Chapitre 53

Write by Myss StaDou

Chapitre 53


Je regarde Jeanne comme si elle parlait une langue que je ne comprenais pas. Mon cerveau a vraiment du mal à digérer l’information qu’elle vient de me balancer dans la colère.

 

− Pardon ? demandé-je d’une voix tremblante Tu as dit que Victor est à l’hôpital ?

− Tu m’as bien entendu ! Ou bien tes oreilles sont bouchées ?

− Excuse-moi. C’est que je ne m’attendais pas ça.

− Comme tu m’as savamment répondu l’autre jour… Je m’en fous de ce que tu attendais !

 

Elle me claque la porte au nez avant que j’ai le temps de faire le moindre mouvement. « Mince, Ngono qu’as-tu fait ? » En quelques mots, j’ai réussi à blesser et vexer une femme qui est mon amie depuis des années. Trop de choses étaient en jeu et Jeanne est la seule personne qui peut m’éclairer sur cette histoire. Je m’approche de la porte et me met à frapper comme une folle, suppliant jeanne de m’ouvrir et de me pardonner. Je sais que ce n’est pas une fille rancunière de nature. Je prie sincèrement qu’elle ait une petite voix dans son cœur qui lui murmurera de me pardonner.

 

Tout ça me vexe et me stresse tellement que je commence même à sangloter en cognant. J’ai peur et franchement peur que quelque chose de grave ne soit arrivé à Victor. Dans un geste vif, Jeanne ouvre la porte ce qui me fait presque tomber à l’intérieur de la chambre. Elle me regarde sans un geste ni mot dire devant mon état :

 

− S’il te plaît, Jeanne, ne sois pas vexée. Je suis désolée pour ce que je t’ai dit l’autre jour au téléphone.

− Hum !

− Je ne voulais pas te blesser. J’étais terriblement choquée et blessée par ce que je venais de voir.

 

Elle me toise.

 

− Ne ferme pas ton cœur, je t’en prie. C’est moi, Nicole. Mets-toi à ma place, ma chérie. J’étais blessée…

− Je pensais être ton amie, murmure-t-elle. Pourquoi ne m’as-tu pas tout simplement parlé sans vouloir te défouler sur moi ?

 

Je baisse les yeux, honteuse :

 

− Tu sais, c’est difficile de vivre une trahison pareille, ma sœur et mon homme. J’ai failli devenir folle en quelques secondes. Mais bizarrement j’avais besoin de te parler.

 

Elle ne dit rien. Mais je savais déjà que j’avais son attention.

 

− Jeanne, s’il te plait. J’ai besoin de ton aide. Je suis sans nouvelle de Victor depuis ce jour-là.

− Mais où étais tu ? Tu l’as laissé…

− Tu ne m’écoutes pas ? Je t’ai dit au téléphone que je partais loin de tout ça. Nous nous sommes  séparés ce jour-là à CAMAIR. Tu savais pourtant que je devais aller à Douala.

− Et alors ?

− Après ce que j’ai vu, j’ai précipité mon voyage. J’ai pris la route pour Douala par le premier bus que j’ai trouvé.

− Et tu as laissé Victor là-bas ? demande-t-elle, ébahie.

− Je ne pouvais pas imaginer ce qui se passait. Dans ce genre de situation, le cerveau prend du repos et se met en mode d’auto-défense. J’ai vu mon voisin hier que j’ai croisé en allant prendre le taxi ce jour-là, et il m’a dit qu’il t’a aidé à ramener Victor chez lui. Mais je n’arrive pas à l’avoir au téléphone depuis.

− Entre-temps, tu ne l’as pas appelé ?

− Désolée d’être crue… Avec ce qui s’est passé, je devais seulement l’insulter. Mais dans la précipitation, j’ai laissé mon chargeur et ma batterie s’est déchargée. J’ai profité pour essayer de prendre du recul et réfléchir à tout ça.

− Mais tu ne sais pas ce que tu as laissé derrière toi ? Mon frère aurait pu mourir dans tout ça !

− Je sais ça maintenant et j’en suis désolée. Je ne pouvais pas imaginer ce qui se passait réellement. Carole…

− Ta sœur ! Elle a failli tuer mon cousin, Nicole !

− Je suis vraiment désolée. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans sa tête. Mama, ma propre sœur… J’en ai encore la chair de poule. Mais s’il te plaît, ne t’arrête pas à cela. Aide-moi.

 

Elle me regarde avec d’œil méfiant. Depuis tout ce temps, j’étais toujours au milieu de la porte comme une mendiante. Qu’est-ce que je n’allais pas faire pour Victor ? Jeanne s’éloigne dans la chambre et va vers son armoire. Je l’avais vraisemblablement tirée du lit car elle était encore en nuisette :

 

− Entre, tu fermes ma porte ! Je ne veux pas faire le cinéma gratuit aux gens.

− Merci.

 

J’entre rapidement et referme la porte derrière moi. Jeanne revient vers moi alors que je tiens au milieu de la chambre et s’assied sur le lit. Je reste debout à la regarder, impatiente.

 

− Je ne suis pas du tout contente de ce qui s’est passé, dit-elle avec amertume. Quand je t’ai donné mon feu vert pour être avec mon frère, ce n’est pas pour que ta sœur et toi essayiez de le tuer.

− S’il te plait, ne le prends pas comme ça. Moi aussi j’ai failli me faire déchiqueter chez ta tante. J’ai été vexée. Mais c’est toi qui as arrangé l’affaire.

− Eh Victor !

− S’il te plait… Il est où ?

 

Jeanne secoue la tête, dépassée :

 

− Mama, je ne sais pas. Ton voisin m’a aidé à le ramener à la maison. Il dormait si profondément que j’ai moi aussi cru qu’elle lui a donné un léger somnifère pour le mettre KO et faire son show. Mais quand 20h m’a trouvé toujours à attendre qu’il se réveille, j’ai paniqué et j’ai appelé ma mère à l’aide.

− Eh Zamba !

 

Je viens m’asseoir prés d’elle et pose mon sac par terre.

 

− Maman m’a dit de l’attendre, qu’elle viendrait chercher Victor pour l’emmener dans un hôpital.

− Après ?

− Elle est arrivée assez vite avec un de mes cousins qui vit dans notre maison. Je ne sais pas où elle l’a emmené. Mais mon cousin et moi avons mis Victor dans la voiture de Maman et ils sont partis dans un hôpital.

− Hum… Tu n’as pas appelé ta tante ?

 

Jeanne roule des yeux :

 

− Pardon, avec ce qu’il s’était passé entre vous deux, je n’ai pas trouvé cela sage. Et Maman en arrivant m’a dit qu’elle n’était même pas dans le pays.

− Ok, je vois. Et entre-temps ?

 

Elle soulève ses épaules :

 

− Moi aussi, je m’étais déplacée. J’étais à Bandjoun (ville de l’Ouest-Cameroun) voir un oncle qui est gravement malade. Je devais lui remettre des médicaments et des papiers importants, car la famille veut qu’on l’évacue à l’étranger. Avec les problèmes de réseau, je n’ai pas été en contact avec ma mère. Quand tu m’appelais hier, j’étais encore à l’agence, sur le retour. C’est pour ça que je ne pouvais pas parler.

− Comment faire donc pour avoir de ses nouvelles ?

− Je pense qu’il va bien. Si son état avait empiré, c’est que Maman m’aurait dit. Peut-être ne sait il pas juste comment venir à toi après ce qui s’est passé.

− J’espère que ce n’est pas grave. Je vais dire quoi si quelque chose de grave lui est arrivé ?

− Ah, je ne sais pas. Votre histoire… Hum !

− Et moi qui croyais que le pire m’était arrivé à moi, dis-je tristement. Alors Victor était dans le même cas que moi.

− Que veux-tu dire par là ?

− Ah … Suite au choc que j’ai reçu ce jour-là, je me suis évanouie à l’agence à Douala. Josy m’a fait interner dans une clinique où ils ont passé la nuit à me surveiller. Mais ça va. C’était juste la fatigue et le choc.

− Ok. Je vois le genre.

 

Jeanne commence à s’activer dans la chambre pour se préparer pour la journée.

Je reste là silencieuse. Si je pouvais, je foncerais chez Victor pour avoir des nouvelles. Mais nous avons des examens dans la journée, donc pas moyen de faire l’école buissonnière. Même si cela me préoccupe, l’état de Victor devra attendre. Mais ce qui ne peut pas attendre, c’est mon ventre ! Le genre de faim qui me dérange, je ne sais pas si c’est un enfant que j’ai dans mon ventre ou un chef mangeur. Juste parce que je suis sortie sans manger, j’ai l’estomac qui se tord comme un jeans mouillé. Il faut que je mange au plus vite.

 

− Jeanne, tu as du pain ici chez toi ?

− Non. Comme je suis rentrée hier, je n’ai pas acheté le pain.

− Ok. Je vais donc aller acheter du pain chargé, le temps que tu te laves. Ainsi nous allons manger avant de partir.

− Ok. Si tu veux.

 

Je sors rapidement de la chambre en laissant mon sac de cours et en prenant juste mon portemonnaie.

 

Arrivée à la boutique pas loin de chez jeanne, je prends d’abord une brioche de 100Francs avec du chocolat. J’ai trop faim pour attendre. C’est donc ça être enceinte ? Mama, je ne veux pas exploser avec les kilos ! Je prends encore  deux pains entier pour le petit déjeuner. Jeanne a toujours le nécessaire (lait, cacao, sucre) chez elle. J’achète aussi des œufs pour des omelettes. Il faut que je mange bien, sinon je ne tiendrais pas la journée.

 

Une fois rentrée dans la chambre de jeanne, je fais les omelettes en apprêtant nos tasses de chocolat. Nous mangeons ensuite en révisant quelques aspects de nos cours. La pensée de Victor est toujours présente. J’évite dans parler pour ne pas remuer le couteau dans la plaie.

 

La journée se déroule ensuite dans accroc. Les examens n’étaient pas du tout aisés et j’en ressors avec les maux de tête. Il est un peu plus de 16h. L’heure de bureau est passée dans le public. Est-ce pareil au privé ? Je n’ai malheureusement pas le programme de travail de Victor et je sais qu’il travaille très souvent à l’extérieur. Il m’avait même dit quoi ? Bosse-t-il toujours à l’agence ? Voilà alors ce qui arrive quand on néglige les choses.

 

Le mieux est que j’essaie  de passer chez lui. Je me dépêche de prendre un ça pour CAMAIR, même comme nous trainons dans les embouteillages de l’Omnisport. Ou c’est la route ou c’est l’axe lourd qu’ils voulaient construire ici, je n’ai moi jamais compris cette histoire. La route est large, mais les conducteurs n’arrivent pas à circuler sans problèmes, parce que personne ne veut respecter le code de la route ou donner la priorité à l’autre. Je trouve ensuite un taxi pour Messa. Entre-temps, j’essaie encore de joindre Victor par téléphone, mais je ne tombe que sur sa messagerie. Zamba ! Cette affaire est-elle simple ? Peut-être cet homme m’a déjà classé… Et je vais faire comment pour m’excuser auprès de lui ? Et le bébé ? …

Je prie en route que rien ne lui soit arrivé. Que sa situation ait été aussi simple que la mienne. J’ai souvent vu dans les séries américaines qui passent à la télé que es médecins gardent les patients qui ont été drogué une nuit en observation au cas où. Donc il doit déjà être sorti depuis le week-end. Mais où est-il ?

 

Arrivé chez Victor, il est déjà 17h passées. Très souvent à cette heure, il a déjà fini le boulot. Je sonne et frappe à la porte, sans succès. Peut-être n’est il pas encore rentré ? Je vais attendre. Je m’adosse sur le mur avec la ferme intention de l’attendre jusqu’à ce qu’il rentre. Après plus d’une heure passée debout, je me résigne à descendre vers la route. La nuit commence à tomber. Je vais m’asseoir chez un Call-box (cabine téléphonique de rue) pour continuer à attendre. Ce n’est pas le genre de Victor de rester dehors tard. Je sais que s’il va bien, il rentrera bientôt.

 

Entre-temps, je grignote des croquettes vendues par la callboxeuse. La faim se fait si intense que je me résigne vers 20h à rentrer pour manger. Je veux bien attendre. Mais je ne suis pas dans un état normal pour combattre sans force. L’enfant qui grandit en moi absorbe beaucoup de mon énergie, pourtant il ne fait rien. Je traine dans les embouteillages et arrive bien tard dans mon quartier. Heureusement Essos est un quartier qui est très vivant la nuit. Je m’arrête chez une vendeuse de poisson et manger un bon maquereau. J’ai eu l’impression que j’allais seulement manger tout l’étal.

 

Arrivée à la maison, je ne trouve que ma mère qui dort sur le canapé au salon. Junior n’est pas dans la maison. J’essaie encore d’appeler Victor. Mais pas de succès. L’inquiétude me ronge foncièrement. Je ne comprends rien à cette histoire que ma sœur a causé. Je somnole en tenant mon téléphone bien en main au cas Victor m’appellerait. Quand il se met à vibrer, j’appuie sur l’écran en désordre sans même regarder l’identifiant.

 

− Allô ?

− Allô, ma chérie, dit Josy avec bonne humeur.

− Ah c’est toi, Josy.

− Oui, c’est comment ?

− Je suis là.

− Tu es bien rentrée ? Je n’ai pas pu t’appeler hier soir.

− Ce n’est pas grave. On a un peu trainé en route. Mais tout s’est bien passé.

− Et notre affaire ? Tout va bien ? demande-t-elle en parlant en code.

− Tu veux que ça aille où ma sœur ? Ça me traumatise ici en bonne et due forme.

− Assia, dit-elle en riant. Dans quelques mois, ce sera passé.

− Si j’arrive même là-bas !

− Ça veut dire quoi ? Tu n’as pas encore réglé la situation de l’autre jour ?

− Que je sais que mon gars est où, ma sœur ?

− Où comment ? Explique-moi.

 

Je lui raconte brièvement ce que Stéphane m’a dit et ma conversation avec Jeanne. Le fait que j’ai attendu chez lui durant des heures aussi.

 

− Ton histoire commence à me faire sérieusement peur, dit Josy. Et si le gars a décidé ne plus avoir de contact avec toi, comment vas-tu faire ?

− Je sais ?

− Si ce n’était que toi seule, ça pouvait aller. Mais avec ce que tu sais là…

− Josy ! Pardon, ne me fais pas plus peur. Je m’inquiète déjà assez ! Je ne sais même plus quoi faire, quoi penser. Je suis dépassée. Et je m’en veux tellement de ne pas avoir compris la situation.

− Tu ne pouvais pas imaginer non plus. Tu as réagi comme une femme blessée. Avoir le génie machiavélique de ta sœur… Papa !

− Je t’assure. Mais je ne baisse pas les bras, je vais continuer à essayer de l’appeler et le chercher.

− Oui. C’est bien. Ne lâche surtout pas. Tu as besoin de lui maintenant plus que jamais. Ma puce, je voulais seulement prendre de tes nouvelles. Je t’appelle d’ici le week-end. Mais s’il y a du nouveau, appelle-moi pardon. Ne stresse pas là-bas seule.

− Merci Josy. Tu es un trésor. Dors bien. Bisous.

− Merci. Bonne nuit à vous deux, dit-elle en riant. Bisous.

 

Je regarde le téléphone en priant que la situation se décante rapidement. J’essaie  encore d’appeler Victor. Répondeur, répondeur et encore répondeur. Mais à un moment, le téléphone se met à sonner. Ce qui me fait sursauter sur le lit. Mais personne ne décroche. C’est quoi cette histoire ? Hum… Nicole oh ! Apeurée, je pose une main sur mon ventre. Je suis anxieuse, très anxieuse même. Si Victor me rejette, je ferais quoi avec le bébé ? La grossesse est encore fraiche… Gérer ça neuf mois, puis toute une vie, je ne sais pas si j’aurais ce courage.

 

« Petit-nous, pardon, parle à ton père. Dis-lui de réapparaitre … »

 

J’essaie  encore d’appeler. Répondeur ! Repoussons cela à demain. J’ai sommeil. Il faut que je dorme. Je continuerai demain. J’ai un exam le matin. Mais je ferai tout pour arriver au bureau de Victor au cours de la journée.

 

****

 

La journée du mercredi est assez speed. J’essaie  de me concentrer sur mes cours pour ne pas rater un examen que j’ai préparé durant des mois. Vers 13h, je peux enfin me libérer et prendre la route pour la ville. J’arrive au bureau de Victor 45minutes plus tard. Arrivée à son étage, je tombe sur la réceptionniste. Avoir son visage, elle n’a pas l’air de très bonne humeur aujourd’hui. La dernière fois, j’étais quand même habillée classe. Il y avait le respect. Mais cette fois, avec ma petite robe fleurie, zéro gentillesse.

 

− Bonjour madame, dis-je en souriant.

− Bonjour ! dit la réceptionniste d’un ton sec.

 

Ça commence bien.

 

− Excusez-moi de vous déranger. Je voudrais voir Monsieur Yondi.

− Il n’est pas là.

− Ok, je vois. Est-il quand même venu ce matin ?

− C’est quoi ?! Vous êtes la police ? se vexe-t-elle.

− Non, excusez mes questions. C’est juste que je dois le voir urgemment.

 

Elle me regarde et me toise de la tête aux pieds sans rien dire. Je jette un coup d’œil dans le couloir qui mène à son bureau. Et si je partais quand même frapper à sa porte ? J’aurais l’air bien bête s’il n’est pas à l’intérieur et cette sorcière en profiterait pour bien m’insulter.

 

− Vous attendez quoi ? Je vous ai dit qu’il n’est pas là.

− Ok. Merci Madame. Bonne journée.

− C’est ça ! lance avant de tchiper.

 

Je tourne le dos dépassée par l’attitude de cette femme. On oblige souvent les secrétaires et les réceptionnistes à être impolies avec les gens ? Qu’est-ce qu’il y a toujours à rabaisser les gens… Ce n’est pas bien ! Une jeune femme comme moi qui me toise comme un déchet, vraiment !

 

Je sors de l’immeuble et reste un moment à observer les alentours au cas où je verrais la voiture de Victor garée. Mais rien. Réfléchissons… Peut-être a-t-il bloqué mon numéro sur son téléphone ? Mais c’est trop facile de cette manière de se débarrasser de moi. Je vais dans un Call-box pas loin et essaye de l’appeler. Je tombe encore sur le répondeur. Pareil chez deux autres call-box. Ça veut dire que Victor n’est vraiment pas joignable.

 

Étant en ville, je repars encore chez Victor, au cas où il serait alité chez lui. Sa voiture est bien garée comme hier devant la maison. Mais personne ne répond à mes appels quand je frappe sur la porte. Comme la veille, j’attends de longues minutes devant la maison. Mais personne ne vient. Je ne tiens pas à passer toute la journée là. Mais je fais l’effort de tenir au moins deux heures en faisant des petits tours dans les parages et revenant frapper à la porte. Je n’ai pas le temps de la sonnerie… Peut-être on a coupé le courant ? Il est plus sensé que je frappe. Ma main va seulement me faire mal. Mais c’est pour la bonne cause.

 

Vers 17h30, je me décide à stopper un taxi pour rendre. Je tombe de fatigue et je dois manger avant d’avoir des vertiges. J’arrive à la maison à la tombée de la nuit. J’ai tout juste la force de mâchouiller un peu de manioc avec de la sauce d’arachide que je m’effondre sur le lit de Junior. Mon corps tremble de fatigue comme si j’ai la fièvre.

   

C’est mon réveil qui sonne à 6h qui me ramène à la réalité le jeudi matin… J’ai dormi d’une traite comme ça ?  ! Ce genre frôle déjà la maladie. Je me prépare et me rends à la Fac. Nous n’avons pas de cours théoriques ni d’examens aujourd’hui. Mais des cours pratiques et des travaux de groupe. Je n’arrive pas à poser la main sur Jeanne de la journée.

 

Je finis seulement à 15h. Juste le temps de courir encor chez Victor. Comme les jours précédents, mes appels restent sans réponse. Mais je n’ai pas la force de rester aujourd’hui attendre. Je suis fatiguée de le chercher et de l’attendre comme ça. C’est quoi ? Un couple c’est deux personnes… Lui aussi peut me chercher. S’il ne veut pas, tant pis ! Je prends la route pour la maison, vexée. Ça fait une semaine que l’affaire avec ma sœur a eu lieu. Et depuis lors, silence. Pas un appel, ni un message de sa part. Pas une fois, il n’a essayé de prendre contact avec moi.

   

J’arrive à la maison aux alentours de 18h. En fermant le portail et m’approchant de la maison, je la trouve bien calme. Pourtant la télé est allumée. En entrant au salon, je trouve Junior assis près de mes parents. Leurs positions assises, formant un angle comme dans une discussion intensive, et surtout le regard qu’ils posent sur moi me fait peur.

 

− Bonsoir.

− Bonsoir, répond froidement mon père.

− Nicole, tu es rentrée ? demande ma mère.

− Oui Ma’a.

 

Ils restent silencieux et me regardent. Je commence à transpirer sur place. Je regarde Junior qui se tient la tête baissée.

 

− Junior, il y a un problème ?

− Hein… Pas vraiment…

− Hum ! maugrée ma mère.

 

Junior murmure à voix basse :

 

− Il faut qu’on parle. Viens t’asseoir.

− De quoi ? Pardon, j’espère qu’il n’y a rien de grave.

 

Maman se tourne vers Junior :

 

− Va ouvrir, papi.

 

Je ne comprends rien à cet échange. Junior se lève et prendre une clé que Papa lui tend. Il vient ensuite vers moi pour sortir du salon, et je vois seulement alors des gouttes de sang sur son visage. Elle semblait provenir des traces de griffes. Je porte mes mains à ma bouche :

 

− Oh mon Dieu. C’est quoi ça ? 

 

Junior couvrant sa joue :

 

− Ce n’est rien. J’arrive.

 

Junior aurait-il bagarré avec un chat ? Je le vois entrer au couloir et aller ouvrir une porte, que je reconnais comme étant celle de la chambre de mes parents.  Je vais m’asseoir dans le salon, pas loin de mes parents. J’entends des bruits sourds et des voix de personnes qui discutent. Junior revient alors dans le couloir. À l’entrée du salon, je reconnais Carole qu’il tient fermement par les mains. Il l’avait apparemment tirée de la chambre et elle se débattait dans toute la manœuvre.

 

− Lâche-moi ! hurle Carole. Je te préviens. Laisse-moi tranquille ! Fainéant !

− Calme-toi, Carole. Tu vas te faire mal pour rien.

− Et puis quoi ?!

 

Les parents les observent d’un regard plein de dédain. J’étais choquée de la voir ici. Elle a enfin refait surface. Carole semble enfin prendre conscience de la présence de personnes au salon, surtout de ma présence. Elle s’arrête net d’un coup et me regarde, apeurée.

 

− Papi, que se passe-t-il ici ? demandé-je.

 

Un long silence s’en suit. Tout le monde dans la pièce passe son regard de moi à Carole.

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