Chapitre 43
Write by Auby88
Femi AKONDE
Je tente encore de joindre Aurore. Son téléphone semble allumé. Enfin !
Elle décroche mais demeure muette.
- Aurore, tu m'entends ?
- Oui, finit-elle par dire.
- Je suis désolé pour tout à l'heure.
- Ne t'inquiète pas pour moi. Je vais bien.
- Ecoute Aurore, Paula n'est …
Avant que je ne finisse ma phrase, elle coupe l'appel.
Je réessaye une fois encore mais tombe sur son répondeur. J'abandonne pour ce soir. Cela ne sert à rien d'insister si elle ne veut pas m'écouter.
Quelle maudite soirée !
Je me débarrasse de mes vêtements qui me rappellent combien j'ai été idiot ce soir puis je vais me coucher sur mon lit. Vers le plafond, je lève les yeux.
Mon téléphone sonne. Je m'empresse de le prendre. Ce doit être Aurore. Non, c'est Paula. Je n'ai aucune envie de l'entendre. Du moins pas ce soir. Je ne décroche pas. L'instant d'après, je reçois un message. Encore elle ! Paula !
"Coucou mon poussin, t'aurais au moins pu me prévenir que tu partais. Ce n'est pas galant de ta part. En tout cas, j'appelais juste pour m'assurer que tu es bien rentré et que tu vas mieux. Bonne nuit à toi ! Paula qui t'aime !"
Bon sang ! Qu'est-ce qui lui prend tout d'un coup ? Pourquoi tant d'ambiguïté dans ses propos et ses agissements. Je ne sais plus quoi penser d'elle.
Plutôt que de répondre à son message, je le supprime et éteins mon téléphone.
Le lendemain
J'ai passé toute la nuit à cogiter sur comment dénouer la situation avec Aurore. Et je pense avoir trouvé un moyen. Pourvu que cela marche. Je croise les doigts.
J'appelle son numéro. Elle décroche à la cinquième tentative, mais me laisse parler quelques secondes dans le vide avant de répondre.
- Qu'est-ce que tu veux, Femi ? Je t'ai déjà dit que je …
- Non, calme-toi. Je voudrais savoir si tu peux m'amener Arabella. Je pensais passer la voir aujourd'hui, mais je ne me sens pas bien.
En parlant, je déforme un peu ma voix pour rester crédible.
- Tu devrais plutôt te reposer. Tu la verras plus tard.
- Non. Voir ma fille m'aidera à me sentir mieux, je t'assure. Et puis je n'ai rien de contagieux.
- Tu en es bien sûr ?
- Oui, c'est juste un ... petit mal de dos qui m'empêche de conduire actuellement.
- Je ne …
- S'il te plaît, Aurore. Je sais que tu es fâchée contre moi. Mais ne me refuse pas ce service.
- D'accord. Je te l'amènerai dans l'après-midi. En attendant, demande à Paula de te faire un bon massage du dos.
Encore cette histoire de Paula. Ça me saoule à la fin !
- Elle est là, j'espère.
- Non, dis-je sans entrain. Je suis seul ici.
- Peu importe. Nous serons là.
- Mer…
Je n'ai pas eu le temps de finir le mot "Merci". Elle m'a raccroché au nez. Au moins, elle sera là. C'est l'essentiel.
Aujourd'hui, je ne me défilerai plus. Qu'il neige sur Cotonou, que la terre béninoise tremble, qu'un volcan décide de se réveiller sous ma maison ou qu'on annonce la fin du monde pour aujourd'hui, j'avouerai tout à Aurore. Je me suis assez tu !
* *
*
Dans l'après-midi.
Aurore et Arabella viennent d'arriver. Je viens de les apercevoir depuis les baies vitrées de ma chambre à coucher. Je m'empresse de descendre.
- Bonjour à vous !
Elles répondent à ma salutation.
- Alors ma princesse, comment tu vas ? dis-je en prenant Arabella dans mes bras.
- Je vais bien, papa.
- Et toi ? Maman m'a dit que tu te sentais mal.
- C'est vrai. Mais j'avais vraiment besoin de te voir. C'est pour cela que j'ai demandé à ta mère de t'amener. Tu es contente ?
- Oui, papa.
- C'est bien.
Je lui dépose une bise sur le front.
- Ça te dirait d'aller jouer à la balançoire dans l'arrière-cour ?
- Oui, j'adore.
- Allez, vas-y !
Je la dépose au sol, prends soin de la confier à la femme de ménage puis je reviens près d'Aurore.
- Pour quelqu'un qui a mal au dos, tu descends bien vite les marches des escaliers ! Et tu es même capable de porter Arabella sans te tordre de douleur. C'est bon à savoir. Bravo !
Oups ! Je me suis fait prendre.
- Eh bien ... je me sens déjà mieux.
Elle me fixe.
- D'accord, je l'admets. Je n'ai rien. Mais c'est la seule astuce que j'ai trouvée pour que tu viennes.
Elle ne dit mot. Ses yeux demeurent sur moi. Son regard et son mutisme me déconcertent.
- Ne me regarde pas ainsi Aurore ! Reconnais que tu n'aurais pas accepté me parler si je n'avais pas agi ainsi.
- Je vois. Alors qu'est ce tu as de si important à me dire ?
- Je te dois des explications quant à hier.
- Je t'ai déjà dit que je ne voulais plus en parler .
- Pourtant il le faut parce que …
J'hésite encore à lui avouer que Paula n'est pas ma petite amie. J'ai peur qu'elle m'en veuille.
- Parce que quoi ? Je t'écoute, Femi.
- Paula n'est pas ma petite amie, finis-je par dire.
Elle semble surprise.
- Ce n'est pourtant pas ce qu'il m'a semblé voir hier.
- Elle jouait juste la comédie.
- Ok. Des toutes façons, qu'est-ce que cela peut bien me faire qu'elle soit ta petite amie ou pas ? Nous ne sommes pas ensemble, je te le rappelle. C'est ta vie et tu as le droit de …
Aurore s'arrête, interrompue par une autre voix féminine.
- Bonjour, mon amour.
Paula ! Encore elle !
Elle accourt vers moi et se jette à mon cou, sans prêter attention à Aurore. Je retire expressément ses bras.
- Paula ! Ce n'est pas la peine de continuer ce jeu, je viens de dire à Aurore que nous ne sommes pas ensemble.
- Ah bon ! Et toutes ces nuits d'amour que nous avons passées dans ta chambre ?
- Paula, qu'est-ce que tu racontes ?
- La vérité !
Paula vient de dépasser les bornes. Je la regarde méchamment, ce qui ne semble pas la perturber.
- Il vaut mieux que je vous laisse ! intervient Aurore.
- Aurore, attends ! Je t'en supplie. Paula ne …
- Cette discussion ne me concerne pas !
- Laisse-la partir, Femi. Ton ex est de trop ici !
- Paula, ça suffit ! Arrête de mentir !
- Je ne mens pas, moi !
- Tu ramèneras la petite plus tard ! me précise Aurore. Aurevoir !
Je ne peux la laisser partir. Je me souviens de cette citation — formulée par lui-même — qu'utilise souvent mon DG : « À toujours penser sans agir, on se retrouve un jour contraint à agir sans penser.»
Contraint à agir, je me retrouve en ce moment. Je m'en vais barrer le chemin à Aurore.
- Ne t'en va pas Aurore. Je t'aime trop pour te laisser partir.
Elle me fixe.
- Je n'ai jamais cessé de t'aimer, malgré que tu sois partie loin de moi, malgré que tu m'aies caché l'existence d'Arabella, malgré toute la peine que tu as infligée à mon coeur. J'ai essayé de t'oublier, de t'arracher de mes pensées mais je n'y suis pas parvenu. Je t'ai ignorée, je t'ai agressée verbalement, je me suis montré le plus macho possible avec toi, j'ai inventé cette histoire d'amour avec Paula pour te faire mal, pour t'éloigner de moi, mais je n'ai pas pu t'oublier. Je devais te dire la vérité depuis, mais je n'y arrivais pas. Parce que j'avais peur de me tromper, j'avais peur que tu me fasses à nouveau mal, parce que j'avais peur que tu me rejettes. Mais aujourd'hui, je n'ai plus peur. S'il y a bien une femme que j'aime, de toutes mes forces, de toute mon âme ; s'il y a bien une femme avec laquelle je veux être, c'est toi et toi seule Aurore AMOUSSOU. Paula n'est qu'une amie, crois-moi. Elle a été d'une grande aide pour moi après ton départ et elle l'est toujours, mais il n'y a jamais rien eu entre nous. Je ne sais pas pourquoi elle s'obstine à m'enfoncer, mais rien de ce qu'elle dit actuellement n'est vrai. Je te l'assure.
- Femi, je le sais.
Rassuré, je suis. Mais…
- Attends… Qu'est-ce que tu viens de dire ?
- Je sais tout, Femi.
Je me tourne vers Paula, qui est restée muette depuis.
- Paula, qu'est-ce que cela signifie ?
- Aurore est au courant de tout.
- Mais ...
- Je savais déjà toute la vérité avant l'épisode du Karaoké bar.
- Alors, vous deux … étiez de mêche ?
- Oui, tout n'était que comédie, Femi ! Exactement comme notre prétendue histoire d'amour.
- Mais …
- Je te le redis, tout n'était que comédie, même mon attitude ambiguë envers toi. Tu n'as quand même pas cru que j'avais un faible pour toi. Car il n'y a qu'Aurore qui puisse aimer un homme aussi entêté que toi !
Je n'arrive pas à croire ce que mes oreilles entendent. Ah les femmes ! Elles sont "machiavéliques" !
- Vous n'auriez pas dû me tourmenter de la sorte ! Ce n'est pas juste ! C'est criminel !
- Si tu veux t'en prendre à quelqu'un , c'est à moi. Rien qu'à moi. J'ai entraîné Aurore là-dedans. C'est la seule manière que j'ai trouvée pour te pousser à bout, pour t'amener à tout lui avouer, à lui dire combien tu l'aimes. Car j'en avais marre de vous voir souffrir ainsi, alors que vous vous aimez. Il suffit de vous regarder pour s'en rendre compte. Vous êtes faits l'un pour l'autre. Il n'y a aucun doute là-dessus.
- J'en ai assez entendu, Paula. Je vais prendre l'air dehors.
- Femi !
Aurore m'appelle, mais je n'attends pas.
- Je veux être seul ! crie-je en sa direction avant de quitter le salon.
**********
Aurore AMOUSSOU
Je le regarde s'éloigner et mon cœur se serre.
- Paula, peut-être que nous n'aurions pas dû faire ce que nous avons fait. Je suis certaine qu'il me détestera davantage.
- Femi ! Non voyons ! dit-elle en souriant. Actuellement, son orgueil de mâle a été atteint. Mais ça va lui passer.
- Tu en es sûre ? Je n'ai pas envie de le perdre à nouveau, maintenant qu'il m'a avoué qu'il m'aime encore.
- Je te l'avais bien dit qu'il t'aime encore. Mais tu t'obstinais à ne pas le croire.
- Tu ne peux savoir à quel point je me suis sentie honorée, heureuse quand il me l'a dit tout à l'heure. C'est sûr, je n'en doute plus.
- Alors crois-moi également quand je te dis qu'il ne se fâchera pas longtemps.
- Je le voudrais bien, mais il semblait si contrarié tout à l'heure que j'en doute, Paula. Je vais tenter de lui parler.
- Il t'a dit qu'il voulait être seul. Tu risques d'envenimer les choses !
- Je ne peux rester ici quand je sais qu'il ne va pas bien.
- Aurore, tu ne …
- Je dois le faire. Arabella est dans l'arrière-cour, je crois. Tu peux aller lui tenir compagnie, si tu veux.
- Ah l'amour quand tu nous tiens !
Je souris.
- Ok. Je vais voir ma princesse adorée pour me changer les idées. Mais n'oublie pas de m'appeler, comme d'habitude, si tu as besoin de moi.
- Comme d'habitude ! repète-je en souriant.
Je l'avoue. C'est moi qui informais Paula de mes rendez-vous avec Femi : au Karaoké Bar et même ici. Nous planifions tout à l'avance.
- Allez, va trouver ta "Bête"!
Elle fait Grrrrrr, imitant un grognement.
- Paula ! rétorque-je.
Elle me sourit puis disparaît. Cette femme est incroyable ! Elle est aussi hardie que l'ancienne Aurore, à la seule différence qu'elle a un coeur gros comme ça. Comme celui de Bella. Je comprends pourquoi Femi tient autant à elle.
J'avance mon fauteuil et sors du salon. Femi est là-bas près de la piscine. J'hésite à l'approcher. Tandis que j'attends pour me décider, mes pensées me ramènent au passé. Elles me conduisent précisément à cette nuit où j'ai reçu un message provenant d'un numéro que je ne connaissais pas : celui de Paula KOUTON.