à peine.

-Vous l’avez perdu genre, divorce ?

-Non, elle est morte.

-Oh ! Je suis navrée, je vous présente toutes mes condoléances.

Il se contente de sourire. Nous nous fixons durant quelques secondes avant qu’il ne s’écrie.

-Ça vous dit, une petite balade ?

-Oui, pourquoi pas. Je n’ai rien à faire de toutes les manières, je viens de perdre mon boulot.

-C’est la raison de votre peine ?

-L’une de raisons de ma peine.

-Je suis désolé.

-Ne le soyez pas.

Fabrice appelle la serveuse et règle la note. Je fais un tour aux toilettes pour vider ma vessie, avant qu’on ne s’en aille. Fabrice nous conduit, place tour Eiffel. Nous nous installons sur la pelouse.

-Alors Kimora, et si vous me parliez un peu de vous.

-Il n’y a pas grand-chose à savoir. Je suis Kimora Wilson, j’ai 28ans. Je suis célibataire depuis quelques heures et j’ai également perdu mon boulot.

-Un beau résumé ! A moi alors. Fabrice AGBOSSOU, 36 ans. Veuf depuis quelques semaines, sans enfant. Homme d’affaires.
Regards imbriqués l’un en l’autre, nous nous sourions. Je me sens bizarre, tout d’un coup. C’est fou mais cet homme dégage un sex-appeal qui ne me laisse pas indifférente.

-Vous êtes très belle, Kimora.

-Pourquoi ne pas se tutoyer ?

-Très bonne idée. Je répète alors, tu es très belle Kimora.

-Tu n’es pas mal, non plus Fabrice.

Nous nous sourions encore. Nous bavardons jusqu’à très tard dans la nuit. Fabrice me raccompagne et nous échangeons nos numéros, avant qu’il ne rentre à son hôtel. Cette rencontre a un effet curatif sur ma personne. Il existe encore de belles personne sur terre.

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