Chapitre 44

Write by WumiRa

Durant encore de longues heures, Malik attendit qu'on vienne lui annoncer que sa femme et sa fille avaient toutes les deux survécues. Mais plus le temps passait, plus l'inquiétude grandissait en lui ; il se posait mille et une question. Et si les choses tournaient mal ? Aurait-il dû alerter les Fall ? Non, évidemment que non, il ne servait à rien de les mettre au courant, encore qu'ils n'étaient même pas les vrais parents de Maya. Il était certes de son devoir de le faire, mais pour l'instant il ne le pouvait simplement pas.


Il se remit à faire les cent pas dans le couloir, lorsqu'une porte s'ouvrit et que Umar apparut.


- Pourquoi n'as-tu pas décroché ?


Ce fut la première chose qu'il demanda une fois à la hauteur de Malik. 


- Qu'ont dit les médecins ?


- Je ne sais pas encore, j'attends. Mais je risque probablement de perdre ma fille.


- C'est une fille... ?


Ce dernier acquiesça, en se passant une main sur le visage.


- J'ai tellement peur, avoua t-il.


Umar posa une main sur son épaule.


- Dieu sait faire ses choses, fit-il. Et à propos je trouve honorable le fait que tu aies laissé ce type s'en aller indemne. Ta secrétaire m'a appelé pour me dire qu'il est repassé à SyllaZ


- Qu'est-ce que j'aurais fait de toute façon ? Si elle ne nous avais pas entendu, Maya n'aurait jamais traversé sans regarder avant. 


Il s'assit.


- Que voulais-tu me dire au téléphone ?


Umar s'assit à son tour.


- Ça peut attendre.


***


Une demi heure plus tard, le docteur Diaw apparut à nouveau. Son attitude n'avait pas changé et Malik eut grand mal à deviner si les nouvelles allaient être bonnes ou mauvaises. Il se leva d'un seul coup, avant d'être imité par son meilleur ami.


- Monsieur Sylla, commença le docteur, tandis que Malik retenait son souffle.


- Oui ?


- Nous avons fait du mieux que nous avons pu et vous avez eu une adorable petite fille, mais malheureusement...elle n'a pas vécu assez longtemps. Ses poumons... Enfin j'espère que vous comprenez. Mes sincères condoléances.


Un grand silence s'abattit entre eux, jusqu'à ce que Umar pose sa main sur l'épaule de Malik.


- Où est ma femme ? demanda ce dernier.


- Elle va bien. Même s'il faut attendre encore un peu, je suis certain que d'ici peu elle sera remise de son accident.


- Mais pas de la perte de son enfant.


- Personne ne se remet de la perte d'un enfant, déclara le docteur, un soupçon d'amertume dans la voix. Je ne sais pas comment va réagir Maya à cette nouvelle, mais je peux vous assurer qu'elle va surmonter tout ça, elle est assez forte psychologiquement. 


Parce qu'en plus il était son psychologue ? railla intérieurement Malik, alors que tout ce dont il avait envie c'était de foutre son poing dans la figure de ce vieillard, pour n'avoir pas réussi à les sauver toutes les deux. Encore une fois, les "toubibs" l'avaient déçu. 


Umar eût l'intelligence de prévoir son geste et il le retint fermement.


 - Je sais que c'est difficile, mais je vous avais prévenu. 


- Parce que vous vous attendiez à quoi en me demandant de choisir ? rétorqua Malik, sur le ton de la reproche. Vous auriez peut-être approuvé que je choisisse l'enfant au lieu de la mère ? 


Umar intervint.


- S'il vous plaît docteur, quand pourra t-on voir Maya ?


- Si d'ici demain...


- Je veux voir ma fille, opposa Malik.


Il était devenu méconnaissable.


- Que faites vous des enfants qui meurent à la naissance ?


Le docteur Diaw soupira, quoique compréhensif.


- Rien. Les parents prennent le corps.


- Je veux voir le corps de ma fille.


- Je ne pourrais pas vous en empêcher, mais peut-être que vous...


- Y'a t-il autre chose dont vous ne m'auriez pas parlé, docteur ?


Ce dernier se résigna enfin.


- Venez avec moi, monsieur Sylla.


Malik le suivit, pendant que Umar attendait toujours dans la salle d'attente. Il fut conduit jusque dans une chambre, puis près d'une couveuse où semblait dormir un minuscule de bébé. Deux ou trois tuyaux partaient de la couveuse jusqu'à ses petits narines, mais au fond, Malik se doutait qu'ils ne devaient plus servir à rien. Et quoique prévenu qu'il n'y avait plus rien à faire, il était dévoré par l'envie de prendre le petit corps immobile dans ses bras. Il demeura ainsi, impuissant, incapable du moindre geste, mais ravagé de l'intérieur. L'idée que tout ceci était réel lui était difficile à accepter. La voix du docteur se fit entendre.


- Si je peux vous aider, vous et votre femme, en faisant quoi que ce soit, n'hésitez surtout pas à me le faire savoir. Je ne comprends que trop votre peine et je sais ce que c'est.


Soit. Mais il n'avait sûrement pas dû perdre l'amour de sa vie le même jour, songea Malik. Parce que c'était bien cela ; Maya était définitivement perdue pour lui, maintenant qu'il n'y avait plus d'enfant entre eux. Quoi qu'il fasse et même s'ils demeuraient mariés, jamais elle n'allait lui pardonner de l'avoir autant manipulé. Comment allait-il pouvoir vivre de cette manière ?


Peu de temps après, il ressortit de la chambre et rejoignit Umar.


- Alors... ? fit ce dernier. Tu as pu le voir de tes propres yeux ?


- J'aurais aimé ne pas le faire, répondit Malik en s'asseyant. Cette image va me hanter pour le restant de mes jours.


- Si tu m'avais écouté...


Son ami lui adressa un regard des plus furieux.


- Que comptes tu faire ? Avec Maya. Comment vas tu lui expliquer ce qu'elle t'a entendu dire ?


- Il n'y a plus rien à expliquer, Umar. Elle est au courant de presque tout. Et à l'heure qu'il est, elle doit me haïr pour avoir profité de sa naïveté, parce que c'est bien ce que j'ai fait. Sauf qu'à présent...les choses sont très différentes. J'allais lui parler de mon père et de Fall. J'allais vraiment tout lui dire.


- Si elle t'aime, elle comprendra.


- Tu crois que c'est aussi facile ?


- Je n'en sais pas plus que toi, Mal. Mais après tout tu avais de bonnes raisons de vouloir te venger de son père.


Il s'éclaircit la gorge et au même moment, le téléphone de Malik vibra dans sa poche. Ce dernier se leva, avant de décrocher.


- Allô. Oui ?


Il se mit à faire les cent pas dans le couloir.


***


( Pendant ce temps, à plusieurs kilomètres de là ) 


- Je n'essaie pas de vous corrompre monsieur. Essayez juste de comprendre la peine d'une mère et de voir à quel point je souffre. Bientôt vingt-cinq que tout ceci a eu lieu et aujourd'hui je regrette sincèrement d'avoir pris une telle décision. Je le regrette amèrement.


- Sauf que je ne vois pas comment je pourrais t'aider Awa. D'ailleurs, comment m'as-tu retrouvé ? Tu as oublié l'accord que nous avions passé ?


Non, elle n'avait pas oublié. Et d'ailleurs, jamais elle n'oublierait le jour où elle avait pris la décision de vendre son enfant qui n'était même pas encore né, en échange d'une importante somme d'argent et d'un voyage à l'extérieur du continent.


- Où j'en suis, répondit-elle, je ne pouvais plus ne pas me mettre à votre recherche. Et si je suis parvenue à vous retrouver, c'est un grand coup de chance, parce que je le jure, cela fera bientôt huit ans que j'ai réalisé mon erreur. Et depuis...


- J'ai pourtant appris que tu étais la femme d'un homme très influent.


Elle ne dit rien pour le contredire.


- N'as-tu pas eu d'autres enfants ?


- Non.


- Je vois ça.


- Mais j'ai décidé de retrouver mon enfant, bien avant d'apprendre que je ne pouvais plus concevoir. La nature m'a punie, mais par Allah que je regrette tout ce que j'ai fait, monsieur. J'étais très jeune et sans rien. Si les choses étaient à refaire...


- Écoute, fit son interlocuteur, en s'adossant à son siège. J'aimerais beaucoup t'aider. 


Il la scruta un peu plus attentivement.


- Punie ou pas, à te voir il est clair que tu regrettes, mais si au moins tu n'avais pas refusé tout contact quel qu'il soit avec la famille de ta fille... Et d'ailleurs tu ne savais même pas quel était le sexe du bébé, tu l'as vendu quelques mois avant sa naissance et comme on a du t'opérer, tu n'étais pas consciente lorsque les nouveaux parents sont venus chercher l'enfant.


Honteuse, mais incapable de faire autrement, elle acquisesça.


- Pourquoi ne pas l'avoir simplement placé dans un orphelinat ?


Elle ne sut que répondre.


- J'ai cru que l'adoptement...


- Ce n'était pas un adoptement, tu as vendu cet enfant, reconnaît le. Ne me dis pas que tu as honte à présent.


- Quelle mère peut être fière d'avoir vendu son propre bébé ?


Elle se prit le visage entre les mains, d'un air affligé.


- Et il y'a autre chose, soupira t-elle.


- Quoi encore ?


- Mon... petit ami de l'époque, dit-elle. Il est lui aussi de retour.


L'homme qui se tenait en face d'elle, afficha un air extrêmement surpris.


- Comment ?


- J'ai menti. Il n'est pas mort.


- Hum. Alors si je comprends bien...


- Il a menacé de ne jamais me laisser approcher notre fille s'il devait la retrouver avant moi. Et ce ne sont pas que des paroles en l'air, il est capable de...


- Il est capable de la retrouver et pas toi ? Et comment compte t-il s'y prendre ?


Elle fouilla dans son sac et sortit une carte qu'elle lui tendit.


- Tenez, c'est lui. Il est le nouveau directeur de la clinique où a eu lieu mon accouchement. Il l'a rachetée, mais personne n'est au courant, alors s'il devait fouiller et remonter jusqu'à ce jour, je suis sûre que les dossiers médicales d'il y'a une vingtaine d'années se trouvent toujours là.


- Et que crois tu qu'il va trouver d'intéressant ? Le noms des Fall ?


- Non mais il pourrait bien...


Elle releva la tête.


- Fall ?


Il la regarda sans rien ajouter.


- Vous avez dit...Fall ?


- Il y'a énormément de Fall dans cette ville, pour ne pas dire dans ce pays.


Ne prêtant pas attention à ce qu'il venait de dire, un fol espoir naquit en elle.


- Vous êtes l'unique personne susceptible de m'aider monsieur Cobar. S'il vous plaît.


- Qu'est-ce qui me certifie que tu ne vas pas faire irruption dans la vie de cette jeune femme ? demanda t-il.


- Ce sera difficile, mais si telle est la condition, je ne peux pas la refuser.


- Elle n'est pas au courant d'avoir été "achetée" alors, s'il devait arriver que tes soit disant instinct maternels prennent le dessus.


Très sûre d'être prêt du but, Awa déposa son sac sur la table et fut sur le point de se mettre à genou. Il l'en empêcha.


- Si cela devait arriver, tu devras l'assumer toute seule, parce que autant te prévenir, elle ne t'aimera jamais après avoir appris comment tu l'as abandonnée. Alors mieux vaudra pour toi, si tu demeurais dans l'ombre tout en sachant qui elle est.


De toute façon, elle s'était promis d'observer de loin le bonheur de sa fille si elle parvenait à la retrouver, mais cette dernière était-elle seulement heureuse dans la vie ? Avait-elle eu de bons parents ? Des parents aimants ?


- Je sais ce que tu penses, dit Cobar, en interrompant le cours de ses pensées. Mais si cela peut servir, je suis une connaissance de son père et je sais à peu près qui sont ces gens. La petite a grandit et il y'a quelques mois, elle s'est marié. Tu dois beaucoup faire gaffe, Awa, ce sera un immense service que tu lui rendras.




Bonjour tout le monde. Vous vous portez tous bien j'espère ? Désolée pour tout ce silence qui a fait s'inquiéter plus d'un et merci pour les messages. Non, je n'étais pas malade Dieu merci, mais j'avais quelques soucis et franchement je réfléchissais aussi à la tournure qu'allait devoir prendre l'histoire - pour ne pas vous décevoir. J'espère que vous n'êtes pas trop fâchés contre votre chrochro ! Vous m'avez manqué. Bisous et bonne lecture à vous.

Sensuelle Ennemie