Chapitre 53
Write by Auby88
Edric MARIANO
Depuis près de trois minutes, Eliad me fixe. Je le vois ouvrir sa gourde sport, boire de l'eau à grosses gorgées puis se laisser choir près de moi sur le banc public.
- Frérot, dis quelque chose ! insisté-je devant son mutisme.
- Que veux-tu que je te dise, Edric ? Pour moi, Toi amoureux de Maëlly est inimaginable !
- C'est pourtant vrai.
- Et tu l'aimais depuis tout ce temps ? En silence ?
- Oui.
- Ça n'a pas dû être facile pour toi de nous voir ensemble.
- Oh que non. J'avoue que j'en étais même venu à te détester.
- J'imagine... Tu me l'aurais dit que j'aurais évité d'avoir une relation avec Maëlly ! Je te l'assure.
J'inspire profondément avant de continuer :
- Te l'avouer n'aurait rien changé, Eliad. Puisque de toutes façons, Maëlly était accro à toi. Et elle l'est encore, même si elle le démontre moins.
- Maëlly, c'est comme une colle extra forte. Quand ça vous colle à la peau, il est impossible de l'enlever sans s'écorcher. (Soupir). Tu ne sais combien je donnerai pour qu'elle m'oublie complètement et refasse enfin sa vie.
- Moi aussi, Eliad. Malheureusement, le coeur ne se commande pas si facilement...
Eliad me fixe à nouveau avant de poursuivre :
- Alors, c'est pour ça que tu ne voulais pas que je l'épouse ?
- En partie, oui, admetté-je. Mais j'ai regretté quand je l'ai vue à terre, effondrée après votre mariage raté.
Je baisse la tête. La main d'Eliad vient se poser sur mon épaule.
- Tu n'as pas à culpabiliser pour ça, frérot.
- Je sais, mais votre rupture l'a beaucoup affectée.
- Ce n'était pas ta faute, je t'assure. Si j'ai choisi de ne plus épouser Maëlly , c'était pour le bien-être de Milena et non à cause de ce que tu m'as dit ou montré au sujet de PAGE.
- De toutes façons, je me sens un peu mal vis-à-vis d'elle. Aujourd'hui, elle s'en sort beaucoup mieux, mais il reste des séquelles en elle. Et il y en a qui sont si profondes que seul un amour vrai comme celui que j'ai pour elle peut aider à guérir.
- Alors, dis-lui ce que tu ressens pour elle.
- Non, Eliad. Elle ne me voit que comme un ami. Actuellement, comme son meilleur ami. Elle m'a placé dans sa "friendzone (zone amicale)" et j'y resterai longtemps encore, c'est sûr. Parce que crois-moi, Maëlly n'est pas prête de t'oublier.
- J'imagine. Et c'est désolant parce qu'en agissant ainsi, elle ne sera jamais heureuse… Néanmoins, tu devrais quand même lui…
- Non, Eliad ! coupé-je. Je ne vois pas l'intérêt de lui dire que je l'aime si elle ne m'aime pas.
- Je te comprends, mais penses-y encore...
- De toutes façons, dans quelques jours, je serai bien loin d'elle.
- En effet.
J'esquisse un sourire pour me redonner du courage.
- Je serai loin de celle que j'aime, mais je retrouverai les belles martiquinaises qui m'y attendent impatiemment. Et peut-être que l'une d'entre elles finira par voler mon coeur !
- Je l'espère vraiment pour toi. En plus, tu te fais vieux !
- Moi, vieux ! m'étonné-je.
- Oui. Il est temps de me donner des neveux.
J'éclate de rire.
- Je suis sérieux, Edric. Tiens-en compte.
- Promis !
- Tu aurais éventuellement besoin de mon aide pour te rendre à l'aéroport ?
- Merci. Mais non. Je prendrai juste un taxi privé.
- D'accord !
- Au fait, en attendant que je passe vous visiter ce soir, tu diras à PAGE que ça se voit qu'elle s'occupe bien de toi. Dans tous les sens du terme, je précise !
- Vicieux, oui !
- Mais je dis la vérité !
- Beau parleur, oui !
- Je suis sérieux, Eliad. Tu es encore plus beau que d'habitude, surtout avec ce sourire que tu arbores tout le temps. Tu es tellement séduisant que toutes les femmes qui passent près de nous ne peuvent s'empêcher de te regarder.
- Assez de flatteries, toi !
Il ajoute en souriant :
- Je dois quand même reconnaître que c'est un pur bonheur d'avoir PAGE et les enfants près de moi.
- Comme je t'envie, frérot !
- Ne t'inquiète pas, Edric. Tu trouveras un jour ta perle rare. J'en suis sûr.
- Bonjour beau gosse ! adresse une belle gonzesse à Eliad, en passant près de nous.
- Qu'est-ce que je disais ? En plus, tu lui as souri.
La main d'Eliad atterrit à l'arrière de ma nuque.
- Juste par politesse. T'as surtout pas intérêt à le dire à PAGE ! Je ne veux pas finir castré !
Je m'exclaffe.
- Tant que tu te contenteras seulement de sourire, je resterai bouche cousue.
- De toutes façons, aucune femme n'arrivera à détrôner PAGE dans mon cœur et dans mes pensées. Elle est… humm… unique !
- Ah, ça cache des choses !
- Curieux, va ! achève-t-il en me donnant une autre tape sur la tête.
Nous éclatons de rire... Eliad passe une main autour de mon épaule et nous avançons en direction de nos maisons respectives.
******************
Maëlly FREITAS
- Regarde ceci ! m'exclamé-je en direction d'Edric en lui montrant le catalogue de ma nouvelle collection de bijoux pour hommes. Tu en penses quoi ?
- C'est beau et très original. J'aime !
- Si tu aimes, alors c'est sûr qu'ils feront l'unanimité auprès du public.
- Rien ne le garantit, Maé !
- Oh que si Edric, parce que l'élégance masculine n'a aucun secret pour toi.
- Je ne suis pas le roi de la sape, voyons ! objecté-je en souriant.
- Ne fais pas le timide, Edric MARIANO. De toutes les façons, pour moi tu l'es. Point barre. D'ailleurs, j'aimerais que tu sois l'égérie de cette nouvelle collection.
- T'es pas sérieuse, Maé !
- Oh que si. Je suis sérieuse. Tu corresponds à ce que je recherche : tu es beau, athlétique et surtout tu as ces fameuses tablettes de chocolat.
Je me hasarde à toucher son torse. Il enlève aussitôt ma main et se lève en riant.
- Mais quoi, Edric ? C'est interdit d'y toucher ?
- Euh… En fait… c'est ta proposition qui me fait beaucoup marrer. Je n'arrive juste pas à m'imaginer dans la peau d'un mannequin.
- Je ne peux pas trouver mieux que toi pour ce rôle. Allez, dis-moi oui.
Il secoue activement la tête, mais je ne me laisse pas démonter.
- Tu seras bien payé.
- Tu ne m'auras pas Maé. C'est définitivement NON. Trouve un mannequin professionnel ou associe une célébrité à ta cause. Mais oublie moi.
- C'est toi que je veux ! supplié-je du regard.
- Tu ne m'auras pas, Maé !
- S'il te plaît ! Fais-le pour moi !
- Écoute, je suis vraiment honoré que tu aies pensé à moi, mais je ne veux ni ne peux accepter ton offre. Non seulement je ne suis pas intéressé mais en plus...
Il prend une pause et affiche un air sérieux.
- En plus quoi…? demandé-je intriguée.
- … je retourne en Martinique à la fin de cette semaine.
Le choc est si grand que je laisse tomber le catalogue. Edric le ramasse du sol puis reviens s'asseoir près de moi.
Je suis tellement bouleversée par la nouvelle que je n'arrive même pas à cacher ma tristesse.
- Ne sois pas triste, Maé !
- Je… pensais que tu ne repartirais plus là-bas.
- J'étais revenu pour mon père malade. Aujourd'hui, il va beaucoup mieux, son entreprise aussi. Alors …
- Mais… vous ne vous êtes pas complètement réconciliés ! Tu devrais attendre encore…
- Attendre ? Combien de temps encore ? Une éternité peut-être ! Mon père ne veut pas de moi, malgré que je ne cesse de lui démontrer combien je tiens à lui.
- Tu abandonnes, c'est ça. ?
- Disons que Oui, Maé. En plus, là-bas en Martinique, j'ai des engagements professionnels à respecter.
- Ça ne peut pas attendre un peu ?
- Non, malheureusement. J'ai déjà accusé du retard.
- Je vois. Et … moi dans tout ça ? demandé-je en le fixant.
- Toi, tu vas beaucoup mieux ! Allez, change-moi cette mine, Maé.
- Tu vas beaucoup me manquer, Edric.
- Toi aussi, tu vas me manquer, Maé. Mais je dois y aller. Et puis on pourra s'appeler, s'écrire et…
Je l'interrromps.
- Quand est-ce que tu reviens ?
- Je n'en ai aucune idée. Peut-être dans trois mois ou moins. Peut-être jamais.
- Jamais !
- Oui. Je ne me suis pas encore décidé, mais j'envisage m'installer définitivement en Martinique.
Je le fixe un instant, puis me mets debout pour lui tourner le dos.
- Je vois que tu as déjà tout prévu et que c'est une perte de temps que d'essayer de te retenir. Alors bon voyage par avance !
- Maé !
Ses bras me retournent vers lui.
- Tu pleures !
Oui, je pleure. C'est bizarre, mais ce sont de réelles larmes. J'ai vraiment mal à l'idée de me séparer de cet grand ami qu'est Edric. Je me suis tant habituée à lui... n'est pas encore parti qu'il me manque déjà.
- Maé ! Je suis aussi peiné que toi, mais je dois y aller. C'est impératif pour moi.
Avec sa main, il commence à sécher mes larmes.
- Ne t'en fais pas pour moi. Ça ira. Maintenant, va-t'en. J'ai besoin d'être seule.
- Maé !
- Il est aussi préférable qu'on ne se voie plus. Alors je te souhaite un bon retour par avance. Aurevoir, Edric.
- Maé !
Je le laisse là en bas pour monter précipitamment les escaliers qui mènent vers ma chambre.
- Maé !
- Va-t'en, Edric ! lancé-je une dernière fois avant de disparaître dans ma chambre.
**************
Edric MARIANO
J'avance à pas lents vers l'homme que je ne vois que de dos.
- Bonjour, papa.
Il se retourne.
- Encore toi ! N'es-tu pas fatigué de me courir après comme un chien ?
- Je viens juste te dire que je repars en Martinique.
- Enfin ! Je vais pouvoir respirer de l'air pur et je ne t'aurai plus dans les pattes.
- Tu… vas beaucoup me manquer, papa.
- Toi, pas du tout. Allez, ouste. Va voir ailleurs si j'y suis.
Je ne réponds rien à cette insulte.
- Je t'aime papa. Je t'aime malgré tout. Aurevoir.
Il me fixe un instant puis me refait dos.
Je quitte les lieux...
Quelques heures plus tard. Aéroport international Cardinal Bernardin GANTIN de Cotonou.
Je regarde une dernière fois derrière moi dans le hall avant de prendre la direction du tarmac de l'aéroport. Un peu comme si j'espérais voir papa ou Maëlly ou tous les deux venir me dire aurevoir. Juste un infime espoir. Mais rien ne se passe. Dommage !
De toutes façons, Maëlly a pris ses distances avec moi depuis le jour où je lui ai dit que je partais. C'est peut-être mieux ainsi. Je l'oublierai plus facilement. Enfin, je l'espère.
Je viens de rentrer dans l'avion. Je jette des coups d'yeux rapides par ci par là pour trouver ma place, puis vais m'asseoir. Par les hublots, je regarde une dernière fois ma terre natale.
"Aurevoir, chère patrie..", murmuré-je.
Je suis tellement perdu dans mes pensées que je ne remarque pas que quelqu'un vient de s'asseoir près de moi. Ce n'est que quand j'entends un "Bonjour Edric" très joyeux que je reviens à la réalité.
- Maé !
- Oui, Edric.
Je la regarde avec étonnement. En plus, ce sourire radieux sur son visage me déconcerte encore plus, car je pensais qu'elle était toujours fâchée contre moi.
- Tu fais quoi ici, toi ?
- Je voyage tout comme toi.
- Et tu vas où ?
- Mes parents m'ont dit que la Martinique était un bel endroit et que je devais absolument le visiter. Alors j'ai décidé d'y aller maintenant avec toi pour y passer quelques semaines. Quoi de mieux que de voyager dans un pays inconnu avec un guide très expérimenté !
Je continue de la fixer.
- Qu'est-ce que tu croyais ? Que tu allais te débarrasser si facilement de moi ? Oh que non, cher ami. Tu m'as rendue accro à ta présence et je ne peux plus me défaire de toi. C'est ainsi. Tes conquêtes seront jalouses, c'est sûr. Mais ta Maé s'en fout. Sache aussi que je n'abandonne pas l'idée de t'avoir comme égérie de ma nouvelle collection de bijoux pour hommes. Je mettrai tout mon temps à profit là-bas pour te faire changer d'avis. C'est vrai que tu seras loin du Bénin, mais cela n'empêche en rien notre partenariat professionnel... Tu ne dis toujours rien ?
- Tu veux que je dise quoi, Maé. Je suis encore dans les nuages.
- C'est normal, puisqu'on est dans les airs !
J'éclate de rire. Elle aussi.
- Au moins dis-moi que tu es ravi que je vienne avec toi !
- Je suis très content, Maé. Je te l'assure.
Une voix retentit depuis le cockpit pour nous signifier que nous décollerons dans quelques instants.
Je souris, en contemplant discrètement Maé.