chapitre 5: je veux qu'on me remarque

Write by leilaji

CHAPITRE 5 (kiff, commente et partage si tu veux. Bisou)

 

****Lorelei****

 

Je regarde le gros mec baraqué de presque deux mètres devant moi. Son crane luit déjà à 7 heures du matin ? Pouah ! Il l’a badigeonné d’huile d’amande pour se donner une tête encore plus étrange ou quoi ?  Remarquer ce détail me donne envie de rire mais ce n’est pas le moment propice. Je fais mine de capituler et m’éloigne de lui. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire pour passer l’audition ? Je ne peux pas bêtement rester là et le supplier. Rien qu’à voir le regard suspicieux qu’il me lance, il ne croira jamais que j’ai vraiment reçu un coup de fil m’invitant au studio ce samedi. Et que je débarque dans cet état pitoyable.

Et si j’appelais ? Pour signaler que je suis là mais bloquée devant l’entrée. Bad idée. Premièrement, je n’ai plus le numéro du studio puisqu’en manipulant mon nouveau téléphone, j’ai effacé tous les numéros d’appels entrant et sortant. Deuxièmement, bah je n’ai pas un rond dans le phone.

 

Il faut que je rentre avec ou sans son accord.

 

Je regarde autour de moi et vois passer une bande de jeunes. Je m’approche d’eux et décide de les faire intervenir.

 

- Hep ! Vous là-bas. Venez ici.

 

Ils n’ont pas franchement l’air de bons enfants de Dieu pour tout dire mais je m’en fiche. Je n’ai rien contre les jeans qui descendent en dessous des fesses, du moment que ces fesses sont cachées par un caleçon !

Je suis une fille plutôt jolie et pas franchement intimidante alors ils savent qu’ils n’ont rien à craindre de moi. Par conséquent, ils se rapprochent sans trop se faire prier. Je leur explique rapidement ce que je veux qu’ils fassent pour moi et en contrepartie leur remet mon dernier gros billet : 5 000 francs.

 

—Oh, la grande toi aussi, sasekoi (ça c’est quoi)!! Five colos (5 000) seulement. Regarde on est quatre, ajoute 5 000, s’exclame celui que je suppose être le meneur de la bande.

—Mtchr.  Nooon, vous les jeunes d’aujourd’hui, vous ne savez pas respecter les grandes ? C’est tout ce que j’ai.

—Bon ok, fait le plus grand de taille après un moment de réflexion, c’est top la grande.

 

Je leur fais un clin d’œil et vais me poster pas très loin de l’entrée de la BVMAC sans me faire remarquer du vigile alias Monsieur boule à zéro.

Tout d’un coup, je vois l’un de mes jeunes courir vers monsieur Coco rasé avec une parfaite mine paniquée. C’est le moins âgé de la bande mais aussi celui qui ressemble le moins à un pirate.

 

—Tyson ! Tyson !

 

Merde ! Apparemment ils se connaissent. Ils auraient pu me le dire quand même. J’espère qu’il ne va pas révéler au fameux Tyson ce que je leur ai demandé de faire et partir avec mes 5 000 francs.

 

—Y’a quoi petit ?

—Y’a des gars qui grimpent ta clôture par derrière…

—Quoi ?

 

Malgré ses cents et quelques kilos de muscles, Tyson filent comme une flèche vers l’arrière du bâtiment. Sa course est loin d’être esthétique mais le résultat est là, il est hors de mon champ de vision. Je quitte ma cachette et cours vers le studio. Le petit s’éloigne à petits trots, content de sa prestation. Je lui adresse un baiser imaginaire et il sourit de toutes ses dents étonnamment blanches.  Je rentre dans le studio, prête à affronter Monsieur chocolat.

Je me laisse diriger par une belle voix grave et rocailleuse à la « Amy Winehouse ». Waoh, cette voix est envoutante. Quand j’arrive enfin, je tombe sur une salle de répétition au sol entièrement boisé et aux murs tapissés de miroirs. Les filles, une petite dizaine, sont attroupées au fond de la salle à gauche tandis que Monsieur chocolat et son assistante sont tous deux assis à un bureau tout à ma droite. Une jeune femme aux cheveux blonds et à la peau très claire, chante en plein milieu de la salle. C’est à elle qu’appartient cette voix ? Elle est habillée très décontractée avec un top blanc bordé de noir. Elle porte à son cou de multiples chainettes en or et des lunettes fantaisistes blanches trônent dans ses cheveux.  Je n’ai pas besoin de plus de temps pour savoir que c’est elle la reine de la cour de jeu ici. Il y a de quoi être jalouse d’elle, ma voix n’a rien de comparable à la sienne même si elle est tout aussi belle. La sienne est peu commune, tel un trésor d’un autre temps, ce qui la rend encore plus exceptionnelle.

Quand je l’entends chanter et je lis autant d’admiration dans les yeux des autres filles, j’ai comme l’impression qu’elle porte une couronne invisible. Et en analysant un peu son attitude, je crois savoir qu’elle n’est pas du genre à la prêter à qui la veut.

 

Tout au fond de moi, je lui dis en souriant «  Mama, la concurrence est là, prépare toi».

 

Elle s’arrête enfin de chanter et certaines filles applaudissent. Mais elle, n’a d’yeux que pour Monsieur Chocolat.

 

Ce dernier se lève et parle un moment à son assistante à voix basse. Elle l’écoute d’une oreille distraite parce que ses yeux à elle sont braqués sur moi. Monsieur Chocolat suit son mouvement et nos regards se croisent. Même à cette distance, je sens que ses yeux pétillent. Ça me fait tout drôle parce qu’il ne dit rien. Il se contente de me regarder.  Au final, c’est toute la salle qui braque ses yeux sur moi.

 

Est-ce que ça m’effraie ? Non ! J’aime être le centre de l’attention. Je n’ai pas peur de la bagarre.

Monsieur Chocolat me voici !

 

Je m’avance doucement dans la salle et ignore autant que faire se peut la mine effroyable que me renvoie les miroirs. Mes cheveux dégoulinent encore un peu d’eau de pluie matinale et mon rimmel coule. Contrairement aux autres candidates qui se sont mises sur leur trente et un, moi je ressemble à un rat mouillé.

 

—La séance est terminée Mademoiselle Bekale, dit-il d’une voix sure et calme.

 

Tiens donc ! Il se souvient de mon nom ! Je suis agréablement surprise.

 

—Elle n’est pas terminée tant que je n’ai pas chanté, je rétorque d’une voix tout aussi calme.

 

La salle murmure et le pianiste qui jusque-là semblait endormi me regarde en dissimulant un petit sourire. Ils sont étonnés par mon audace. Apparemment, je mets de l’ambiance dans cette audition un peu terne. Monsieur Chocolat lève un sourcil réprobateur. J’essaie de me justifier.

 

—Vous avez oublié de mettre mon nom sur la liste alors le mec de l’entrée n’a pas voulu me laisser passer. J’étais à l’heure, je dois aussi avoir ma chance.

—Malheureusement pour vous je dois y aller, j’ai un autre rendez-vous… L’année prochaine peut-être, dit-il en prenant ses affaires.

 

Il donne une dernière consigne à son assistante et commence à s’éloigner.

J’ai comme la haine. Attendre un an ! Il se fout de moi ou quoi ? Pourquoi attendre un an alors qu’il peut juste patienter cinq minutes le temps que je finisse ma chanson.

Après tout ce que j’ai dû faire aujourd’hui pour être là.

S’il croit qu’il va s’en tirer comme ça…

 

****Gabriel****

 

Je crois que de ma vie je n’ai jamais encore rencontrée une femme aussi déterminée et effrontée. Elle me fascine même si je fais mine de ne pas prêter attention à ses mauvaises manières. Je m’avance vers elle, dans le but de la dépasser et de sortir de la salle d’audition.

 

Et soudain, je m’immobilise.

PARCE QU’ELLE CHANTE DU ARETHA FRANKLIN EN ME REGARDANT DROIT DANS LES YEUX.

 

What you want (hooo) baby I got it

Ce que tu veux, bébé je l’ai

 

What you need (hooo) you know I got it

Ce dont t’as besoin, tu sais que je l’ai

 

Sa voix est juste … extraordinaire et sa présence s’impose aux spectateurs. Comme si son corps disait à la place de sa bouche « je suis là et vous devez faire avec moi. »

 

(Hooo) all I'm asking (hooo) is for a little respect

( Just a little bit) when you come home

Tout ce que je te demande

C'est un peu de respect quand tu rentres à la maison

 

Je souris. Parce que je sais qu’elle s’adresse directement à moi. Malgré son air débraillé, ses cheveux en pétard et son mascara qui coule un peu, elle est juste … MAGNIFIQUE.

A notre dernière entrevue, elle ne savait même pas qui était Aretha Franklin et aujourd’hui, elle me chante ce morceau comme si elle l’avait fait toute sa vie durant. L’interprétation est juste, à aucun moment encore elle n’a dégammé. Pour une novice, c’est incroyable.

Ce qui rend la chose encore plus intéressante c’est qu’elle ne chante pas en regardant ailleurs comme certaines chanteuses, elle me regarde moi et me délivre un message directement par sa voix : « je veux du respect. J’ai ce que tu cherches ». Le pianiste qui jusqu’à lors n’avait pas encore sorti une seule note, doucement, tout doucement, l’accompagne. Les notes s’égrènent joyeusement et la salle commence à se chauffer. Je détourne un instant mes yeux de la jeune femme pour regarder ses concurrentes. Elles sont elles aussi sous le charme et malgré la rivalité bougent les épaules et la tête en rythme. Il faut avouer que la chanson est prenante. C’est un beau choix. 

 

(Just a little bit) hey baby ( Just little bit)

When you come home ( Just a Little Bit) Mister

Hé bébé (rien qu'un peu) quand tu rentres

(rien qu'un peu) mec (rien qu'un peu)

 

I ain't gonna do you wrong while you're gone

I ain't gonna do you wrong 'cause I don't wanna

Je ne te causerai pas de tort quand tu seras partis

Je ne te causerai pas de tort (ooh) car je ne le veux pas (ooh)

 

Je souris une nouvelle fois parce qu’elle s’est approchée de moi et ondule doucement des hanches en suivant la musique. Elle n’a pas froid aux yeux…

 

All I'm asking is for a little respect when you come home

(Just a Little Bit) Baby (Just a little bit )

When you come home (Just a little Bit) Yeah

Tout ce que je te demande (ooh) C'est un peu de respect quand tu rentres à la maison

(rien qu'un peu) Bébé (rien qu'un peu) quand tu rentres (rien qu'un peu)

Ouais (rien qu'un peu)

 

I'm about to give you all my money

And all I'm asking in return honey

Je suis sur le point de te donner tout mon argent

Et tout ce que je te demande en retour, chéri

 

( Re re re re spect) Yeah baby whip it to me

( Just a little bit) when you get home now ( Just a little bit)

Ouais bébé (re, re, re, re)

Rend-le moi (respect, rien qu'un peu)

Quand tu rentres à la maison, maintenant (rien qu'un peu)

 

R-E-S-P-E-C-T find out what it means to me

R-E-S-P-E-C-T take out the TCP ohhhh (Sock it to me,etc.)

R-E-S-P-E-C-T Trouve ce que ça signifie pour moi

R-E-S-P-E-C-T Prends-soin de toi, TCP

 

A little respect oh yeah ( Just a little bit)

A little respect ( Just a little Bit)

{Respect}

 

Quand elle termine sa prestation, elle est à bout de souffle mais heureuse. Les autres filles l’applaudissent chaleureusement.

 

Et maintenant, je suis gêné parce qu’elles attendent toutes que je réagisse, que je dise quelque chose.

Et la seule idée qui me vient en tête c’est que j’ai peut-être trouvé mon diamant brut. Mais je ne veux pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Sydney aussi, je pensais en faire une artiste de renom.  J’y pense toujours d’ailleurs mais il faudrait qu’elle se mette au travail pour enfin être prête pour la scène ce qui n’est toujours pas le cas après un an de collaboration. Mais je ne perds pas espoir.

 

Peut-être que je pourrai…

C’est bon je sais ce que je vais faire.

 

—Merci d’avoir auditionné. Je vous ai vu.

—Je ne veux pas juste être vue, je veux être remarquée, me dit-elle.

 

L’assistance éclate de rire devant tant d’insistance et d’aplomb, et elle-même se met à sourire… de manière très candide. En réalité c’est encore une petite fille malgré ses airs de gladiateur.

 

Je m’en vais.

Mais je l’avoue, je suis bluffé par sa prestation et par autre chose…

 

****Lorelei****

 

Je suis contente, je suis contente, je suis contente.

Quand il est parti, son assistante s’est rapprochée de moi et s’est excusée d’avoir omis mon nom sur la liste des participantes à l’audition.

Je lui en veux un peu mais je suis tellement heureuse que je lui réponds qu’il n’y pas de mal. Elle me gratifie d’un sourire amical et s’en va. Les autres filles s’attroupent un instant autour de moi pour me féliciter puis par groupe de deux à trois personnes quittent la salle. C’est toujours réconfortant de se frotter contre d’autres personnes qui ont le même talent que vous et de remarquer que vous êtes à la hauteur. C’est un sentiment de satisfaction tellement intense qu’il est dur à exprimer quand on y est confronté pour la première fois.

Je suis la dernière à m’en aller. Mais avant de m’éclipser, je me rapproche de la petite tablette qui était cachée par l’attroupement de filles. Il y a tout un festin dessus : des petits canapés, des viennoiseries, des boissons chaudes et des sodas. Elles n’ont pas touché à grand-chose.

Je jette un coup d’œil derrière moi pour voir s’il y a quelqu’un. RAS (rien à signaler). Alors je prends rapidement, quelques canapés, croissants et boissons que je cache dans mon sac à main. C’est Raphael qui va être content !

 

****Sydney****

 

Je suis normalement revenue sur mes pas pour m’expliquer avec cette … fillette qui pense pouvoir me prendre ma place. Et c’était quoi cette lueur dans les yeux de Gabe ? Gabe ne peut pas me faire ça. Pas après tout ce que j’ai fait pour lui.

Elle ne chante pas mieux que moi, ma voix est exceptionnelle et ça tout le monde le sait. Je n’ai plus rien à prouver.

Je me calme instantanément  lorsque j’arrive à l’entrée de la porte de la salle de répétition et que je la vois fourrer dans son sac les restes des petits fours que le traiteur a proposés aux candidates de l’audition. Non mais allo quoi, les restes ?  Je suis soulagée. Comment ai-je pu une seule seconde croire qu’il pourrait être attiré par elle ? Une fille qui ramasse des restes ? Pff, ce n’est qu’une moins que rien.

Et puis d’ailleurs, Gabe n’est pas très friand des peaux noires… C’est impossible qu’il soit attiré par elle.

 

Je remets mes lunettes en place et cherche quelque chose à mâcher dans mon sac. J’y trouve des chew-gum pris sur la table de travail de Gabe et je rentre chez moi, le cœur léger.

 

De toute manière, lui et moi avons rendez-vous ce soir. Je sais comment lui faire oublier celle qu’il a un instant convoité aujourd’hui.

L'histoire que vous lisez

Statistiques du chapitre

Ces histoires vous intéresseront

LOVE SONG