Chapitre 50 : Vive les mariés !
Write by Auby88
Treize ans plus tard.
Margareth IDOSSOU.
Je suis dans la demeure familiale des da MATHA. J'y ai passé la nuit. Je suis venue m'isoler quelques minutes sur la terrasse pour prendre un peu d'air. Dans l'un des fauteuils, je me trouve. J'inspire profondément. J'espère que tout se passera bien.
Dans mes pensées, dans mon passé, je me plonge. Je me revois dans la maison familiale des N'KOUE à Ouidah. Sur la plage, nous sommes, David, moi ainsi que des membres de la famille. Un groupe restreint : Les vieux N'KOUE, Ariane, Paul et son épouse, Arnaud et Judith, Charles, sa mère, Larissa, Alain, Rose, Nina et enfin Sibelle qui garde ma traîne.
C'est devant Dieu et ce parterre de gens que j'ai dit OUI à David. D'abord devant le maire, puis devant le prêtre.
Je porte une magnifique robe bustier à paillettes blanches, conçue par Larissa et qui ne dévoile pas trop mon ventre un peu arrondi.
Je me souviens des paroles profondes de la chanson que David m'avait dédicacée lors de la réception de noces : "T'es ma femme de Etienne Drapeau".
"T'es ma femme, t'es la plus belle
Dans tout l'univers et le ciel
J'ai jamais rien vu d'aussi beau
Pour te décrire y a pas de mots
T'es ma femme, t'es la plus douce
Et ça me fout parfois la frousse
Juste à l'idée que je pourrais te perdre
Je voudrais mourir j'en perds le verbe
T'es ma femme, je suis à toi
Je te donne tout ce que je suis
Mes mains, mon regard et ma voix
Mes jours et mes nuits
T'es ma femme, t'es la plus belle
Je te jure sur mon âme et le ciel
Que chacun d'mes je t'aime
Sera éternel
T'es ma femme, t'es la plus belle
Je conjugue notre amour au pluriel
À l'imparfait de nos peines
En mille bouquets de poêmes
T'es ma femme, t'es la plus douce
Je t'aime en blonde, brune ou rousse
Je t'aime en robe, en pyjama
J'aime tes défauts, je t'aime toi
T'es ma femme, je suis à toi
Je te donne tout ce que je suis
Mes mains, mon regard et ma voix
Mes jours et mes nuits
T'es ma femme, je suis à toi
Je te donne tout ce que je suis
Mes mains, mon regard et ma voix
Mes jours et mes nuits "
Quant à moi, j'ai choisi "Pour mieux t'aimer de Nana Mouskouri" dont j'adore les jeux de mots.
"Je serai la plus tendre
Je saurai te prouver
Que j'ai mis pour t'attendre
Une éternité
Je saurais me défendre
Contre une armée
Pour mieux t'aimer
J'apprendrai tous les rôles
Je serai à la fois
La plus gaie la plus drôle
J'aurai quelquefois
La tristesse du saule
Ou sa beauté
Pour mieux t'aimer
Je serai la même et chaque jour différente
Tour à tour aimante et refusant ton amour
Je saurai les caresses
Que l'on a oubliées
Je serai ta maîtresse
Et ta fiancée
Courtisane et princesse
A volonté
Pour mieux t'aimer
Je serai forte ou faible
Mais toujours pour gagner
Ta compagne fidèle
Ton âme damnée
Je serai toutes celles
Qui t'ont aimé
Pour mieux t'aimer
Et si tu es Dieu je saurai faire des miracles
Si tu es le diable je choisis ton enfer
J'effacerai des tablettes
Les amants du passé
Roméo et Juliette
Seront dépassés
J'inventerai les poètes
Pour nous chanter
Pour mieux t'aimer
Et si je me condamne
C'est pour t'apprivoiser
Si je suis corps et âme
Pour t'abandonner
C'est pour être ta femme
Tout simplement
Je t'aime tant"
La lune de miel nous a été offerte par les vieux N'KOUE. Nous avons passé deux semaines en Côte d'Ivoire sur l'île Boulay, celle-là même sur laquelle s'est déroulé le tournage de la série ivoirienne "Deux couples, un foyer".
L'île Boulay est un espace paradisiaque situé entre l'océan atlantique et la lagune Ebrié, non loin du Port d'Abidjan.
J'adorais déjà voir cette île à la télévision, alors l'avoir devant moi était simplement magique. En plus, nous avions un magnifique yatch et des jets ski à disposition pour nos balades en mer.
Je me rappelle que lors de notre première balade en yatch, j'ai tenu à faire avec David la fameuse pose de Jack et Rose à l'avant du bateau, dans le film Titanic.
- Mélanie, t'es enceinte ! m'a-t-il rétorqué.
- Et alors David ! Je sais qu'il y a deux bambins en moi, mais je suis encore souple. Rassure-toi, nous ne prendrons aucun risque. Nous resterons simplement à l'avant du bateau. Allez, viens !
Je l'ai supplié, il a fini par accepter. Nous sommes allés à l'avant du bateau. J'ai tendu mes mains tandis qu'il me tenait par la taille. J'avais l'impression de voler. J'ai senti l'air frais me caresser le visage. J'ai senti la vie en moi et hors de moi. C'était si beau. C'était unique. C'était…
- Mel !
La voix de Charles me tire du passé. Je me retourne.
- Mel ! Comment me trouves-tu ?
Je me lève et m'approche de lui.
- Tu es très beau, très élégant, comme toujours, à part un petit détail.
En parlant, j'ajuste son noeud papillon.
- Voilà, c'est parfait !
- Merci, Mel !
Il me répond en inspirant profondément.
- Je stresse beaucoup, tu sais. Car aujourd'hui c'est le jour-J.
- Oui. Moi aussi, je stresse mais je m'efforce de ne pas le montrer. Tu devrais faire pareil car tu te dois de paraître moins stressé que le marié, dis-je en lui souriant. J'espère que tu as déjà rangé les alliances !
- Oui, depuis hier. Je sais qu'elle risque de me bouder pour toute la vie, si jamais j'oublie les alliances.
Nous éclatons de rire. Nous sommes rejoints par David et Arnaud qui viennent d'arriver. Charles et Arnaud vont rejoindre Larissa et Judith, tandis que moi je reste avec David. Nous échangeons quelques mots.
- Tu m'as tellement manqué, Mélanie !
Je souris.
- C'était juste une nuit, loin de toi et des enfants. J'espère qu'ils ne t'ont pas mené la vie dure.
- Pas trop, je dois le reconnaître.
Nous nous bécotons quelques secondes puis nous rejoignons les autres en haut...
Judith da SILVA
Actuellement, nous sommes sur le parvis de la cathédrale Notre Dame de Cotonou. Nous attendons le prêtre. C'est sœur Jeannette qui a insisté pour que le mariage se déroule là. Même la décoration intérieure de l'église a été faite par ses soins. C'est son cadeau de mariage à l'endroit du couple à l'honneur aujourd'hui.
Le prêtre nous rejoint, nous bénit et nous donne quelques directives. Nous rentrons tous à l'intérieur, laissant David et la future mariée dehors. Je suis tellement émue en la voyant toute souriante et tellement belle.
Je suis mère et j'en suis fière. La stérilité n'est pas une fin en soi, la stérilité n'est pas une fatalité.
Ce n'est pas parce qu'on ne parvient pas à concevoir des enfants qu'on doit se morfondre et arrêter de vivre. Il ne faut jamais abandonner. Certes, c'est dur mais il ne faut pas voir cette épreuve de la vie comme une malédiction mais plutôt comme un défi sur notre chemin.
Lorsqu'on aura tout essayé en vain, Il faudra toujours se rappeler que quelque part, derrière une porte d'orphelinat, il y a un enfant sans maman qui n'attend que vos bras d'amour.
Et il n'est pas de plus grand coeur, il n'est pas de plus grand geste d'amour que de donner beaucoup d'affection à un enfant qu'on n'a pas porté dans son ventre.
Aujourd'hui, Arnaud et moi parrainons une dizaine d'enfants orphelins à qui nous allons rendre visite autant que possible.
Quoi qu'il en soit, gardez toujours à l'esprit que Dieu n'abandonne jamais ses enfants. Dieu ne fait jamais rien au hasard. Il sait ce qui convient à chacun de nous.
Et puis, concernant ma belle-mère et ma belle-soeur, nos relations se sont nettement améliorées. Elles viennent même nous rendre visite à la maison ou déjeuner au restaurant. Et puis, la soeur d'Arnaud a fini par se marier à son blanc auquel elle a fait quatre bambins, qui égayent les journées de la mère d'Arnaud.(Sourire)
David N'KOUE
J'ai l'honneur d'accompagner ma fille à l'intérieur de l'église. Dans quelques minutes, elle dira Oui à l'homme de sa vie. Je suis rempli d'émotions. J'entends l'instrumental de la marche nuptiale.
- Prête ? lui demande-je sur un ton plein d'assurance.
- Oui, Papa ! me répond-t-elle en souriant.
Margareth IDOSSOU
Debout, nous sommes tous. Ma fille avance tout doucement aux bras de David. Je ne peux m'empêcher de couler une larme, tellement je suis heureuse pour elle.
Derrière eux se trouvent une fillette et un garçon qui gardent la traîne de la future mariée.
La fillette, c'est ma benjamine. Elle s'appelle Maéva N'KOUE. Maéva signifie "Bienvenue" en langue polynésienne. C'est le prénom que je destinais à Sibelle. Quant aux garçons qui avancent devant et parsèment le sol de pétales de roses, ce sont mes jumeaux Mathis et Mathéo N'KOUE. Leurs prénoms signifient "don du ciel" en hébreu.
Dans ma quête du bonheur, j'ai rencontré sur mon chemin des personnes formidables : une fille que j'avais abandonnée, l'homme de ma vie sous les traits d'un meilleur ami, une grande sœur, des amis … et aujourd'hui, je suis une femme, une épouse et une mère comblée.
J'ai également connu la force du pardon, la confiance en moi, la confiance en les autres et surtout en Dieu qui m'a énormément bénie et continue de le faire. Je ne cesserai jamais de l'honorer, de lui dire merci pour tout, de lui dire combien IL EST GRAND.
Je regarde à ma droite et je vois Larissa qui sourit. Je regarde à ma gauche et je vois Judith plus en larmes que moi. Judith, une femme en or, un exemple de vie tout comme Larissa. J'ai beaucoup appris d'elles.
Le restaurant "Chez maman Sibelle" est devenu l'un des plus populaires à Cotonou. Faites-y un tour dès que vous aurez envie de manger. Vous serez chaleureusement accueillis par une petite femme forte qui vous offrira son sourire et de délicieux mets. Dites que c'est "l'autre maman Sibelle" qui vous envoie. (Sourire)
Je me concentre à nouveau sur l'allée. David vient de confier Sibelle à Charles. Il avance maintenant derrière eux.
Larissa da MATHA
Je suis tellement heureuse. Je le suis encore plus pour Charles qui appréhendait ce moment depuis la veille.
Sibelle est très resplendissante dans sa robe de mariée. C'est une création unique que j'ai moi-même dessinée pour elle. Une robe de mariée très longue et blanche ainsi qu'un voile sur lesquels j'ai ajouté plusieurs motifs en coeurs et en fleurs découpés dans du pagne wax.
Au fait, le garçon qui garde la traîne avec Maéva, c'est notre fils à Charles et moi. Nous l'avons adopté. Il s'appelle Aloys da Matha. "Aloys" ( prononcé Aloïs) signifie "très sage" en vieil allemand.
Charles da MATHA
Je tiens le bras de ma fille et je me sens plus détendu. J'avance fièrement en la regardant par moments. Elle est tellement belle, tellement jeune et tellement mature en même temps. Tout à l'heure, je la laisserai au bras d'Arnaud. Elle vient de me rappeler les alliances. Je lui ai assuré qu'elles sont en lieu sûr. (Sourire)
Arnaud da SILVA
A mes bras, Sibelle avance à présent. Je suis très honoré. C'est fou ce que les enfants grandissent vite. Je me rappelle encore la première fois où je l'ai vue, où je l'ai tenue dans mes bras. Je me souviens des couches que je lui changeais, de ses pleurs, de ses rires, de la première fois où elle m'a appelé papa...
Je la regarde et je souris. Je suis père et je suis fier de la femme que Sibelle est devenue. Aujourd'hui, elle s'unira à l'homme qu'elle a choisi et ils iront fonder une famille.
Toute la nuit, j'ai joué le titre "Babygirl" de notre compatriote béninois Nel Oliver. J'ai longuement médité sur les passages de cette chanson qui m'ont énormément touché. Ils parlent à ma place.
"Mon enfant, ma baby girl
Voici venu le moment tant appréhendé
Où je dois te conduire, Bras dessus, bras dessous
A celui qui prendra ta main
Devant Dieu et devant les hommes
Ton prince charmant, A qui tu diras oui
Pour le meilleur et pour le pire
(…)
Bien que je déteste te voir partir,
Je sais que tu as ta vie à vivre
Et je peux voir l'amour dans tes yeux.
Le soleil brille dans ton cœur
Tu n'as jamais été aussi belle
Et tu peux voir ma joie et ma fierté à ton égard.
Bien que tu souries, je vois tes larmes
Prends sa main, ma baby girl
Et sois son épouse pour toujours
L'heure est venue pour toi de partir
Essuie tes larmes et ne crains jamais rien
Car je serai toujours là pour toi.
Tu sais, j'ai tant rêvé
De pouvoir te garder,
Sans jamais te partager
Mon enfant, ma baby girl,
Ton prince charmant est arrivé
Je n'ai jamais songé que tu me laisserais bientôt pour un autre
C'est si dur de te laisser partir
Oh mon enfant, ma baby girl
L'heure est venue pour toi de vivre ta vie."
Sibelle da SILVA
Je réprime les larmes qui me montent aux yeux. J'ai la chance d'avoir des parents formidables qui m'ont toujours soutenue. Ils sont encore là en ce jour si précieux pour moi. Maman Judith s'occupe du buffet, Maman Margareth a en charge tout ce qui se refère à l'organisation de la fête, Maman Larissa m'a confectionné cette magnifique robe que je porte, Papa Charles nous a offert les alliances griffées de nos prénoms, Papa Arnaud et Papa David nous offrent la lune de miel dans un somptueux hôtel de Grand-Popo.
Toute la semaine, j'ai écouté la chanson de Nel Oliver que papa Arnaud m'a recommandé. Si j'ai tenu à ce que tous mes trois papas me conduisent à l'autel, c'est parce qu'ils ont tous joué une part importante dans ma vie. En marchant, j'ai remarqué pépé et mémé N'KOUE, mes idoles. Je prie que mon mariage dure autant que le leur. J'ai également fait un coucou à mémé da MATHA et mémé da SILVA. J'ai également vu sœur Jeannette, avec qui j'ai gardé contact. Il y a aussi plein d'autres membres de notre grande famille que je verrai tout à l'heure à la sortie de l'église. Nous lâcherons des papillons vivants, symbole de nouveau départ, promesse d'une vie heureuse.
Je passerai deux semaines de lune de miel à Grand Popo, puis je repartirai vivre au Canada. C'est là-bas que j'ai rencontré mon futur époux, avocat comme moi. A l'époque, nous étions étudiants en droit. Entre lui et moi, ça a été le coup de foudre immédiat. Et depuis, nous ne nous sommes jamais quittés.
Là, mes trois papas viennent de saisir ma main et de la confier à Jordan QUENUM, mon fiancé, originaire du Bénin.
- Prends bien soin d'elle, sinon tu auras affaire aux trois colosses ici présents. Et nous pouvons t'assurer que nos poings te feront énormément mal !
- Oui, messieurs, répond-t-il en bégayant presque.
Je souris.
- Voyons, papas ! N'en rajoutez pas à son stress !
Ils sourient et quittent l'autel.
Nous voilà, Jordan et moi face au prêtre.
Tandis que le prêtre dit ses premiers mots, je me rappelle de la citation préférée de maître Margareth IDOSSOU (sourire) :
"Il n’y a pas de fin. Il n’y a pas de début. Il n’y a que la passion infinie de la vie. (Frederico Fellini)"