Chapitre 6
Write by Auby88
Aujourd'hui
Aurore AMOUSSOU
- Mon amour ! Tu es là ?
La voix de Steve me ramène au présent. Je suis tellement heureuse de le savoir là. Mon chagrin de tout à l'heure vient de s'évanouir. Voir Steve me donne à chaque fois de la joie au coeur.
- Oui, Steve.
Tout doucement, je me sers de mes bras pour retourner le fauteuil et lui faire face. Il vient vers moi, se penche et approche ses lèvres des miennes. Je ferme les yeux et réponds à son baiser, sentant au passage l'agréable odeur de son parfum haut de gamme.
- Comment va ma toute belle ?
- Comme ci, comme ça. Mais surtout beaucoup mieux depuis que j'ai vu ton beau visage et que tes lèvres ont touché les miennes.
- Je suis content.
Il remarque la photo de Bella et moi.
- Je vois que tu ressassais le passé.
- Oui, je ne peux m'en empêcher, tu sais. C'est juste plus fort que moi.
- Je te comprends, dit-il en me prenant la main. Comment était ta séance de rééducation d'hier ?
- Pas mal. Je fais beaucoup d'efforts ces temps-ci. Figure-toi que j'ai réussi à écrire mon nom. Ils disent que j'ai complètement recouvert l'usage de mes membres supérieurs. Toutefois, je dois continuer les séances de rééducation.
Eh ! Oui. Au départ, mes bras étaient complètement insensibles. Mais avec les 8 mois que j'ai passés au Centre de Rééducation de l'Hôpital Privé d'Evry en France, j'ai pu progressivement retrouver quelques réflexes. J'ai pu accomplir certains gestes de la vie quotidienne : ouvrir et fermer la main, la lever, soulever de petits objets, boire de l'eau...
J'avoue que cela n'a pas été facile, que cela a été pénible parfois, que j'ai maintes fois failli abandonner, mais au final j'y suis parvenue. Quant à mes membres inférieurs, le verdict est bien clair et définitif : JE NE MARCHERAI PLUS JAMAIS.
- En outre, on m'a retiré la sonde urinaire. Je suis à nouveau capable de contrôler ma vessie et d'éviter les fuites urinaires. Cela devenait vraiment un supplice pour moi. Un an, tu t'imagines ! Un an à garder une sonde urinaire. J'ai même eu mal hier en faisant pipi, mais aujourd'hui c'est beaucoup mieux. En tout cas, c'est un grand soulagement pour moi, même si je dois à chaque fois me faire aider pour mes besoins.
Il sourit et me donne un bisou sur le front.
- C'est formidable, Aurore ! Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une honte de se faire aider quand on en a vraiment besoin. Je pense qu'on devrait fêter ça. Je t'emmène dîner au restaurant ce soir. Je ne veux surtout pas entendre NON.
- Mais….
- Non, Aurore. Je refuse que tu continues à t'isoler ainsi, à fuir les endroits publics à cause du regard que les autres auront sur toi. Sache que ta thérapie passe aussi par là.
- Ok, finis-je par dire sans grande conviction.
- C'est pour cela que je t'adore, ma petite fleur.
Je ne peux m'empêcher de lui sourire.
Steve sait toujours comment me voler un sourire. Je ne sais pas ce que je serais sans lui à mes côtés, sans son soutien indéfectible pendant mon séjour à l'étranger. Certes, nous ne nous voyions pas, mais il m'appelait quotidiennement pour m'embrasser et m'envoyer des mots réconfortants. Il serait même venu me voir là-bas, s'il n'avait pas des obligations professionnelles ici au Bénin.
Et depuis mon retour, il y a 4 mois, il continue d'embellir mes jours, de fleurir ma vie. Je lui dois tant.
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Madame Claire AMOUSSOU
Je m'occupe de mes fleurs, dans le jardin. Aurore est en haut avec Steve. J'avais sous-estimé ce garçon. Aujourd'hui, je me rends compte que je me suis trompée sur lui. Il aime vraiment Aurore pour continuer à la soutenir et l'aimer comme il le fait.
D'autres n'auraient pas été si compréhensifs. Ils auraient préféré rompre plutôt que de soutenir leur partenaire. Car qu'on le veuille ou pas, les personnes vivant avec un handicap ont tendance à être considérés comme des gens anormaux, des sous-hommes. Pourtant, ce sont des êtres humains à part entière.
Aurore ! Douze mois sont passés et pourtant rien ne s'est vraiment amélioré entre elle et moi. Elle ne m'adresse plus des paroles arrogantes, mais elle continue à me tenir éloignée d'elle. Elle ne veut surtout pas que je l'aide. Elle préfère demander l'aide des deux infirmières qui la surveillent à domicile ou des employés de la maison.
Pour ma fille, je demeure une intruse. Elle me tient responsable de son malheur. Pourtant, je n'ai jamais voulu qu'elle finisse ainsi. J'espère qu'elle finira par changer, qu'elle parviendra à m'accepter dans sa vie, qu'elle se rendra compte que je l'aime. Je n'en peux vraiment plus. Mon cœur de mère saigne énormément.
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Madame Suzanne ZANNOU
Je pleure encore et encore.
Douze mois déjà que Bella est partie. Et pourtant à chaque fois, j'ai l'impression que c'était hier. Je passe mes journées dans sa chambre. Je l'ai gardée telle qu'elle était, à l'exception d'un petit "mémorial" que j'ai installé dans un coin. Là, j'ai posé beaucoup de photos d'elle et des bougies que j'allume chaque jour en sa mémoire.
Je suis devenue l'ombre de moi-même. Je ne prends plus soin de moi, de moi en tant que femme. Je ne vais même plus au boulot. Je n'ai plus envie de rien, à part mourir. J'ai déjà essayé deux fois d'avaler plein de comprimés pour m'en aller, mais sans succès. Je me suis aussi ouverte les veines mais hélas. A chaque fois, j'ai manqué la mort. C'est à croire qu'elle ne veut pas de moi. Pourtant je n'ai plus rien à prouver sur cette terre. Je ne suis qu'un cadavre qui respire encore.
C'est pour toutes ces raisons que mes petites sœurs se sont installées chez moi et me surveillent constamment.
(Soupir)
En ce qui concerne mes beaux-parents, ils ont arrêté de me harceler, de me traiter de meurtrière. Ce qui me soulage quelque peu.
Tandis que je cogite, mes pensées vont à nouveau vers Aurore. Cela fait quatre mois par là, qu'elle est revenue de l'Etranger. J'ai entendu dire qu'elle est finalement paraplégique. Elle le mérite bien. Même si j'aurais préféré la savoir six pieds sous terre. Personne ne peut savoir à quel point je la déteste. Je lui souhaite tous les malheurs du monde. J'espère vraiment ne plus jamais la croiser sur mon chemin. Dieu seul sait ce que je serai capable de lui faire si je l'ai devant moi. Sa mère a déjà essayé de venir me voir, mais je l'ai chassée et lui ai crié toute la rage que j'ai contre sa fille.
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Aurore AMOUSSOU
Nous venons d'arriver devant le restaurant ; un restaurant chic que Steve me fait découvrir. J'ai préféré venir dans cet endroit inconnu plutôt que d'aller dans les restaurants auxquels nous étions habitués, lui et moi. Ainsi, je supporterai mieux les regards extérieurs.
Autour de mon cou, j'ai mis un foulard qui couvre partiellement mes épaules. Sur ma tête, je porte une perruque avec frange sur le devant. Ce ne sont que des "artifices" destinés à cacher mes cicatrices sur le front, le cou et les épaules. Certes j'ai eu recours à la chirurgie esthétique, mais le résultat n'est pas vraiment parfait.
Steve descend de la voiture et sort la chaise roulante. Il vient ensuite ouvrir ma portière, me soulever délicatement puis me déposer dans mon fauteuil. Je le remercie. Il tient à me pousser à l'intérieur du restaurant ; ce que je ne refuse pas.
Dès qu'on entre, des regards surtout de femmes pointent vers nous. Je ne sens pas à mon aise. Je baisse les yeux autant que possible. Le serveur nous aide à nous installer.
Je commande une salade, que je mange du mieux que je peux. Surtout sans me presser. Je me dois de ne pas vite fatiguer mes mains. Je lève les yeux vers Steve. Il semble beaucoup plus détendu que moi. Nos yeux se croisent. Il me sourit et j'en fais autant.
Des minutes plus tard.
- Tu sais ce que je voudrais ?
Je lui pose cette question en avalant la dernière part de ma glace.
- Non, dit-il en haussant les épaules.
- Je voudrais passer cette nuit avec toi. Tu vois ce que je veux dire ?
- Tu en es bien sûre, Aurore ?
- Oui, Steve. A moins que tu ne le veuilles.
- Bien sûr que oui, mon cœur ! Rien ne me ferait plus plaisir, tu sais.
En parlant, il m'offre un large sourire qui me détend. J'ai bien hâte de me retrouver dans ses bras.
Une heure plus tard.
Je me retrouve chez lui. Nous sommes étendus sur son lit. Nous nous faisons face. Je me délecte du plaisir que me procurent ses lèvres collées à mes seins et ses mains qui parcourent mon torse.
Il n'ose pas promener ses mains sur mes jambes. Il ne me le dit certes pas, mais je sais qu'il n'est pas complètement à son aise avec "mon infirmité". Je le comprends tout à fait.
Je ferme les yeux pour mieux sentir ses caresses.
* *
*
A présent, j'ai envie de plus. Il enfile une protection qu'il enduit de gel intime. Il m'aide à en mettre aussi, ma lubrification naturelle n'étant malheureusement pas suffisante. Hélas, c'est aussi l'un des désagréments que peuvent avoir les femmes vivant avec un handicap. Quoi qu'il en soit, c'est avec impatience que j'attends Steve avec moi. J'ai tellement rêvé de ce moment.
Près de moi, il vient à nouveau se coucher. A nouveau, nous nous faisons face. Il "galère" un peu, mais finit par s'introduire en moi. Sur son front, perlent quelques gouttes de sueur en dépit de la climatisation. Je reconnais que ce ne doit pas être facile pour lui de guider constamment mes pieds pour avoir un bon angle. (Soupir)
Tandis qu'il se meut en moi, je ne ressens rien. Pas le moindre plaisir, à part une irritation causée sûrement par le caoutchouc.
- Aurore, ça va ?
- Oui, Steve. Sauf que pour un début, ce serait mieux sans protection.
- Mais tu pourrais ..
- Tomber enceinte ? T'inquiète pas. Je ne suis pas dans ma période fertile.
En réalité, les probabilités pour que je tombe enceinte un jour sont actuellement très faibles, voire nulles. C'est ce que les docteurs que j'ai consultés m'ont dit. Alors, je ne crains pas une grossesse.
Steve s'est débarrassé du caoutchouc. Pourtant, rien a changé. Je ne ressens rien du tout. Mais pour ne pas le gêner, je m'efforce de gémir faiblement, tandis que lui semble vraiment "prendre son pied" en moi. Au moins, cela me réjouit...
Il atteint l'extase finale et s'effondre à mes côtés, le sourire aux lèvres. Je m'empresse de lui sourire, alors qu'intérieurement je pleure. Je suis devenue une femme "frigide". Pauvre de moi.
******
Quelques heures plus tard
Steve ANIAMBOSSOU
Aurore dort. Je la contemple quelques minutes puis je me retire sur ma terrasse. Je ne suis qu'un pauvre type. Elle m'aime de tout son cœur, tandis que moi je joue double jeu avec elle.
Eh oui. Je sors avec deux femmes en même temps.
Ce n'est pas vraiment de faute quand j'y repense. Je suis un homme après tout. Aurore et moi sommes restés distants trop longtemps. Au début, je me suis efforcé de rester sexuellement sobre, de ne me satisfaire qu'en solitaire. Mais je n'ai tenu que 3 mois. Après cela, j'ai multiplié les aventures sans lendemain jusqu'à ce que je me mette avec celle qui me fait terriblement douter quant à mes sentiments pour Aurore.
Je suis vraiment pertubé. Je suis vraiment indécis. J'ai du mal à l'admettre mais je suis à présent amoureux de l'autre femme. J'espérais que refaire l'amour à Aurore m'aurait remis sur le droit chemin mais non. Catastrophe. J'ai eu du plaisir mais je ne pourrai pas longtemps continuer ainsi. Je ne peux pas. C'est trop compliqué pour moi !
Il me faudra trouver le courage de rompre avec Aurore. (Soupir )
Mais comment y parvenir quand je représente son tout, quand elle m'aime autant et qu'elle risque de sombrer si je la quitte ? Comment ?
Mon mobile sonne. C'est elle. L'autre femme. Mon cœur se réjouit rien qu'à l'idée de l'entendre, même si le moment n'est pas approprié. Je regarde derrière moi pour m'assurer qu'Aurore n'est pas là. C'est bon. Je décroche.
- Salut, mon cœur.
- Salut, toi ! dis-je faiblement.
- Tu es occupé ?
- En effet.
- Je vois. Elle est avec toi, n'est-ce pas ?
- Oui, elle dort.
- Ne me dis pas que vous avez …
- Tu ne vas quand même pas jouer à la jalouse, alors que tu sais bien que notre histoire est encore secrète !
- Elle est encore secrète parce que tu n'oses pas rompre avec ton handicapée !
- Ne parle pas ainsi d'elle.
- Pourtant, c'est la vérité ! Franchement, je n'en peux plus de devoir me cacher alors que je t'aime.
- Tu sais que moi aussi je t'aime énormément. Alors, patiente encore un peu.
Elle boude un peu mais finit par acquiescer.
- Allez, envoie-moi un gros bisou !
Elle m'envoie plein de "mouak". J'en fais de même. Je raccroche, le sourire aux lèvres. J'ai bien hâte de la revoir. J'ai bien hâte de lui faire l'amour. C'est si bien d'être dans ses bras.