Chapitre 4 : Nouvelle opportunité
Write by Chrime Kouemo
La sonnerie persistante du téléphone résonna désagréablement aux oreilles de Denise. Qui pouvait bien l’appeler aussi tôt ? Elle bailla à s’en décrocher la mâchoire avant de regarder l’écran de son portable.
— Allô Simon ? Il y a un problème ?
— Non, mais c’est footing aujourd’hui. Tu te rappelles ? Je t’attends en bas depuis cinq minutes.
— Ah... J’avais complètement oublié ça ... On peut reporter s’il te plaît ? Je me suis couchée tard hier et je suis naze.
— Non, chose promise, chose due. Je te laisse encore cinq minutes et après je viens sonner chez toi.
Et il raccrocha sans attendre sa réponse. Pfff ! Qu’est-ce qui lui avait pris de s’engager à courir avec lui aujourd’hui ? Elle s’était couchée la veille à près de minuit et il était à peine 6h du matin. Elle pouvait peut-être encore traîner et voir s’il mettait sa menace à exécution ? La course à pieds n’avait jamais été son fort. Elle avait été obligée de s’y mettre lors des séances d’entraînement avec les préparateurs physiques des troupes de comédies musicales. Certes, elle reconnaissait les bienfaits de la pratique, mais c’était dur de s’y remettre après des mois d’interruption.
« Courir c’était s’accorder un second souffle », disait un de ses préparateurs. Après quelques hésitations, elle bondit hors de son lit et fila vers la salle de bains. Elle en sortit quelques minutes plus tard, vêtue d’un legging et d’un crop top noirs. Dans le placard de l’entrée, elle récupéra sa paire de runnings et son brassard équipée d’une pochette pour son téléphone.
Simon l’attendait devant le portillon d’entrée. Son short qui lui arrivait à mi-cuisses et son débardeur dévoilaient un corps svelte aux muscles parfaitement bien dessinés. Décidément, ses pantalons à la coupe incertaine ne lui rendaient pas justice.
— Pile à l’heure ! Dit-il en la voyant s’avancer vers lui.
— Ouais... On fait un circuit de combien de kilomètres ?
— Dix kilomètres. Ça te va ?
Elle acquiesça. La seconde d’après, ils s’élançaient en petites foulées dans la rue.
— On fait un sprint jusqu’à la boulangerie là-bas ? Demanda Simon alors qu’ils étaient à quelques rues de la résidence.
Ses muscles demandaient du répit, mais elle refusait rarement les défis.
— Ok. On y va !
Les poumons de Denise la brûlaient quand elle s’arrêta devant la boulangerie pratiquement au même moment que Simon. S’appuyant sur ses genoux, elle essaya de retrouver son souffle. Elle pouvait sentir chacune de ses fibres musculaires crier grâce. Elle devrait boire beaucoup d’eau et faire une bonne séance d’étirements une fois de retour chez elle, pour assurer son cours de danse de l’après-midi.
Le parcours n’avait pas été de tout repos. Simon l’avait emmenée au club de golf non loin de leur résidence où tout un circuit avait été aménagé pour les joggeurs.
— Tiens, fit Simon en lui tendant une bouteille d’eau achetée à l’alimentation.
— Merci.
— Ce n’était pas trop dur ?
— Si, mais c’était nécessaire.
— Tu as une bonne foulée en tout cas.
Tranquillement, ils prirent le chemin qui menait à leur résidence.
Denise fut surprise de trouver Esther qui attendait sagement devant le portillon. Simon alla vers elle en souriant.
— Hé ! Ça va ? J’espère que tu ne m’attends pas depuis longtemps.
— Non, le taxi vient juste de me déposer. J’ai laissé mes neveux à l’agence de voyages et je ne pensais pas que le car serait à l’heure pour une fois.
Esther se tourna ensuite vers elle; le sourire toujours aussi large sur son visage dénué de maquillage.
— Vous étiez courir tous les deux ?
— Oui, Simon me motive pour que je me remette à pratiquer.
— Han !
L’ambiance était bizarre. Malgré son apparente bonhomie, Denise ressentait l’animosité d’Esther. Et elle devinait aisément pourquoi. Visiblement, Simon et elle étaient ensemble. Ils formaient tous les deux une belle paire : le séminariste et la professeure dévouée.
— Allez ! Je vous laisse. Bonne journée à tous les deux !
Elle leur fit un petit signe de la main et ouvrit la porte d’entrée pour emprunter les escaliers.
***
— Danielle, redresse toi un peu plus. Garde le buste cambré... Voilà...
Le cours du samedi était presque terminé. Denise rêvait d’une bonne douche et d’un bon petit somme avant la soirée qui l’attendait un peu plus tard. Bobby Achu, un de ses amis producteurs de musique l’avait invitée à une soirée privée au Djeuga Palace.
Après une dernière répétition, elle encouragea ses élèves à refaire pour le prochain mercredi, la chorégraphie de la démo qu’elle avait mise en ligne sur le groupe privé Facebook.
— Denise ?
Elle leva la tête de son écran de téléphone. Danielle se tenait devant elle, se dandinant sur ses jambes, un air triste sur son visage mince.
— Je peux t’aider ?
— Euh... Je ne pourrai plus venir au cours du mercredi.
— Ah ? C’est compliqué avec ton agenda ?
— Non, pas vraiment.
— En tout cas, si c’est ton abonnement qui t’inquiète, ne te fais pas de souci. Je l’adapterai pour que tu puisses bénéficier du même nombre de cours.
— Oh... merci beaucoup.
Denise lui adressa un sourire. La jeune femme était toujours devant elle, l’air de vouloir ajouter quelque chose.
— Que se passe t-il ?
— En fait, peut-être que je ne pourrais plus venir.
Denise fronça les sourcils, perplexe. Danielle était l’une de ses élèves les plus enthousiastes
— Je peux savoir pourquoi ?
— En fait, c’est à cause de mon mari. Il m’a fait une scène l’autre jour en se plaignant que je ne m’occupe plus assez de lui et des enfants à cause de mes cours. Je... je ne veux pas avoir de problèmes. Je compte espacer les cours à une fois par semaine et voir s’il se calme.
— OK... Je comprends...
En fait, non, elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas le besoin qu’avaient certains hommes de marquer leur territoire en privant leurs femmes de liberté, en les empêchant de s’exprimer. Quand on est fort ou qu’on se sent fort, il n’est nul besoin d’écraser les gens. C’était sa philosophie en tout cas.
— Tes cours me font vraiment du bien en tout cas. Passe un bon week-end.
— Merci Danielle. J’espère que tout s’arrangera avec ton chéri. Bon week-end à toi aussi !
Et elle espérait vraiment de tout cœur que la mari de Danielle comprendrait. Les femmes qui venaient à ses cours, contrairement à ce que beaucoup pensaient, ne venaient pas pour impressionner leurs compagnons. Pour la plupart, elles voulaient se sentir plus en confiance avec leurs corps, apprendre à danser sur des talons ou alors tout simplement s’amuser. Le motif « aguicher mon mec » avait dû revenir seulement deux ou trois fois dans les réponses aux enquêtes qu’elle avait lancées sur sa page Facebook.
Les élèves étaient à présent toutes parties. Denise lança le téléchargement de la vidéo qu’elle avait enregistrée pendant le cours qu’elle destinait à ses abonnées qui la suivaient à distance; la plupart résidaient en France et en Angleterre où elle avait commencé à enseigner ses chorégraphies. Elle s’installa ensuite devant les barres pour s’étirer durant une bonne vingtaine de minutes. Elle clôturait toujours sa semaine de travail de cette façon.
Après avoir vérifié que tout était en ordre dans la salle, elle ferma les portes à clé et sortit son téléphone pour envoyer un message à Eloïse. Une notification Facebook apparut, annonçant qu’une de ses vidéos avait été signalée et retirée de la plateforme. Grimaçant, elle glissa son doigt sur l’écran pour aller sur sa page.
C’était la deuxième fois en deux semaines que ses vidéos étaient signalées dans son groupe privé. C’était à n’y rien comprendre ! Quel était l’intérêt pour pour la personne qui le faisait, à rester dans son groupe si les contenus qu’elle proposait ne lui plaisaient pas ? Pourquoi perdre son temps à être membre d’une page privée si c’était juste pour signaler et faire bloquer ses vidéos ? La nature humaine était décidément bien étrange. Elle se promit de prendre le temps qu’il fallait pour procéder à un nouveau nettoyage des membres du groupe.
— Pupuce, c’est comment ? demanda Eloïse dans le combiné.
Elle avait finalement décidé d’appeler son amie plutôt que de lui envoyer un texto. Elle avait besoin de se décharger.
— Je suis un peu énervée. J’ai encore une des vidéos que j’ai postée il y a quelques jours sur le groupe qui a été signalée. Tchip !
— Je wanda sur les gens ! Un truc ne te plaît pas, tu passes ton chemin et tu te désabonnes non ? Est-ce que c’est forcé ?
— Je ne comprends vraiment pas. Bref, je vais prendre le temps demain pour checker les activités des abonnés et restreindre mes publications. Bon, on dit quoi pour ce soir ? C’est toujours ok pour ton mari ?
— Ekié ! Qu’il a quoi à dire quand je veux sortir ?
— Eh pardon, je ne veux pas entendre mon nom dans vos histoires de couple oh ! S’exclama Denise en riant.
— Aka ! Tu fais comme si tu ne connaissais pas Martin ! C’est un gars ouvert. Il sait que j’ai besoin de bringuer de temps en temps avec ma bad pote.
— Tu as de la chance d’avoir une telle perle. Tu viens me prendre à quelle heure ?
— Vers minuit c’est bon ?
— Oui, parfait ! Bon je te laisse, je fonce dans mon ancien quartier m’acheter des plantains-prunes.
— Le mauvais cœur !
Elle s’esclaffa. Eloïse raffolait de cette friandise et se plaignait tout le temps de ne pas pouvoir en trouver dans son quartier ultra résidentiel du lac.
— Assia hein !
***
Denise était installée avec Eloïse sur un canapé de velours rouge, à siroter tranquillement son verre de Perrier citron. Elle buvait très peu d’alcool du fait de son métier. Pour atteindre une certaine performance physique, il fallait faire certains sacrifices. Ça ne l’avait d’ailleurs jamais dérangé. Elle aimait les sorties, mais les soirées de beuverie n’avaient jamais été son fort. Son amie, par contre, carburait au gin.
— Tu te caches où depuis ? Dit une voix au fort accent anglophone derrière elle.
Elle se retourna et vit Bobby, lunettes noires, cigare dans la bouche et ses magnifiques locks soigneusement tressées sur son crâne et dont les longues mèches tombaient sur son torse sculpté.
— Bobby ! Ça fait un moment que je te cherchais moi aussi.
Elle se leva pour lui donner une accolade chaleureuse. Elle fit les présentations et Bobby salua poliment Eloïse avant de s’installer à côté d’elle sur le canapé, le bras entendu sur le dossier derrière elle.
— C’est how miss ? Et le business ?
— Ça va, merci. J’ai repris il y a trois semaines maintenant. J’espère remonter un nouveau spectacle pour la fin de l’année.
— Oh good news ! Les affaires étaient aussi un peu compliquées pour moi ces derniers temps.
— A cause d’Universal ?
Bobby hocha la tête, puis tira sur son cigare avant d’exhaler de petites volutes de fumée. Il lui avait confié avoir des démêlés en justice avec la multinationale. Universal avait organisé des événements avec trois artistes qu’il avait signés sur son label sans même le contacter. Quand Bobby avait essayé de faire valoir ses droits, il s’était heurté à un message plein de condescendance qui expliquait que c’était le choix des artistes de travailler avec la multinationale et qu’il n’avait donc pas son mot à dire. Bobby ne s’était pas laissé faire et avait porté l’affaire en justice.
Denise avait rencontré le jeune homme l’année dernière lors d’une soirée de gala. Bobby était le producteur d’Admiral, un de ses potes de son groupe de danse du lycée, devenu l’un des rappeurs les plus en vue du pays; c’était lui qui les avait présentés. Ils s’étaient tout de suite bien entendu. C’était grâce à son intervention qu’elle avait pu louer la salle de spectacles pour son show sans avoir à avancer la totalité du montant de la location.
— Où c’en est maintenant ? S’enquit Denise après avoir avalé une gorgée de sa boisson.
— Ça avance très bien. Maître Wandji-Mandeng fait de l’excellent boulot. Elle m’a obtenu un dédommagement plus que conséquent avec eux. Si tout va bien, l’accord sera signé d’ici un mois.
— Ah ! Mais c’est une excellente nouvelle ! Je suis contente pour toi.
— Merci Darling. Actuellement, j’ai pas mal de projets sur le feu et je devrais faire appel à toi bientôt.
— Ah oui ? Lesquels ?
— J’ai deux nouveaux artistes que je suis entrain de lancer. Les premiers singles sont prêts et on va tourner le clip. Je voudrais que ce soit toi qui fasses les chorégraphies.
— Oh ! Merci Bobby !!
Elle se jeta dans ses bras, l’enserrant avec effusion.
— De rien, Darling. Tu sais que j’apprécie ce que tu fais. Je t’appelle dans la semaine pour te donner tous les détails sur l’ambiance du clip pour que tu commences à travailler sur la chorégraphie.
— C’est génial ! J’ai hâte de m’y mettre.
— D’ailleurs, Chanel, l’une des chanteuses, sera là tout à l’heure, ajouta t-il en jetant un regard à sa montre. Quand elle voudra bien se montrer en tout cas...
Bobby resta encore quelques instants à échanger avec elle avant d’être appelé par un de ses gars.
Eloïse lui adressa un sourire ravi et leva son verre pour trinquer avec elle. Denise s’installa plus confortablement dans le canapé, adressant un merci silencieux à Dieu. Dans sa tête, les images de pas de danse se succédaient. Elle réfléchissait déjà à sa future chorégraphie pour le clip, à l’ambiance, au positionnement des danseuses, aux tenues... Tout irait bien à présent, elle en avait l’intime conviction.
***
— Judith ! Qu’est ce que tu veux encore ? Demanda Simon à voix basse en sortant de la chambre à pas de loup.
Esther dormait à poings fermés dans la chambre et il ne voulait pas la réveiller.
— Je voulais te parler. La dernière fois, on a été coupé et tu n’as plus pris le téléphone ensuite.
— Parce que la discussion était close pour moi.
— Non, ne dis pas ça s’il te plaît. Je t’aime et je sais que tu m’aimes encore.
Simon soupira de colère contenue, ferma la baie vitrée coulissante et alla s’accouder sur la rambarde du balcon.
— Non, Judith ! C’est fini tout ça. Du moment où tu es partie au Canada, tout est fini entre nous.
— Et ce qui s’est passé entre nous en décembre ?
Il grinça des dents en se souvenant de la façon dont il avait cédé à Judith durant les trois semaines qu’elle avait passées en décembre dernier. Il n’avait pas pu résister. Il se sentait terriblement seul et avait eu le vague espoir qu’elle changerait d’avis et reviendrait s’installer avec lui à Yaoundé. Mais il s’était trompé. Elle était revenue et lui avait proposé de se marier avec lui pour lancer la procédure de regroupement familial pour le Canada où elle avait obtenu la résidence permanente tant rêvée.
Judith et lui s’étaient rencontrés cinq ans plus tôt par le biais d’un de ses amis. Il avait tout de suite été séduit par sa simplicité et son côté « tête sur les épaules ». Aînée d’une fratrie de cinq enfants comme lui, elle avait le sens des responsabilités. Venant d’une famille modeste, elle s’était battue pour finir ses études et à la force du poignet, avait réussi à décrocher un bon emploi dans une société d’assurances où elle avait très vite gravi les échelons. Rien, absolument rien n’aurait pu lui faire penser qu’elle rêvait d’Occident.
Ils avaient prévu de se marier après l’entrée à l’université d’Amandine et du petit frère de Judith. Quand elle avait commencé à lui parler d’immigrer au Canada, il ne l’avait pas prise au sérieux. S’il pouvait comprendre les gens pour qui l’Europe et l’Amérique représentaient forcément une sorte de terre promise, il ne parvenait pas à concevoir qu’il en soit de même pour ceux qui jouissaient d’un emploi confortable avec des possibilités d’investissement, comme elle. Pour lui, le Cameroun, et l’Afrique en général étaient une terre d’opportunités, avec un potentiel énorme. Là où les gens ne voyaient que misère et pauvreté, lui voyait plutôt une terre où tout était à reconstruire après des siècles de pillage et de chamboulements de tout ordre.
Une violente dispute avait éclaté entre Judith et lui quand elle lui avait montré le dossier de demande de résidence au Canada qu’elle avait commencé à remplir pour lui. Il lui avait dit qu’il était hors de question qu’il s’en aille à l’aventure dans un pays lointain alors qu’il ne manquait de rien dans son Cameroun natal. Elle l’avait accusé de ne pouvoir comprendre son envie d’évasion parce qu’il était un gosse de riches, qui n’avait jamais manqué de rien et à qui ses parents avaient laissé un bel héritage qu’il avait réussi à perpétuer.
Ils s’étaient séparés durant quelques semaines, puis elle était revenue vers lui, s’excusant dès propos qu’elle avait tenus. Il avait cru qu’elle avait abandonné ses projets de voyage. Il s’était lourdement trompé. Quelques mois plus tard, elle obtenait le visa pour le Canada. Il avait tout fait pour la convaincre de rester. Elle savait tout des revenus conséquents générés par sa coopérative et ses investissements dans l’immobilier, il était profondément épris d’elle, mais tout cela n’était rien face au rêve canadien. Il avait alors compris qu’au pays, la solidité d’une relation ne se mesurait qu’à travers le prisme d’une opportunité de voyage.
— C’était un moment de faiblesse, avoua t-il, reprenant le fil de la conversation. J’ai rencontré quelqu’un et il vaudrait mieux que tu arrêtes de m’appeler comme tu le fais.
— Ne me dis pas ça, Simon, fit Judith d’une voix hachée par les sanglots. Je sais que j’aurais dû attendre un peu et ne pas partir comme ça. Mais tu comprends, ma famille compte sur moi... si je peux aider mes frères à sortir du pays, je...
— Arrête ! La coupa t-il d’un ton ferme. La vie est un choix. Tu as choisi ta voie. Ce que j’avais à t’offrir n’était pas suffisant apparemment. J’en ai fait mon deuil. Je te souhaite de rencontrer quelqu’un qui t’aimera. Pour ma part, je suis passé à autre chose.
Il l’entendit sangloter bruyamment. Il eut un pincement au cœur, mais ne se laissa pas attendrir plus avant. Il avait passionnément aimé Judith, mais il était plus que temps de tourner la page à présent. Le bonheur se trouvait partout autour de soi, il suffisait de bien chercher.
— Bonne nuit, Judith. Ne m’appelle plus. Tournons la page.
Simon mit fin à la conversation sans plus attendre et éteignit son portable. Longtemps, il resta appuyé contre le garde-corps métallique, laissant son regard se perdre dans la pénombre environnante. Le vent mugissait au loin, secouant doucement les branches des arbres. Peu à peu, la quiétude de l’instant apaisa l’agitation qui faisait rage en lui après le coup de fil de Judith.
Il s’apprêtait à retourner dans la chambre quand le bruit du portillon qu’on ouvrait en dessous de lui l’arrêta. Un couple enlacé apparut. Il reconnut Denise dans une mini robe de la même couleur que ses cheveux récemment teintés en acajou. L’homme qui l’accompagnait la plaqua contre la porte de métal faisant grincer les paumelles et l’embrassa. Elle répondit à son baiser en ondulant contre lui et passa souplement une de ses jambes autour de sa taille.
Une sensation qu’il ne put identifier s’empara de lui tandis qu’il regardait Denise se faire peloter sans aucune pudeur devant l’entrée de la résidence. Il avait envie de manifester sa présence pour faire cesser le spectacle lubrique qui se déroulait devant ses yeux.
Il ne s’agissait pas du même homme que celui qu’il avait croisé en revenant de son footing la dernière fois. Qu’est-ce qu’elle avait à collectionner les aventures de cette façon ? Il avait vaguement cru à un moment qu’elle avait tourné le dos à son passé sulfureux d’antan, mais il n’en était visiblement rien.
L’homme poussa un grognement, l’extirpant de la torpeur de sa contemplation. Il n’avait rien à faire là. Denise pouvait bien faire de sa vie ce qu’elle voulait. Qu’est ce qu’il en avait à faire ?
Doucement, il fit coulisser la baie vitrée et regagna son salon puis sa chambre. Esther dormait toujours profondément. Il se glissa sans bruit à ses côtés et l’enlaça.