Chapitre 5

Write by Lilly Rose AGNOURET


***Dans la tête de Jalil Ratanga.***

“So, here we go. Good morning everybody. Let me introduce myself…”, lance Marlène.

Nous voilà partis en mode business. Le travail, le travail, rien que le travail. C’est pour cela qu’elle est payée. C’est pour cela qu’elle s’est déplacé. Serait-elle venue jusqu’ici si elle savait que j’étais à la tête de cette entreprise ?

Elle est debout devant nous dans cette sale de réunion où les tables et fauteuils sont positionnés en arc-de-cercle. Je ne peux m’empêcher de l’observer comme hypnotisé par les courbes de son corps, dont la finesse résonne en échos dans mes souvenirs.

Marlène Azizet ! C’est bien elle. Marlène Azizet ! Troublé au plus profond de mon être, je me lève et feint d’avoir un appel important que je ne peux ignorer. Je sors de cette salle avant que mon corps tout entier ne prenne feu. Un feu ardent qui couve en moi depuis des années. Car jamais je n’ai pu l’oublier. Comment oublier…

Devant la glace dans les toilettes, je me passe de l’eau sur le visage pour faire baisser la tension qui s’est saisi de mon corps sitôt que mon visage a rencontré celui de cette femme qui aujourd’hui encore vient hanter mes rêves.

Ayant retrouver un peu de contenance, je reviens à la table de réunion. J'essaie de focaliser toute mon attention sur le tableau blanc en face de moi. Elle est là qui a fait du devant de la salle, son aire de jeu. Est-elle seulement consciente de l'effet qu'elle produit sur moi ? Serait-elle venue ici en sachant qu'elle se retrouverait face à moi ? Je me pose tant et tant de questions que je ne saurais résumer le fil conducteur qui nous mène à un échange plus personnel qui pose les bases d'une relation professionnelle qui durera un mois.

« Comment avez-vous réussi à allier vie de famille et vie professionnelle ? Comment fait-on pour avoir 3 enfants, réussir son master et monter son entreprise, sans avoir du tout, l'air épuisé ? », demande Johanna Obame, ma collaboratrice chargé de la communication interne.

Cette dernière est en mode girl power : trouver à tout prix des images féminines fortes qui allient féminité, maternité et professionnalisme. Elle est gâtée par la réponse que Marlène qui lance, comme un pique à l'idiot que je suis :

« J'ai rencontré sur mon chemin, deux hommes qui m'ont toujours portée, poussée et soutenue. L'un est mon meilleur ami l'autre a été mon époux. Sans eux, je ne serais aller très loin, malgré toute mon ambition. Je le dis, non pour me rabaisser face aux hommes, mais pour rappeler que les rêves que j'ai fait à chaque étapes de ma vie, depuis que je suis consciente de mon potentiel professionnel, ont vu le jour car monsieur était là à changer les couches et donner le biberon quand je n'avais en tête que le mot : réussir. »

« Mais madame Anderson, ne pensez-vous pas qu'il faille parfois tuer l'homme pour exister en tant que femme, battante, engagée professionnellement et porteuse de projets d'avenir ? », insiste ma collaboratrice Johanna Obame.

« Je suis d'avis que l'amour, le véritable amour est un carburant propre et efficace pour quiconque veut aller loin. », lance Marlène en laissant glisser son regard sur chacune des femmes de l'assemblée.

« C'est bien beau tout ça, mais nous avons une entreprise à remettre sur les rails. Alors, on peut remettre à plus tard les débats féministes ! N'est-ce pas Johanna ? », lance Firmin Ontsagha, le directeur financier.

« Madame Anderson, pouvez-vous nous exposer les grandes     lignes de votre plan pour relancer et re-dynamiser nos équipes ? Vous n'êtes pas sans oublier que nous vous avons demandée de venir parce que l'entreprise est en perte de vitesse et que de nombreuses affaires nous sont passées sous le nez ! », dis-je sur un ton que je veux neutre.

Dans un anglais impeccable, la voilà qui se lance dans son exposé en s'appuyant sur des diagrammes et autres explications exposés sur le mur, par un rétroprojecteur.

« Lorsqu'il est question de services, la base de toute chose est LE SOURIRE... »

La voilà qui explique la stratégie que sa boite nous propose. Je n'écoute rien de tout ce qu'elle raconte car je ne suis qu'un idiot dont le regard se laisse séduire par la plastique face à lui. Les jambes fines qui se dessine t sous ce tailleur, je remonte vers ses fesses qui ont pris du volume depuis des années mais ont une fermeté que je qualifierai d'appétissante. Je monte et continue l'inspection visuelle discrète de ce corps dont elle dit qu'il a porté 3 enfants. Trois. Des enfants...Beaucoup de chemin fait depuis...

« Monsieur Ratanga, j'attends réponse à ma question. Ohé, êtes-vous toujours avec nous ? », me lance t-elle.

Je me ressaisi et demande à ce qu'elle répète sa question. Elle sourit. Je me demande alors si elle le fait exprès pour susciter en moi une réaction. Elle reprend :

« J'aimerais savoir quels ont été les indicateurs mis en place pour contrôler la performance de vos équipes sur le terrain. »

Je la regarde avec un air de dire que j'ai envie d'être ailleurs, en plein air pour pouvoir me dévêtir car il me semble que la température dans cette pièce est intenable. Suis-je bête ! Les splits sont en marche et rafraîchissent la pièce. C'est sûrement mon idiotie qui fait monter la température en moi. Oui, ma bêtise. Celle qui m'a conduit à …

« Monsieur Ratanga, ohé ! Nous pouvons faire une pause café maintenant, si cela vous dit ? », me lance t-elle.

« Non, non, non ! Nous ferons la pose à 9h 30 comme prévu. Chef, réveille-toi un peu. Qu'est ce qui t'arrive ? On parle de choses sérieuses, là ! Il en va de l'avenir de la boite ! », me tance Josiane Orézano, la directrice marketing.

Je me ressaisis et réponds à la question posée en donnant les chiffres, dates, précisions et en parlant des changements opérés à ma prise de fonction il y 2 mois et dont, bien entendu, les données n'ont pas encore été analysées. Après cet exercice, je me sens complètement vidé de mon énergie car je me rend bien compte que je lutte intérieurement pour ne pas crier et demander tout ce que j'ai envie de savoir sur elle. J'enrage intérieurement...Et silencieusement, je prends une position adéquate, feignant d'écouter alors que mon esprit s'envole...

Je me souviens de ces mains et de cette bouche qui portaient mon corps à l'incandescence.

Je n’oublierai jamais ce sourire qui se dessinait chaque soir dans mes rêves.

Je garde en mémoire, cette voix douce et posée qui murmurait mon nom à mon oreille à chaque orgasme.

Jamais, jamais, ni mon esprit ni mon être entier, ne pourront effacer l'empreinte laissée en moi par cette femme. Jamais je ne pourrais nier l'effet que la seule pensée de sa présence dans ces locaux produit sur moi.

Marlène Azizet...

Comme le refrain d'une chanson douce, son nom prend mon esprit en otage. Incapable de rester là et de l'écouter, je me lève de nouveau et délègue la conduite de la réunion à ma collaboratrice Josiane Orézano.

Assis quelques minutes après dans mon fauteuil au 4ème étage, je regarde la porte de mon bureau que j'ai fermé à double tour et je ne peux m'empêcher de penser à cet humoriste qui disait : quand tu vois ce qu'il y a et que tu compares avec ce que tu te tapes. Je le traduis pour moi en disant : quand tu vois ce qu'elle est devenue et que tu compares avec celle que tu subis...

Mon téléphone sonne alors que je suis en pleines divagations. Au bout du fil, la voix suppliante de celle qui est mon épouse depuis 12 ans :

« Chéri, dépêche toi d'arriver. C'est le moment. Je t'attends. »

Oui, elle m'attend. Si je tarde à arriver, ce sera ma fête !

Comme un automate, je me lève de mon fauteuil et vais en direction de l'ascenseur qui me descend au sous-sol. J’actionne le déblocage à distance des portières du véhicule 4x4 Prado que je conduis. Assis là, face au volant, plutôt que de démarrer, je m’effondre. Les hommes ne pleurent pas, disait celle qui m'a élevé comme son fils. Je ne peux pleurer mais j'ai envie de crier au monde entier que je suis certainement l'homme le plus con que la terre aie jamais porté.

Mon téléphone de nouveau sonne car il y a urgence. L'heure c'est l'heure, après l'heure, c'est plus l'heure.

« Chéri ! Je t'attends. Dépêche-toi. Je suis déjà à la maison. », me dit elle.

C'est calculé. Il me faut 27 minutes pour être à la maison. Mon épouse m'en laisse 3 de plus pour me déshabiller en arrivant dans la chambre et être prêt pour la féconder. Oui, c'est bien ça. Mon vocabulaire depuis quelques années a ingéré ces mots : courbe de température, pic de fertilité... C'est ainsi que procèdent les gens a qui il n'a pas été donné la chance de procréer de façon spontanée, naturelle et sans stress. Et gare à moi si jamais je suis incapable de bander correctement et atteindre mon but.

En me mariant à cette Victoire qui se révèle être un échec, j'ai épousé la désillusion, le stress, la mise au pas, le flicage, le sexe sur commande, et une angoisse : celle de ne jamais entendre les bruits de pas de bouts d'hommes qui me courraient après en m'appelant papa.

 

J'arrive à la maison à pas lents car mon cerveau ne fonctionne plus correctement. Mon épouse sort de la chambre, claque la porte du couloir, me fonce furieusement dessus et ses coups de poing sur ma poitrine, achève de mettre mon cerveau par terre.

« Tu n'es qu'un salaud, Jalil Rataanga. T'es un salaud ! Ton travail passe toujours avant le bonheur de notre couple. Qu'est ce qui t'a encore empêché cette fois-ci d'appuyer sur le champignon ? Est-ce ta secrétaire qui t'a encore retenu ? Je lui ferai la peau à celle-là. Tu lui diras que je peux la faire virer à tout moment. »

Je reste là statique à recevoir des coups de poing de plus en plus violents. Bientôt, incapable d'en supporter plus, je la projette en arrière sur le canapé et lui lance :

« J'étais avec Marlène Azizet. Tu te souviens d'elle ? »

« Jalil ! Tu as fait venir ton ex à Libreville ? Ou peut-être vit-elle ici depuis longtemps ? Dis, c'est à cause d'elle que tu es si froid et distant avec moi ? Depuis combien de temps avez-vous remis le couvert, elle et toi ? Je la tuerai cette pétasse, je la tuerai. »

Je la laisse là et vais dans la salle de bains. Sans même prendre la peine de me dévêtir, j'ouvre le robinet d'eau de la douche et me place sous ce jet d'eau froide comme si j'avais besoin d'être purifié. L'épouse dont le ciel m'a affublé, arrive dans la salle de bains, en étant complètement enragée. Elle crie mon nom :

« Ratanga, je te te coupe les couilles et je les donne à manger au chien si jamais tu t'approches encore d'elle. Je vais retrouver cette pétasse et la bastonner comme jamais si elle ose venir détruire notre couple. »

En quelques secondes, j'ai le temps d'admirer la faïence qui recouvre les murs de cette salle de bains, j'ai le temps de distinguer les robinets dorés et le marbre dont sont fait les sanitaires. Le luxe. Oui, le luxe. Cette maison en regorge. Un luxe qui cache une profonde misère affective. Je sors de là, m'empare du couteau des mains de mon épouse. Lui prends le visage entre les deux mains, l'embrasse et lui dis :

« Partons, loin. Maintenant. Nous essaierons à nouveau encore et encore, sans thermomètre pour nous dicter le moment de passer à l'acte. Partons Victoire ! »

son visage se radoucit et elle me répond :

« Je t'aime tellement Jalil. Promets-moi que tu ne retourneras pas dans les bras de cette femme. Promets-le moi. »

Je me contente de l'embrasser fiévreusement, la soulève dans mes bras et vais la déposer sur le lit conjugal. Je n'ai pas spécialement envie d'elle, vu que depuis déjà 6 mois, nous faisons l'amour sur commande, selon un emploi du temps dicté par sa courbe de température. Non. Si je décide de la dévêtir de me lover tout contre elle et de la posséder avidement, c'est pour oublier cette image obsédante de cette revenante qui pendant 10 jours au moins, va sérieusement faire disjoncter mon cœur et ma cervelle.

C'est en pensant au sourie de Marlène Azizet, Alias Merlie Anderson, que je parvient à jouir après avoir procurer du plaisir à mon épouse.

Elle me garde prisonnier elle, passant ses bras autour de mon cou et ses jambes autour de mes hanches. Des larmes s'échappent de ses yeux quand elle me murmure :

« Je t'aime tellement Jalil. Si tu savais comme je t'aime. T'as été formidable. Je suis sûr que cette fois c'est la bonne ; cela fat tellement longtemps que tu ne m'a pas prise de la sorte. »

***                                    ***

 

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