Chapitre 45
Write by Auby88
Nadia Page AKLE
Quelle journée ! Je suis épuisée ! Je ne savais pas qu'être demoiselle d'honneur demandait autant de travail. Annie m'avait conseillé de me ménager autant possible, puisque que je n'étais pas la seule demoiselle d'honneur, mais j'ai joué à la têtue ! Et voilà le résultat ! Mais je ne regrette rien. C'était beau de voir Annie et Ivan heureux, de les voir se dire Oui pour la vie. A défaut de pouvoir vivre ce bonheur-là, je profite de celui des autres. (Sourire)
Je suis là, perdue dans mes pensées quand je sens bébé bouger.
- Milena, t'as fini de te brosser les dents ? crié-je aussitôt.
J'entends un "oui, maman" suivi de "Je viens.
- Allez, approche. Bébé bouge !
Elle se précipite comme d'habitude. Elle adore poser sa main sur mon ventre et sentir bébé "faire ses bonds". Alors chaque fois que cela se produit, je lui fais signe.
- Il bouge de plus en plus, maman ! Génial ! s'émerveille Milena.
- Oui, agréé-je. Il fait un gros gros coucou à sa "dada" (grande-soeur en langue fongbé ).
- C'est drôle ! Il bouge tellement, que ça déforme ton ventre.
- Oui. On dirait que bébé prend mon ventre pour une piste de danse !
- C'est sûr !
Nous pouffons de rire.
- Quand est-ce que bébé vient ? Je suis pressée, moi.
- Très bientôt. Je suis aussi pressée que toi.
- Ça se voit. Mais papa lui ne semble pas pressé.
Je feins ne pas l'avoir entendue.
- Il est temps de se coucher, ma jolie.
Je l'aide à enfiler son pyjama et elle s'allonge sur son lit.
- Vous n'êtes plus ensemble, papa et toi ?
Je tire la couverture sur elle.
- Maintenant, ferme les yeux.
- Tu ne veux pas me répondre ?
- Sache, petite, que tu n'as pas à te préoccuper des histoires d'adultes.
- Mais ça me concerne aussi. Parce que je vois que vous n'êtes pas heureux et moi aussi je ne suis pas heureuse.
- Je suis heureuse, je te l'assure.
- Je ne te crois pas.
J'affiche un large sourire.
- Tu me crois maintenant ?
- NON... Tu voulais partir d'ici. Mais tu ne l'as pas fait parce que je t'ai supplié de ne pas m'abandonner.
- Le passé reste le passé, Milena. Je suis là avec toi aujourd'hui. C'est tout ce qui compte. Et je suis sur le point de te donner un petit-frère ou une petite-soeur avec qui tu pourras jouer... Je vais être une maman comblée avec deux charmants enfants. Alors pourquoi ne serais-je pas heureuse ?
Je m'attendais à ce qu'elle me réponde "Oui, je te crois". Mais non.
- C'est à cause du bébé que vous êtes fâchés ?
- Milena !
- Il n'en veut pas, n'est-ce pas ?
- Pourquoi ne m'écoutes-tu pas ?
- Il le traite comme il m'a traité, moi. Je le vois bien. Il ne demande rien à propos du bébé. Pourquoi il est ainsi, mon papa ?
Si seulement, j'avais réponse à sa question !
Ses yeux sont bien tristes. Et moi, je suis toute chamboulée.
- Viens ici ma jolie, dis-je en la serrant contre moi, du mieux que me permet mon ventre. Oublie tout ça, Milena. Fais-le pour moi. Je ne veux pas te voir triste. Je n'aime pas ça et tu le sais. Ne perds pas ton sourire, ma fille... Garde juste à l'esprit que ton père t'aime beaucoup. Et moi aussi. C'est tout. Tu as compris ?
Elle hoche faiblement la tête.
- Alors, montre-moi ton plus beau sourire.
- Parfait ! m'exclamé-je en lui souriant en retour.
* *
*
Des minutes plus tard.
Milena dort déjà. Moi, je suis dans ma chambre. Je contemple les vêtements de mon bébé. C'est ce que je fais à chaque fois que je me sens triste. Regarder ces habits minuscules et l'imaginer à l'intérieur me redonne le sourire, me redonne foi en l'avenir. Je me dis que les difficultés actuelles ne sont qu'un "tremplin" vers le bonheur. Oui, je garde espoir que demain sera meilleur.
Un bruit de poing contre ma porte.
- Qui est là ?
- PAGE, c'est moi.
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine en entendant la voix d'Eliad. A pas lents, je m'avance vers la porte...
- Bonsoir PAGE
- Bonsoir Eliad.
- Puis-je entrer ?
Je secoue fortement la tête.
- Je veux juste qu'on discute.
J'hésite un peu, puis le laisse entrer.
Il regarde en direction des vêtements de bébé, puis va s'asseoir sur l'un des bords du lit. Je reste debout, attendant qu'il parle.
- PAGE, viens t'asseoir.
- Ça va.
- J'insiste.
Je fais oui de la tête puis vais m'asseoir près de lui. Je ne dis mot. Il ne dit mot. Je suis mal à l'aise. Lui aussi je suppose.
Il prend une longue inspiration avant de commencer.
- Comment évolue ta grossesse ?
Je lève les yeux vers lui et remarque un léger sourire à la commissure de ses lèvres.
- Bien.
- Tout est normal, j'espère ?
- Oui, tout est normal.
- Il bouge bien ?
- Oui, il bouge bien.
Je devrais lui donner plus de détails, mais non. Je reste évasive. Peut-être parce que je ne le trouve pas sincère. En tout cas, mes réponses courtes ne semblent pas le déranger.
Je le vois lever sa main, sans doute pour l'approcher de mon ventre, mais il la rabaisse aussitôt.
- Je suis rassuré que vous vous portez bien... Est-ce que je… peux… toucher ton ventre ?
Nos yeux se croisent.
- Oui, Eliad.
Je le regarde refaire le même geste que tout à l'heure. Il lève la main et la pose délicatement sur mon ventre. Quelques secondes à peine. Puis, il la retire pour fixer le vide devant lui.
Intérieurement, je soupire. Déçue.
- Tu n'as pas à te forcer ! dis-je en fixant aussi le vide devant moi. Je ne t'y oblige pas. Et tu le sais.
- Oui, j'en suis conscient. Mais un père se doit de faire ça et plus encore.
Ses yeux sont posés sur moi.
- Un père qui se reconnaît comme tel, oui ! argumenté-je.
- PAGE ! Je suis désolé.
- Ça va. Je... ne t'en veux pas.
Je me lève du lit et lui fais dos pour ajouter :
- A présent, tu peux t'en aller ! Bonne nuit.
- PAGE !
Je ne réponds pas. J'entends ses pas qui se rapprochent de moi. Ses bras me retournent face à lui. Je ne résiste pas.
- Cette atmosphère entre nous me pèse beaucoup PAGE. Tu me manques énormément. Ton sourire, tes mots, cette complicité que nous avions, tes baisers, ton corps… tout de Toi !
J'évite de lui dire qu'il me manque aussi. Son front vient se poser contre le mien. Je le laisse faire.
- Et c'est beaucoup plus difficile de supporter la distance entre nous, quand tu es si près de moi.
- Tu sais que s'il n'y avait pas Milena, je serais partie depuis.
- Je le sais. Et je te remercie de prendre aussi bien soin de ma fille.
- Tu n'as pas à le mentionner.
C'est idiot, je sais mais j'ai envie de l'entourer de mes bras. Finalement, non. Je garde mes bras, le long de mon corps.
- Je suis désolé de te faire subir tout ça… Je suis désolé d'être l'homme que je suis... Je suis désolé de ne pas pouvoir te démontrer combien je t'aime… Je suis désolé de ne pas pouvoir avoir une relation normale avec ce petit-être en toi… Je…
- Tu me l'as déjà dit des centaines de fois, Eliad ! Ça me suffit ! répliqué-je en éloignant mon front du sien.
- La vérité, c'est que j'ai peur PAGE !
Je lève un sourcil.
- Peur de quoi ? demandé-je un tantinet curieuse.
- Peur de revivre la même chose qu'avec Camila. Peur de te perdre, PAGE ! De la même manière que j'ai perdu Camila.
- Ma grossesse se déroule normalement, Eliad. Tu n'as rien à craindre. Rien du tout.
- Vraiment ? Je n'ai pas envie de te perdre PAGE !
Il semble vraiment préoccupé.
- Je te le répète, tu n'as rien à craindre.
Nos yeux se fixent intensément. J'ai tellement envie de coller mes lèvres aux siennes, mais je résiste. Lui aussi, doit en avoir envie. Mais il ne fait rien, comme s'il attendait que je lui donne mon accord...
Je ne peux pas me montrer faible. Je me dois de rester ferme. Je n'ai pas confiance en Eliad. Tout doucement, je m'éloigne de lui.
- Je t'ai écouté. Je t'ai compris. Maintenant va-t'en, dis-je calmement.
- PAGE !
- Je me contiens depuis pour ne rien te dire de blessant, alors pars s'il te plaît.
- PAGE ! Je veux vraiment pouvoir pleinement t'aimer.
- Des promesses ! Toujours des promesses. Mais jamais rien, Eliad.
- Je suis sincère, PAGE. Sois indulgente et patiente avec moi... Tu ne le vois peut-être pas PAGE, mais j'ai besoin de toi pour avancer.
Encore son éternel refrain ! Bon sang, Eliad !
- Tu veux que je sois patiente avec toi. Tu ne penses pas que je l'ai assez été ? Ou bien tu voudrais que je t'attende toute une vie durant ?... Tu veux que je t'aide, mais je n'ai fait que cela Eliad depuis que je suis avec toi, mais tu n'en as jamais tenu compte. Tu as toujours préféré ta solitude... T'es tu jamais demandé comment je fais moi pour rester debout, malgré tous les soucis du quotidien ? As-tu jamais été d'une grande aide pour moi ? Non, tu ne penses qu'à toi ! A toi, Eliad. C'est toujours toi qui as besoin de ceci ou de cela. Toi et toujours toi. Et le pire, c'est que tu ressasses toujours les mêmes choses, que tu donnes toujours les mêmes excuses. Encore et encore.
Il essaie de prendre ma main. Je fais deux pas en arrière et continue :
- Tu dis que tu as peur de l'inconnu, peur de tout ce que le futur te réserve. Et que c'est en partie à cause de cette peur que tu fuis ton propre enfant. Pourtant, tu n'as pas eu peur quand tu jouissais en moi, intensément. Pas qu'une fois, mais plusieurs nuits durant. Là, sur ce lit derrière toi. Et c'est encore là, sur ce lit que nous avons conçu ce bébé !
- PAGE !
- Tu n'es qu'un profiteur, Eliad. Quand ça t'arrange, tout va bien. Et quand ça ne t'arrange pas, tu fuis...
- PAGE ! Ne me dis pas ça. Je…
Je ne le laisse pas m'interrompre.
- ...J'étais aussi perdue que toi quand j'ai appris que j'étais enceinte. Moi aussi, je n'attendais pas ce bébé. Et il était clair dans ma tête depuis le début de notre relation que toi aussi tu ne voulais pas de bébé. Mais je n'ai pas choisi la solution de la facilité comme tu le voulais : me débarrasser de lui et continuer de vivre comme si de rien n'était. Non, j'ai choisi d'assumer mes actes, de me comporter comme une adulte, de ne pas tenir ce petit-être responsable de nos erreurs à nous... J'ai appris à l'aimer jour après jour, malgré mes peurs et mes doutes. Et crois-moi, je ne regrette pas mon choix, Eliad !
Je me retiens fortement de pleurer. Je m'étais promis de ne plus revenir sur le sujet "BEBE". Mais Eliad m'y a encore contrainte ce soir en se montrant plus indécis que d'habitude.
- PAGE ! Ecoute, je ..
- Va-t'en Eliad, je t'en supplie ! dis-je en allant ouvrir la porte... Je te prie de ne plus me tourmenter. Car le stress ne me fait pas du bien dans mon état.
Il inspire avec grand bruit.
- D'accord, PAGE. Excuse-moi. Je ne te dérangerai pas davantage... Tu as du mal à le croire, mais JE T'AIME PAGE !
Son "Je t'aime… mais", ce n'est pas de l'amour ! NON ! me dis-je intérieurement.
- Dors bien, PAGE !
Je hoche juste la tête. Il sort de ma chambre et je ferme la porte à clé.
" Pourquoi l'amour, ça fait si mal ? Pourquoi suis-je tombée amoureuse d'un homme pareil ? Pourquoi ai-je commis une si grande erreur ? Pourquoi ? … Non, je ne veux plus penser à Eliad. Je ne veux pas être triste. Non ! Je dois uniquement penser à des choses gaies !"
Je me rapproche des vêtements de mon bébé puis continue de l'imaginer à l'intérieur. Je caresse doucement mon ventre et murmure des mots tendres à mon enfant.
Je souris à l'instant, car il vient de réagir à ma caresse. C'est comme s'il m'entendait et qu'il me rappelait qu'il était là, mon petit miracle à moi. Je porte une vie en moi et j'en suis très fière... Malgré tout.