Chapitre 6 : Une question d’amour
Write by Alexa KEAS
“ On ne saurait être sage quand on aime, ni aimer quand on est sage”
Sarah KOUMONDI
Je verrouille la porte du bureau et éloigne mes pas, le cœur battant. Tout en marchant, j’écris un message à mon supérieur pour le tenir informé de la situation. Je ne peux pas perdre le temps à monter à l’étage supérieur pour lui parler de vive voix.
Sur le parking, je force l’ouverture de la portière d’une voiture à maintes reprises avant de me rendre compte que ce n’était pas la mienne. Je me donne deux secondes de répit et prends une profonde inspiration pour apaiser mon esprit échauffé. Je repère ma voiture ensuite et y monte en essayant de garder mon calme.
Je démarre et une fois sur la route, je conduis aussi vite que me le permet la circulation tout en faisant attention.
J’arrive à l’hôpital une vingtaine de minutes plus tard et me précipite à l’accueil.
-Je suis Sarah KOUMONDI. Mon fils a été emmené ici par sa grand-mère il y a un petit moment, il s’appelle Axel KOUMONDI. Annonçai-je l’air affolé à la réceptionniste.
-C’est exact, ils sont dans la salle 8, deuxième couloir, quatrième porte. Me dit-elle.
« Merci » lui lançai-je tout en m’éloignant. Ce n’est que quand je tourne la poignée de la porte de la salle 8 et que mon regard tombe sur Axel en train de s’amuser avec un jouet que les battements accélérés de mon cœur s’estompent.
Je me précipite vers lui et le prends dans mes bras sous le regard désolé de maman.
-Maman, regarde…Dit-il en me montrant son pied plâtré.
Apparemment, ma mère ne m’a pas appelé aussitôt que l’accident s’était produit. Elle a attendu de l’amener à l’hôpital et qu’il soit pris en charge avant.
-Oui mon bébé, tu t’es fait mal. Dis-je à Axel qui s’amuse à me tirer les cheveux.
-Tomber, dit-il.
-Oui je sais, courage mon bébé. Ça va aller.
Je le sers tout contre moi et gratifie son visage à l’image de son père de plein de bisous.
Ce n’est qu’après que je me tourne vers maman et lui lance un ‘’bonsoir’’. Je sais qu’elle n’est pas responsable de l’état d’Axel mais étant donné qu’il est sous sa responsabilité quand je ne suis pas présente, je ne peux m’empêcher de lui en vouloir sur le champ.
-Je suis désolée Sarah, me dit ma mère.
-Ce n’est pas de ta faute maman.
-Alors, pourquoi m’as-tu lancé ce regard accusateur en entrant dans cette chambre ?
-Je m’excuse. Dis-je en poussant un soupir.
-A dix-huit mois, ils sont assez turbulents tu sais ! Je lui préparais son gouter quand derrière moi il est monté sur la chaise avant de sauter ensuite… Je suis sincèrement désolée pour n’avoir pas été plus attentive.
Maman dit ces mots avec une certaine tristesse dans la voix que je m’en veux pour lui en avoir voulu. Un accident de ce genre arrive très vite et même en ma présence, cela aurait pu se produire.
Je pose Axel sur le lit et prends maman dans mes bras pour lui signifier que j’étais désolée aussi.
Le pédiatre entre dans la chambre avec à ses trousses une petite fille et ses parents. La petite fille portée par son père, s’agrippe fermement à lui, le suppliant de ne pas laisser le médecin la piquer.
Son père la rassure et la dépose sur le second lit dans la salle. Ils nous lancent un ‘’bonsoir’’ auquel nous répondons. Le regard de maman se fige sur cette petite fille et son père quand moi je détourne le mien et le concentre sur mon fils un instant.
Deux infirmières entre dans la salle avec des plateaux portant le nécessaire pour une transfusion. Le pédiatre, après avoir placé la transfusion à la petite qui a plutôt été courageuse, se dirige vers nous.
-Alors, mon champion ! Dit-il en caressant les cheveux d’Axel.
Il en a beaucoup parce que je ne veux pas les lui couper. Je le trouve très beau avec son mini ‘’afro’’.
Le médecin me remet l’ordonnance qu’il a préparée pour Axel et nous donne rendez-vous dans un mois. Je le remercie et avec les miens, nous quittons la salle.
Axel est installé dans son siège à l’arrière et maman monte à mes côtés. Tout en conduisant, je sens par moment le regard de maman sur moi. Je peux parier sur ce qui trottine dans sa tête à l’instant T. Elle se retient d’en parler mais voyons voir combien de temps va-t-elle se retenir.
Je m’arrête devant une pâtisserie au niveau du collège protestant pour prendre des croissants pour Axel qui en réclame. A mon retour dans la voiture, j’en sors un du sachet et le donne à mon fils qui le porte à sa bouche aussitôt en souriant de bonheur.
Je redémarre et deux minutes après, maman aborde le sujet qui fâche.
-Tu n’as pas le droit de lui cacher l’existence d’Axel.
-Je le savais ! M’exclamai-je.
-Tu savais quoi Sara?
-Je savais qu’après avoir vu cette petite fille et son père à l’hôpital, tu allais remettre le sujet sur le tapis. J’ai même parié dans ma tête que tu en parleras avant qu’on arrive à la maison.
Elle pousse un soupir avant de reprendre.
-Je n’arrêterai jamais d’en parler et tu le sais bien. Noah a le droit de savoir qu’il a un fils Sara.
-Mon fils et moi n’avons pas besoin de lui.
-Tu sais bien que…
-Maman, s’il te plait arrête. Hurlai-je en freinant brusquement.
-Mais qu’est-ce qui te prend de freiner de cette manière ?
-Il se trouve que j’en ai marre que tu me mettes la pression sur cette histoire. J’ai aimé Noah comme une folle pendant que lui à son tour en aimait une autre comme un fou. Oui, j’avais mal agit, je n’aurais pas dû faire ce que j’avais fait mais c’était ma première faute depuis que nous étions ensemble. Il n’avait rien voulu savoir et m’a jeté malgré le nombre incalculable d’excuses que je lui avais adressé. Vois-tu maman, malgré le temps, je l’aime encore et je refuse de vivre à nouveau cette douleur que j’avais ressentie en découvrant que je n’étais qu’une couverture pour lui. Je ne peux pas laisser Noah côtoyer mon fils, le voir l’emmener dans son couple à lui…
J’efface d’un revers de mains mes larmes naissantes avant de poursuivre mon monologue.
-Je sais que comme toujours, tu me diras que je suis égoïste et je l’admets…
-Sara ma fille, j’imagine ta douleur. Dit-elle d’une voix attendrie.
-A moins que tu ais déjà aimé sans être aimé en retour, je ne vois pas comment tu peux imaginer ma douleur maman…
-Et si jamais Noah était resté célibataire ? Et si par Axel, une seconde chance s’offrait à votre relation ? Comme tu l’as dit, l’eau a coulé sous les ponts et connaissant Noah, il y a longtemps qu’il ne doit plus t’en vouloir.
-Je préfère ne pas me faire de fausses illusions maman.
Je remets la voiture en marche et sur le trajet restant jusqu’à la maison, plus aucune de nous n’émet un mot. Seul Axel amuse la galerie avec des chansons dont il est l’unique compositeur.
Je les dépose et reprends la route pour le boulot. Dans ma précipitation, j’y ai laissé quelques affaires. De plus, j’ai un dossier à boucler. Malgré moi, les dernières paroles de ma mère tournent en boucle dans ma tête. Peut-être devrais-je faire une petite enquête sur la vie actuelle de Noah, m’enquérir s’il est en couple ou pas. Je n’ai plus jamais cherché à avoir de ses nouvelles ces deux dernières années. Quand j’avais découvert que j’étais enceinte de trois mois juste après notre rupture, j’avais été tenté de le joindre mais finalement je m’étais ravisée. C’est fou mais je l’aime encore.
*
*
Cindy Nana
Tête baissée, fixant la moquette de couleur mauve qui orne le sol de la chambre de ma mère, je prends sur moi et l’écoute me dire combien elle était déçue de moi. Ses paroles me blessent mais je sais que je le mérite alors j’encaisse en silence.
Avec Aunty Joy, nous avons décidé que le plus tôt je disais la vérité, le mieux ce serait. Je n’aurais pas pu informer mes parents ensemble, les retombés auraient été plus désastreux pour moi. Alors, nous avons décidé d’informer ma mère qui à son tour informera son mari. Entant que sa femme, elle saura quel mot choisir pour que le choc de la nouvelle soit moins virulent.
C’est fou comme un simple acte dont je suis l’unique responsable affecte tout un royaume… C’est mon corps après tout et il s’agit de mes sentiments. Pourquoi devrais-je avoir à demander la permission ou à rendre des comptes ? Le plus fou est que je ne regrette pas vraiment ce que j’ai fait. Je suis atteint de Noah dont les caresses font encore effet sur mon corps…
-Cet homme va devoir se présenter à nous pour connaitre les conditions pour faire de toi sa femme Cindy. Tu étais destiné à épouser un des princes des royaumes voisins ou alors un homme d’une très bonne famille puissante qui saura régner à tes côtés. Mais, il est clair qu’en te donnant en un autre homme, tu ne peux plus accomplir cette destinée. Ta virginité représentait un cadeau inestimable pour ton futur époux et un honneur pour nous tes parents et ton royaume alors il est incontournable que celui qui a osé le prendre devienne ton époux…
Comment lui dire que Noah ignore tout concernant mon statut de princesse des Akans et que nous ne sommes même pas en couple?
-…Concernant le rite, nous trouverons une solution, j’ai déjà ma petite idée.
-Si tu as une solution, pourquoi alors informer le roi ? Lui dit Aunty Joy.
Elle ne répond rien et nous demande de la laisser seule. Aunty Joy et moi regagnons ma chambre dont je ferme la porte à double tour. Je suis tellement proche de ma tante et lui confie tout de ma vie. Tout à l’heure je n’avais pas eu le courage de lui dire que les sentiments que j’éprouvais pour Noah n’étaient pas partagés.
-Aunty, il faut que je t’avoue quelque chose.
Elle pousse un long soupir et me fait un signe de la main d’y aller. Je lui raconte alors tout concernant ma ‘’relation’’ avec Noah.
-Cindy ! S’exclama-t-elle.
Elle se met à secouer sa tête de gauche à droite avant de fixer son regard sur moi.
- Ecoute, nous allons passer trois jours ici et tu te comporteras en très bonne fille en suivant les enseignements de ton père. Je ferai tout pour le convaincre afin que tu passes les deux jours restants avec moi à Accra. Nous prétexteront que tu n’avais pas eu le temps de faire tes courses... Tu retourneras à Lomé tout dévoiler à ton Noah et le convaincre de se mettre en couple avec toi. Les six prochains mois, tu devras t’arranger à le faire tomber amoureux de toi afin qu’il puisse se présenter devant tes parents à ton retour définitif.
-Comment pourrais-je le faire tomber amoureux de moi en étant en Londres ?
-Revois ton programme. Ne pourrais-tu vraiment pas passer plus de temps avec lui avant de t’envoler pour Londres ou alors tu rentres et tu reviens après? L’argent pour te prendre des billets ne manque pas et je te couvrirai…
Je me laisse choir sur le lit, me demandant à quel saint me vouer. Et s’il me rejette ?
Aunty Joy sort de ma chambre, me laissant seule avec mes réflexions. J’entends les vibrations de mon téléphone et me lève pour le prendre, c’est Djiédjom.
-Hi baby.
-Alors ? Me demanda-t-elle.
Je lui raconte comment s’est passé la discussion avec ma mère.
-Je ne voulais pas te perturber davantage quand tu m’avais appelé plus tôt. Noah était passé après ton départ ce matin.
Mon cœur s’emballe à l’écoute de son prénom. Peut-être que je m’inquiète pour rien et qu’il ressent quand même quelque chose pour moi. Après avoir raccroché avec Djiédjom, je remballe ma fierté et compose son numéro bien qu’il soit tard. Il décroche à la troisième sonnerie d’une voix endormie.
-Hi Noah.
-Cindy !
Il a reconnu ma voix, me dis-je. Aucun de nous ne dit un mot durant quelques secondes.
- J’ai essayé de te joindre en vain… Je suis désolé pour avoir réagit comme je l’ai fait Cindy, sincèrement…
-Ce n’est pas grave Noah, tu es tout excusé. Répondis-je en cachant ma joie.
Je veux lui dire que je serai à Lomé dans trois jours pour le voir quand la communication se coupe. J’essaie de le rappeler mais ça ne passe pas alors je me promets de réessayer demain matin.
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Noah DJEVOU
Mon téléphone perd le réseau en étant en pleine communication avec Cindy. Malgré le fait de l’éteindre et le rallumer deux fois de suite, il ne le retrouve pas pour autant. Je fais très souvent face à ce problème ici chez les parents. Trop fatigué pour descendre et me rendre dans la cour où je trouverais certainement le réseau, je me rendors avec l’idée de la rappeler demain. L’essentiel est d’avoir pu lui présenter mes excuses pour mon comportement. Nous ne nous sommes fait aucune promesse et elle semble bien prendre la chose alors je me recouche le cœur léger. Dans tous les cas, la guérison de maman est ma priorité en ce moment. L’idée que cette horrible maladie puisse me l’arracher m’anéantit. Avec Nayanka, nous avons convenu de quitter Lomé à six heures du matin et j’ai besoin d’être en forme pour conduire alors je ferme les yeux et réinvite le sommeil coupé par l’appel de Cindy.
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AlexaKEAS