Chapitre 65
Write by WumiRa
Chapitre 65
- Nous t'aimons comme si tu étais de notre sang, intervint alors Firda, qui jusque là était demeurée silencieuse. Tu n'imagines pas ce que ton père et moi pourrions sacrifier pour toi.
Elle s'essuya les yeux avec un pan de son foulard.
- Mais tu as raison, je ne suis pas ta mère. En tout cas, je ne t'ai pas donnée la vie. Je l'avais oublié jusqu'à ce que mon mari décide que nous devions enfin révéler la vérité. Tu es adulte maintenant, tu es libre de décider ce qu'il y a de mieux pour toi... La seule chose que je te demande c'est de garder le secret, quelle que soit ta décision. Je ne supporterai pas de devenir à nouveau la risée des gens de cette ville.
Après, elle se leva et sortit de la pièce. Un silence lourd s'installa ensuite, mais peu après, Maya s'excusa et sortit à son tour, laissant Malik et son père.
Elle trouva Firda dehors sur la terrasse, la mine triste mais résignée après tout. Cependant lorsqu'elle vit sa fille, celle ci ne put plus se contenir et les mots se mirent à sortir tous seuls.
- Nous n'avons jamais su pourquoi je ne pouvais pas avoir d'enfant, expliqua t-elle. Je n'ai pas été diagnostiquée comme étant stérile, mais tous mes efforts ont toujours été vains. Le docteur m'avait annoncé entre temps que j'avais toutes les chances de tomber enceinte, mais ça n'a rien donné comme toujours. J'étais désespérée. Pour moi c'est ce qui nous manquait pour être heureux et nous n'avions jamais envisagé l'adoption jusque-là. On voulait concevoir nous-mêmes nos enfants mais Dieu en a décidé autrement apparrement. Puis avec le temps, je me suis dit que si je ne pouvais pas avoir d'enfants, je n'avais plus d'autre choix que d'en adopter un, n'importe lequel, l'essentiel étant que mes amies cessent de me poser des questions pour la plupart embarrassantes. J'en ai parlé avec ton père, il a d'abord été réticent, soit disant que cela pourrait devenir compromettant.
Son regard se voila, comme si dans ses pensées elle se projetait des années en arrière.
- Il quand même fini par approuver. Et un soir, il t'a ramenée à la maison, continua t-elle. Même avant de lui avoir posée la moindre question, à la seconde où j'ai posés mes yeux sur toi toute petite, dès que je t'ai prise dans mes bras, j'ai compris que je ne t'avais pas donnée la vie mais je donnerais ma vie pour toi. Tu n'avais que quelques semaines, mais tu m'as regardée comme si tu me connaissais déjà. Ce n'est qu'après qu'il m'a expliqué qu'il ne t'avais pas adoptée selon la procédure habituelle, mais qu'il t'avais eu en échange d'une somme importante. Il a entretenue la femme qui t'a donné le jour pendant les trois derniers mois de sa grossesse et en retour, elle était censé nous remettre le bébé, avant de disparaître. Ton père ne la connaissait même pas à l'époque, il a tout fait par l'intermédiaire d'un certain monsieur Cobar, et s'il y a une chose dont je suis sûre c'est qu'il l'a fait par amour pour moi. Un autre homme aurait certainement pris une deuxième femme, mais au lieu de cela il a tout mis en œuvre pour mon bien. Maya si je te dis tout ceci aujourd'hui, c'est pour que tu saches que nous ne sommes pas des gens malhonnêtes. Nous ne t'avons pas non plus "achetée", l'argent n'a servi qu'à faire taire ta génitrice.
Elle se leva.
- Dis à ton père que je vais l'attendre dans la voiture.
- Maman, attends.
Lorsque Firda se tourna, Maya se rapprocha, puis se mis à genoux devant elle.
- Je te demande pardon. Pardon de m'être comportée comme une ingrate.
- Tu ne me dois rien.
- Si, je vous dois la vie à papa et à toi, je vous dois tout. Je sais que par ma faute tu as dû te remémorer des souvenirs douloureux, aussi je te demande de me pardonner. Vous n'étiez pas obligés, mais avez fait beaucoup pour moi. Ce qui me fait mal par contre c'est de voir à quel point j'ai pris certaines choses pour acquises, dans quelle condition serais-je actuellement si les choses s'étaient passé autrement ?
Elle se mit à pleurer.
- Tu ne dois pas penser à ce qu'aurait pu être ta vie sans nous.
- Toute ma vie, j'ai été fière d'avoir des parents tels que vous et apprendre qu'en fait j'ai été conçue par accident...
Firda la fit se relever.
- Tu es née pour faire notre bonheur.
Elle lui essuya le visage avec ses mains.
- Les liens du sang ne sont pas toujours les plus forts.
***
Lorsqu'elles réapparurent à nouveau au salon, les deux hommes étaient en pleine discussion.
Maya quitta les bras de sa mère, pour aller s'asseoir à côté de son père.
- Papa...
Elle éclairçit sa voix éraillée par l'émotion.
- J'ai décidé que nous ne devrions plus faire allusion à toutes ces choses. Maman et toi êtes mes dieux sur terre, que vous m'ayez donné la vie ou pas. Je n'ai rien à vous pardonner, mais encore je ne veux plus vous faire de la peine. Sans vous deux, je ne serai pas devenue celle que je suis et je n'aurais peut-être pas rencontré l'homme dont je suis éperdument amoureuse aujourd'hui. Vous m'avez toujours répété que Dieu sait faire ses choses, et donc vais-je simplement vivre la vie qu'Il a préféré que j'aie. Pardonnez-moi si je vous ai dit des choses blessantes, je ne pensais pas à mal et malgré tout...
Elle invita sa mère à les rejoindre.
- Je suis toujours votre petite Maya. Rire dans les bons moments, comme pleurer dans les moments difficiles, c'est cela la famille. Que ferais-je sans vous ?
- Je suis content de t'entendre dire cela, dit Henri.
- Personnellement je tiens à vous remercier, déclara Malik sur le ton de la plaisanterie. Puisque sans vous, ma vie ne serait pas aussi disciplinée qu'elle l'est en ce moment.
Il posa un regard empli d'amour sur sa femme.
- Si la réincarnation existe, rappelle moi de t'épouser dans nos autres vies.
Firda fut la première à se lever.
- Je crois qu'on a assez pris de leur temps chéri. Tu vois comment ils se font les yeux doux ? C'est une manière de nous signifier que nous sommes de trop.
Malik sourit, puis se leva en même temps que son beau père.
- Mon oncle, pouvez-vous m'accorder quelques minutes s'il vous plaît ?
Henri qui semblait avoir oublié leur discussion passée, retrouva son expression grave. Cependant il hocha la tête.
Maya, avertie proposa à sa mère d'aller au marché, ce que celle ci accepta. À peine furent-elles parti...
- Ma tante sait-elle qui je suis ? demanda Malik.
- Elle ne doit pas savoir pour l'instant.
Ils se rassirent.
- Pourquoi ?
- Il y'a des choses que tu ignores et qu'il vaut mieux que je ne te révèle pas encore. Mais je suis toujours curieux de savoir ce que tu avais en tête à ton arrivée, si tu me soupçonnait d'avoir fait du mal à tes parents, pourquoi as-tu proposé de m'aider ?
Cette fois Malik ne se sentit pas obligé de mentir, ce qui le surprenait lui-même.
- J'avais l'intention de me venger.
- De moi ?
- Bien sûr.
- Donc épouser Maya aussi faisait partie du plan, si je comprends bien.
- J'ai connu Maya au Maroc, et je ne savais même pas que vous aviez un lien de parenté.
- Et quand tu l'as finalement su ?
Malik fronça les sourcils.
- Je connais déjà la réponse à cette question, mais pourtant tu as bien fini par tomber amoureux.
- Oui, je l'aime. Peu importe de qui elle est la fille.
Cette affirmation eut le don de faire sourire Henri.
- La fois dernière, nous n'avons pas eu la possibilité de poursuivre notre discussion. Et à la façon dont tu semblais perturbé en quittant mon bureau, je suis sûr que Barry n'est pas celui qui t'a poussé sur le chemin du mensonge. Encore faudrait-il qu'il y parvienne.
Alors il était bien en vie, songea Malik.
- Il est mort, dit-il cependant, pour mieux comprendre, voire cerner les intentions de son interlocuteur.
Par contre, d'une manière ou d'une autre et pour une raison qu'il ne comprenait pas encore, la tension qui l'habitait jadis à la vue d'Henri semblait devenue inexistante. Se promettant d'y réfléchir au calme, plus tard, il poursuivit en disant :
- Vous savez très bien qu'il est mort en prison, il y'a plusieurs années.
- Maintenant tu me crois quand je te dis que tu n'étais qu'un gamin à l'époque ? Un enfant qui a cru à la première hypothèse qui lui est venue en tête.
- J'ai...
- Écoute mon grand, si j'étais toi je ne chercherais pas à déterrer quoi que ce soit, tu en as assez fait. Je comprends maintenant pourquoi ceux à qui j'ai demandé de se renseigner sur toi n'ont rien trouvé. Tu as changé d'identité pour bien mettre ton plan à exécution, c'était très bien, très astucieux mais admets qu'au final tu n'es parvenu à rien. Tu pensais que j'étais le méchant de l'histoire, mais ne me dis pas que par moment tu n'as pas eu des doutes concernant toute cette histoire.
- Je n'en ai eu aucun.
- Tu es intelligent, tu sais très bien que si j'étais le soit disant coupable, je ne t'aurais pas épargné. J'aimais vraiment beaucoup ta mère, et si elle avait fait preuve d'un peu de patience, elle n'aurait pas eu une telle fin.
- Vous étiez l'ami de mon père. Pourquoi ne m'avez-vous pas cherché ? C'était la moindre des choses à faire.
- Oui, concéda Henri, tu as raison. Je n'essaie pas de me justifier, mais ce n'est pas commun qu'un ami veuille élever le fils d'un autre, cela aurait parut suspect, je ne pouvais rien pour toi, même si je le voulais. Malik, toi plus que quiconque mérite de connaître la vérité, mais il y a des choses que tu pourrais très mal interpréter. Si je devais te dire tout ce que ton père m'a fait comme coup bas par le passé, je ne finirai pas de si tôt.
- S'il y'a autre chose à savoir, dites-le.
- Tu ne voudras pas me croire.
- Je dois quand même savoir, c'est mon droit. Et si pour enfin vivre en paix, cela implique le fait de retrouver mon père, que la volonté de Dieu soit faite.
- Tu n'obtiendras rien de lui.
- Il n'aura pas le choix, tout homme doit assumer ses actes.
Il se leva.
- Je ne le blâmerai pas de m'avoir abandonné, il ne trouvera que des excuses. Je veux savoir ce qu'il s'est réellement passé avant qu'il n'aille en prison et aussi...
Il croisa les bras.
- Ce qu'il y a réellement eu entre ma mère et vous.
- Ça par contre, c'est à moi de te le dire.
Henri se mit à son tour debout.
- Je te le dirai de toute façon, mais en homme intelligent tu devrais déjà le savoir. À leur retour, dis à Maya et sa mère que j'avais d'autres choses importantes à régler. Salam.
Il se dirigea vers la porte. Mais avant de la franchir, il se tourna vers Malik et dit :
- Barry a eut un AVC quelques années après sa sortie de prison. Je ne sais pas si c'est pour cela qu'il ne t'a pas cherché, mais ce n'est plus le même homme qu'autrefois. Si tu te mets à sa recherche, les gens finiront par se souvenir qu'il avait un fils et beaucoup feront très vite le rapprochement.
- Je n'ai jamais eu honte de qui j'étais.
Il haussa les épaules.
- Mais c'est vrai, je ne vais pas compromettre une réputation durement acquise pour lui ; tôt ou tard, il finira par se montrer. Et je l'attendrai.