Chapitre 45

Write by Jennie390

⚜️ Chapitre 45⚜️


Diane Bibalou


Je triture mes tresses, tout en faisant glisser mon regard sur le bellâtre en face de moi, Émile Biyoghe, l'homme de mes fantasmes. Je ne compte plus les fois où j'ai voulu qu'il m'accorde même la plus infime des attentions. Mais rien à faire, il ne semble pas me voir.


Aujourd'hui, n'ayant rien à faire de ma journée, je suis passée lui faire un coucou à son bureau. Il n'a clairement pas l'air de bonne humeur. Il a l'air fatigué, en colère, frustré. C'est vrai que si par exemple une petite nièce à moi, âgée d'à peine 18 ans, avec un retard psychologique venait à disparaitre, je serais tout autant à cran.


Je propose de passer voir Yolande pour lui apporter mon soutien et là, il trouve encore un moyen de refuser. C'est quand même bizarre. Sa femme là, on ne la voit que sur invitation ?


一Dis moi un peu, mon chéri, c'est moi ou tu ne veux pas que les gens s'approchent de ta femme ? Pour la voir ou lui parler, on a toujours besoin de ton accord. Ce qu'elle a dit sur votre mariage le soir de la crise, ne serait-ce pas la vérité par hasard ?


Il plonge ses yeux dans les miens. Aïe quelle beauté !


一Ça veut dire quoi ?


一Ah toi, explique-moi, je rétorque d'un haussement d'épaules. Yolande traverse une période difficile, sa sœur chérie a été enlevée. Elle ne sait pas si elle est en vie ou si elle est décédée, elle a donc très certainement besoin de réconfort. Pourquoi tu refuses que je vienne la voir ?


一Et tu crois que c'est toi qu'elle aura envie de voir pour la réconforter ?


一Bah oui pourquoi pas ?


一Sans vouloir te vexer, tu es la dernière personne chez qui on irait chercher du réconfort. Le poste ne te va pas, ma chère. Tu es particulièrement bruyante, collante et irritante.


Je suis vexée par cette image qu'il a de moi...


一C'est ainsi que tu me vois?


一Aujourd'hui je ne suis pas d'humeur à caresser qui que ce soit dans le sens du poil. Donc oui, tu peux être très lourde Diane.


一Moi je suis d'humeur à caresser, dis-je avec le sourire. Et tu m'as l'air particulièrement tendu qu'un petit massage te ferait forcément beaucoup de bien.


Il roule des yeux, l'air agacé.


Je me lève et contourne son bureau. Je me place derrière sa chaise et je pose mes mains sur ses épaules et je masse.


一Tu ne devrais pas me négliger de la sorte Émile, dis-je doucement. Je t'offre ma personne sur un plateau, mais tu joues à l'aveugle, pourquoi ?


一Parce que tu es la femme de Vincent, ce n'est pas approprié. 


一Pourtant il n'a pas besoin de le savoir, répliqué-je, en lui déposant un bisou dans le cou.


Aïe ! Il sent tellement bon !


一Il n'a pas besoin de le savoir, mais c'est mon ami, j'ai des principes, répond t-il en se dégageant. Retourne à ta place.


Je contourne la chaise et je m'assois directement sur lui.


一Écoute...


一Non toi, écoute Diane, fait-il, très irrité. Ton comportement commence à me taper sur le système. Et je suis dans une période où je n'ai pas besoin de te regarder faire ton cinéma. 


Je m'apprête à l'embrasser, mais il tourne rapidement la tête et mes lèvres atterrissent sur sa joue. 


一Tu devrais t'en aller, j'ai des choses à faire.

 Je caresse son visage, ses lèvres, son nez, son menton.


一Pourtant il te suffirait juste de me donner ce que je veux et je te laisse tranquille, dis-je au creux de son oreille.


一Diane...


La sonnerie de mon téléphone sonne à ce moment et rompt la magie.


一Tu devrais décrocher, ça doit être important, ajoute-t-il pour se débarrasser de moi. 


Avant de me lever, je réussis à le prendre par surprise et je lui donne un bisou rapide sur la bouche. Toute souriante, je retourne à ma place pour décrocher mon téléphone, mais j'ai le temps de le voir prendre un mouchoir et s'essuyer la bouche.


Je prends mon appel, c'est le boulot. Je discute deux minutes avant de raccrocher.


一J'ai une urgence au boulot, il faut que j'y aille. On se voit après mon cœur.


一Ok. Bonne soirée Diane.


Je lui lance un dernier coup d'œil et je sors de son bureau. Je m'installe dans mon véhicule et avant de démarrer, une pensée traverse mon esprit et me fait sourire.


Je connais Émile depuis bientôt 10 ans, 10 ans que je lui fais des avances et jamais ça n'a abouti. Il s'est toujours arrangé à éviter mes caresses, mes bisous. Même pour lui faire des déclarations et des invitations, ça a toujours été impossible parce qu'il m'a toujours freiné. 


Aujourd'hui, par contre, il s'est laissé faire. Il avait le même regard désintéressé de toujours, mais il m'a laissé le caresser, m'asseoir sur lui et même le bisou : s'il l'avait vraiment voulu, il aurait pu l'éviter. 


Pourquoi il m'a laissé faire ?

Pour faire diversion, me distraire. Me détourner de la question que j'ai posée : Yolande...


Je comprends donc, par là, que ma question était très pertinente. Il y a donc anguille sous roche. Toutes les dingueries que Yolande a sorties le soir du dîner seraient-elles vraies?


Si c'est le cas, les apparences sont vraiment trompeuses ! Cette façade brillante qu'il montre depuis des années n'est qu'une escroquerie ? Wouah!


 Mais en pensant bien, c'est parfait pour moi, parce que si je réussis à prouver qu'il cache quelque chose, je pourrais l'emmener à faire tout ce que je veux pour que je garde le silence.


Je vais donc creuser mon chéri, qu'est-ce que tu serais prêt à faire pour que je ne te dénonce pas ?

Ça va être très intéressant...


Hortense Ratanga


«Ne jamais dire jamais», l'auteur de cette citation n'était certainement pas ivre lorsqu'il l'avait créée. Si on m'avait dit un jour que je participerais au kidnapping d'une jeune fille de 18 ans, j'aurais crié : ça, JAMAIS ! Mais on se retrouve parfois dans des situations dans lesquelles l'on se voit obligé de poser des actes qui peuvent paraître condamnables à première vue, mais qui s'avèrent finalement être nécessaires, voire vitaux. 


La villa dans laquelle est gardée Mélissa se trouve hors de Libreville, la capitale. L'idéal aurait même été de la faire quitter le pays, mais ça n'aurait pas été facile du tout. Je gare dans la cour et j'entre dans la maison. Au salon, je trouve une jeune fille devant des dessins animés, Mélissa. J'ai un emploi du temps assez chargé à tel point que c'est la première fois que je vois la petite. Elle lève la tête et me dévisage pendant un moment d'un air suspicieux.

一Bonjour Mélissa.

Silence.

一Mélissa, elle, c'est Hortense, dit Landry en entrant dans la pièce. C'est ma grande sœur. Dis bonjour.


Le regard de Mélissa passe de Landry à moi puis ses traits se détendent tout à coup.

一Bonjour, réplique-t-elle en me regardant.

一Tu vas bien ?

Elle hoche la tête.

一Tu aimes les glaces ?

一Vanille, répond t-elle.

一Ça tombe bien parce que j'en ai apportées.Landry,y tu peux prendre le sachet de course dans ma voiture?


Il va chercher les courses pendant que je m'assois en face de Mélissa.

一Tu es très jolie Mélissa, dis-je en souriant. Tu ressembles à Yolande.

一Yoyo, Odi, dit-elle avec une mine triste.

一Elles vont bientôt arriver, ne t'inquiète pas, d'accord ? 


Elle hoche la tête. Landry revient et lui remet un pot de glace avec une cuillère. Landry et moi, on l'observe un moment déguster sa glace avant d'aller prendre place à la terrasse.

一Elle me fait pitié la pauvre.

一Oui, elle a l'air tellement vulnérable, réplique Landry. Et c'est d'autant plus révoltant en pensant aux projets tordus que le Prince du mal avait pour elle.

一Toi et tes surnoms, hein, dis-je, amusée. Le prince du mal, tu as encore ramassé ça où ?

一Ce n'est pas de ma faute, si c'est le titre qu'il m'inspire, il répond en haussant les épaules. 


Je bouscule la tête, amusée.


一Tu nous as trouvé une dame de ménage ?

一Oui, je réplique. Je vais l'emmener ce weekend. Elle se chargera de Mélissa, de ses repas, de son linge, etc. Elle va rester ici 24h sur 24 pendant les prochains mois. Elle aura un très bon salaire.

一Qui est-ce que tu as trouvé qui a accepté de rester ici à plein temps ? demande Landry.

一C'est la cousine d'une camarade quand j'étais l'université, elle vient du Ghana. Elle ne parle pas un seul mot de français. C'est une femme d'âge mûr.

一Ah ça ! Tu as été efficace hein, fait Landry, admiratif. Tu t'es arrangée à prendre quelqu'un qui ne va nous créer de problèmes. Bravo!

一Exactement.


Émile Biyoghe est homme riche, influent et avec beaucoup de connexions. Et en plus, aussi bizarre que cela puisse paraître, il est très apprécié des gens. C'est justement là, l'un de ses plus grands talents, réussir à se faire passer pour un gentleman, gentil, honorable. Pourtant, ce n'est rien d'autre qu'un psychopathe et le dernier fils de pute du moment.


 Choisir une gabonaise qui vit au Gabon pour le poste, ce serait très dangereux. Il suffirait qu'elle ait déjà entendu parler de Biyoghe et bam! Elle serait capable de nous trahir pour avoir de l'argent en plus. Les gens sont capables de tout et n'importe quoi pour avoir de l'argent.


Pour notre sécurité à tous, une femme qui ne connait pas le pays, qui ne connait personne ici et qui ne comprend pas le français est idéale pour le poste. Les seules personnes avec qui elle pourra souvent échanger en anglais, c'est Landry et moi. On pourra souvent faire nos réunions avec les gars sans avoir peur d'être espionnés.


一Bon toi de ton côté, tu voulais qu'on engage un détective privé. Tu y tiens toujours ?

一Oui parce que je ne vois pas trop comment on va pouvoir saisir Émile tout seuls, dit Landry. On a récupéré Mélissa pour l'instant ça va, mais c'est quoi la suite? Ça aurait été super de pouvoir libérer Yolande aussi, mais pour y arriver ça va être chaud. On ne peut pas la kidnapper aussi parce qu'elle sort très rarement et quand c'est le cas, elle est toujours avec Émile. Et je suppose que c'est impossible d'entrer chez eux pour aller la chercher même si on prépare un escadron.


一Je suis entrée chez eux une seule fois lors d'un dîner, dis-je. Et je t'assure qu'on n'y entre pas comme dans un moulin. La barrière est extrêmement haute et électrifiée, pareil pour le portail. Toute la maison est truffée de caméras de surveillance et de détecteurs de mouvements. Les fenêtres ont toutes des barreaux métalliques de haute sécurité. 

一Ça devrait même mettre la puce à l'oreille, que sa maison soit surprotégée comme ça. 


一Le soir où on est allée dîner, ça m'avait étonnée et il nous avait dit que c'est parce qu'il a beaucoup d'argent qu'il garde à la maison. Pour éviter de se faire cambrioler, il a quadrillé sa maison. Maintenant, je comprends mieux pourquoi, il a tellement de choses à cacher.

一Bon concernant le détective privé, tu en connais un? Moi, ça ne fait pas encore un an que je suis rentré au pays, je ne pense pas trouver quelqu'un d'efficace.


一Oui je connais quelqu'un, c'est un binational. Il travaille entre le Gabon et la France. Le gars maîtrise le pays, il sait où chercher et quoi chercher. Il est particulièrement bon aussi pour fouiller dans le passé des gens. Je pense qu'il pourra nous aider, mais ses honoraires sont assez salés, il coûte cher.


À ce moment, Paul gare son véhicule dans la cour puis il nous rejoint sur la terrasse. On se salue et il va se chercher à boire avant de nous rejoindre. Il se joint à la conversation.


一Pourquoi engager un détective Landry, demande-t-il?


一On ne va pas garder Mélissa ici indéfiniment, réplique Landry. Elle a besoin de retrouver sa sœur et pour que ça soit possible, il faut que Yolande soit libérée de cette maison. Comment on fait pour libérer Yolande ? Notre unique issue, c'est de trouver des preuves irréfutables du genre d'homme qu'il est. Des évidences tangibles qu'on peut présenter aux autorités.


En effet, c'est la seule issue qu'on ait actuellement, trouver des trucs louches sur lui. Un homme avec des penchants comme lui _coucher avec des folles _ doit certainement avoir plein de délits cachés. Il a sûrement fait taire plusieurs personnes, soudoyé pour garder son secret caché. 


一Surtout qu'il ne s'agit pas seulement d'un homme aux tendances psychopathes qui garde sa femme séquestrée, renchéris-je. On sait que c'est un assassin. Il y a le meurtre de Bertille Makaya. Si ça se trouve, il a plusieurs autres meurtres à son actif qu'il a réussi à couvrir. Et je pense qu'il ne faut pas que le détective se limite au Gabon, il a pu faire des trucs hors d'ici.

一Comme l'histoire qu'une amie à toi t'avait raconté, dans laquelle il couchait avec les folles d'un hôpital psychiatrique dans une bourgade française.


一Oui c'est vrai, affirmé-je. On peut creuser là-bas. Et le soir du dîner, Yolande avait mentionné un hôtel dans lequel il était allé en lune de miel au Mexique, je ne me souviens plus du nom.


Landry hoche la tête...


一Elle avait mentionné un truc comme quoi le manager serait un homme corrompu, ajoute Landry.En y pensant bien, on peut avoir beaucoup de chance et trouver quelque chose.


一De toutes les façons, il n'y a que ça à faire pour l'instant, dit Paul. Toutefois, ça aurait été bien de pouvoir faire savoir à Yolande qu'on a sa sœur, peut-être que ça la pousserait à se battre. Elle combattrait de l'intérieur et nous de l'extérieur jusqu'à ce que le type tombe.


一Ce serait génial, mais ça, c'est impossible. Elle n'a ni téléphone, ni adresse e-mail, On n'a aucun moyen d'entrer en contact avec elle. Si ça se trouve, elle doit même être enfermée constamment dans une chambre où elle n'a accès à rien. Parce que si elle était libre de ses mouvements, je pense que quand il va au boulot, elle pouvait trouver un moyen de s'enfuir. Donc, elle est très certainement enfermée 24h/24 sans manger.


Sans manger, ça, c'est très probable. Il suffit de voir comment elle avait maigri la dernière fois qu'on l'a vue au dîner. Et cette façon de manger comme quelqu'un qui n'a pas vu de la nourriture depuis des semaines.


Pendant des heures, on parle en long et en large de la façon dont on envisage la suite. Il faut qu'on soit prudent, efficace et discret. L'avantage qu'on a actuellement, c'est qu'on bosse dans l'ombre. L'attaquer de front serait une très mauvaise idée. Il faut le prendre par surprise.


一Par contre, tant qu'il n'a aucune nouvelle de Mélissa, il ne va pas arrêter d'enquêter et ça, c'est un problème, dit Paul. Est-ce qu'on ne pourrait pas trouver un moyen pour qu'il arrête de la chercher ?


一Comment tu veux qu'on fasse ça ?


一Je ne sais pas, faire croire qu'elle est morte, répond t-il. Tu es médecin, Landry, tu peux trouver une parade qui peut être crédible, je n'en sais rien.


一Toi tu regardes trop la télé, dit Landry, amusé.


一C'est une possibilité qu'il ne faut pas écarter Landry, dis-je. À l'heure actuelle, il doit avoir mis beaucoup de gens à la recherche de la petite. Il va peut-être retourner ce pays de fond en comble, qui sait ? Ce ne serait pas une mauvaise idée qu'il croit qu'elle est morte, au moins le temps pour nous de trouver quelque chose.


Landry soupire.


一On verra ça plus tard, répond Landry. Il faut que j'y réfléchisse à tête reposée. Si on décide de le faire, il faut que ce soit très crédible.


Le reste de l'après-midi, nous commandons à manger et déjeunons avec Mélissa. Ensuite, je reste un moment avec elle devant la télé pour qu'elle ne se sente pas trop seule. En quittant la villa, je téléphone à la nouvelle femme de ménage pour finaliser les détails de son voyage. Une fois terminée, je prends contact avec le détective privé pour qu'il commence à fouiller le plus tôt possible dans la vie de Biyoghe, son passé, son présent à la recherche de n'importe quelle information pour aider Yolande.


J'espère qu'on va y arriver, premièrement parce que j'ai souvent eu pitié de cette femme pendant les rares fois où je l'ai vue. Elle mérite de retrouver sa vie d'avant, sa sœur. Le soir où elle m'a chuchoté cette phrase à l'oreille, elle m'a implicitement demandé de l'aider, c'est ce que je vais faire.

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