Chapitre 63

Write by WumiRa

- Dieu sait faire ses choses.


- C'est facile à dire. Il fallait voir comment elle m'a regardé.


- Chérie c'est normal que Maya soit déçue de nous. Ce n'est pas facile pour toi, mais ça l'est encore moins pour elle, alors le mieux qu'on puisse faire serait de lui laisser du temps.


- Tu crois qu'ensuite elle viendra nous voir ? On dirait que tu ne connais pas l'enfant que tu as élevé.


- Elle viendra. Nous sommes ses parents et c'est justement parce que je la connais que je sais qu'elle viendra. D'ailleurs pour tout te dire, je suis soulagé par le fait qu'elle sait maintenant la vérité ; nous avons trop repoussé ce moment.


- Résultat ? C'est cette mauvaise femme qui le lui a finalement dit.


Elle s'assit.


- Comment vais-je faire à présent ? C'est mon unique fille, comment vais-je faire si elle décidait de couper tous les ponts avec nous ? Ma vie n'aurait plus aucun sens.


- Cela n'arrivera jamais. Prions pour qu'elle ne prenne pas une telle décision. Je te promets que si d'ici quelques jours elle ne vient pas à la maison, j'irai lui rendre visite moi même. Je saurai la convaincre que tout était dans son intérêt.


- Hum.


- Ne t'en fais pas.


- Je continuerai m'en faire jusqu'à ce que j'aie la certitude de n'avoir pas perdu mon bébé.


- Avant que je ne l'oublie, t'ai-je dis que Karim m'a convoqué ?


- Comment ça ? Où ?


- À une réunion de famille qui aura lieu cet après midi, mais pour tout te dire, je ne préssens rien de bon.


- Alors tu ne devrais pas y aller.


- Je suis un homme, je ne peux pas me défiler comme ça et sans raison.


- C'est précisément parce que tu es un homme que tu peux décider d'y aller ou pas. Il ne peut pas te forcer, encore qu'on sait qu'il n'a aucune affection pour nous et...


Le retentissement de la sonnerie empêcha Firda de poursuivre. Elle appella la domestique qui s'empressa d'aller ouvrir. Celle ci réapparut un instant plus tard pour leur annoncer à tous les deux l'arrivée d'un homme qu'elle n'avait jamais vu.


- Tu crois que c'est lui ? demanda la mère de Maya.


- Il se pourrait. Je vais le recevoir.


- Hum, je t'attends ici.


Henri se leva de table, puis se dirigea vers le salon.


*** 


Sur le chemin du retour, souhaitant faire plaisir à sa femme, Malik s'arrêta dans un mini supermarché pour acheter des glaces pour cette dernière. Il savait qu'elle en raffolait et connaissait ses deux parfums préférés alors il prit un pot de glace au moka et une autre à la menthe, en plus d'une bouteille d'eau minérale pour lui même. Il passa à la caisse, paya et s'apprêtait à sortir lorsqu'il heurta un individu qui lui, entrait.


- Désolé, s'excusa t-il, en relevant la tête.


- Non, c'est moi qui avais la tête ailleurs, lui répondit l'autre.


Ils allaient se dépasser, lorsque tous les deux se figèrent ensuite, avant de se retourner.


- Toi ? fit l'un.


- Bawa ?


Les deux hommes se dévisagèrent pendant quelques secondes avant que le nommé Bawa n'éclate de rire, faisant se retourner les quelques personnes présentes.


- Zayn !


Il suivit ce dernier à l'extérieur et une fois dehors il se donnèrent une forte accolade, jusqu'à ne plus vouloir se lâcher.


- Je te croyais à l'autre bout du monde, mon frère !


- Et moi je te croyais mort, répondit Malik. 


Le regard de son interlocuteur s'assombrit pendant quelques secondes.


- Eh bien on t'a mal informé. C'est notre ami Akbar qui a perdue la vie dans un malheureux incendie. Tu sais, après ton départ, lui et moi avons continué à travailler pour son frère, puis un jour, moi aussi je suis parti.


- C'est triste qu'il ait eu une fin pareille. Il était encore très jeune.


- Comme toi la dernière fois que je t'ai vu. Qu'es-tu donc devenu ?


Il s'écarta un peu pour bien admirer Malik.


- Pour qui travailles-tu ? Je me ferais un plaisir de te faire démissionner.


- Détrompe toi mon frère, je suis mon propre patron.


- Ahh.


Malik sourit en s'imaginant la tête qu'il devait avoir dans sa tenue de sport, tout en sueur. Mais rien que le fait de pouvoir affirmer qu'il n'était sous les ordres de personne, l'emplissait d'une immense fierté. Oui, il avait réussi.


- Et toi ? demanda t-il. Es-tu enfin devenu l'officier que tu rêvait tant de devenir ?


- Qu'est-ce qu'on appelle comme ça ? dit Bawa sur le même ton moqueur qu'il adoptait lorsqu'ils n'étaient que de jeunes gaillard pleins d'ambitions. Je suis colonel d'état-major. 


Malik se mit directement au garde-à-vous, faisant naître sur le visage de son ami un grand sourire.

 

- Je suis vraiment content pour toi. Mais je suis encore plus content de te revoir toi et ta sale tête, déclara t-il. Et j'espère pour toi que tu as épousée la fille du bar, vu comment tu semblait tenir à elle.


En guise de réponse, Bawa passa une main autour de ses épaules, comme au bon vieux temps et ils se mirent à marcher.


- J'ai garé ma voiture au coin de la rue. Tu habites loin ?


- Non je suis dans le quartier. Tu es pressé ?


- Même si j'avais du travail, je laisserais tout tomber pour fêter comme il se doit nos retrouvailles. Tu n'es pas n'importe qui petit et je n'ai jamais oublié tout ce que tu as fait pour moi.


- Je vais prendre la grosse tête, ça fait plus de dix ans.


- Mais sans toi je ne serai peut-être plus de ce monde. Cesse de faire le modeste et indiques moi chez toi.


***


Occupée à préparer le déjeuner, Maya su que son mari était rentrée lorsqu'elle entendit la porte du salon se refermer, avant que des éclats de voix ne lui parviennent. Apparemment il n'était pas rentré seul, il était sans doute accompagné de Umar. Ce qui l'incita à sortir un troisième couvert.


Depuis la veille, son humeur ne s'était pas amélioré, mais comme le lui avait dit Malik, elle devait se résigner et ne pas trop penser pour le moment. Il allait falloir qu'elle prenne une décision à un moment ou l'autre, seulement que pour l'instant elle souhaitait faire comme si de rien n'était.


Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, coupant grossièrement des légumes sur une planche, deux mains vinrent se poser sur ses hanches, la faisant sursauter.


- Si j'avais été un voleur..., commença Malik.


- Je savais que c'était toi. Je t'ai entendu rentrer.


Il balaya ses longues tresses de la main, libérant de ce fait son cou qu'il embrassa.


- Tu me déconcentres, arrête.


Mais au lieu d'obtempérer, ses mains quittèrent la place qu'ils occupèrent pour plus haut ; il les referma sur ses seins.


- Umar pourrait entrer et nous voir.


- Umar ?


- Tu n'es pas rentré avec lui ?


- Non.


Il glissa une main dans l'ouverture de sa chemise et lui pétrit légèrement le sein, attendant de voir sa réaction. 


- Tu es...


- Imprévisible, je sais.


Maya posa le couteau et se retourna pour lui faire face. 


- Tu sais qu'on est pas seul, murmura t-elle. Le déjeuner prendra beaucoup plus de temps si tu continues.


Il haussa les épaules.


- Ok. Devine ce que je t'ai rapporté.


- Quoi ?


- De la glace au moka.


Un sourire éclaira enfin le visage de la jeune femme.


- J'ai pensé que cela te ferait plaisir et pourrait te remonter le moral, même si ce n'est pas grand chose.


- C'est très attentionné, merci.


- Merci ? Avoue que je suis le meilleur mari au monde.


Elle posa sa main contre sa joue, puis effleura ses lèvres d'un baiser.


- Ce n'est pas grand chose mais venant de toi j'apprécie. Surtout quand je sais que tu n'es pas du genre sentimental.


Il fronça les sourcils.


- Ce n'est pas vrai.


- Tu t'es pourtant échappé pendant que je dormais de peur d'affronter une crise de larmes à mon réveil.


- Maya...


- Je ne suis pas en train de te blâmer, tu as fait comme tu pouvais.


Elle retira sa main.


- Qui t'accompagnait ?


Il sembla un peu se détendre.


- Une personne que j'aimerais te présenter, viens.


Elle dénoua son tablier, se lava les mains, avant de le suivre au salon.


À leur vue, l'homme se leva.


- Chérie, je te présente le colonel Bawa. Un ami de très longue date. Bawa, voici mon épouse Maya.


Maya lui souhaita chaleureusement la bienvenue, lui demandant des nouvelles de sa famille, comme il était de coutumes. Après lui avoir répondu, Bawa se tourna vers Malik en souriant.


- Tu ne pas déçu petit, déclara t-il en faisant indirectement allusion elle.


Ce dernier haussa les épaules.


- Tu parles à un expert quoique retraité.


Pendant ce temps, Maya alla chercher des rafraîchissements pour les deux hommes, puis lorsqu'elle eut finit de les servir, elle retourna à ses casseroles.


- Tu n'imagines pas à quel point je suis content de te trouver comme tu es aujourd'hui.


- Comment ? demanda Malik.


- Heureux. Et riche !


- Je vous avais dit que je réussirais.


- Humm, Dieu est grand.


- Et toi ? Tu ne m'as toujours rien dit de comment les choses se sont passées pour toi après mon départ. As-tu épousée la femme dont tu étais amoureux, mais dont tu ne connaissais même pas le nom ?


Ils éclatèrent tous les deux de rire.


- Non. Tu avais raison, elle était beaucoup plus vielle que moi.


- L'amour n'a pas d'âge.


- Et mariée.


- Ah oui ? Comment as-tu fait ?


- Je me suis résigné. Et puis je crois que je n'étais pas vraiment amoureux de cette fille, on peut dire que j'avais seulement envie de la sauter. 


Malik s'éclaircit la gorge.


- Je vois ça.


- Tu sais, je t'ai cherché des années plus tard, mais en vain. Après quand j'ai été recruté en tant que militaire, j'ai insisté auprès de mes supérieurs pour qu'il m'aident à te retrouver, mais c'est comme si tu avais disparu. Ou peut-être que nous n'avons pas cherché dans les bons endroits.


- Peut-être si. Beaucoup de choses ont changé, c'est tout, répondit Malik. Tu finiras par l'apprendre alors autant te le dire.


- Me dire quoi ?


- J'ai dû changer d'identité entre temps.


- Ah oui ? Pourquoi ?


- Pour des raisons personnelles, mais très peu de gens savent que je m'appelle Zayn, tout le monde me connait en tant que Malik Sylla.


Bawa émit un sifflement.


- Toi tu es Malik Sylla ? Le Malik Sylla ?


- Lui-même. Si je n'avais pas changé d'identité, je serais peut-être demeuré le pauvre adolescent que j'étais.


- Humm. Mais sais-tu que tu pourrais avoir des problèmes ?


- Je n'en ai jamais eu. Je suis un citoyen modèle et tous mes papiers sont authentiques et à jour.


- Le pouvoir de l'argent.


Maya réapparut à ce moment, pour leur annoncer que le repas était prêt. Ce qui mit temporairement fin à leur discussion, mais une fois à table, ils la poursuivirent.



LA NUIT


- C'était qui exactement ce type ?


- Un ami.


- D'école ?


Maya prit appui sur son coude.


- Il a l'air de beaucoup t'apprécier.


- C'est le cas. C'est une très longue histoire.


- Je veux l'entendre.


- Lui et moi travaillions dans un lavage d'auto. Un jour un client a laissé tomber son portefeuille que Bawa a ramassé.


- Il l'a rendu ?


- Non.


- Ensuite ?


- Je l'ai menacé d'aller trouver le propriétaire du porte-monnaie s'il ne le rendait pas lui-même. Je savais qu'il ne le ferait pas, mais j'ai tellement insisté, je le harcelais pour qu'il rende au moins les papiers qui s'y trouvaient et cinq jours plus tard, il a fini par contacter le monsieur. 


- Qu'a fait ce dernier ?


- Il a juste dit que si au bout de sept jours, il n'avait pas retrouvé son porte-monnaie, le voleur serait mort dans d'atroce souffrances.


 - Tu ne crois pas que c'était du bluff ?


- C'était le fils d'un très grand féticheur alors non, ce ne pouvait pas être du bluff. Quoiqu'il en soit, il nous a invité chez lui pour nous récompenser. Bawa et moi n'étions pas très amis mais je crois que c'est depuis ce jour qu'un lien est né entre nous. La suite est sans importance.


- Humm.


- Maya.


- Oui chéri.


- Tu as réfléchis aux événements d'hier ?


Silence.


Elle se laissa retomber sur ses oreillers.


- Que décides-tu ? insista Malik.


- Ne parlons pas de ça pour le moment.


- Tu sais que repousser l'inévitable ne sert à rien. Tu devras leur parler bien malgré toi.


- Je sais. Mais honnêtement...


Elle soupira.


- Je ne peux pas les affronter maintenant, j'ai trop peur.


- De ?


- Leur réaction. Quand je pensais qu'ils étaient mes parents je pouvais tout leur dire, me mettre en colère sans songer au reste, mais maintenant j'aurai l'impression de parler à des étrangers. Il y a un limite que je ne pourrai plus franchir.


- Ça c'est ce que tu penses, voilà pourquoi j'insiste pour que tu leur parles. Tu ne sauras jamais comment il vont réagir si tu ne vas pas les voir. Je viendrai avec toi, si c'est que tu veux.


- Non. Dis moi plutôt ce que t'a dit mon père hier. Tu lui as parlé n'est-ce pas ? Et tu as dit qu'il était déjà au courant. Comment ?


- Ton père est un homme très intelligent. Je l'ai un peu sous-estimé de mon côté.


- Du coup c'était bien un malentendu ? Je suis sûre que j'avais raison de penser qu'il n'avait rien fait.


Malik se mit à fixer le plafond.


- Est-il coupable, oui ou non ?


- Je ne sais pas. Mais avant que ta mère ne vienne nous interrompre, il m'a demandé si j'étais au courant que mon père est toujours en vie.


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