Chapitre 52

Write by Auby88


"Ceux que le malheur n'abat point, il les instruit.

Auteur inconnu"


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Aurore AMOUSSOU


Demain, je me marie. Comme les jours passent vite ! (Sourire). Je stresse déjà, même si ce sera l'un des plus beaux jours de ma vie. Je me demande bien ce que Femi fait actuellement. Est-il chez lui ? Est-il autant anxieux que moi ? Je l'appellerai tout à l'heure pour prendre de ses nouvelles. Je l'ai vu hier, mais pour moi l'attente paraît une éternité. (Sourire )


Assise dans mon fauteuil roulant, là devant ma fenêtre, je fais le bilan de ma vie avant et après l'accident.

Dieu m'a comblée de tant de grâces. J'ai beaucoup de raisons de le remercier.


D'abord pour Oluwafemi AKONDE qu'il a mis sur mon chemin. Cet homme, au grand coeur et plein d'humilité, a su sécher mes larmes​ et voir en moi du positif quand je ne voyais que du négatif. C'est sûr, notre rencontre au Centre de rééducation n'était point un hasard, même si c'est mon envie de revoir Baï qui nous a surtout rapprochés. Tout ça était certainement écrit par le Divin.

A travers Oluwafemi, j'ai découvert l'amour vrai, j'ai appris que les classes sociales n'avaient pas d'importance et que tous les humains étaient égaux, j'ai compris le sens du pardon, j'ai cultivé la confiance et je me suis éloignée de l'égocentrisme.


Ensuite pour cette magnifique fille​, Arabella, qu'il m'a donné quand je me croyais stérile. Ce miracle — car pour moi, c'est bien un miracle  — m'a fait comprendre qu'il faut toujours garder espoir, ne serait-ce qu'un brin, même quand tout va mal, même quand on n'y croit plus.


Aussi pour ma maman que j'ai fait souffrir pendant tellement d'années mais qui n'a jamais cessé de m'aimer, de me soutenir ; pour la mère de Bella qui m'a pardonné et qui semble avoir trouvé des raisons de vivre, d'espérer et d'être heureuse. Aujourd'hui, je sais combien c'est important de respecter les aînés et surtout ses parents. Aujourd'hui, je sais ce que signifie le mot Patience.


En outre pour … (soupir) Rita et Steve, qui à travers leurs actes, m'ont aidée à être plus forte. Parfois, je me demande ce qu'aurait été ma vie avec Steve. Sûrement fade, fausse et remplie de tromperies. Il m'aurait peut-être épousée par dépit et j'aurais passé des nuits d'insomnie à force d'attendre un mari toujours absent ou j'aurais subi des humiliations verbales. C'est sûr, le chagrin m'aurait finalement tuée. On m'aurait retrouvée morte dans ma chambre.

" A quelque chose, malheur est bon" dit-on. Je n'en doute pas. J'ai souffert de ma rupture​ avec Steve, mais le perdre pour gagner Femi a été la plus belle chose qui me soit arrivée.


Enfin pour toutes ces merveilleuses personnes qui remplissent ma vie de bonheur : Paula, Sandrine et Laura mes amies françaises, Baï, Fifa, Victoire, Olayinka et Fumilayo dont je me suis plus rapprochée ces derniers jours, les ouvrières de l'atelier …


Toutes ces valeurs que je cultive aujourd'hui, je compte les inculquer à Arabella ainsi qu'aux autres enfants que j'espère avoir avec Femi. Pour le moment, mes tests de grossesse sont toujours négatifs mais je ne désespère pas. Je ne m'en fais pas non plus. Et Femi encore moins. Au moins, nous avons Arabella qui nous comble déjà de tant de bonheur !


Ma relation avec ma belle-mère a un tout petit peu évolué. Elle ne m'accepte pas vraiment, mais reste moins hostile envers moi. Elle ne m'a plus jamais traitée d'infirme ou d'autre mot péjoratif. C'est déjà bien.(Sourire)


Au fait, j'ai récemment assisté à des réunions d'une association de personnes vivants avec un handicap. Et je m'intéresse de plus près aux activités d'Equilibre Bénin, qui oeuvre entre autres pour l'insertion des personnes handicapées.

J'avoue que j'ai beaucoup hésité à m'afficher, mais ce serait égoïste de rester dans mon coin, de ne pas partager mon expérience ou de ne pas découvrir le quotidien de toutes ces personnes qui ont des similitudes avec moi.

Peu d'entre eux ont la chance que j'ai d'être née dans une famille où les soucis d'argent n'existent pas.


Vivre avec un handicap, je le rappelle, c'est vraiment dur : discrimination pour l'accès au travail, regard de la société sur soi, difficulté à trouver un partenaire, ou avoir une relation durable voire se marier, difficultés à enfanter… En bref, il est difficile d'avoir une vie normale.

Dans de telles conditions, beaucoup se laissent tenter par l'oisiveté et deviennent des mendiants. Ce qui est bien dommage, car comme le disent l'artiste ivoirien Ismael Isaac et notre regrettée compatriote Zouley Sangaré dans leur chanson LÈVE-TOI, BOUGE-TOI :

" (...) Etre handicapé n’est pas une fatalité. Quand on a un cerveau pour penser, on peut faire beaucoup de choses… Lève-toi, bouge-toi, n’attends pas que ça vienne du Ciel… Si je peux, tu peux aussi (...). Ce n’est pas toujours évident d’attendre un geste de compassion, dis NON à la mendicité. Ne laisse pas l'oisiveté te paralyser (…)"


Je soupire longuement avant de me replonger dans mes pensées.


Est-ce qu'un jour, je marcherai ? Peut-être que oui avec l'avancée de la science. Mais ce sera artificiellement, avec l'aide d'appareils et après une longue et intensive rééducation. Mais je ne me sens pas encore prête pour affronter tout cela. Pour le moment, je profite de la vie et de tout ce qu'elle a à m'offrir. Je suis si heureuse.


Au fait, j'envisage recommencer à conduire. Femi m'avait proposé à maintes reprises de m'acheter une voiture adaptée, mais j'ai toujours refusé. Parce que j'avais trop peur de revivre l'accident encore et encore. Mais finalement, je me suis décidée. Aller de l'avant, c'est aussi vaincre mes peurs...


Quelqu'un toque contre ma porte. Je sursaute, revenant à la réalité.

- C'est qui ?

- C'est nous.

Je souris. Ce sont Sandrine et Laura. Elles sont arrivées hier et logent chez moi. Nous sommes encore là à parler quand Paula fait son apparition.

- Salut Paula, viens que je te présente …

- Ce n'est pas la peine, Aurore. On se connait ! m'informe Laura.

- Ah bon ! m'étonne-je.

- Bien sûr, Aurore ! renchérit Sandrine.

- Les demoiselles d'honneur ne vont quand-même pas te livrer tous leurs secrets ! ajoute Paula.

- Qu'est-ce vous mijotez ?

- Bouche cousue. La curiosité est un vilain défaut ! me rappelle Sandrine.

- Ok, je n'insiste pas.

- Au fait, t'as prévu quelque chose pour ce soir ?

- Non, Laura. Je prévois me coucher tôt pour être bien fraîche demain.

Elles se regardent. Elles complotent dans mon dos, c'est sûr !

- Attendez, ne me dites pas que …

- Si, si, si.

- Je ne veux surtout pas d'un enterrement de vie de jeune fille !

Elles parlent toutes à la fois.

- Et pourquoi pas ? C'est la dernière occasion que tu as pour t'éclater à fond avant de te "mettre la corde au cou" !

- Vous voulez dire m'éclater devant un mec qui me fera un spectacle de strip-tease ?

- Oui, t'imagine ? Rien que pour toi !

- Ça n'a jamais été ton fantasme ?

- T'es pas un peu tentée ?


- Un petit peu, oui, Paula ! Mais qu'est-ce je raconte ? Vous voyez ce que vous me faites dire ? Éloignez-vous de moi ! Arrière ! achève-je en riant.


Elles se moquent de moi à n'en plus finir. Mon téléphone sonne.

- Chut, c'est Femi.

- Allez, décroche !

- Mets sur haut-parleurs, qu'on entende vos petits mots d'amour.

Je secoue fortement la tête en direction de Laura.

- Bande de curieuses !

Elles viennent toutes trois se coller à moi.

Je décroche.

- Bonjour mon cœur, commence Femi.

Elles murmurent, je ne sais quoi, près de moi.

- Bonjour mon amour, réplique-je toute intimidée.

Je remarque Sandrine qui dessine un coeur imaginaire avec ses doigts. Elles me déconcentrent vraiment. Je leur fais un signe de la main, pour qu'elles s'éloignent. Mais rien. Peine perdue.


- Tu n'es pas seule, on dirait. J'ai cru entendre la voix de Paula.

- C'est exact, Femi ! avoue-je. Elle est ici avec Sandrine et Laura.

Il souhaite leur parler, alors je mets le téléphone sur haut-parleurs.

- Sandrine et Laura, bonsoir à vous ! J'espère que vous prenez bien soin de ma promise !

- Oui, Beau !

- Et moi, intervient Paula, on ne me salue pas ?

- Qui te connait, toi ?

- Femi, t'es pas gentil avec Paula !

- Aurore, faut laisser. On se connait. Au fait, j'espère que tes demoiselles d'honneur ne prévoient pas t'organiser un enterrement de vie de jeune fille hein !

- Eh bien ...

- Aurore ! tonne-t-il.

Nous éclatons de rire.

- Je suis sérieux, Aurore ! Je n'ai pas envie qu'un gigolo oisif vienne se dévêtir devant ma femme. Je te rappelle que tu ne dois avoir d'yeux que pour moi ! Et puis, on est en Afrique ici, pas en Europe ! Vous m'avez toutes bien entendu ?

Laura et Sandrine continuent de rire.

- Tu cries pourquoi même ! intervient Paula. La go t'est tellement fidèle qu'elle ne veut se permettre ne serait-ce un minime écart, et toi tu es là à t'égosiller !

- C'est pour cela que je t'aime, Aurore ! me réaffirme Femi.

- Tu parles comme si toi tu ne comptais pas sortir !

- Paula ! rétorque Femi.

- C'est bon, je ne dis plus rien. D'ailleurs, on t'a assez entendu aujourd'hui !

- Ok, je vous laisse. Une dernière chose, Aurore.

- Je t'écoute, Femi.

- Veille à ne pas ressembler à un clown demain, comme beaucoup de mariées surmaquillées, sinon je dirai NON devant le prêtre et l'assemblée sans sourciller. Et tu sais que j'en suis bien capable !

Nous nous exclamons en choeur :

- Femi !

- Il n'y a que toi pour dire de pareilles sottises ! reprend Paula.

- Oui, c'est ça ! A bon entendeur, demi-mot ! Bonne nuit à vous chères dames. Paula raccroche !

Laura et Sandrine se tordent de rire à n'en plus finir. C'est sûr, Femi et Paula ont raté leurs vocations professionnelles. Ils se devaient d'être des comédiens ! (Rire)



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Le lendemain


Femi AKONDE


- Femi, c'est à moi de m'occuper de toi aujourd'hui et non cet étranger !

J'évite de regarder le DG. La médisance de ma mère a dépassé les frontières béninoises !

- Maman, je te rappelle que cet homme est mon boss. Ne lui parle pas pas ainsi !

Maman est "irrécupérable". J'ai vraiment honte devant cet homme qui s'est spontanément proposé de m'aider aujourd'hui. En principe, c'est aux garçons d'honneur que ce rôle revient. Mais je n'ai pas d'amis véritables qui pourraient jouer ce rôle​. Et puis 8 demoiselles d'honneur rien que pour la mariée, ça suffit largement pour s'occuper du marié, si nécessaire.


-J'ai toujours dit ce que je pensais, continue maman. D'ailleurs, ta fiancée ne te correspond du tout pas ! Mais bon, qu'est-ce que je peux bien y faire si tu es aussi dur d'oreille ?


Mieux vaut ne pas répondre à ce commentaire déplacé.


- Maman, laisse-nous entre hommes et va t'habiller ! Rappelle-toi que c'est à tes bras que j'entrerai dans l'Eglise !

- Mais mon fils, je n'ai pas fini de …

Je ne la laisse pas terminer sa phrase. Je la prends doucement par le bras et l'entraîne vers la sortie. Ensuite, je ferme la porte à clé.

- Je m'excuse, DG.

- Ne t'en fais pas, Femi. Allez, poursuivons.

Je hoche la tête et continue de m'apprêter pour la cérémonie religieuse qui aura lieu tout à l'heure ; le mariage civil et celui traditionnel ayant été célébrés des jours plus tôt dans l'intimité familiale.


Monsieur Markus Müller, que j'appelle beaucoup plus DG, représente une figure paternelle, un mentor, un modèle pour moi. J'admire sa gentillesse autant que sa fermeté à mon égard. Et particulièrement sa

sa simplicité, car contrairement à d'autres chefs d'entreprises, il ne s'égosille, ne joue ni au puissant supérieur, ni au riche. C'est une vraie grâce pour moi d'avoir intégré son entreprise.


Paula aurait bien voulu être ici avec moi, mais je l'ai convaincue de rester entre filles là-bas chez les AMOUSSOU. Parce que la connaissant, on va encore finir par se chamailler. Je souris rien qu'en pensant à elle. Ma Paula, je l'adore malgré tout. Je suis vraiment chanceux d'avoir rencontré une amie aussi altruiste, aussi vraie, aussi désintéressée qu'elle et je ne compte pas la perdre. Pour rien au monde. Heureusement qu'Aurore est une femme compréhensive sinon, tchié, façon femme peut être jalouse de l'amie de son homme, on se serait disputés depuis à cause de Paula !


* *

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- Voilà, fiston ! Ton noeud papillon est bien ajusté. Mire-toi ! Tu aimes le résultat ?

Je me regarde dans le miroir et suis plus que satisfait par mon apparence.  Le smoking blanc à bords noirs, enfoncé dans un pantalon noir, me va à ravir.

- J'adore. Encore merci DG pour ce cadeau.

- Bah ! Tu n'as pas à le mentionner. Tu es comme un fils pour moi ! J'ajoute un dernier détail, ta boutonnière en fleur. Voilà, c'est parfait !

- Merci, DG

- Je t'en prie. Continue de te mirer. Je reviens.


Il quitte la chambre pour revenir quelques minutes plus tard.

- Je suis là.

Dans ses mains, je remarque une bouteille de champagne et deux coupes.

- Du champagne ! Pour … ? m'enquiers-je.

- Aujourd'hui c'est ton jour, mon petit. C'est un moment unique et tu dois le célebrer en frimant correctement.

J'écarquille les yeux.

- Mais quoi Femi ? Moi aussi j'ai été jeune ! D'ailleurs, je le suis toujours. Arrête de faire cette tête !

- Je ne devrais pas boire avant la cérémonie !

- Allez ! Fais-moi plaisir !

- D'accord, mais je ne prendrai qu'une moitié de coupe.

- Je ne comptais pas t'en faire boire plus. Je n'ai pas envie d'avoir ta mère sur le dos !

En parlant, il ouvre grand les yeux ! Je pouffe de rire.

- Je vais chercher le vidéaste/photographe. Il faut qu'on immortalise tout ça !


* *

 *


- Messieurs, c'est parti. Cadrez bien tout cela. Allez, Femi, fais le beau, ouvre bien la veste, tourne sur toi-même. Montre bien tes chaussures et surtout souris beaucoup. Il faut qu'Aurore soit encore plus amoureuse de toi en voyant plus tard la vidéo !


Tels sont les mots que mon DG m'adresse. Je m'exécute sans dire mot, même si son attitude m'étonne encore !


Il fait péter le bouchon du champagne et me sert. Ensuite, très à l'aise devant la caméra, je le vois faroter sur un air imaginaire de coupé-décalé. Qui l'aurait dit ! Qui l'aurait cru ! Si Paula ou d'autres collègues étaient ici, ils tomberaient des nues en voyant notre DG. Je suis tellement stupéfait que je reste là, bouche bée, à le regarder. J'espère que cette séquence, où je suis tant hébété, ne sortira pas dans notre film de mariage. Je le dirai tout à l'heure au vidéaste. Sinon Aurore et Paula vont trop se moquer de moi.

- Tu attends quoi Femi ? La caméra tourne.

Je sors de ma torpeur et imite DG. Finalement, je suis emballé. Je n'ai même plus envie d'arrêter de faroter. (Rire).




SECONDE CHANCE