Chapitre 5

Write by Meyroma

Une semaine s'est passée depuis l'incident de la fête, durant laquelle Maître Djibril et moi nous sommes côtoyés chaque jour, sans jamais aborder le sujet. Chacun de nous s'est recroquevillé dans un silence muet, rendant l'atmosphère lourde et embarrassante. 


Néanmoins, nous faisons de notre mieux pour que cette situation n'impacte en aucun cas nos rendements au travail, le but ultime étant le succès dans les affaires du cabinet.


Ce matin, une femme en pleure débarque de mon bureau, sortie de nulle part.


-Bonjour Madame, me salue t-elle d'une voix étranglée par un sanglot qu'elle essaye tant bien que mal de ravaler.


Je lui répond d'une voix douce et rassurante, pleine de sollicitude. Je l'invite à s'asseoir et dépose un paquet de mouchoir devant elle.

Sans même connaître  son problème, je me suis éprise de compassion pour elle.


Elle doit être jeûne. Je lui donnerai approximativement le même âge que moi. Mais son visage est  dépourvu de cet éclat de jeunesse, cette joie de vivre, ce rayonnement de bonheur qui devrait être caractérielle pour une femme de sa génération. Au contraire ses traits expriment une lassitude et une tristesse enfouies dans les plis de ses rides et des énormes cernes qui cachent ses deux étoiles ternes qui auraient pu briller de mille feux.


-En quoi puis-je vous être utile, lui demandé-je, le plus sincèrement possible.


-Je voudrais parler urgemment  à mon avocat, maitre Djibril.


- Je suis navrée, madame. Il sera absent toute la matinée pour des raisons personnelles. Je suis son  assistante, Melle Yasmine Ben Saïd à votre service. Si toutefois vous insistez pour que ce soit forcément lui qui vous reçoive, vous pouvez le rencontrer l'après midi. Je le préviendrait d'avance de votre visite.


La dame semble impatiente, stressée et accablée. A son son regard désespéré, je prend mon agenda et mon stylo et lui suis toute ouïe.


Sans plus tarder, elle me relata les faits, objets de sa consultation.


Elle s'appellerait Madame Inoussa Rahanatou. Deuxième épouse d'un riche gouverneur dans un état du Nigeria voisin, auquel elle serait marié depuis un an seulement, elle aurait mis au monde un garçon il y'a environ un mois. Malheureusement, contre toute attente, elle a découvert que son mari l'aurait épousé dans l'unique but qu'elle lui donne un héritier, qu'il arracherait de ses bras, elle, sa mère biologique, pour offrir a sa première femme l'enfant dont elle n'a jamais cessé de rêver; Qu'il l'éjecterai de sa vie comme une malpropre pour vivre le parfait amour avec sa première femme avec qui il serait marié depuis 20 ans. En quelques sortes, elle serait juste une mère porteuse pour lui et sa première femme bien aimée.


A la fin de son récit, je reste bouche bée, les yeux suspendus aux lèvres de cette jeune mère éplorée. Son histoire est indubitablement digne d'un film Nollywood. 


Il m'est humainement inconcevable qu'une telle méchanceté puisse réellement exister. Comment peut-on séparer une mère de son enfant qui n'est même pas encore sevré ? Comment peut-on accueillir un nouveau-né avec autant de cruauté?


Pour comble, il s'avère que son mari est tellement influent qu'aucun avocat n'a voulu ouvrir sa porte à notre cliente pour l'aider a récupérer son fils.


Qui oserait se dresser contre le redoutable gouverneur de Sokoto?


Elle est donc rentrée au Niger, son pays natal afin confier l'affaire a son dévoué avocat depuis toujours, quitte à l'envoyer en mission au Nigeria. 


Le coeur en miettes, je me saisis d'un nouveau dossier sur lequel j'inscris le nom de la cliente.


Je la rassure autant que je peux en lui rappelant que dans n'importe quel pays du monde, la loi est toujours en faveur de l'enfant, dont le bien être est prioritaire, et qu'en l'espèce le meilleur pour  un nouveau né, c'est d'être avec sa mère.


Je lui cite quelques jurisprudence sur la question, des chartes internationales et communautaires sur les droits de l'enfant, quelques lois sur le droit de garde et même quelques faits divers pour la rassurer et positiver son esprit. A mon grand plaisir, mes anecdotes ont même le don de la faire sourire et je me réjoui de ce regain d'espoir.


Peu a peu, elle retrouve ses esprits et sirote même le café que je lui ai offert.


Complètement métamorphosée, c'est désormais une femme forte et déterminée qui sort du cabinet.


Quelques minutes plutard, tandis que je suis concentrée sur mon nouveau dossier, mon téléphone portable sonne.


C'est Ismaël, un vieil ami et un prétendant persévérant. Pour ne pas interrompe mon travail et étant seule, j'active le mode haut parleur en toute intimité.


- Bonjour ma belle!


- Bonjour Ismo. comment vas tu?


- As ton avis, comment peux aller un homme qui laisse totalement indifférente la femme qu'il aime? La femme de tous ses rêves et ses fantasmes? Je ne sais plus à quel saint me vouer Yasmine . Je suis fou de toi depuis longtemps et tu le sais. Je n'arrête pas de penser à toi à longueur de journée. Plus tu me repousses, plus tu m'attires. Comment me défaire de cette obsession? Aide moi Yasmine, viens au secours de mon âme tourmentée.


Je reste silencieuse et impassible face a ce énième discours d'Ismaël qu'il récite par coeur comme une fable de Lafontaine.


-Pauvre de lui, pensé-je pitoyablement.


Que Dieu le délivre de cet amour à sens unique, qui ne seras sûrement jamais réciproque.


Cela fait des années, depuis le lycée que  que je décline ses avances. Mais jamais, il n'a renoncé à me conquérir.


J'en ai de la peine pour lui, mais j'avoue qu'il y'a ce côté secrètement narcissique de moi,  qui se sent flatté par autant de combat pour ma simple personne.


En raccrochant, je réalise que maitre  Djibril est debout au seuil de la porte et qu'il a entendu tout ma conversation téléphonique. 


Le visage crispé et les nerfs de sa tempe en exergue de colère, il tourne le dos et rejoint son bureau sans même me saluer.


S'il n'était pas lui même engagé dans une relation amoureuse ailleurs, je jurerais qu'il meurt de jalousie. 


Mais de quel droit serait-il jaloux ? Pour qui se prend-t-il à la fin?


Sans prêter attention a sa rancœur que je juge sans fondement, je le rejoint  dans son bureau.


-Bonjour maître. En votre absence j'ai reçu une dame du nom de Inoussa Rahanatou.  Voici son dossier et toutes les références nécessaires.


Sur ce, je laisse le dossier sur son bureau et m'en vais.


Quelques minutes plutard, pendant que lis un roman sur l'application wattpad, le téléphone fixe sonne et maitre Djibril me convoque dans son bureau.


- Nous allons en mission a Abuja demain pour le cas de la Dame Inoussa Rahanatou. J'aurais pu y aller seul, mais elle exige que vous y soyez  parce que selon elle, non seulement vous êtes compétente, mais du fait que vous soyez une femme, vous comprendriez mieux l'acharnement d'une mère et vous seriez d'un bon soutien pour elle. Si vous n'y voyez aucun inconvénient, faites les réservation pour deux.


- Vous pouvez compter sur moi, répond-je pour confirmer mon consentement à ce voyage.


Je retourne dans mon bureau et fait les réservations sur le site de la compagnie d'aviation Air-Burkina. Puis j'appelle l'hôtel palace de Sokoto pour réserver nos chambres.


A la descente du boulot, je rentre a la maison et informe ma mère de mon futur voyage. 


C 'est ma première mission professionnelle et elle ne cache pas sa joie. Elle appelle immédiatement Mallam Habou qui est notre oncle et l'imam de la famille. Il fait des invocations pour que mon voyage se passe bien.


Je prépare ma valise pour un séjour d'une semaine. Cette durée est seulement estimative car tout dépendra du système juridique nigérian.


Toute la nuit, je n'arrête pas de penser à ce voyage. Maitre Djibril et moi seuls, loin de nos routines.


Ce qui est sûr, c'est une toute nouvelle aventure qui commence.


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