Chapitre 6

Write by Nasty girl

Manuel

Ce sont des chants d’oiseaux qui me réveillèrent le lendemain. L’immense fontaine qui était installée à l’arrière de la propriété attirait beaucoup d’oiseaux et leurs chants bien qu’ils soient différents résonnaient comme une symphonie parfaitement harmonieuse. C’est l’une des choses que j’ai toujours apprécié dans cette maison. Je me rendis sur le balcon de la chambre dans laquelle j’avais dormi et prit une profonde inspiration. L’air était agréablement léger ce matin. Je m’absorbai quelques instants dans la contemplation des oiseaux qui prenaient leur bain dans la fontaine. Ce fut un léger coup à la porte qui me fit sortir de ma rêverie. L’une des domestiques m’informa qu’Elayane avait donné les consignes la veille pour qu’un chauffeur soit à ma disposition ce matin au cas où l’envie me prenait de rentrer tôt. Cette attention me réconforta puisque cela m’épargnait de faire le trajet en taxi. Je déclinai l’invitation à prendre un petit déjeuner et demanda gentiment à ce que le chauffeur m’attende une quinzaine de minutes. Je fis une rapide toilette et me servis de la brosse à dent neuve posée sur le lavabo. Mammy Jo sait entretenir une maison ah ça oui ! Toutes les chambres d’amis étaient en permanence équipées pour recevoir des occupants. Il n'y manquait jamais de petits accessoires comme des serviettes propres, rasoirs, savons et toutes ces petites choses que nous utilisons au quotidien pour nos toilettes. Dès qu’ils étaient utilisés, ils étaient systématiquement remplacés. Ma Chantal y veillait. Une dizaine de minutes plus tard je descendis aussi silencieusement que possible les marches et sortit dans la cour. J’avais revêtu ma tenue de la veille mais cela ne me gênais nullement. Je portai mes lunettes de soleil Ray Ban et m’engouffra dans la voiture. Le chauffeur se mit immédiatement en route. Je n’avais pas besoin de lui indiquer chez moi. Tout le monde dans la famille d’Elayane ainsi que leur personnel me connaissent bien. On était samedi aujourd’hui et il sonnait à peine sept heures du matin donc il n’y avait pas beaucoup de circulation. Très rapidement, nous parcourûmes le centre-ville et arrivâmes à destination au quartier Kodjoviakopé. Au lieu de faire rentrer la voiture dans la propriété, je descendis devant le portail et sonna. Notre gardien vint m’ouvrir quelques instants après encore tout ensommeillé. Lorsqu’il me vit il se réveilla tout à fait et ouvrit en grand la porte.

-       Ah bonne arrivée petit patron ! s’exclama-t-il.

-       Bonjour Kodjo, comment vas-tu ? lui demandai-je en souriant.

-       Très bien monsieur. Je vais très bien monsieur…merci.

-       Et ta femme ? J’espère que tu ne lui a pas fait un autre enfant ces deux dernières années hein.

-       Non hein ! J’ai suivi votre conseil et on est allé voir le docteur comme vous me l’avez conseillé.

-       Ah tu t’es enfin décidé à faire le planning familial ?

-       Oui oui… et entre nous monsieur, c’est bien mieux comme ça.

-       Tu vois ? Maintenant tu profites bien de ta femme n’est-ce pas ? insinuai-je en lui faisant un clin d’œil ce qui nous fit rigoler.

-       Mais vous êtes arrivés les mains vides ? Où sont vos valises que je vous les porte demanda-t-il puisqu’il entendit la voiture qui m’avait amené démarrer et s'éloigner.

-       Ne t’inquiète pas. Mes affaires sont arrivées hier. Antoine les at ramené hier soir.

-       Ah d’accord je comprends. Je pensais que c’était les affaires de Madame.

-       Mes parents sont là ?

-       Oui monsieur ils sont là.

-       Ok merci, lui répondis-je en m’éloignant.

-       Encore une fois, bonne arrivée petit patron.

-       Merci Kodjo…


Au lieu de passer par la porte principale, je choisis de passer par la porte de service située à l’arrière de la maison, du côté de la cuisine. Une bonne odeur d’omelette vint me chatouiller les narines alors que je m’en rapprochais silencieusement. Comme je m’en doutais, Joséphine notre cuisinière était aux fourneaux et rouspétait comme d’habitude:

-       Ah cette fille ! Jamais à côté quand on a besoin d’elle…

Puisqu’elle faisait dos à la porte, je décidai de lui faire une surprise alors je rentrai dans la cuisine en faisant claquer la porte.

-       Combien de fois vais-je devoir te répéter de ne pas laisser les portes claquer ? dit-elle sans se retourner... Et puis où étais-tu encore passée ? Ne me réponds surtout pas, je ne veux pas savoir… La prochaine fois que tu disparaîtras encore en me laissant toute seule à la cuisine alors que Madame… Elle s’interrompit pour goûter aux œufs brouillés… Crois-moi, je peux toujours te filer une bonne raclée…

Joséphine était ainsi faite. Elle posait les questions et y répondait elle-même et puis c’était une spécialiste des gronderies. Elle pouvait gérer cinq ou six casseroles simultanément sur le feu et te passer tout de même un savon. Quand j’étais enfant, je m’étonnais toujours de la voir en action et jusqu’à mes cinq ans, j’avais toujours pensé qu’elle avait un super pouvoir. Je souris en savourant à l’avance le gros câlin qu’elle me fera à coup sûr. Je m’abstins de lui répondre et elle reprit :

-       Passe-moi le saladier sur l’évier pour que j’y mette la salade de fruits.

-       Le voici, fis-je en posant le saladier sur la planche à côté d’elle. C’était la première fois que je lui parlais et sans se tourner vers moi, elle me répondit.

-       Merci mon fils…Mais où est-ce que Bella est encore passée ! s’exclama-t-elle.

Une seconde passa, deux secondes et tout d’un coup elle lâcha la spatule qu’elle avait en main ainsi que la poêle et se tourna vers moi en se tenant le visage de ses deux mains.

-       Manuel ! Cria-t-elle avant de se jeter sur moi.

-       Hahaha…Tu es entrain de perdre tes supers pouvoirs Joséphine.

-       N’importe quoi !

-       Si si… ça fait au moins deux minutes que je suis dans la cuisine et tu ne l’as même pas remarqué !

-       C’est pas vrai dit-elle en souriant… Il va falloir que tu arrêtes tes farces mon petit… mon cœur n’est plus tout jeune. J’ai failli avoir une crise cardiaque.

-       C’est ta patronne qui va avoir une crise cardiaque si tu laisses son déjeuner cramer, fis-je remarquer en jetant un coup d’œil aux œufs.

-       Ah zut ! lança-t-elle en retournant à ses casseroles. Elle est déjà assez bien nerveuse ce matin et ça, c’est de ta faute !

-       Depuis quand suis-je la raison de la nervosité de ta patronne ? Elle est tout le temps nerveuse ! lui répondis-je très calmement en m’emparant d’une pomme dans la corbeille de fruits posée sur la grande table qui trônait au milieu de la pièce.

-       Tu sais très bien ce que je veux dire. Pourquoi n’es-tu pas rentré hier ? Continua Joséphine sans se laisser distraire. Ta mère avait préparé un festin pour t’accueillir.

-       D’un, je sais que c’est toi qui a dû préparer ce festin. De deux, si elle voulait me montrer qu’elle était heureuse de mon retour, pourquoi n’est-elle pas venue m’accueillir à l’aéroport, récitai-je sans aucune émotion.

-       Tes parents ont dû aller à ce diner en ville…

-       Je n’avais pas fini Joséphine. De trois, ta patronne elle n’est pas ma mère et ne le sera jamais ! Elle est juste la deuxième femme de mon père. Et puis ne fait pas semblant d’être peinée pour elle, continuai-je comme je la voyais froncer les sourcils.

-       Bon c’est vrai, tu as raison sur le dernier point, finit-elle par dire. Je ne suis pas peinée du tout !

Joséphine jeta un regard vers la porte qui séparait la cuisine de la salle à manger. Après s’être assuré que la porte était bien fermée, elle me chuchota sur le ton de la confidence :

-       Imagine un peu sa colère ce matin quand elle a vu que le plateau que j’avais dressé pour toi hier est resté intacte!

-       Petite coquine va ! Je parie que tu as jubilé, lui répondis-je sur le même ton.

-       Oh tu me connais si bien ! s’exclama-t-elle en rigolant. Mais dis-moi, où as-tu passé la nuit alors ? Chez Elayane ?

-       Joséphine, je me demande pourquoi tu continu à poser des questions aux gens si c’est pour y répondre toi-même ?

-       Regardez-moi ce petit impoli ! Ne me cherche pas sinon tu vas crever de faim dans cette maison, fit-elle faussement en colère.

-       Tu ne pourras pas me laisser mourir de faim ! lui répondis-je en rigolant. Bon pour ne pas que tu me boudes, je vais chercher les cadeaux que j’ai ramené pour toi.

-       J’espère que tu m’as pris mon parfum préféré hein, répliqua-t-elle les yeux brillants.

-       Bien sûr !

L’instant d’après, nous entendîmes quelqu’un crier dans la salle à manger et le bruit d’un verre brisé. La porte communicante avec la cuisine s’ouvrit quelques secondes après et Bella s’engouffra dans la cuisine avec un plateau contenant des débris de verres. Bella est une adolescente âgée de quatorze ans et est la nièce de Joséphine. Cette dernière l’avait recueillie à la mort de ses parents. Bella aidait Joséphine à la cuisine lorsqu’elle n’avait pas de cours à suivre. Feue ma mère avait insisté à les aider en payant les frais de scolarités de Bella et en autorisant les deux femmes à habiter dans notre maison. Je remarquai que la jeune fille avait les yeux brillants de larmes et le tablier mouillé. Elle sursauta lorsqu’elle m’aperçut, surprise de me voir là pourtant elle se ressaisit aussitôt et me salua.

-       Bonjour monsieur.

-       Bonjour Bella, comment vas-tu ?

-       Très bien monsieur. Bonne arrivée !

-       Merci. C’était quoi ce grand bruit ?

-       C’était madame ; son verre de jus a glissé et s’est brisé.

-       Dis plutôt qu’elle a jeté le jus sur toi avant de briser le verre par terre, répliquai-je sèchement en remarquant que ses cheveux étaient eux aussi mouillés.

-       Non monsieur…

-       Ce n’ai pas la peine de me mentir Bella. Ce n’est plus la peine de faire semblant. Où se trouve-t-elle ?

-       Au salon avec votre père. Mais je vous assure monsieur que ce n’est pas bien grave…

-       Bref ! la coupai-je puis me tournant vers Joséphine qui du regard me suppliais de ne pas réagir, je lui dis : je reviens plus tard avec tes cadeaux.

 

Je traversai la salle à manger et me dirigea vers notre salon à pas feutrés. Pourquoi avançai-je aussi prudemment? Je ne le savais pas encore moi-même. J’entendis des voix étouffées et vibrantes de colère provenir du salon. Mon père et sa femme seraient-ils en pleine dispute ? Instinctivement, je ralentis le pas et je fis bien car ce que j’entendis par la suite me laissa perplexe :

-       Il faut que cela s’arrête Henry. Tu te rends compte qu’il n’a pas daigné rentrer à la maison hier ? Il s’est contenté de faire ramener ses valises par Antoine. Franchement ton fils n’est qu’un impoli.

-       Qu’est-ce que cela peut bien te faire le fait qu’il ne soit pas rentré hier ? lui demanda calmement mon père.

-       Le dîner que j’ai fait préparer hier est resté intacte sur la table et j’ai dû tout jeter ce matin. Je te signale qu’il devait le manger ce repas, insista-t-elle. Cela nous aurait facilité la tâche pour la suite.

-       Je t’ai déjà dit que je ne veux pas de ce genre de pratiques dans ma maison, merde ! s’écria mon père.

-       A l’heure actuelle, nous ne savons même pas où il est ! continua ma belle-mère comme si elle n’avait rien entendu.

-       Julia ! cria mon père en lui saisissant brusquement son bras gauche, je te préviens, je ne veux absolument pas de ces pratiques dans ma maison. Ne mets pas ma patience à l’épreuve.

-       Et moi je te préviens Henry, tu as intérêt à dompter ton vaux rien de fils parce que je ne supporterai plus longtemps son mépris.

-       Eh ben tu vas devoir ravaler ton égo longtemps encore ma chérie. Parce que cette maison dans laquelle tu vis, ces voitures de luxe que tu te plais tant à conduire et tout l’argent que tu ne te gênes pas de dilapider appartiennent à ce vaux rien comme tu l’appelles. J’en ai assez de tes plaintes !

-       Justement, j’en ai assez moi-aussi de me contenter des miettes ! Et bientôt nous n’aurons plus rien. Il va bientôt fêter son vingt-cinquième anniversaire je te rappelle. Il faut que tu fasses quelque chose bon sang !

-       Que puis-je faire hein dis-moi ? entendis-je mon père répliquer.

-       Oblige-le à se marier avec Annabelle. Il le faut sinon nous sommes foutus.

-       On voit bien que tu ne connais pas mon fils.

-       Je vais m’en occuper moi-même. Laisse-moi faire chéri continua-t-elle en se lovant langoureusement contre mon père. Elle entreprit de lui masser les épaules et d’une voix sensuelle lui promit qu’elle ne ferait rien qu’il n’approuvera pas.

-       Ok je te donne carte blanche. J’espère juste que tu ne me le feras pas regretter, acquiesça mon père.

-       Ne t’inquiète pas Chéri. Dès demain je vais inviter Annabelle à venir passer quelques jours chez nous. Elle lui donna ensuite un long baiser.

Tout cet échange me laissait perplexe et me mettait en colère. J’eus l’intuition qu’il se passait quelque chose de louche dans cette maison et je me résolu à découvrir ce qu’il en retournait. Il faut d’abord que je m’entretienne avec le notaire de ma mère. Pour l’instant, j’estimai avoir assez entendu alors je me composai une figure de circonstance et retourna sur mes pas. Je fis claquer la porte communicante de la salle à manger et avança bruyamment vers le salon. Que le jeu commence !

-       Bonjour Papa…

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