Chapitre 51

Write by WumiRa

MAYA 51



Lorsqu'elle entendit la porte d'entrée se refermer des heures plus tard, Maya venait à peine de se réveiller. Cependant, elle demeura allongée, toujours au centre du lit. 


La porte de la chambre s'ouvrit à son tour et l'obscurité céda place à une lumière vive.


- Salam, fit Malik en s'arrêtant sur le seuil, la détaillant du regard. On a rêvé de moi ?


Décidément...


- Salut, répondit-elle.


Puis à son tour, elle le regarda de haut en bas, avant de remarquer qu'il tenait quelque chose en main. À ce moment, il agita un sachet qu'elle reconnut automatiquement, devant ses yeux.


- Puisque tu ne voulais pas m'accompagner, je t'ai apportée ta part. J'ai dit à Mam Sey que tu étais malade et elle a emballé un plat spécialement pour sa cliente favorite.


- Tu n'aurais pas dû.


- Pourquoi ? demanda t-il, en s'avançant vers le lit. J'adore te faire plaisir.


Elle le regarda déposer le sachet sur la table de nuit, puis déposer la veste qu'il avait sur l'épaule, au bord du lit.


- Je ne te laisserai pas me quitter, déclara t-il ensuite, le plus calmement possible. 


Elle ne broncha pas.


- Quitte à te séquestrer ici. Personne ne me blâmera d'avoir voulu retenir la femme de ma vie. Et puis, avoue que c'est romantique.


Cette fois, Maya dû vraiment se retenir de sourire, même si elle en avait très envie. Elle se redressa et s'assit, le dos calé contre les oreillers. Pendant ce temps, Malik alla dans la salle de bain, se changea et revint habillé d'un pantalon de jogging et d'un débardeur.


- Qu'est-ce que tu as fait de ta journée ? s'enquit-il en la rejoignant.


- Umar a appelé, répondit-elle, en attendant de voir sa réaction.


En effet, elle vit les traits de son visage se durcir, instantanément.


- Ah oui ? 


- Tu n'es pas content, visiblement.


- Je n'aime pas l'idée qu'un homme autre que moi, téléphone à ma femme.


Maya haussa les sourcils.


- Ta femme hein ?


- Arrête avec ça. Qu'est-ce qu'il te voulait ?


- Tu trouves normal le fait d'être jaloux de ton propre meilleur ami ?


- Qu'est-ce qu'il voulait ? répéta t-il.


- À ton avis ? Il voulait savoir comment je vais.


- Ensuite ? 


- Ensuite rien. Je n'arrive pas à croire que tu me pose ce genre de question, comme si on allait comploter dans ton dos.


Il sourit et secoua la tête.


- Loin de moi cette idée.


- Alors qu'il n'a fait que dire du bien de toi. Tu me fais franchement honte.


- Ce ne sera pas la première fois que je te fais honte. Je pensais que tu t'étais déjà habituée.


Elle le toisa. Il s'éloigna à nouveau du lit. 


- Je vais chercher une assiette, je reviens.


- Pourquoi m'as-tu caché que tu as été confronté à un dilemme à l'hôpital ?


Il se figea sur place.


- Pourquoi n'avoir pas voulu connaître mon avis ?


- Tu étais inconsciente, répondit-il en se retournant. C'est Umar qui t'a raconté ça ?


- J'avais le droit de savoir.


- Je n'en disconviens pas. Ce n'est pas un sujet facile à aborder, d'autant plus que j'ai fait ce qu'il fallait. Je n'allais quand même pas priver un enfant de sa mère.


Les yeux brillants, elle aprouva cependant.


- Je ne te blâme pas pour ça. Si Umar ne m'avait rien dit, je ne l'aurais jamais su. C'est dur de penser qu'elle avait une chance de survivre et qu'on ne le lui as pas donnée.


- Oui mais...


- Tu me caches toujours tout, c'est le problème avec toi.


Malik revint vers elle et s'assit à ses côtés, pour la prendre dans ses bras. Il ne fut pas surpris de la sentir se laisser aller et lui rendre son étreinte ; ils étaient tous deux concernés.


- J'allais te le dire, déclara t-il, en lui frottant légèrement le dos. Sama xol (mon cœur) je n'aime pas te voir pleurer.


Pour toute réponse, elle sembla se ressaisir et fit mine de s'écarter. Ses yeux étaient rouges lorsqu'elle releva la tête.


- Je l'aimais déjà beaucoup, dit-il. C'était la première fois que j'allais vraiment devenir responsable de quelqu'un et cela m'emplissait de fierté, tu sais. Ç'aurait sans doute été l'être que j'aurais aimé plus que toi.


Maya se souvint alors des paroles d'Umar.


- Je suis désolé.


- Moi aussi je suis désolée, avoua t-elle. Je n'ai pas pensé à ce que ma mort aurait impliqué. Élever un enfant tout seul, pour un homme...


- N'en parlons plus.


Facile à dire.


- Maman veut nous voir, dit-elle au bout de quelques minutes, changeant ainsi de sujet.


- Ah oui ?


- Elle est venu ici aujourd'hui et elle était très bizarre.


- Bizarre dans quel sens ?


- Je crois qu'il y a un problème avec mon père.


- Humm.


- En tout cas, elle souhaite nous voir le plus tôt possible.


- D'accord.


Un grand silence s'installa ensuite. Elle s'était à nouveau blottie contre lui, la joue contre son cœur.


- Tu sais... commença t-il.


- Hmm ?


- J'ai pris une décision.


Il prit sa main et noua ses doigts aux siens.


- J'y ai longuement pensé ce matin au bureau et j'ai conclu qu'il serait préférable qu'on s'en aille.


- Comment ça ?


- Et si on quittait Dakar ? Le pays ?


- Où est-ce qu'on irait ? 


- N'importe où. Du moment où on est ensemble.


Elle se redressa à nouveau.


- Tu as oublié tous les problèmes que tu as avec mon père ? demanda t-elle, étonnée.


- Rien n'est insurmontable, je le sais dorénavant. Si j'ai mis autant de temps à me remettre de mon passé, c'est parce que j'avais besoin de quelque chose à quoi m'ancrer. La haine a longtemps occupée la première place dans ma vie. 


Il la regarda droit dans les yeux.


- Jusqu'à ce que je te rencontre et jusqu'à ce que je réalise tout dernièrement que tu es bien plus importante que ma rancœur vis-à-vis de ton père. J'avais vraiment décidé de te parler et de tout abandonner, avant que tu ne nous surprenne Umar et moi.


Alors, Umar n'avait pas menti, songea Maya.


- Le positif dans tout ça c'est que toute cette histoire m'a permis de te rencontrer et je dois bien cela à Henri.


Il l'attira à nouveau contre lui. 


- La décision finale te revient. 


- Tu comptes parler avec lui ? voulut-elle savoir.


- C'est normal que tu t'inquiètes pour lui.


- Oui. Et je ne veux pas que les ombres du passé continuent à planer au dessus des gens que j'aime. Si on part, ce sera comme fuir alors que si vous mettez les choses au clair, on aura même pas besoin de quitter Dakar.


- Vu comme ça...


Elle le fixa, dans l'attente d'une réponse.


- Ne me regarde pas comme ça, je sais que je vais devoir avoir une conversation sérieuse avec Henri.


- Mais ?


- J'ai besoin de temps. Je ne sais pas si tu comprends, c'est quand même l'homme qui m'a privé de mes parents.


- Tu n'en es pas sûr...


- Ne commence pas. Je sais ce que j'ai à faire mais en même temps je ne crois pas pouvoir le porter dans mon cœur un jour.


Maya secoua la tête et s'écarta légèrement de lui.


- Si tu te sens obligé de faire tout ça pour m'impressioner, ce n'est pas la peine. On devient meilleur pour soit, pas pour les autres.


Elle ne l'avait sans doute pas dit pour le vexer, mais il l'interprêta mal.


- Tu crois que tout ce que je fais, je le fais pour acheter ton estime et paraître parfait à tes yeux ?


Sentant la dispute proche, elle s'empressa de rectifier son tir.


- Je ne te savais pas aussi susceptible, fit-elle, d'un air taquin. Je suis ravie que tu aies décidé de passer à autre chose et d'aller de l'avant. Si comme tu le dis... mon père est responsable de ce qui est arrivé à tes parents, la nature s'en chargera tôt ou tard. 


- Et tu n'as pas peur ?


- De quoi ? Dieu est juste dans tout ce qu'il fait et chacun récolte ce qu'il a semé. Qu'il s'agisse de mon père ne veut pas dire que j'occasionnerais une injustice venant de lui, mais en même temps ton père est mort Malik. Et j'ai l'impression que tu n'as pas entendues les deux versions des faits.


Il haussa les sourcils, visiblement amusé.


- Qu'est-ce qui te fait sourire ?


- Rien. Continue.


- Pas avant que tu ne m'aies dit ce qui te fait sourire.


- Au premier abord, tu n'as pas vraiment l'air de quelqu'un d'aussi intelligent.


Elle croisa les bras.


- Parce que dans cet aéroport, tu as aussi eu le culot de douter de mon intellect ?


- Oh oui. J'ai même cru que tu essayais de flirter avec moi dans l'avion.


- N'importe quoi ! s'exclama t-elle en riant. J'espère que mes enfants n'auront pas à hériter de ton arrogance.


- Parle pour toi, répondit-il, avant de réaliser qu'elle venait tout juste de mentionner le mot «enfants».


Elle baissa le regard, mais il lui prit le menton pour l'obliger à le regarder.


- Je ne suis pas pressé, déclara t-il, en lui caressant la joue avec son pouce. Tout ce qui compte pour l'instant c'est toi.


- Il faudra pourtant qu'on réessaie.


- Pas nécessairement.


- Les gens...


- Je m'en fous des gens. Quand tu te sentiras à nouveau prête, nous aurons tous les enfants que tu voudras. Et même si tu décidais de ne plus en avoir je ne t'abandonnerai pas pour autant.


Cette déclaration la toucha infiniment.


- Je le souhaite vivement, répondit-elle. Je veux avoir des enfants avec toi. 


- Mais nous devons d'abord faire le deuil de notre bébé.


Elle soupira et fit oui de la tête.


Il passa un bras autour de ses épaules.


- Viens là.


Elle se rapprocha à nouveau de lui et lui rendit son étreinte, lorsqu'il la serra confortablement dans ses bras. 


- Bëgg na la ci suma xol (je t'aime de tout mon cœur) ma petite femme.


- Moi aussi, je t'aime.


***


Assis derrière son bureau, Henri écoutait attentivement la femme qui en face de lui, lui parlait d'un sujet dont il n'ignorait pourtant rien. Elle ne le savait sans doute pas et elle croyait peut-être les prendre par surprise, mais heureusement, il s'était longtemps préparé à cela.


-  Je ne suis pas ici pour troubler la paix de votre foyer, monsieur Fall, poursuivit-elle, en faisant de petits gestes avec ses doigts manucurés, aux ongles extravagants. 


C'était la première fois qu'il la rencontrait personnellement et c'était un grand soulagement de voir que comme sur les photos qu'on lui avait rapportées, elle n'avait rien en commun avec Maya. Elle était certes belle, mais la comparaison n'allait pas plus loin. Enfin, il l'espérait.


- Je ne suis pas une briseuse de foyer, sinon il y a longtemps que j'aurais abordée la petite, moi-même.


- Maya est loin d'être une petite.


- Tout à fait d'accord. Je l'ai rencontré une fois, mais j'étais loin de me douter qu'elle était ma fille.


- Et elle n'a pour mère que ma femme. Vous, vous êtes censée être morte.


Elle ne parut pas le moindre offensée.


- Je le sais parfaitement. Mais ça c'est une invention de l'homme qui vous l'a donnée. Je lui ai dit ne vouloir avoir aucun lien avec l'enfant et ses nouveaux parents, je ne lui ai jamais demandé de me faire passer pour morte. 


Elle haussa les épaules.


- Écoutez cher monsieur, comme je l'ai dit tantôt, je ne viens pas en ennemie. En venant vous parler à vous, je me suis comportée en être civilisée et la moindre des choses à faire serait de m'autoriser à lui parler ou...


- Pour lui dire quoi exactement ?


- C'est entre elle et moi.


Awa s'attendit à tout sauf à ce qu'il la lorgne de haut en bas, d'un air snob, comme si elle était une moins que rien, une arriviste. Mais s'il croyait pouvoir la déstabiliser en lui rappelant son erreur et d'où elle venait, il risquait d'être surpris ! Cette fois, elle irait bien jusqu'au bout.


- Quel est ton prix ? l'entendit-elle lui demander.


- Comment ?


- Je savais bien que quelque chose ne clochait pas dans l'histoire de Cobar. Il n'avait quand même pas pu voler un bébé dans un hôpital. 


- Je ne vois où vous voulez en venir, mais...


- J'ai toujours su que tu reviendrais. Vu ton parcours, une fois que le manque de l'argent se ferait ressentir, je savais que tu reviendrais chez nous. Ces mères indignes, elles finissent toujours par réapparaître.


- De l'argent en échange du droit de voir ma fille ?


- Ce n'est pas ta fille ! asséna t-il. 


En parlant ainsi, il avait abattu son poing sur la table. Car bien qu'il est décidé de son côté de révéler toute la vérité à Maya, il ne voulait pas que sa mère biologique l'approche. Cette femme était indigne de l'affection que pourrait lui témoigner cette dernière si elle parvenait à la manipuler.


Elle se leva finalement.


- Dans ce cas nul n'en sortira gagnant, annonça t-elle. Je vais devoir révéler à votre fille chérie que vous n'êtes pas ses vrais parents et qu'en plus vous l'avez «achetée», au lieu d'une adoption légale.


- Tu n'en feras rien, sorcière ! fit une voix derrière Awa.

Sensuelle Ennemie