Chapitre 5
Write by Nasty girl
Elayane
Ouf ! Le vol aura duré un peu plus de huit heures de temps. Lorsque notre avion a atterri, il sonnait dix-neuf heures et quinze minutes et le maniaque que je suis n’a pas pu s’empêcher de constater que nous avions accusé environ trente minutes de retard. Mammy Jo doit certainement être impatiente tout comme je l’ai été dans l’avion aussi. Il ne faut pas croire que Manuel et moi n’étions pas bien installés hein. Mammy Jo nous avait offert des places en première classe sur Air France et je ne le regrette pas du tout. Les sièges sont tellement confortables que même en mode couchette, je pouvais entièrement déplier mes longues jambes. Outre les places très confortables, les hôtesses étaient à nos petits soins. Comme d’habitude, moi je n’étais pas tout à fait à l’aise mais monsieur mon ami ne s’est pas gêné. Au moins cette fois-ci il n’aura rien fait pour me mettre la honte devant les autres passagers. Au moment où nous détachions nos ceintures, une hôtesse s’était rapprochée de nous et avait discrètement glissé à chacun de nous, des bouts de papiers sur lesquels figuraient des numéros de téléphone. « Cela a été un réel plaisir de vous servir. Ma copine et moi espérons vous revoir bientôt » avait-elle ajouté avec un sourire sensuel. Ayant remarqué depuis quelques heures que la nervosité me gagnait peu à peu et devinant que j’allais dire quelque chose de méchant, Manuel s’était empressé de la remercier en nos deux noms et de me pousser vers la sortie de l’appareil. Je ne pipai mot et descendit les marches de la passerelle. Sans difficultés, nous franchîmes les points de contrôles douaniers et autres. Manuel a quand même dû distribuer quelques euros aux policiers pour faciliter les procédures car malgré que j’avais mon pass VIP, nous ne passions pas inaperçu avec la quantité de valises de Manuel. Au départ, je ne voulais pas l’aider mais comme toujours, il a su m’amadouer. C’est en poussant un grand soupir de soulagement que nous avions franchi les derniers points de contrôle. Immédiatement, je balayai le salon VIP du regard et sans aucune difficulté je repérai Mammy Jo en grande discussion avec un homme qui avait l’air d’être dans la même tranche d’âge qu’elle. Ils étaient installés dans les fauteuils en cuir du salon VIP et avaient l’air très complice.
-
Tiens
tiens, apparemment tu vas avoir un nouveau papy, fit Manuel qui cherchait lui
aussi son père du regard.
-
Ferme
ta gueule Manu, répondis-je un peu trop vivement.
-
Toi
au moins tu as deux personnes qui sont là pour t’accueillir !
constata-t-il amèrement.
L’intonation
de la voix de Manuel me fit tourner la tête vers lui. Son père l’a une fois encore
négligé et envoyé le chauffeur le récupérer plutôt que de se déplacer lui-même.
Je me sentis mal pour mon ami. Apparemment son paternel n’avait pas changé ses
habitudes.
-
T’inquiète
pas mon pote. Nous pouvons te déposer avant de rentrer, lui répondis-je
-
Non
ça va aller. Ce n’est pas comme si c’était nouveau. Allons-y ! me dit
Manuel. L’instant d’après il confia son chariot à son chauffeur avant de me
pousser vers Mammy JO.
Nous
ayant finalement remarqué, cette dernière se leva de son fauteuil en même temps
que son ami, vint à notre rencontre et nous enlaça tous les deux. Quelle sensation !
Je me sentis tout à coup plus léger comme si par ce simple câlin, on m’avait ôté
un énorme poids des épaules. Je ne pus m’empêcher de penser que Manuel avait raison
et je le remerciai au fond de moi de m’avoir poussé à faire ce voyage.
-
Tu
nous étouffes Mammy, fit Manuel en imitant quelqu’un qui avait de la peine à
respirer.
-
Toi
tu ne changeras jamais ! Comment avec mes vieux os je pourrai étouffer
deux gens baraqués comme vous êtes, s’exclama Mammy Jo en lui donnant une tape
sur l’épaule tout sourire.
Nous
éclatâmes de rire tous les trois avant qu’elle ne me reprit dans ses bras.
-
Mon
petit-mari ! Comme tu m’as manqué !
-
A
moi aussi Mammy, à moi aussi… Toujours aussi coquette à ce que je vois !
-
Ne
dis pas de bêtises ! A mon âge ? Je n’arrive même plus à me maquiller…
Oh mais j’ai perdu les bonnes manières. Venez que je vous présente mon ami.
-
Ton
ami ? fit-je en haussant un sourcil.
-
Oui
une vieille connaissance, continua-t-elle en ignorant ma réplique. Gérard, je
te présente mes petits-fils. Lui c’est mon petit mari Elayane et son ami
Manuel. Mes chéris, voici Gérard un ami de très longue date.
-
Enchanté
jeunes hommes, dit Gérard en nous serrant la main. J’espère que votre vol s’est
bien déroulé ?
-
Oui…oui
répondîmes en chœur Manuel et moi.
-
Gérard
était un ami à feu ton grand-père Elayane. Ils ont monté leur première affaire ensemble
avant que leurs chemins ne se séparent. Cela fait maintenant près d’une quarantaine
d’années que nous ne nous étions pas revu, reprit Mammy Jo
-
Mais
tu as effectivement raison Jolayne. C’est fou comme les années passent vite,
continua Gérard.
Mammy
Jo les informa que Gérard était lui aussi venu accueillir sa fille qui devait rentrer
de Paris par le même vol que nous, vol qu’elle avait raté. Malheureusement
cette dernière n’avait pu prévenir son père à temps pour lui éviter de se
déplacer. Elle n’avait pu le joindre que quelques minutes plus tôt mais il
avait choisi de tenir compagnie à Mammy Jo. Machinalement Elayane se dit que
cela semblait un peu tiré par les cheveux mais il ne s’y attarda pas plus que
ça et retint difficilement un bâillement.
-
Vous
devez être fatigués mes chéris. Allons-y… Manuel on te dépose ?
-
Non
Mammy ça peut aller. Mon père a envoyé Antoine me chercher, lui répondit Manuel
en faisant un effort pour sourire mais Mammy Jo ne se laissa pas duper.
-
C’est
parfait alors ! Antoine ramènera tes valises à la maison et toi tu fais d’abord
un crochet chez nous. Je vous ai préparé un dîner comme vous les aimez. Mon
chauffeur pourra te ramener à la fin… Et je ne tolérerai aucun refus ! enchaina-t’
elle en prenant fermement chacun de nous par le bras.
-
J’ai
toujours su que tu étais folle amoureuse de moi Mammy Jo mais je ne savais pas
que tu étais si possessive, la taquina Manuel ce qui nous fîmes tous partir
dans un fou rire.
Les valises
furent confiées aux chauffeurs et c’est en discutant gaiement de tout et de
rien que nous nous dirigeâmes tous sur
le parking de l’aéroport. Malgré que la soirée fût fraîche, je sentis l’air
chaud m’embrasser dès que nous posâmes le pied hors du bâtiment. J’eu une
pensée de compassion pour tous ceux qui étaient restés en France où le froid
commençait à s’installer car l’hiver approchait à grands pas. Gérard prit
congés de nous et se dirigea vers sa voiture, une Infinity Qx80 Luxe et y monta
après que son chauffeur lui eut ouvert la portière arrière. Je remarquai que ma
grand-mère l’avait suivi du regard et que ce dernier lui avait adressé un dernier
sourire avant de refermer la portière.
-
Il
y a de l’amour dans l’air et en plus il a bon goût. Mâte un peu sa voiture,
murmura Manuel à mon oreille avant de se diriger vers son chauffeur pour lui
donner des consignes. Je profitai de ces instants pour m’adresser à Mammy JO
-
Mammy,
merci d’avoir invité Manuel. Il n’aurait jamais accepté si c’était moi qui le lui
avais proposé.
-
C’est
vraiment dommage que son père ne change pas depuis tout ce temps et n’ouvre pas
les yeux. Il passe à côté de ce qui est le plus important dans sa vie et il ne
le sait même pas, me répondit-elle songeuse.
-
Franchement
Mammy, je ne sais pas comment fait Manuel pour être aussi fort et autant dévoué
à ses proches. Malgré tout ce que lui fait vivre son père, il reste tout le
temps de bonne humeur et aussi loin que je m’en souvienne, il ne s’est jamais
plaint.
-
Nous
avons beaucoup de chance de l’avoir mais… cela suffit les sombres pensées,
reprit Mammy Jo en faisant claquer ses mains. Ce sont vos vacances et j’espère
que vous allez vous amuser comme de petits fous.
-
Pour
ça tu peux compter sur moi ! C’était Manuel qui était revenu vers nous.
Heureusement que j’ai la situation bien en main hein sinon si j’avais compté
sur ton petit-fils, j’aurais vieilli de vingt ans en seulement un mois.
-
Mammy,
j’espère juste que tu ne regretteras pas plus tard de me laisser entre les
mains de ce fou…
Nous
arrivâmes en une dizaines de minutes à la maison qui était située dans un
quartier résidentiel non loin de l’aéroport, à Nukafu.
Mammy
Jo a toujours vécu dans cette maison que feu son mari avait construit pour
elle. C’était son cadeau de mariage et elle l’a depuis toujours chéri. Pendant que
nous remontions l’allée bordée de lampadaires et de fleur, je remarquai malgré qu’il
fasse nuit, que le vaste jardin était toujours aussi bien entretenu. Dès que je
descendis de la voiture, j’entendis au loin un chien aboyer et je vis courir vers
moi, un énorme berger allemand qui sauta sur moi. C’était mon fidèle ami, mon
chien Jasper. Il se mit sur ses pattes arrières, posa ses pattes avant sur mon
torse et me lécha le visage en agitant fébrilement sa queue. C’était tellement
bien de le revoir et même si les années avaient passé, il me reconnaissait. Jasper
reconnu aussi Manuel et pendant qu’il nous faisait notre fête, Mammy nous
laissa dans le jardin pour demander qu’on ajouta un couvert de plus pour
Manuel. Notre chauffeur fit monter mes valises dans ma chambre. Quinze minutes
après, Manuel et moi nous installions à table avec Mammy. Avant ça, nous étions
passés saluer notre cuisinière, Chantal qui était déjà au service de ma famille
avant ma naissance. Elle m’a toujours traitée comme un fils et c’était elle qui
veillait sur moi lorsque Mammy devait s’absenter pour ses voyages
professionnels. Etant enfant, c’était elle qui prenait ma défense lorsque Mammy
décidait de me punir. Je ne pouvais que lui rendre en retour son affection. Bien
évidemment, elle connaissait aussi Manuel puisque nous étions tout le temps
ensemble dans notre enfance. Tout le monde connaissait d’ailleurs Manuel.
Mammy
Jo bénit le repas en remerciant le Tout Puissant de lui avoir ramené sains et
saufs ses petits chéris, le remercia pour sa vie et celle de tous ceux qui ont
contribué à préparer le dîner. Elle implora aussi le Seigneur de nous
protéger pendant nos vacances et de tenir éloignées de nous les femmes de
mauvaises mœurs qui essayeront de nous prendre dans leurs filets. Elle demanda
également à ce que nous, ses petits-fils vivions dans sa crainte, encore plus
qu’avant et qu’il éclaire nos vies et pour finir demanda à ce qu’il pourvoie
aux besoins des plus démunis. Le repas se déroula dans la bonne humeur jusqu’à
la fin. La cuisine de Ma Chantal m’avait énormément manqué et je ne m’étais pas
fait prier pour avaler une bonne quantité de foufou d’igname accompagné d’une
variété de sauce. Il y en avait plusieurs comme la sauce claire au poisson, de
la sauce de poulet et de chèvre. Nous avions tellement mangé qu’à la fin, il ne
restait plus de place pour le dessert. Mammy Jo fatiguée de rire aux blagues de
Manuel avait fini par monter dans sa chambre en déclarant solennellement que
nous voulions lui arracher ce qu’il lui restait de ses côtes. Manuel et moi
nous étions donc retrouvés au bord de la piscine, chacun avec un verre de
whisky et un cigare. J'ai puisé dans l'excellente réserve qui restait du stock de grand-père. C’était tellement paisible et agréable de se trouver là. Nous nous
étions installés dans les transats disposés tout autour de la
piscine et de ma main gauche, je caressais Jasper qui était couché à mes côtés. L’odeur
du cigare, celle de la terre et d'herbe verte émanant de la pelouse ainsi que les senteurs des fleurs se mélangeaient en un
enivrant parfum que je respirais à pleins poumons. Personne n’éprouvait le
besoin de meubler le silence. Seul le léger clapotis de l’eau de la piscine
constituait un bruit de fond. Au bout d’un moment, Manuel brisa le silence :
-
Je
parie que mon cher père n’a même pas remarqué que je n’étais pas rentré à la
maison… Tu sais, au fond de moi j’espérais quand même qu’il serait passé m’accueillir
à l’aéroport…
-
Tu
n’en sais rien…
-
J’en
suis sûr. C’est plus un constat. Je ne doute pas un seul instant qu’il a
préféré aller à un dîner d’affaire ou bien une de ces réceptions mondaines
auxquelles il aime tant participer. Depuis tout ce temps, plus rien ne m’étonne
venant de la part de ce gars…
-
Si
tu veux, je fais préparer une chambre pour toi, pour cette nuit, proposai-je.
-
Je
veux bien oui…
Ce
fut les derniers mots que nous échangeâmes ce soir. Nous sommes retournés
chacun à nos pensées et pour la première fois depuis sa proposition, je me dis
que pour Manuel aussi, ce voyage représentait bien plus que de simples vacances. Je
pris la ferme décision d’être là pour lui comme il l’a été pour moi. C’est ce
que font les frères…