Chapitre 49 : Resquiescat In Pace (Repose en paix) Mireille.

Write by Benedictaaurellia

49. Resquiescat In Pace (Repose en paix) Mireille.

Le lendemain.

Tsévié.

Edmund.

Il y a trois jours, je rentrais à Lomé pour notre mariage.

J’étais heureux pour deux raisons.

Primo, j’allais unir ma vie à celle de mon hirondelle.

 Secundo, j’ai pu prendre des congés pour quelques jours. Juste quelques jours parce que j’ai assez de travail qui m’attends mais je voulais souffler un peu et il fallait aussi que je passe du temps avec Ainara vu que Madame a finalement accepté de venir à Paris avec Mireille.

Dernièrement, on s’est beaucoup disputé à propos du fait qu’elle refuse de venir à Paris.

J’ai beau tout dire, elle ne veut rien entendre. Son argument fétiche, elle ne peut pas laisser tout le travail sur le dos de son père et me suivre à Paris pour rester à la maison.

Elle et moi savons bien pourtant que vu son talent, ce n’est pas le travail qui va lui manquer une fois à Paris. Elle a eu plusieurs propositions même dans ce sens.

Le compromis que nous avions finalement trouvé, c’est qu’elle vienne pour un temps avec Mireille pour que cette dernière se fasse suivre par un médecin spécialiste.

Certes, ça ne sera pas la lune de miel dont j’avais rêvé mais au moins, on sera ensemble.

Et qui sait ? Elle changera peut-être d’avis en vivant quelques jours avec moi.

 

C’est armé de bonnes résolutions donc que je suis arrivé deux jours plus tôt.

Plutôt que de rester seul chez moi, j’ai préféré aller chez mes parents à Tsévié.

Hier en principe, nous devrions tous revenir à Lomé puisque le mariage se fera là.   

Avant-hier en matinée, j’ai eu à discuter avec Mireille.

 

Flashback.

Toc toc toc !

Je toque à la porte de la chambre de Mireille et attends qu’elle m’y autorise avant d’entrer.

Quand j’ouvre la porte après avoir entendu son « oui », je découvre une Mireille amaigrie depuis la dernière fois que je l’ai vu.

Ça remonte à quelques mois.

Sur son visage, je lis de la douleur.

Ça se sent, ça se voit qu’elle souffre.

Mais malgré cela, elle garde le sourire.

Mireille : Edmund ! Sois le bienvenu !

Moi : Merci Mireille. Tu n’as pas l’air d’aller bien.

Mireille : Oh tu sais, c’est la vieillesse. J’ai fait mon temps.

Moi : Tiens encore le coup. Mardi, nous serons partis. Tu pourras suivre un meilleur traitement à Paris. Il sera surement plus efficace.

Mireille : Je ne comprends pas votre acharnement à Ainara et toi. Je vous ai dit que cela n’en vaut pas la peine.

Moi : Tu sais combien ta fille est têtue. Mais cela mis à part, on ne peut pas te regarder souffrir et rester les bras croisés.

Mireille : Je paye juste mes erreurs passées. Ce que je vis n’est surement pas le quart de ce que j’ai fait subir aux gens autour de moi.

Moi : Laisse le passé au passé. Ne le ressasse pas.

Mireille : Tu as raison. Parlons de toi. J’imagine que tu es impatient d’être à samedi.

Moi : Et comment !

Tu as parlé avec Ainara dernièrement ? N’est-elle pas anxieuse ?

Sa maman a confisqué son téléphone depuis quelques jours. On n’a plus le droit de se parler.

Selon elle, le manque nous permettra de mieux savourer quand nous nous verrons samedi.

Mireille : elle a raison. Un peu de recul est toujours nécessaire avant de faire un grand saut.

Sinon, elle a l’air zen. Elle viendra ici ce soir. Je l’ai appelé pour lui parler.

Moi : J’imagine que c’est pour la fameuse séance de conseils que les mamans donnent à leurs filles avant le mariage ?

Mireille : On peut dire ça.

Moi : Et moi ? Tu n’en as pas pour moi ?

Mireille : Si justement.

Elle prend une profonde inspiration avant de se lancer.

Tu sais, Ainara donne l’impression d’être forte mais en vrai, il suffit d’un rien pour la faire flancher.

Ne la laisse pas mener la barque.

Le chef de la famille, c’est l’homme.

Sois pour elle son bouclier.

Sois pour elle le roc sur lequel elle pourra s’appuyer.

Mettez toujours Dieu au centre de votre relation.

En toute chose, invoquez le Saint-Esprit.

Et tout ira bien.

 

Moi : Merci Mireille.

 

Mireille : Ce n’est pas tout.

 

Elle prend une autre profonde inspiration et dit.

Tu dois être fort.

Fort pour vous deux.

Relève là quand elle sera à terre.

Quand elle n’ira pas bien, ce sera à toi de la relever.

Elle ne le montre pas mais, elle a autant besoin de toi que toi d’elle.

 

Moi : C’est vrai qu’elle joue toujours à la superwoman.

Mireille : Exactement. Mais, comme toute personne, elle ne peut être infaillible.

Sois toujours là pour la soutenir.

Il arrivera des moments où elle voudra être traitée comme un bébé. Ne t’en offusque pas.

Soutiens-la.

Moi : Je ne la laisserai pas.

 

Mireille : Garde toujours tes valeurs. Ne va jamais à l’encontre de tes principes. Tu as toujours été intègre et fidèle.

Ne change jamais cela.

Le jour où tu tourneras dos à cela, ce jour-là, tu tomberas.

Non, vous tomberez Ainara et toi.

Moi : J’essayerai.

 

Mireille : Une dernière chose, Sabine.

Moi : Je ne veux pas parler d’elle.

Mireille : Il le faut bien pourtant.

Edmund, laisse-moi te dire, la haine n’engendre rien de bon.

Au contraire.

« Celui qui dit qu'il est dans la lumière, et qui hait son frère, est encore dans les ténèbres ». Nous dit 1 Jean 2 : 9.

J’ai vécu avec la haine pendant longtemps. Je sais ce que c’est. Ça t’empêche de vivre. Tu ne pourras jamais être heureux ainsi.

Ça ne te semble pas possible pour le moment de pardonner à ta mère mais as-tu cherché à prier pour obtenir cette grâce ?

Moi : …

Mireille : Je ne pense pas que tu l’as fait.

Le pardon, c’est le meilleur cadeau que tu puisses offrir.

Non seulement à Sabine mais aussi à toi-même.

Pardonne-lui.

Fais-le pour elle mais fais-le surtout pour toi.

Que tu lui pardonnes ou pas ne changera rien pour elle. Mais cela changera beaucoup de choses pour toi. Libère ton cœur.

 

Moi : Elle ne mérite pas que je lui pardonne.

Mireille : Ce n’est pas une question de mérite.

Moi non plus je ne le méritais pas, "votre pardon".

Moi : Toi, c’est différent. Tu as exprimé du remords, tu as demandé pardon. Tu as changé. Tu t’es même engagé. Tu aides les autres.

Elle, même si elle retrouvait la tête, ne reviendrait pas à de bons sentiments.

Mireille : Tu ne dois pas regarder à cela.

Tant que tu ne lui pardonneras pas, vous ne serez pas heureux Ainara et toi.

Votre bonheur ne sera pas complet.

 

Moi : Je ne peux rien te promettre par rapport à ça.

 

Fin du flashback.

 

Notre discussion a ainsi pris fin.

Si j’avais su que ce serait notre dernière conversation, j’aurais plus approfondi.

Je lui aurais demandé pourquoi tout cela.

Mais, la mort ne prévient pas.

Ce n’est plus qu’un adage pour moi. Je l’ai vécu.

Le matin, je parlais avec elle. L’après-midi c’était au tour d’Ainara.

Et pendant la nuit, elle s’en est allé.

Hier matin, c’est Yawa, la fille de Ma Houefa qui l’a retrouvé sans vie dans son lit. Chaque jour, elle l’aidait pour sa toilette.

 Je ne m’explique toujours pas comment cela a pu arriver aussi soudainement.

Oui, je sais que ces derniers temps, elle était mal en point.

C’est d’ailleurs pour ça qu’Ainara et moi avions prévu partir en France avec elle après le mariage.

Mais de là m’attendre à ce qu’elle nous quitte, non.

Ainara m’a contaminé avec son enthousiasme légendaire et j’ai fini par l’adopter aussi. Certes, pas totalement comme elle parce que j’ai toujours en travers de la gorge son passé mais je l’aimais bien.

Elle avait un bon fond.

Elle faisait beaucoup au centre et rien que pour cela, je lui devais une fière chandelle.

 

Là, c’est une Ainara effondrée que je serre dans mes bras et empêche de tomber.

Comme tous ceux qui sont présents, elle est vêtue de noir.

De grosses lunettes noires sont posées sur son nez.

Elles lui cachent une grande partie du visage dont ses yeux qui sont bouffis.

 

Nous sommes au cimetière pour l’enterrement de Mireille.

Le cercueil vient d’être mis en terre et les proches jettent des poignées de sable dessus.

Certes je n’étais pas proche d’elle mais je ressens un petit pincement au cœur.

 

A côté d’Ainara se tiennent Judith et quelques-unes des femmes du centre.

Celles qui étaient le plus proche de Mireille.

Elles sont toutes en larmes.

Et oui ! Elle manquera à tous.

C’est à ce moment que je me souviens que c’est aujourd’hui que devait avoir lieu le mariage.

Drôle de façon de passer la journée de mon mariage.

Aussi étonnant que ça puisse paraitre, je ne m’en souviens que maintenant.

J’ai eu à penser à tant de choses depuis hier que cette idée ne m’est pas venue en tête.

Avec papa, il fallait tout gérer pour organiser l’enterrement aujourd’hui.

Hier soir, nous avions fait une veillée.

Tout s’est fait selon les vœux de Mireille.

Elle avait émis le souhait d’être enterrée le plus tôt possible et dans la discrétion.

Elle n’avait personne à part nous donc, ça n’a pas été un casse-tête de nous regrouper. Nous étions tous déjà là puisqu’on aurait dû célébrer le mariage.

 

Je me demande si quelqu’un a pensé à annuler les salles et autres.

Je sais qu’Ainara est trop effondrée pour penser à cela.

 

La cérémonie d’inhumation a pris fin depuis un moment déjà.

Le prête qui officiait est parti.

Les paroles de l’évangile qu’il a lu résonnent encore dans ma tête : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort » Jean 11 : 25.

Oh oui j’ai la ferme assurance que Mireille a eu sa part.

Son corps de chair n’est plus mais son âme a certainement rejoint son créateur.

Elle croyait en Christ alors oui, je sais qu’elle n’est perdue.

 

Nous, nous sommes toujours debout là, à regarder ce cercueil posé dans ce trou dans le sol.

Chacun pensant sans doute à qui fut Mireille et à quand viendra son tour.

Tous, nous mourrons un jour alors, choisissons la bonne part et donnons notre vie à Christ afin que quand viendra le jour, nous ne soyons pas surpris.

Veillons et gardons nos lampes allumées.

 

Après un moment, nous quittons l’un après l’autre le cimetière sauf Sébastien.

Il reste pour surveiller les travaux.

C’est de coutume ici qu’un proche du défunt reste avec les ouvriers qui fermeront la tombe.

Cela, pour garantir que personne ne viendra profaner le corps avant que la tombe ne soit fermée.

 

Mélanie.

Nous sommes tous installés, à l’exception de Sébastien,  dans le salon de Ruth et chacun ressasse ses pensées.

Depuis qu’elle a appris la nouvelle, maman est inconsolable.

Même papa n’a pu rien faire.

En si peu de temps, elle s’est très attachée à Mireille.

Je la comprends.

Après tout, elle était son mentor.

Je ne sais pas dans quel état je serai-moi si Ruth s’en allait.

Surement que je serai toute aussi affectée. Peut-être même plus.

Je ne sais quoi dire pour la consoler. Je la regarde juste évacuer ses pleurs en silence.

Il faut dire que grâce à Mireille, maman a beaucoup changé.

Elle est devenue plus aimante et plus spontanée.

Elle est plus joviale, plus ouverte.

Elle ne se jette plus corps et âme dans le travail.

Le plus important, elle a retrouvé la communion avec Dieu.

Je suis contente qu’elle ait pu affronter ses démons du passé et retrouver sa vraie personnalité.

Elle m’a raconté son passé et je la comprends.

Quand on vit des déceptions, des brimades et toutes choses négatives, on a toujours tendance à changer et s’armer d’une carapace histoire de nous protéger.

Aujourd’hui, elle essaye de s’améliorer et je ne peux que la féliciter pour ça.

   

Ruth.

Pouvais-je imaginer qu’elle partira aussi subitement ? Non.

Avant-hier soir encore, lors du diner, Paul et elle se prenaient la tête comme d’habitude.

 

Flashback.

Mireille (à moi) : Ma coépouse, ton repas est succulent comme toujours.

Moi : Merci.

Mireille (à Paul) : Notre mari c’est comment aujourd’hui là tu es tendu comme ça ? Pas même un petit sourire ?

C’est le mariage d’Edmund qui te rend tendu comme ça ?

Paul : C’est quand même mon unique fils. J’ai le droit de m’inquiéter pour lui.

Mireille : Inquiète toi bien.

Ce n’est pas toi.

Un vieux garçon comme ça, tu t’inquiètes pour lui.

Il a trouvé la bonne que veux-tu de plus ?

Paul : Je ne sais pas. Il y a quelque chose qui manque à l’équation. Je ne me l’explique pas.

Moi : Chéri ne te fais pas du mauvais sang. Tout se passera bien.

Paul (regardant l’heure à la montre murale) : Où est-il même d’ailleurs ? Il devrait déjà être rentré.

Moi : Après, c’est pour dire que c’est moi qui suis maman poule hein !

Mireille : Je te dis. Alors qu’il est pire que toi.

Notre fils est un grand garçon. Il rentrera bien assez tôt.

(à moi) Ma coépouse, gère le bien hein. C’est ça la solution à son problème. Je te passe mon tour.

 

Paul : Toi-même tu sais que tu gères mieux qu’elle non ?

Mireille : Hm pardon enlève mon nom de ça.

Ne me crée pas des problèmes pour rien.

Paul : Ah, c’est toi qui a commencé non ? Assume seulement !

Mireille : Mieux, je me tais.

 

Bien sûr, c’était pour s’amuser. Rien de bien méchant.

Les deux étaient des plaisantais fins.

Quand je me retrouve dans la même pièce que les deux, quand ils commencent leurs histoires, je finis par me plier de rire tellement je ris.

 

Mireille : Malheureusement, je ne serai pas là pour voir naitre et grandir mes enfants que vous allez mettre en route.

Moi : Mireille ! A mon âge ? Faire encore des enfants c’est de la folie ! Toi aussi !

J’ai dépassé l’âge même si je le voulais.

Et tu oublies que je suis stérile.

Mireille : Toi aussi tu oublies que rien n’est impossible à Dieu.

A quel âge Sarah a-t-elle eu Isaac ?

Donc, il y a toujours de l’espoir.

Paul : Tu as raison Mireille. Il y a de l’espoir. En plus tu es encore loin des quatre-vingt ans de Sarah hein ma reine !

Moi : Toi aussi tu ne vas pas t’y mettre quand même ?

Paul : Ah mais, c’est ta coépouse qui a dit hein ! Je répète juste.

Mireille : Sinon, ma coépouse, je te confie notre mari. Faut bien prendre soin de lui pardon. Tu sais que je pars bientôt non.

Moi : Partir pour aller où même ? Tu restes ici piam.

Tu vas partir et laisser ton mari et tes femmes du centre là à qui ?

Tu vas bien les gérer même.

Elle n’a pas répondu et a juste souri.

 

Sur le coup, je n’ai pas prêté attention.

J’étais juste satisfaite d’avoir eu le dernier mot.

Elle nous disait pourtant indirectement qu’elle partait.

   

Dans tout le lot, je crains plus pour Nana et Ma Houefa.

La mort de Mireille m’a fait réaliser qu’elles aussi sont âgées.

Elles sont toutes les trois de la même génération.

Elles pourraient aussi partir d’un jour à l’autre.

 

Au centre, on les surnommait les trois mamans mousquetaires.

Elles formaient un trio de choc.

Quand elles ont appris la nouvelle, elles ont eu un choc.

Toutes les deux sont actuellement hospitalisées.

Nana suite à un AVC.

Ma Houefa à cause d’une hausse de tension.

Elles n’ont pas prononcé un mot toutes les deux depuis.

On espère quand même qu’elles iront mieux au plus vite.

Jumelles de cœur