Chapitre 53
Write by Jennie390
⚜️Chapitre 53⚜️
Un jour plus tôt...
Marleyne Ovono
—Pourquoi ce n'est toujours pas propre ? Tu vas tout relaver. Quand tu étais à l'extérieur, tu ne faisais pas la lessive ?
—Bah figure-toi que je ne le faisais pas, je réplique, avec mépris. Je suis médecin et avec tout l'argent que je gagne, je peux bien m'offrir le luxe d'engager des gens pour laver à ma place.
Toutes les prisonnières présentes se regardent puis éclatent de rire, on dirait des hyènes faméliques. Celle qui est proche de moi remet les vêtements lavés dans l'eau savonneuse. La moutarde me monte très vite au nez.
—Ça fait quatre fois que je lave ces vêtements, dis-je à ma co-detenue. Et vous estimez que ce n'est toujours pas propre. Je ne suis quand même pas votre esclave ! Vous...
Je n'ai nullement le temps de terminer ma phrase qu'elle se saisit de ma tête et me plonge vio*lemment le visage dans l'eau mousseuse. Je me débats comme un beau diable. Mais rien à faire, elle est plus forte que moi. J'avale une bonne rasade d'eau sale tout en m'étouffant au passage. Quand elle estime que j'en ai suffisamment eu pour mon compte, elle sort ma tête de la bassine.
—J'espère que le message est clair ! On n'en a rien à foutre que tu étais médecin à l'extérieur, dit-elle en me pointant du doigt. Tu aurais même pu être pilote ou astronaute, ça, c'est ton problème. Mais quand je dis que tu laves, tu vas laver, même si c'est 15 fois!!
Je n'ai plus rien ajouté, j'ai continué à laver. Je n'ai pas envie de me battre aujourd'hui. Quand Sa Majesté a estimé que les vêtements étaient suffisamment propres au bout de sept lavages, elle m'a finalement libérée. Je suis allée m'asseoir dans la cour, pensive. Je regarde cet endroit et je suis désespérée d'y être encore après deux mois et demi d'incarcération. Le procès aura lieu dans une semaine et demie, je ne sais pas comment je vais faire. Si j'entre dans un tribunal, je serai condamnée à coup sûr.
J'ai la rage quand je pense à Émile, ce faux frère. Je me suis mouillée pour lui et lorsque je plonge, il me laisse couler sans même faire semblant de me tendre la perche. Je sais aujourd'hui qu'il ne va pas m'aider.
Vingt-quatre heures après mon arrestation, je l'avais appelé et il m'a servie une histoire comme quoi, il avait un voyage d'affaires urgent hors du pays et qu'il serait de retour dans quelques jours. Une semaine plus tard, je lui ai téléphoné, mais je n'ai reçu aucune réponse. J'ai insisté pendant des jours et des jours, mais rien à faire. Le mois dernier, j'ai emprunté le téléphone d'une codétenue pour l'appeler.
[—Bonjour Émile.
—Bonjour Marleyne.
—Je ne sais plus à quand remonte la dernière fois qu'on s'est parlé et pendant laquelle tu m'as dit qu'à ton retour de voyage, tu te pencherais sur le cas de ma libération..
—Libération ? Est-ce nécessaire que je te rappelle que tu as été arrêtée pour double meu*rtre ? Si la justice était sur ton dos pour un simple vol à l'étalage, je t'aurais sortie de là en un clignement de paupières.
—Et donc quoi ? Je vais aller au procès ? Passer des années en prison ? Voire même toute ma vie ?
—Bon, je pense que tu es suffisamment âgée pour savoir que chaque acte posé a des conséquences, non ?
—Émile, c'est toi qui me dis ça ? C'est vraiment ce que tu trouves à me dire ?
— Que veux-tu que je te dise ? Tu veux que je fasse quoi ?
—Émile, tu connais beaucoup de personnes haut placées. Tu peux soudoyer des gens pour m'aider.
—Toi vraiment hein ! Et tu penses que tout ça peut se faire en un claquement de doigts ? Tu te crois dans un film ?
—C'est ce que tu as fait pour moi quand mon petit ami est décédé. Pourquoi tu ne peux pas recommencer ? Surtout que je me retrouve dans cette situation en partie parce que j'ai voulu t'aider. En temps normal, si je plonge, tu devrais me suivre Émile.
—Marleyne?
—Oui...
—Que ce soit bien la première et la dernière fois que tu me me*naces. Je ne pense pas que tu veuilles de moi comme ennemi. Ça ne te conviendrait pas du tout.
—...
—Je suis extrêmement occupé ces jours-ci et j'ai ma femme qui est en train de chavirer psychologiquement. Je n'ai pas le temps de me pencher sur toi. Laisse-moi du temps pour essayer de passer des coups de fil ici et là. Si je me lève un matin comme ça et j'appelle pour faire libérer une meur*trière, je peux perdre en crédibilité.
—Donc je dois attendre ?
—Tu ne peux faire que ça.
—Et dans tout ça, mon procès avance à grands pas.
—Tu t'es retrouvée dans de beaux draps il y a quelques années et quand tu pensais que ton cas était désespéré et que tu croupirais en prison pour le restant de tes jours, je t'ai fait libérer. Donc, je te dis encore aujourd'hui de patienter.
—Ok! Ce n'est pas comme si j'avais le choix.
—Exactement...]
Un mois s'est déjà écoulé depuis cette conversation téléphonique et toujours rien. Aucun coup de fil, aucun texto, aucun courrier, aucune visite d'un avocat. Même à manger, il n'envoie pas. Je sais qu'il ne va pas m'aider. J'aurais moi-même engagé un avocat pour me défendre, mais actuellement, c'est impossible parce que mes comptes bancaires ont été gelés. Cet im*bécile de PDG de Saint-Honoré a usé de ses relations pour faire bloquer mes comptes. Tout ça parce que monsieur a l'intention de réclamer un dédommagement pécuniaire pour le tort créé à sa foutue clinique. Je me souviens qu'il a juré pendant la dernière réunion de me ruiner complètement. Mais Émile se met vraiment le doigt dans l'œil jusqu'au coude, s'il pense que je vais tomber seule.
Je suis interrompue dans mes pensées par une gardienne qui me fait savoir que j'ai de la visite. Je suis assez surprise. La seule personne susceptible de venir me voir ici, c'est ma petite sœur, et il se trouve qu'elle est au village et rentrera demain. En arrivant dans le parloir, je suis dirigée vers un homme qui a les yeux scotchés sur sa montre. Vu son allure, la qualité des vêtements et des accessoires qu'il porte, ça se voit qu'il est plein aux as. Il a un style de trader ou d'avocat. Je prends place en face de lui.
—Bonjour, docteur Ovono, dit-il en me coulant un regard indéchiffrable.
—Bonjour. Vous savez qui je suis. Mais en ce qui vous concerne, je ne pourrai en dire autant.
—Je maître Gérard Nziengui, avocat au barreau de Paris.
Un avocat ? Envoyé par Émile ? Yes !
—Enchantée, maître, rétorqué-je, sentant une joie immense me parcourir. C'est Émile qui vous envoie, je suppose.
—Vous supposez mal, réplique-t-il avec un sourire en coin. Je suis envoyé par d'autres personnes.
Comment ça ? Je fronce les sourcils.
—Ça me surprend que jusqu'à présent vous espériez voir arriver un avocat de la part de monsieur Biyoghe. Je vous aurais cru plus intelligente que ça.
—Euh... que suis-je censée comprendre par là ?
—Vous n'êtes pas une enfant et vous n'êtes certainement pas stupide au point de ne pas comprendre ce que je veux dire.
J'ai l'impression de marcher sur des œufs en parlant avec ce monsieur.
—Qui vous envoie et surtout, que voulez-vous ?
—Vous avez une accusation de double homicide volontaire qui pèse sur votre tête comme une épée de Damoclès, répond-il en me regardant droit dans les yeux. À une semaine et demie du procès pendant lequel vous risquez de prendre la perpétuité, vous n'avez toujours pas d'avocat. La personne qui est censée vous soutenir dans ce sens grâce à son argent et aux relations haut placées qu'il possède vous a complètement abandonné. Surtout, sans oublier que c'est cette personne qui vous a fait assassiner votre première victime.
Je le regarde sans trouver la moindre réponse à donner, parce que moi aussi, je suis sûre et certaine qu'Émile m'a tourné le dos.
—Sur quoi vous vous basez pour dire qu'Émile a un lien avec la mort de cette première patiente ?
Il sourit.
—Bertille Otando épouse Makaya. C'était la tante maternelle Yolande Otando, l'épouse de notre très cher architecte. Cette épouse qui est gardée prisonnière à leur domicile et qu'il a déjà fait passer pour instable lors d'un scandale à Saint-Honoré.
Il est bien informé.
—Et que voulez-vous ?
—Ceux qui m'envoient sont prêts à vous apporter leur soutien pour échapper à la taule. Ils sont très bien placés et en un claquement de doigt, ils peuvent biaiser le verdict en votre faveur lors du procès.
—Vous dites «ils», de qui s'agit-il exactement ?
—Ça, ce n'est pas important, rétorque-t-il de but en blanc. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que nous sommes votre seule chance de vous en sortir. Pour cela, il vous faudra accepter de le dénoncer. Mes clients ont besoin de preuves tangibles qui pourraient faire tomber cet homme. Vous avez été sa complice dans plusieurs histoires, vous êtes donc la personne adéquate vers qui se tourner.
Je suppose qu'il bluffe juste pour faire rejoindre leur idée. Mais il a l'air tellement serein pendant qu'il parle que, je commence à me demander s'il ne serait pas sérieux.
—D'accord, il y a eu l'histoire de Bertille Makaya mais c'est tout ce dans quoi nous avons collaboré.
—Vous cherchez à le protéger ? Vous pensez réellement que c'est encore le moment de vous taire ?
—Écoutez, je connais Émile Biyoghe depuis plusieurs années. Je ne vais pas le trahir pour des charlatans comme vous. Vous parlez en parabole, mais vous n'avez encore rien dit de concret. Vous êtes venu prêcher le faux pour avoir le vrai, mais ça ne marchera pas avec moi.
—D'accord ! réplique-t-il en regardant sa montre. Je vais nous faire gagner du temps précieux à tous les deux. Si ce ne sera pas vous qui nous aiderez, quelqu'un d'autre le fera. Mes clients ont tellement de ressources.
—...
Il me remet une feuille que je lis automatiquement. Mon cœur saute dans ma poitrine. C'est le rapport officiel sur le décès de Serge. Comment ils ont mis la main dessus ?
—Le 17 février 2007 à Oyem, vous avez assa*ssiné votre compagnon, en lui faisant ingurgiter une forte dose de poi*son pour les rats. L'affaire a été étouffée par Biyoghe et vous avez pu échapper à la prison.
—Comment vous avez eu ça ? je demande, choquée. Ce dossier est censé avoir été supprimé. Mon casier est normalement vierge.
Il sourit et se lève en rangeant ses affaires.
—Effectivement, il a été supprimé, mais il existe des souches. C'est juste pour vous faire comprendre que nous sommes très bien informés et que nous avons, nous aussi, des relations.
Il m'adresse un hochement de tête et tourne les talons. Qu'est-ce que je fais ? Voici des gens apparemment puissants qui me tendent une perche qu'Émile me refuse. Il est hors de question que je croupisse ici.
—Attendez, s'il vous plaît !, dis-je avec empressement. Je veux bien collaborer avec vous.
Il s'arrête et se retourne. Il m'observe un moment avant de revenir se poster devant la table.
—Il faut que vous compreniez, docteur, que mes clients ne vont pas tout mettre en œuvre pour vous sortir d'ici en échange de quelques témoignages verbaux. Est-ce que vous pouvez prouver l'implication de cet homme dans vos cri*mes ?
—Oui, bien sûr!
Il lève un sourcil.
—Développez !
—Depuis près de dix ans, j'ai pris l'habitude d'enregistrer mes appels téléphoniques et je les sauvegarde sur mon Cloud. Je conserve aussi mes SMS et mes mails.
Je ne l'ai pas fait spécialement pour avoir des preuves contre Émile. J'ai toujours aimé le faire pour avoir une certaine traçabilité dans tout ce que je fais. Mais aujourd'hui, ce simple geste va me sortir de prison.
—Des sauvegardes de vos échanges ? Intéressant...
Il s'assoit à nouveau en face de moi.
—L'heure de visite est terminée , dit le gardien en s'approchant de nous.
—J'aimerais avoir une demi-heure de plus avec ma cliente, répond l'avocat en sortant trois billets de dix mille francs. C'est possible ?
Sa cliente ? Yes !
—Oui, maître ! répond le gardien en glissant les billets dans sa poche.
Il s'éloigne et je me retrouve à nouveau seule avec l'avocat.
—Alors, maître, par quoi on commence ?
Diane Bibalou
Un véritable bazar ! C'est ce à quoi ressemble ma vie actuellement. Au boulot, ce n'est pas la joie. Je viens de rater une promotion que je calcule depuis des mois. Mais c'est finalement une collègue incompétente qui l'a obtenue. Tout ça parce que mademoiselle couche avec le patron. Et comme si ce n'était pas déjà lourd, ma vie privée a complètement sombré, aussi profondément que le Titanic. Vincent m'a foutu à la porte sans hésiter. Je me retrouve alors, depuis deux mois et demi, à loger dans un hôtel, ce qui commence à peser considérablement sur mon portefeuille.
Dans tout ça, ce qui m'agace le plus, c'est que la personne pour qui je me retrouve dans une telle situation, s'en fout royalement de moi. Je me souviens encore de la façon dont Émile n'a pas bougé le petit doigt pendant que Vincent me brut*alisait et m'insu*ltait dans son bureau. Il est resté impassible devant ma détresse et depuis lors, il ne m'a même pas téléphoné pour savoir comment je me porte. Mais malgré son indifférence, je ne peux m'empêcher de le vouloir. Comment vais-je faire pour avoir cet homme ? Il faut absolument que je reçoive ce que je cherche depuis toujours. Au moins comme ça, on ne m'aura pas chassé du foyer, cadeau.
Depuis que je suis hors de la maison, je n'ai pas eu la possibilité de voir mon fils. Vincent a donné des instructions claires à l'école : je n'ai pas le droit de m'approcher de lui. Quand j'appelle sur le fixe de la maison, la ménagère aussi a l'interdiction de me le passer. Je ne sais pas à quoi Vincent joue. Quel est le rapport entre nos problèmes de couple et le fait que je vois mon garçon ?
J'ai décidé de ne pas me laisser faire. Je vais lui exiger de le laisser voir mon fils. Je gare au coin de la rue et je me dirige vers le cabinet d'avocats de Vincent. Je salue le vigile à l'entrée qui me reconnaît et me laisse passer. Peut-être que Vincent ne lui a pas encore interdit de laisser entrer dans les locaux.
C'est l'heure de la pause, donc je trouve la réception vide. J'arrive devant le poste de la secrétaire, cette dernière aussi est apparemment allée manger. Elle ne trouve pas qu'elle est suffisamment énorme comme ça ? Tchuip !
Je suis tout de même contente de ne trouver personne à cette heure. Je suis sûre que Vincent a donné des instructions pour ne pas me laisser passer. En l'espace de quelque temps, je suis devenue une persona non grata ! J'ouvre la porte de son bureau et je me rends compte qu'il est vide. Au lieu de repartir, je décide de l'attendre. C'est forcément une mauvaise idée parce que s'il me trouve ici, il va sûrement péter une durite. Mais je m'en fous. Je prends place sur son fauteuil et je me balance d'avant en arrière.
Pendant que j'attends, je me rappelle de la façon dont il a jeté mes affaires dehors ce jour-là. Quand il était rentré à la maison, il était à deux doigts de me rouer de coups. N'eût été la présence de notre fils, il m'aurait correctement cassé la gueule. Je ne l'avais jamais vu en colère de la sorte. Finalement, je pense que je devrais l'éviter un peu plus. Je ferais mieux de m'en aller. Je me lève du fauteuil, je récupère mon sac à main et au moment où je veux ouvrir la porte, j'entends sa voix de l'extérieur. Mon cœur saute dans ma poitrine. Je fais demi-tour et je regarde partout autour de moi où me cacher. Finalement, sans trop réfléchir, je me glisse sous le bureau.
J'entends le bruit de la porte qui s'ouvre et les bruits de pas. Je tremble.
—Oui, je suis sûr qu'on peut en tirer quelque chose de concret, dit-il. Biyoghe n'a aucune chance de nous échapper.
...
—Oui, je t'assure que je suis confiant, mon cher, sur ce coup. Émile va morfler.
...
Vu qu'il parle seul, je comprends qu'il est au téléphone. Mais avec qui planifie-t-il un coup contre Émile ?
—Bon, dans une dizaine de minutes, je dois déjeuner avec un client. Quand je sors de là, je t'appelle pour bien te faire un compte rendu. Le dossier Émile sera classé en un claquement de doigts.
J'entends le bruit de clés, puis de papiers. Ensuite, je perçois ses pas qui s'éloignent, la porte qui s'ouvre et se referme. Il est parti. Je reste là pendant une vingtaine de minutes. Vu qu'il ne revient pas, je sors de ma cachette. Je traverse la pièce le cœur battant. J'ouvre la porte et regarde de gauche à droite. Personne en vue. Je traverse le hall et je me retrouve dans la rue. J'aperçois, de loin, la réceptionniste et la secrétaire de Vincent. Je tourne le dos et file jusqu'à ma voiture que j'ai garée au coin de la rue voisine. Je m'adosse contre le siège et je mets mon cerveau en mode cogito.
À cause du fait qu'il pense que je l'ai trompé avec Émile, il a décidé de se venger en préparant un coup contre lui ? Je ne savais pas que Vincent était aussi vindicatif. Tu veux te venger d'un homme qui ne m'a même pas bai*sé ? J'ai beau lui avoir juré qu'on n'a rien fait, il ne me croit pas. Comment utiliser cette situation à mon avantage ?
—Allez Diane, pense ! Tu ne peux pas perdre de tous les côtés. Vincent a déjà contacté un avocat pour divorcer et vu comment il est parti, il ira jusqu'au bout.
Si je divorce de Vincent, je vais perdre tous les privilèges associés à notre union. Depuis qu'il m'a chassé, il a bloqué les deux cartes de crédit qu'il m'avait données. Le fait de vivre à l'hôtel pendant plus deux mois a bien séché mes comptes. Comment je vais faire pour m'entretenir ? Peut-être qu'il va me falloir vendre l'information que j'ai obtenue aujourd'hui. Émile serait-il prêt à débourser de l'argent en échange ?
Je roule jusqu'à son cabinet et je reste assise dans mon véhicule pendant une demi-heure. Je tourne et retourne cette histoire dans ma tête, puis finalement, je décide de me lancer. Au point où j'en suis, je ne peux plus faire marche arrière. Je descends du véhicule et j'entre dans les locaux. La secrétaire me fait savoir qu'Émile est en réunion. Je patiente pendant près de trois heures, jusqu'à ce que je le vois arriver dans le hall, les yeux plongés sur son téléphone. Ah, l'homme là est beau ! Le costume qu'il porte est taillé sur mesure. Que dire de ses chaussures, de sa montre… Il a de l'allure !
Quand il lève la tête et m'aperçoit, il fronce les sourcils.
—Que fais-tu ici ?
—Bonjour ! C'est la leçon de base dans le manuel de bonnes manières.
—Qu'est-ce que j'en ai à foutre ?
—Il fut un temps où tu te comportais en parfait gentleman, poli et...
—Diane, tu vois ce rectangle-là ? Me dit-il en me montrant la porte. C'est la sortie. Je veux que tu te lèves et que tu fiches le camp d'ici. Ne me cherche pas aujourd'hui.
—Je suis venue te parler d'une affaire de la plus haute importance. Tu ne vas pas regretter de m'écouter.
—Rien de ce que tu as à me dire, ne peut m'intéresser. Donc préserve ta salive et disparaît !
—Ça concerne Vincent.
—Raison de plus ! Vos histoires ne m'intéressent pas le moins du monde.
Il ne me laisse plus le temps d'ajouter quoi que ce soit, il entre dans son bureau en fermant la porte. La secrétaire me regarde de travers. Je la toise.
—Quoi, tu veux ma photo ?
— Vous feriez mieux de vous en aller, me dit-elle avec dédain. Monsieur ne veut pas de vous ici.
—Tchuip!
Qu'il le veuille ou non, il va devoir m'écouter. Je me lève et me dirige vers la porte du bureau. La secrétaire me barre le chemin. Je la pousse et j'ouvre la porte à la volée. Émile lève la tête et me fusille du regard.
—Tu écoutes ce que j'ai à dire. Si ça ne t'intéresse pas, tu pourras me chasser.
—Monsieur, je suis désolée, déclare la secrétaire. Elle a forcé le passage.
—C'est bon, dit-il en me fixant. Tu peux nous laisser.
Cette cruche hoche la tête et s'en va en refermant derrière elle. Émile s'adosse contre le dossier de son fauteuil, les yeux fixés sur moi. Il pianote sur la table avec ses doigts.
—Tu as cinq minutes !
—Tu ne m'invites pas à m'asseoir ? Pourquoi tu es aussi...
—Quatre minutes...
Je roule des yeux.
—Je sais que tu t'en fous, mais sache que Vincent m'a chassé de la maison depuis le...
—Effectivement, je m'en bats les couilles. Trois minutes...
—J'étais à son bureau en début d'après-midi et je l'ai entendu parler de toi.
—Je m'en fiche qu'il parle de moi.
—Il était au téléphone. "Oui, je t'assure que je suis confiant, mon cher, sur ce coup. Émile va morfler". "Oui, je suis sûr qu'on peut en tirer quelque chose de concret, dit-il. Biyoghe n'a aucune chance de nous échapper". Ce sont, mots pour mots, les phrases qu'il a dites. Je ne sais pas à qui il parlait, mais sache que Vincent prépare un complot contre toi.
—Assieds-toi...