Chapitre 52

Write by Myss StaDou

Chapitre 52


Je guette les deux hommes en face de moi. Leur attitude est trop étrange. Je ne veux plus de nouvelles choquantes où je suis là. Je n’en peux plus ! Nous nous dirigeons vers la maison de ses parents. Une fois arrivés, il prend des chaises au salon et nous installe dans un coin de la véranda. Ses parents sont dans leur chambre et les autres membres de la maison sont occupés ça et là. Nous nous asseyons et nous regardons en silence. Je sens déjà le stress monter en moi. Je n’aime pas tellement le suspense. J’ai eu ma dose de palpitations ces jours ! Après tout cela, même du ver de terre, j’aurais peur.

 

− Parle ! Je t’écoute.

 

Stéphane tousse un peu, tuant de ce fait les trois chats qu’il avait dans la gorge avant de prendre la parole de manière un peu trop solennelle, à mon avis :

 

− C’est à propos de jeudi. En fait, ce qui s’est passé chez vous.

 

Je soupire d’agacement.

 

− Ok. Qu’y a-t-il à ce propos ?

− Bref, il y a une situation qui s’est présentée. Tu te souviens que nous nous sommes croisés sur le chemin vers la route, quand tu allais prendre ton taxi et après t’avoir parlé, je suis allé dans votre maison.

− Oui. Tu allais arranger le portrait à Victor pour moi, dis-je en souriant. Merci.

− Ce n’était pas vraiment mon intention à la base, dit-il avec embarras. Dans tes délires –  désolé mais tu délirais un peu à cause du choc – tu as dit quelque chose qui met un mec du dehors comme moi en alerte.

− De quoi parles-tu ? Qu’ai-je dit de mal ?

− Tu as dit que quand tu parlais à Victor, il ne répondait pas. Il ne bougeait presque pas. C’est ça ? 

− Oui. Et puis quoi ?

− Ça m’a rappelé une situation qui se déroule très souvent quand on sort dans des milieux qu’on ne maitrise pas. Même en Europe, c’est un phénomène assez courant chez les hommes comme chez les femmes. Voir une personne qui ne réagit pas, surtout comme dans ton cas de figure, ton mec et ta sœur en flagrant délit, c’est qu’il y a un problème. Un homme qui t’aime comme tu le dis, faire une chose pareille et ne pas chercher à se faire pardonner ? Ce n’est pas simple.

− C’est évident, c’est la pure sorcellerie ! Comment voulais-tu que ce soit ?

− J’ai pensé à une seule chose : Il a dû avoir été drogué !

− Drogué comment ? demandé-je avant de tchiper. N’importe quoi ! Comme c’est un homme comme toi, tu veux le couvrir ?

 

Stéphane me regarde sans mot dire. Je me lève lentement de ma chaise pour lu faire face.

 

− C’est ça, n’est ce pas? Eh j’avais dit! Voilà donc mon nouveau frère !

− Calme-toi et écoute-moi d’abord.

− Désolée, tu ne dis rien de bon ! Et sa voiture et lui ont volé pour arriver jusqu’ici ? Pardon !

− Justement. Ça a dû se faire dans votre maison.

− Hum !

 

Le téléphone de Junior se met à sonner. Il s’excuse et sort hors du portail pour aller répondre à son coup de fil. Je me retourne alors vers Stéphane qui s’était levé et avait pris ma main et me fait signe du regard de me rasseoir.

 

− Dans tous les cas, arrivé chez vous, j’ai essayé de m’orienter et de trouver ta chambre. En entrant, j’ai trouvé ta sœur assise sur un homme, que j’ai compris être le fameux Victor. Il est évident qu’elle a été surprise de me voir. Mais à part pousser un cri de surprise et de couvrir sa poitrine de ses mains, elle n’a pas bougé à ma vue.

 

Je pousse un rire narquois. Son histoire est à dormir debout.

 

− J’ai appelé le gars « Victor Victor », plusieurs fois. Il n’a pas réagi. Là, j’ai su qu’il y avait un problème !

− Hein ? Qu… Quoi ? demandé-je en bégayant.

− Je me suis alors approché et j’ai soulevé ta sœur du corps de ton mec. Il n’a eu aucune réaction. Ses yeux étaient fermés comme s’il dormait profondément.

− Oh mon Dieu !

− J’ai essayé de le secouer, l’appeler. Rien. Le mec était K.O. de chez K.O quoi.

− Et Carole ? demandé-je, apeurée.

− Je ne m’occupais pas vraiment de ce qu’elle faisait. Mais elle a dû s’habiller et sortir car j’ai juste entendu la porte de la chambre claquer à un moment et en me retournant elle avait disparu.

− Mama eh… C’est le film ou quoi ? Qu’est-ce que tu me racontes de la sorte ?

− Je ne sais pas le nombre de temps que je suis resté au chevet de ce gars. J’ai essayé de lui verser un peu d’eau sur le visage, j’ai trempé un vêtement que j’ai trouvé dans une armoire dans de l’eau et je l’ai posé sur lui. Rien ! J’ai failli commencer à paniquer. Je suis sorti rapidement pour te retrouver dans la rue, mais tu n’étais pas là…

− J’avais déjà pris mon taxi pour l’agence, avoué-je honteusement.

− C’est ce que j’ai compris. J’ai donc porté ton Victor là jusqu’à la douche, voulant lui verser un peu d’eau. Mais je me suis rendue compte que c’était une manœuvre compliquée sans baignoire.

− Hum… mince !

− À un moment, j’ai entendu un bruit de pas dans la maison. Une voix de femme que je ne connaissais pas. Elle appelait Victor. J’ai porté Victor vers le salon et j’y ai trouvé une jeune femme qui a crié et s’est rué vers lui.

 

Je commence déjà à paniquer à l’écoute de ce que Stéphane me révèle. La situation est bien plus compliquée que je ne le pense.

 

− Une femme ? Qui était-ce ? T’a-t-elle dit son nom ?

− Si. Après qu’elle ait pu se calmer car elle s’est mise à pleurer. Elle a dit qu’elle s’appelait Jeanne.

− C’est la cousine de Victor. Nous allons à la Fac ensemble.

− Je comprends mieux.

− Et après ? demandé-je impatiemment.

− Après tout est allé vite. Elle était complètement alarmée et je lui ai expliqué ce qu’il s’est passé. Enfin ce que je croyais être passé.

 

− Ok.

− Elle a dit qu’il fallait que Victor sorte de la maison avant que les parents ne rentrent. Elle m’a demandé si je conduisais pour ramener Victor jusqu’à chez lui et le coucher. Pour qu’il puisse se réveiller en douceur.

− Hein ? Et qu’as-tu dit ?

− J’allais dire quoi à part accepter ? Nul ne sait vraiment ce qui s’est déroulé dans cette maison à part Victor et Carole. Carole ayant fui, Victor étant dans les pommes, il nous fallait attendre.

 

Je  suis ébahie.

 

− Avec La jeune femme – Jeanne – nous avons fouillé les affaires de Victor et nous avons trouvé la clé de sa voiture. J’ai porté Victor et je l’ai mis dans sa voiture. J’ai couru à la maison prendre mon portemonnaie et j’ai conduit vers une maison en ville sous les indications de Jeanne.

− Il ne s’est pas réveillé avec tout ça ? 

− Non. Il était trop loin. Arrivés chez lui, j’ai aidé Jeanne à l’installer sur le lit et je suis parti.

− L’enfant d’autrui… C’est tout ? Tu n’en sais pas plus ?

 

Stéphane secoue la tête négativement.

 

− Cette histoire me dépasse. Je…

 

Soudain la porte d’entrée de la maison s’ouvre et la tête de Maman Pauline apparaît à travers le rideau. Quand elle me voit, elle sourit :

 

− Eh ma fille, tu es là ?

− Oui la mère. Bonsoir.

 

Je me lève pour aller la saluer. Elle sourit et me prend dans ses bras pour me faire une accolade chaleureuse.

 

− Bonsoir. Ça va, ma fille ? Et tes parents ?

− Oui, Tantine, ça va. Mes parents se portent bien.

− Et l’école ?                                                             

− Ça se passe bien. Nous sommes justement en pleine composition en ce moment.

− C’est bien ça ! dit-elle fièrement. Il faut bien t’appliquer. C’est gentil que tu aies le temps de venir voir Stéphane. Tu es une bonne femme.

− Merci tantine.

 

La façon dont cette mère est gentille comme ça, j’imagine qu’elle est déjà en train de tracer des terribles projets pour son fils et moi. Si seulement elle pouvait savoir… Je regarde cette femme et je souris. Cette maman est assez cool, mieux que celle de Victor dans tous les cas. Mais pardon, on ne choisit pas sa belle-mère… À cette heure, il n’y a pas de place pour son fils et leur famille dans ma vie !

 

− Je ne vais pas vous déranger plus longtemps dans vos trucs de jeunes. Je passais au salon et j’ai entendu des éclats de voix dehors. Quand j’ai demandé on m’a dit que c’est Stéphane qui avait de la visite. Et je voulais voir qui c’était.

− Je comprends.

− Il faut saluer ta mère. Dis-lui que je vais passer la voir le week-end pour qu’on discute.

− Ok, Tantine. Je vais lui dire.

− Bonne nuit.

− Bonne nuit Tantine.

 

La façon dont cette femme veut parler avec ma mère, c’est pour lui dire quoi ? Ça les regarde là-bas ! J’ai un autre mystère ici à résoudre. Dès que j’estime que la mère de Stéphane est assez loin pour ne pas m’entendre si je parle, je me lève :

 

− Stéphane, il faut que je parte. Je dois trouver un moyen d’avoir des nouvelles de Victor. Il faut qu’il m’explique lui-même ce qui s’est passé l’autre jour.

− Ok, je comprends. J’espère juste qu’il va mieux.

− Il faut que j’appelle Jeanne. Peut-être pourra-t-elle mieux m’éclairer ? Toute cette histoire est louche et trouble. Je n’arrive pas à saisir le noyau du problème… C’est plus sage que je prenne de la distance. Je ne sais même pas comment gérer avec ta mère. Mai sincèrement, je n’aimerais pas qu’elle se fasse trop d’idées. Je ne veux pas que cette histoire de couverture aille trop loin. J’ai assez de problèmes dans ma vie comme ça.

− Je comprends.

− Ne le prends surtout pas mal. Je n’ai rien contre elle. Mais mon cœur est pris, même si je ne sais pas vraiment par qui… Je pars. C’est bon pour aujourd’hui.

− Ok. Viens alors je te raccompagne chez toi.

 

Nous sortons du portail. Pas loin de là, Junior faisait le beau sur un poteau électrique en répondant à son coup de fil. Il nous fait signe qu’il nous suit. Arrivés devant le portail, je me tourne vers Stéphane et lui prends les mains :

 

− Merci. Merci du fond du cœur pour ce que tu as fait. Je n’ai pas les mots pour… m’interromps-je en éclatant en sanglots.

− Ça va  aller, ne pleures pas. Tout ça est sûrement très lourd à porter pour toi. Garde la tete haute et ça va  aller. Ok ?

− Ok. Merci hein. Bonne nuit.

− Bonne nuit, Nicole.

 

Je rentre dans la maison en pensant à toutes les révélations de Stéphane. Cet homme est quelqu’un de bien, un vrai joyau. Je fonce dans ma chambre pour récupérer le chargeur de mon téléphone. Une fois rentrée dans la chambre de Junior, je fouille mon téléphone dans mon sac à main et le met à la charge. Je tourne en rond au milieu de la chambre durant quelques minutes. Le temps que le téléphone puisse au moins charger pour passer un appel court. Je l’allume et compose le numéro de Jeanne. Ça sonne plusieurs fois sans qu’elle ne décroche. J’attends et je rappelle. Après quatre sonneries, elle décroche :

 

− Allô ?

− Allô Jeanne, c’est moi.

− Et puis ?! Tu ne m’insultes plus ?

− Jeanne, pardon. Écoute-moi…

− Je n’ai pas le temps ! hurle-t-elle. Je suis en route et je ne veux pas qu’on arrache mon téléphone. Bye !

 

Crac. Hein ? Elle a raccroché ! Mince... La honte ! C’est toujours la colère comme ça ?   Qui m’a alors dit de me fâcher contre elle l’autre jour ? La colère est très mauvaise conseillère.  Elle n’était pour rien dans cette histoire et je lui ai mal parlé au téléphone. Victor… Oui, que j’essaie  de l’appeler lui-même. J’essaie  plusieurs fois durant la soirée. Mais je tombe toujours sur le répondeur et cela me fait peur. Mama eh, qu’est-il à l’enfant d’autrui ? J’espère que ma sœur ne l’a pas tué !

 

Je ne cesse de ressasser ce que Stéphane m’a dit à propos de jeudi. J’essaie  dans ma tête de reconstituer toute la scène. Mais je n’arrive pas à comprendre ce que Victor cherchait chez nous. Lui et Carole se voyaient- ils vraiment en cachette depuis derrière mon dos ? Était-ce leur première rencontre et Carole l’avait piégé ? Ou bien était-ce un plan pour me dégouter de lui ?

 

Les réflexions manquent de faire fumer mon cerveau. Je tourne sur le lit d’innombrables fois. J’essaie en vain d’appeler Victor.  Je n’essaie plus de rappeler Jeanne. Ça ne servirait à rien. À sa précédente réaction, elle me raccrocherait juste au nez. Le mieux est que j’essaie  de lui parler au plus vite ; de préférence avant les cours demain. Je m’endors ce soir-là dans un coin du lit, plus par fatigue que toute autre chose. Je mets mon réveil pour 5h du matin.

 

Quand mon téléphone sonne le matin, j’entends Junior, qui dormait par terre sur un matelas, grogné en protestation. Je me lève rapidement pour aller prendre des affaires dans ma chambre – vide car Carole était portée disparue – et aller rapidement me doucher. Je m’habille d’un T-shirt rose et un jeans noir avec des ballerines aux pieds. Le temps d’apprêter mon sac pour la journée… Oui, j’ai un examen en début d’après-midi et je suis en route. Les rues sont encore un peu désertes à cette heure de la matinée, mais je n’y prête pas trop attention. Il faut que je parle à Jeanne !

 

Il est presque 7h du matin quand je frappe à la porte de la chambre de Jeanne à Soa. Ce n’est qu’après quelques minutes et beaucoup d’insistance que Jeanne vient ouvrir, le visage encore bien ensommeillé.

 

− Bonjour, Jeanne, dis-je avec douceur.

− Quoi ?! demande-t-elle sèchement. Qu’est-ce que tu viens chercher ici ?

− Je t’en prie, excuse-moi. Pardon, écoute-moi d’abord. Où est Victor ? Je n’arrive pas à le joindre.

− À qui demandes-tu ?

− S’il te plaît, Jeanne.

− Quoi ? La dernière fois que j’ai posé les yeux sur lui, c’est quand Maman l’emmenait à l’hôpital.

− Ho…Hôpital ?

 

Victor est à l’hôpital ?

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