Chapitre 43

Write by WumiRa

24 heures plus tard...



Le soleil venait à peine de se lever sur Dakar, mais comme on était vendredi, la ville avait déjà commencé à s'animer. 


DANS UN PETIT MAQUIS DE LA PLACE


- Je ne devrais pas être ici, dit Umar, une expression de mépris sur le visage. Tu n'as pas idée de ce que tu as créé. 


La femme à qui il s'adressait, au lieu de lui répondre, porta la chope de bière en face d'elle à ses lèvres.


- Mais on ne peut pas s'attendre à grand chose de la part d'une femme qui boit, n'est-ce pas ? Donne moi ce qui m'est dû.


C'est seulement à ce moment qu'elle daigna réagir, depuis qu'ils étaient là.


- On est d'accord que ce journal ne t'appartient pas ? Il est à Sylla.


- Et tu t'es mis en tête de le faire chanter avec. Tu es vraiment stupide, si tu as cru qu'il allait marcher.


- Ah mais dans ce cas toi, si. Que veux-tu faire du journal de la mère de ton ami ? Sait-il tout ce que nous savons toi et moi ?


Il sorti son téléphone portable.


- Ne va pas croire qu'il m'est impossible d'annuler le transfert que je viens de faire, déclara t-il. Nous avions un marché, soit tu le respectes, soit j'emploierai les grands moyens.


Elle eût un sourire.


- On croirait entendre le tout puissant Malik. Je me demande si des fois tu n'en as pas marre de lui, il est tellement égocentrique. 


Il allait lui répondre, mais comme à ce moment elle sortit de son sac une grosse enveloppe kaki, il préféra se taire et garder la suite pour la fin. 


- Tiens, fit-elle en poussant l'enveloppe vers lui. Je ne sais pas ce que tu comptes en faire, mais mon petit doigt me dit que tu ne compte pas le donner à ton ami et il se trouve que mon petit doigt ne me ment jamais.


Il la toisa.


- En revanche, j'espère que tu sais que ce journal à lui seul est une vraie bombe à retardement. Cette femme devait...


Il s'était déjà levé.


- Nos chemins se séparent ici, la prévint-il. Je n'ai pas besoin de te rappeler que tu ne sais absolument rien de toute cette histoire et toi et moi ne nous sommes jamais rencontrés.


Il prit le chemin de la sortie.


- En dehors de son bureau, tu veux dire ! lança t-elle avec ironie.



***


Dans un hôpital au même moment. 



- Écoutez...


- Vous ne pouvez pas entrer monsieur Sylla, je suis vraiment désolé, coupa sévèrement l'un des médecins lorsque Malik insista pour suivre Maya en salle d'opération. La patiente est vraiment dans un sale état.


- Pourquoi faut-il absolument qu'elle se fasse opérer ? demanda t-il, tandis que l'angoisse lui nouait l'estomac. Est-il arrivé quelque chose au bébé ? Qu'est-ce qu'ils lui font ? Pourquoi n'a t-elle pas ouvert les yeux ?


Le docteur fit signe à l'une des infirmières qui s'approcha aussitôt.


- Veuillez vous occuper de cet homme, Soraya. Faites le asseoir ou tout ce que vous voulez, mais qu'il ne franchisse pas cette porte.


- Mais docteur Diaw...


Déjà le docteur s'éloignait. Malik n'attendit même pas que la jeune femme lui adresse la parole, avant de se diriger vers la porte de sortie. Si on lui interdisait d'être avec elle, il lui était impossible de patienter dans cette salle d'attente, pendant une seconde de plus. Les évènements de la veille repassaient en boucle dans sa tête et il s'en voulait à mort et rien que le souvenir du corps ensanglanté de Maya, avait suffit à le tenir en éveil durant toute la nuit. D'ailleurs comment aurait-il pu dormir, quand il savait déjà à quoi tout ceci allait les mener ? Si elle survivait, elle n'allait plus jamais vouloir entendre parler de lui ou pis, elle allait tout déballer à son père. Mais là n'était même le problème, il s'en contre fichait du fait qu'elle le dénonce ; ce qui lui importait à présent c'était sa survie et celle de leur enfant. 


Il allait monter dans sa voiture, quand son téléphone se mit à sonner. C'était Umar. À part lui et sa secrétaire, ce dernier était la seule autre personne au courant de l'accident. Vu l'état des choses, ce n'était pas le moment d'affoler les Fall et il savait d'avance à quel point cela affecterait cette pauvre bonne Firda. Et dire que tout ceci était la faute de son mari ! Sans sa trahison d'autrefois, ses propres parents seraient sans doute toujours en vie et il n'aurait pas eu besoin de faire certaines choses dont il n'était pas fier. Mieux encore, il ne serait pas devenu l'homme qu'il était et les circonstances dans lesquelles il avait rencontrée la jeune femme n'auraient pas été les mêmes. Elle était tellement douce malgré son caractère...


Il laissa son téléphone sonner dans le vide.


Comment les choses s'étaient passées ? Il n'en avait aucune idée. Il savait juste que Maya était en train de l'attendre parce qu'ils devaient déjeuner ensemble et s'il avait mis du temps à aller la rejoindre, c'était parce que Umar avait réussi à le convaincre de lui dire toute la vérité le jour même. Oui, il avait vraiment décidé de le faire, mais n'ayant pas l'habitude de faire des confidences et encore moins des aveux - surtout que celui ci était grave - il avait paniqué, ne voyant pas l'heure passer. Et maintenant ? Par sa faute, le pire s'était produit. Allait-elle s'en sortir indemne ? Comment allait-il pouvoir l'approcher sans susciter autre chose que de l'amour chez elle ? Allait-elle le détester ? Tourmenté par ses propres pensées, il poussa un gros soupir. Si seulement sœur Léa était toujours en vie...



Il finit par monter dans son véhicule, attendant le moment où on viendrait lui annoncer qu'elle s'était réveillée. Le fait de savoir qu'il allait peut-être perdre l'un des deux être qu'il aimait le plus au monde ne faisait que décupler sa phobie des hôpitaux. Il les avais en horreur. Cela avait commencé à l'époque où sa mère avait été transportée de toute urgence à l'hôpital, alors qu'elle devait être déjà morte depuis bien longtemps. Il n'était qu'un petit garçon, alors il avait cru que ces hommes au regard tantôt sévère, tantôt bienveillant, auraient pu faire quelque chose pour qu'elle ne bouge de serait-ce que de la main, mais après il avait compris. La vérité est que ces gens ne sauvent personne et nul n'a le pouvoir de guérison en lui, si ce n'est Dieu lui-même. Ces fantômes en blouses blanches, n'étaient que des instruments du créateur, pour épargner qui il souhaitait. Alors peut-être que la seule chose qu'il lui restait à faire était de prier ?


Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas cogner à sa vitre.


- Monsieur Sylla... Monsieur Sylla ?


Il ouvrit les yeux. C'était le docteur qui l'avait si durement renvoyé, il y'avait à peine quelques minutes. Malik ouvrit la portière.


- Quel est le souci ? demanda t-il, méfiant.


- Je dois m'entretenir avec vous à propos de quelques chose de très important. Veuillez me suivre à l'intérieur s'il vous plaît.


Il ne fit pas prier et sortit de la voiture. 


- Qu'est-ce ? demanda t-il, une fois à l'intérieur. 


- Je suis désolé de devoir...


- Ne soyez pas désolé, allez droit au but.


Le front du docteur se plissa.


- Dites moi cette chose dont vous vouliez me parler.


- Et bien, il va falloir procéder à un accouchement prématuré, si vous voulez que l'enfant survive.


Le sang de Malik se glaça dans ses veines.


- Vous êtes...


- Je sais que votre femme n'est qu'à seulement quelques mois, mais je suis en train de vous exposer les choses telles qu'elles sont. C'est déjà un miracle qu'elle n'ait pas perdu le bébé, mais ce dernier n'est plus en mesure de rester dans le ventre de sa mère jusqu'à terme et quand bien même ce serait possible, il y'a de grands risques ; les chances que vous puissiez avoir un enfant en bonne santé sont minimes.


- Donc...


- J'ai besoin de votre accord.


- Vous savez quoi faire, c'est vous le docteur.


- Cette fois ci non, coupa le docteur Diaw. Ce n'est pas tout.


- Qu'est-ce qui n'est pas tout ?


Lui-même semblait dérouté par les mots qu'il s'apprêtait à prononcer.


- Vous devez comprendre que rien n'est à prendre à la légère. 


- Je ne prends rien à la légère, figurez-vous.


- Ehm... Ce que je veux que vous comprenez c'est qu'il vous faut choisir. 


Malik tiqua, mais il fallait être stupide pour ne pas comprendre. Un grand froid l'envahit sur le coup.


- Choisir quoi ? demanda t-il, cependant.


- Nous pouvons sauver la mère ou essayer avec l'enfant, mais les deux en même temps, relèverait d'un très grand miracle. Le temps que nous fassions sortir le bébé, elle pourrait mourir. C'est l'un ou l'autre.


L'un ou l'autre. 


Comme lorsqu'il avait appris le décès inattendu de sœur Léa, Malik se sentit à nouveau pris au piège. Mais cette fois, il avait vraiment l'impression que la chance lui avait tourné le dos. Il se tourna vers le mur, dépassé


- Il faut qu'on fasse quelque chose rapidement, dit le docteur, pour le ramener à la réalité. Le temps passe. Maya est l'une de mes patientes et je ferai tout mon possible pour qu'elle s'en sorte, mais vous êtes son mari, j'ai besoin de votre accord.


- Sauvez-la, murmura Malik.


Il se retourna.


- Elle ne doit pas mourir.


- Et... l'enfant ?


- Vous venez de dire que...


- Je sais ce que j'ai dit. Mais autant vous prévenir que lorsqu'elle l'apprendra, vous risquez de faire face à une grande dépression. J'ignore si vous savez à quel point elle y tenait.


Elle ! Non, celui qui tenait le plus à la venue de cet enfant, c'était bien lui, songea Malik. Elle l'avait longtemps blâmé pour ça ; jamais la perte de leur enfant n'allait l'affecter autant que cela l'affectait, lui. C'était comme si on était en train de lui broyer le cœur, alors qu'il était toujours en vie ; il ne se souvenait pas avoir eu autant mal, de toute sa vie.

 

- Vous avez pris une décision ? 


Il acquiesça.


- Je vous serais éternellement redevable si vous la tirez d'affaire, docteur. C'est uniquement de ma faute, il serait injuste qu'elle paie pour mes erreurs.


- Vous allez perdre un enfant, monsieur Sylla.


- Je ne veux pas perdre ma femme.

 

L'autre approuva, puis d'un pas décidé, s'éloigna.


- Quel était le sexe du bébé ? ne put-il s'empêcher de demander, l'amertume dans la voix.


- Une fille.




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