Chapitre 51

Write by Auby88

Deux jours plus tard.

Femi AKONDE

Aurore est de très bonne humeur ce matin. Depuis sa récente crise, j'ai pris une permission au bureau pour rester à la maison avec elle, de peur qu'elle récidive.

Actuellement, nous sommes devant la télévision. A présent qu'elle se sent beaucoup mieux, je pense aborder avec elle le sujet RITA MARTINS.


- Aurore, on s'est promis de ne plus rien se cacher, n'est-ce pas ?

- Oui. Il y a un souci ?

- Je dois t'avouer quelque chose.

- M'avouer quoi ?

A la manière dont elle me regarde, je devine que mes propos l'intriguent.

- Oui. C'est à propos de … Rita.

Elle écarquille les yeux.

- Elle est au pays ? Elle a essayé de te joindre ? Elle a essayé de te séduire ? Elle ..

Elle enchaîne ses questions.

- Non Aurore. Rien de tout cela ! Détends-toi.

- Je ne peux me détendre, Femi. Cette garce est sûrement dans les parages tel un loup qui attend le moment propice pour attaquer une brebis !

- Aucune femme ne me détournera de toi.

- Cette fille est sans limites, Femi. Tu ne la connais pas. Tu ne sais pas tout ce dont elle est capable. Je te fais entièrement confiance, mais je ne veux pas la savoir près de toi. Non, pas elle !

- Je ne suis pas Steve, je te rappelle. Je ne suis pas si facilement manipulable. Et de toutes façons, Rita n'est pas au pays. Je te l'assure.

Elle me fixe.

- Comment peux-tu en être aussi sûr ? A moins que …

Je ne dis mot.

- Tu as ouvert son paquet, n'est-ce pas ?

- Oui.

- Femi ! Pourquoi​ tu me fais ça ? Je t'avais pourtant supplié de le jeter.

- J'en suis conscient, mais je ne pouvais jeter ce paquet aux ordures sans préalablement découvrir son contenu !

- Tu aurais dû t'en débarrasser définitivement !

- Tu n'es pas un peu curieuse de savoir ce qu'il y a à l'intérieur ?

- Parce que tu as gardé son paquet, c'est ça ?

- Oui, je l'ai conservé. Tu devrais voir ce qu'il contient. Crois-moi.

- Non, Femi ! Je ne veux rien d'elle.

- A l'intérieur du paquet, il y a un …

Elle se bouche les oreilles et ferme les yeux. J'ôte ses mains de ses oreilles et l'oblige à ouvrir ses yeux. Je continue ma phrase :

- Il y a un CD et …

Elle m'interrompt.

- Je ne veux rien savoir d'elle, Femi. Je parie que tout ça c'est encore pour me narguer, pour m'humilier.

Je secoue vivement la tête puis je plonge mes yeux dans​ les siens.

- Tu te trompes, Aurore. C'est tout le contraire, je t'assure. Tu devrais voir le CD.

- Femi, je …

- Allez, s'il te plaît !

Elle finit par accepter. Je disparais quelques secondes dans la cuisine avant de revenir vers elle, avec le paquet ouvert dans mes mains.

Dans le lecteur DVD, j'insère le CD.


* *

 *

Aurore AMOUSSOU

Rita est là, devant moi, dans une loge je suppose. Il y a un dressing mobile derrière elle. Une femme s'adresse à elle :

- Rita, on t'attend. Tu défiles dans cinq minutes !

- Je sais, je viens tout de suite. J'ai quelque chose de très urgent à faire d'abord.

L'autre soupire puis la laisse seule dans la pièce.

Salut Aurore. Tu vois ce que tu as raté ! Tant de stress au quotidien, mais j'adore mon métier. Demain, j'irai en Espagne et ainsi de suite. Je bouge tout le temps.

Elle sourit grandement. Intérieurement, je bous de colère.

- Femi, éteins-ça. Tu vois, elle veut juste m'enquiquiner.

- Non.

J'essaie de prendre la télécommande, mais il m'en empêche. Il met la vidéo en pause.

- S'il te plaît, écoute-la jusqu'au bout. Fais-moi confiance.

Il remet la vidéo en marche. Rita inspire profondément avant de continuer.


En fait, je tenais à te montrer ceci.

Elle approche de l'écran une vieille photo de nous deux.

Tu t'en rappelles ? C'est la première photo que nous avions prise ensemble, juste après mon arrivée à l'agence de mannequinat. J'étais si heureuse, si fière de poser avec toi, la star du moment. Je t'admirais tellement, tu ne peux​ savoir à quel point. Malheureusement, les questions d'intérêt ont eu raison de nous.

Elle prend une pause. Une larme coule sur sa joue. Elle l'essuie avant de continuer :


Tu m'as fait énormément mal Aurore, tu m'as fait tant et tant de coups bas juste pour demeurer la préférée de l'agence.


Je me sens toute bizarre. C'est vrai que j'ai été méchante avec elle auparavant.


Cela n'a pas été facile pour moi, je l'avoue, mais je m'en suis sortie. Je ne t'en garde plus rancoeur. Car malgré tout, car grâce à toi, je suis devenue plus endurante et j'ai pu réaliser mon rêve. Aujourd'hui, je défile sur les plus grands podiums du monde.

Si je te dis tout ceci aujourd'hui, ce n'est pas pour que tu te sentes coupable, encore moins pour justifier tout ce que je t'ai fait par vengeance.

Je regrette énormément t'avoir fait du mal, même si Steve ne te méritait pas vraiment.

"On ne frappe pas un homme à terre", dit-on. Je n'aurais donc jamais dû te piétiner alors que tu étais déjà au sol.


Ce serait hypocrite de te demander pardon, car ce que j'ai fait n'est pas pardonnable.

Peut-être que tu entendras ce message, peut-être que tu jetteras mon paquet, ce qui est fort probable. Mais au moins, je me sens soulagée d'avoir dit ce que j'ai sur le coeur, d'avoir libéré ma conscience.

Peut-être que dans une autre vie, nous serons amies. Peut-être qu'un jour, j'aurai l'honneur de porter tes magnifiques créations.

Je m'excuse si je parle pêle-mêle, mais je n'ai pas préparé mon discours à l'avance. Je dis juste les choses comme elles viennent, comme je le ressens.

 

Au fait, j'ai vu votre​ faire-part de mariage. Vous êtes si beaux ensemble, Femi, toi et votre fille Arabella.


Je me demande comment elle sait autant sur moi. Je jette un coup d'oeil vers Femi. Il hausse les épaules.


Cela se voit que Femi t'aime beaucoup. Prends bien soin de lui. Comme cadeaux de mariage, je t'envoie deux magnifiques citations gravées dans du cristal. J'espère que tu aimeras.


Tu es étonnée que je sache autant de choses sur toi, n'est-ce pas ? Et bien oui, je m'intéresse de très près à ta vie. Je l'avoue. Je t'envie beaucoup, tu sais et nos disputes me manquent. J'ai beau avoir le succès dans ce que je fais, je ne peux m'empêcher de m'intéresser à ta vie.


Mais ne t'inquiète surtout pas. Je ne compte plus rien faire qui pourrait​ te nuire. Ni à toi, ni à ton homme, ni à ton adorable fille, ni à aucun être qui t'es cher.


- Rita ! Crie une voix derrière elle.


- Un instant, je viens. Aurore, j'en ai fini. Assez d'émotion pour aujourd'hui. Le devoir m'appelle. Porte-toi bien ! Gros bisous en particulier à Arabella. Ciao !


Je suis encore abasourdie par tout ce que je viens d'entendre.

- Femi, je ne sais quoi dire.

- Tu n'as rien à dire. Je voulais juste que tu l'entendes et tu l'as​ fait. Merci. A présent, je vais te montrer les deux cadres en cristal. Les voilà. Ils sont restés intacts.


Sur les cadres, je lis ces mots.

"Si tu peux encore rire lorsque tu te sens complètement brisée, alors plus rien ne peut te briser désormais.

Auteur inconnu"


"N’importe qui peut abandonner, c’est la chose la plus facile à faire, mais tenir le coup lorsqu’il serait compréhensible de tout laisser tomber, voilà la vraie force.

Marilou Addison, Onde de choc 13 "


- Je peux toujours les jeter ou les donner si tu veux.

- Non, Femi. Je les garde.

- Bon choix, mon amour ! Tu vois, Rita vient de confirmer ce que je te rappelle souvent : Tu es une femme forte. Tu es un tel roseau qui plie mais ne rompt pas ! Tu en es convaincue maintenant ? conclut-il en me souriant.

Je hoche timidement la tête en lui souriant en retour.



*******

Quelques jours plus tard

Aurore AMOUSSOU

Je stresse un tout petit peu en attendant que le bureau en face de moi s'ouvre. Enfin, la porte s'ouvre. J'inspire profondément.


- Bonjour Aurore ! Ça fait un bail, dis donc ! J'ai bien été étonné quand on m'a annoncé ta visite.

Steve est resté élégant, comme toujours. Mais je le trouve moins beau. Peut-être est-ce parce que seul Femi remporte tous les Oscars de beauté à mes yeux !

- Bonjour Steve ! Je peux entrer ?

- Je m'apprêtais à sortir, mais puisque tu es là, entre.

Il ferme la porte mais demeure là.

C'est clair, je ne suis pas la bienvenue.  

 - Je suppose que tu es là pour m'inviter à ton mariage avec ton maitre-nageur qui joue au DAF maintenant ?

C'est fou le rythme auquel ce genre de nouvelles se propage !

- Ou bien tu as des doutes ! Tu voudrais te remettre avec moi, c'est ça ?

Je l'écoute sans dire mot. Quel idiot !

- Si c'est le cas, sache que depuis quelques années, je suis en couple avec une gazelle aux belles jambes​.

Son commentaire déplacé ne m'affecte pas. Je souris en sa direction.

- Je n'ai nullement l'intention de retourner avec toi. J'aime mon maitre-nageur et je suis très heureuse avec lui.

- Alors si tu n'as rien d'autre à me dire, tu peux t'en aller.

J'ai bien envie de partir, mais je décide de rester. Après l'évènement avec Rita, j'ai jugé approprié de faire la paix avec mon passé. Et Steve en fait partie. Voilà donc pourquoi je suis là aujourd'hui. Ça n'a pas été facile de convaincre Femi, mais il a fini par accepter ma décision.  

- Ecoute Steve. Nous ne nous sommes pas quittés en de bons termes. Je tiens à te dire que je te pardonne pour tout le mal que tu m'as fait. Je tiens aussi à te remercier pour tous ces moments de bonheur que nous avons partagés ensemble. Tu as été le premier homme de ma vie et tu compteras toujours pour moi, même si mon cœur et mes pensées appartiennent désormais à quelqu'un d'autre.

Il continue de me fixer.

- Tu as fini, Aurore ?

Je demeure perplexe. Sa réaction m'étonne.

- Oui, dis-je bien que n'ayant pas fini.

Il ouvre la porte.

- Je te remercie pour ta visite, mais là j'ai des responsabilités qui m'incombent. Ce n'est pas tout le monde qui flâne allègrement les jours ouvrables. Ici, on travaille.


Je me demande pourquoi il fait autant le fier, autant l'important.

- Tu n'as pas à être désagréable, Steve. Il fallait juste me dire que ma présence t'incommodait. Je m'en vais. Bon travail, Steve !

- Oh j'oubliais, tu auras sans doute besoin de mon aide pour appuyer le bouton de l'ascenseur. Il doit bien être haut pour toi. Attends, je viens t'aider.


Quel sarcasme que le sien ! Je ne laisse pas ses mots m'atteindre. Je ne compte pas lui donner ce plaisir.

- Non, ce n'est pas la peine.


Nous sommes sur le seuil de la porte.

- Ah bon ! Tu comptes te lever pour le faire ou compter sur la pitié des passants ?

- Non, Steve. J'ai mieux. Regarde là-bas.

Il lève les yeux dans la direction que je lui indique et voit Femi qui lui fait un signe de la main en souriant.

La mine que Steve fait à l'instant m'arrache un large sourire.

Je décide d'en rajouter à sa peine.

- Au fait, Rita m'a écrit.

Il demeure figé sur le seuil du bureau.

- Elle m'a demandé pardon, même si en réalité elle m'a fait un bien fou en me débarrassant de toi. Elle vit bien sa vie aux États-Unis et semble très heureuse. Elle te passe le bonjour.

- Va au diable, Aurore ! ajoute-t-il en me foudroyant du regard, tandis que j'éclate de rire.

Il rentre précipitamment à l'intérieur de son bureau et ferme la porte.

Je n'avais pas prévu de lui parler de Rita, je n'avais pas prévu de le narguer ainsi. Mais il le mérite bien pour une fois.


Je rejoins Femi.

- Alors, ça a été ? demande-t-il en appuyant le bouton de l'ascenseur.

- Tu avais raison, Femi. Il est des gens qui ne changeront jamais. Aujourd'hui, je me rends compte à quel point Steve est imbu de sa personne. Il m'a bien caché cette personnalité pendant des années. J'ai longtemps cru que j'étais la seule à être égocentrique.

- Bah, il y a des gens qui ne montrent leur vrai visage que lorsque leurs intérêts sont menacés. C'est peut-être​ son cas. Et puis, peut-être qu'il t'en veut toujours de l'avoir laissé lui le banquier pour un simple maître-nageur.

Je souris. La porte de l'ascenseur s'ouvre. Nous entrons à l'intérieur.

- Si c'était à refaire, crois-moi, je le referai sans une once d'hésitation.

- Je suis ravi de l'entendre. Au fait, je peux savoir ce dont vous avez parlé ?

- Tu m'as promis de ne rien me demander à ce sujet. Ne me dis pas que tu es jaloux !

- Jaloux, moi, de cet type borné ? Pas du tout ! Je suis juste curieux.

- La curiosité est un bien vilain défaut, je te signale.

Il pouffe de rire.

- De toutes façons, ton coeur n'appartient et n'appartiendra qu'à moi.

- C'est tout à fait vrai, mon amour !

Il se rapproche de mon visage pour m'embrasser quand la porte de l'ascenseur s'ouvre sur nous. Une dizaine de personnes nous observent. J'ai honte, je baisse les yeux. Femi, quant à lui, reste imperturbable. Il sourit aux uns et aux autres qui le connaissent à la Banque, tout en poussant mon fauteuil vers la sortie.










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