CHAPITRE 7

Write by Maylyn

-Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?

-Regardes devant toi PM ! Tu vas nous faire faire un accident ! Cette Range Rover est le nouveau bijou de Papa alors tu es mort si tu l’égratignes !

Cela faisait dix jours que j’étais à Abidjan et j’avais décidé d’aller rendre visite à Mémé Mado. Depuis qu’elle s’était remariée, elle avait quitté la maison dans laquelle elle avait vécu depuis son mariage avec mon grand-père à Moossou pour aller s’installer dans celle de son nouvel époux à Assinie. Et bien sûr, Yélé faisait partie du voyage. Sous prétexte qu’elle me servirait de guide, je compris avec la nouvelle qu’elle venait de m’annoncer que sa démarche n’était finalement pas si désintéressée que cela finalement. 

-N’essaies pas de changer de sujet s’il te plait ! 

-Mais pourquoi prends-tu la nouvelle comme ça ? Il n’y a pas de mal à vouloir devenir mannequin !

-Tu n’as que 14 ans voyons !

-Rectification : j’ai 14ans et demi ! Et j’aurai mes 15ans le 23 Octobre prochain c’est-à-dire dans moins de trois mois je te signale !

-Cela ne change rien au fait que tu es trop jeune !

-Ce n’est pas l’avis des « Happy Twins » en tout cas ! D’après elles, c’est l’âge idéal pour débuter. Tata Natalia m’a même fait faire un book et elles ont dit que, d’abord je suis photogénique et qu’ensuite mon albinisme est un plus non négligeable. Il paraît que les créateurs recherchent l’originalité en ce moment et tu conviendras que y a pas plus original que ma couleur de peau non ?

-Quoi ? Ah je vois ! Ce sont elles qui t’ont mis cette idée dans la tête n’est-ce pas ?

-Mais non ! J’ai toujours aimé ça ! Tu te rappelles quand je marchais en me prenant pour Katoucha ?

-Mais tu étais une petite fille ! Ce n’était pas sérieux !

-Tu pensais que je n’étais pas sérieuse plutôt ! En ton absence, j’ai passé beaucoup de temps avec les « Happy Twins » et en voyant toutes ces belles jeunes femmes défiler avec leurs créations, j’ai su que c’était vraiment ce que je voulais faire ! 

-Oh Yélé !

-Quoi Yélé ?! Tu es mon Grand-Frère Chéri non ? Alors tu as le devoir de me soutenir !

-Oui c’est vrai Sun ! Mais tu sais, il y a trop de rumeurs sur ce milieu.

-Rumeurs qui sont sûrement fondées j’en conviens. Mais les jumelles on été pourtant Top Models sans qu’elles ne dérapent n’est-ce pas ?

-Oui mais chacun de nous a un destin différent tu sais ?

-Ne t’en fais pas pour ça PM ! Contrairement à d’autres filles, moi j’ai la chance d’avoir des marraines qui baignent dans ce milieu depuis des lustres alors je sais que je serai bien conseillée. Elles m’ont dit qu’elles seraient mes guides et je sais qu’elles ne me laisseront jamais entre de mauvaises mains.

-Et qu’est-ce que les parents pensent de tout ça ?

-Justement, c’est là que j’ai besoin de toi. Ils n’en savent encore rien. Et je compte sur toi justement pour…

-Quoi ? Tu veux que je les convainque de te laisser faire ça alors que moi-même je ne suis pas d’accord ?

-Mais où est le mal dans tout cela ? Je veux juste devenir mannequin ! 

-Et tes études ? Tu viens juste d’obtenir ton BEPC ! Tu ne vas tout de même pas abandonner ?

-Mais non ! Bien sûr que non ! Là aussi, on a tout prévu avec Tata Natalia et Tata Natacha. Je ferai des cours par correspondance. Leur ancien agent qui est maintenant le mien a affirmé que bientôt je me retrouverai à voyager un peu partout donc je ne pourrai plus suivre un cursus normal. Tu sais que je suis intelligente PM et que les études ne sont pas un souci pour moi.

-Ton quoi ? Ah parce que Mademoiselle a même un agent ?! Et puis, qui me dit que tu ne te laisseras pas distraire ?

-Attends, tu me connais non ? Tu sais très bien qu’en plus d’être une vraie tête de mûle, je ne me laisse jamais influencer !

Je ne pus m’empêcher de rire.

-Là je ne pourrais pas dire le contraire ! 

-Alors tu vois ? Donc tu vas m’aider n’est-ce pas ?

-Laisse-moi réfléchir calmement à ça d’abord. Nous en reparlerons plus tard. Nous entrons dans Assinie là donc c’est du guide qui sommeille en toi dont j’ai besoin pour le moment.

Quinze minutes plus tard un gardien, reconnaissant Yélé, nous ouvrit le portail d’une belle et grande maison. Mémé Mado, qui devait sans doute guetter la voiture vint à notre rencontre. Après les embrassades et les mots de bienvenus, nous entrâmes dans la maison et nous dirigeâmes vers le salon dans lequel nous attendait son mari. Même si c’était la première fois que je le voyais en vrai, je sus immédiatement que c’était lui grâce au DVD du mariage que j’avais reçu, une vidéo dans laquelle je pus constater que Maman fut la plus active dans l’organisation de cet événement. C’était un homme au visage avenant et de qui il émanait beaucoup de prestance. De taille moyenne, Papy Etienne-puisqu’il fallait désormais le nommer ainsi- portait un polo Ralph Lauren, un pantalon en lin et des sandales blancs et avait cette attitude sereine des hommes qui ont réussi financièrement. Il ne me fallut que quelques minutes pour prendre conscience de l’amour qu’il éprouvait pour ma grand-mère : il était d’une galanterie un peu surannée mais tellement touchante à son égard. Et elle aussi le lui rendait plutôt bien vu ces regards qu’elle lui lançait et sa main qu’elle touchait chaque fois qu’elle voulait son avis. Nous étions tous assis, devisant tranquillement sur la vie à New York lorsque nous entendîmes une voiture qui garait. Jetant un coup d’œil à la fenêtre côté cour, Mémé Mado s’exclama :

-Ah enfin les jumelles sont là ! 

-Qui ça ? Natalia et Natacha ? Demandai-je alors que Yélé était déjà sortie en courant pour les accueillir.

-Elles-mêmes ! 

-Bon moi je vais vous laisser discuter tranquillement Mado. Si vous avez besoin de moi, je suis dans la bibliothèque.

-D’accord Chéri ! Mais tu ne dis pas bonjour aux filles ?

-Si bien sûr ! Nous nous croiserons sans doute dans les couloirs ! 

Puis prenant sa main délicatement pour y poser un bref baiser, il ajouta :

-A tout à l’heure Ma Douce ! A toi aussi Pierre-Marie. Ravi de t’avoir rencontré enfin !

-Moi de même Papy ! A toute ! Déclarai-je distraitement, l’esprit ailleurs. 

Comprenant enfin tout, je m’écriai :

-C’était un piège !

-Et c’est maintenant que tu t’en rends compte ?

-Mémé toi aussi tu es d’accord pour que Sun arrête l’école pour devenir mannequin ?

-Tes tantes l’ont bien été non ? En sont-elles mortes ?

-Très bonne réponse Maman !

Natacha, au comble de l’élégance dans une longue robe bleue fluide qui s’attachait dans le dos et des sandales à lanières aux pieds, faisait son entrée, suivie de près par sa sœur qui n’était pas en reste et sa nièce.

-Nous avons vraiment besoin de toi PM pour convaincre tes parents…

-…Et principalement El Dragón! Termina Natalia.

-Ta sœur a un vrai potentiel…

-…Qu’il serait vraiment dommage de gâcher !

-Et comme elle a sans doute dû te l’annoncer …

-…Nous ne serons plus seulement ses marraines…

- …Mais nous deviendrons aussi ses fées marraines dans le milieu !

-Pouvez-vous déjà arrêter s’il vous plait de parler ainsi à tour de rôle ?!

-Franchement ! Surtout que vous êtes l’une et l’autre à un bout différent de la pièce ! On risque des torticolis à cette allure !

-Pardon Maman, s’excusèrent-elles d’une seule voix.

-Bon, revenons à l’essentiel ! Pierre-Marie, tu sais que je n’aurais jamais donné mon accord si j’avais ne serait-ce qu’une hésitation n’est-ce pas ?

-Oui Mémé.

-Donc fais-moi confiance Mon Chéri ! J’ai vu le book de la petite et c’est clair qu’elle est faite pour cela.

-Je vois que je n’ai pas vraiment le choix…

-S’il te plait Frérot Chéri ! Me supplia Yélé qui jusque là, n’avait pas bronché.
Quatre paires d’yeux se braquèrent sur moi, attendant impatiemment ma réponse.

-Bon d’accord, vous avez gagné…

-Youpi ! Cria Yélé en courant me prendre dans ses bras. J’ai toujours su que j’avais un grand-frère exceptionnel !

-J’ai dit que j’allais leur en parler. Rien ne garantit qu’ils accepteront.

Je ne fus même pas sûr que ma dernière phrase fût entendue. Elles semblaient déjà trop occupées à échafauder le plan de carrière de ma sœur.

***

-Tu penses vraiment que ça marchera pour elle Mémé ?

-Bien sûr Chéri ! Regarde-la !

Nous nous promenions le long de la plage d’Assouindé, ce village de pêcheurs, dont les grandes pirogues ghanéennes étaient à elles seules un vrai spectacle. Situé pas très loin de la maison de Papy Etienne, nous profitâmes du crépuscule pour y faire un saut à la demande de Yélé. Nous arrivâmes à tant pour qu’elle puisse voir l’arrivée des derniers pêcheurs. Nous n’avions pas pu venir plus tôt à cause des rayons du soleil que sa peau ne supportait pas. Dès que nous aperçûmes les pirogues, vêtue d’un short en jean et d’un tee-shirt blanc, une capeline blanche sur la tête et ses sandales dans les mains, elle se mit à courir pour aller discuter avec les villageois et sans doute les cribler de questions comme elle savait si bien le faire. Ma grand-mère et moi restâmes un moment en retrait pour parler d’elle.

-Mais je la regarde Grand-Mère !

-Non quand tu la regardes, c’est la petite fille apeurée ramassée une nuit au Plateau que tu vois ! Je te demande de l’observer objectivement ! Tu verras alors une belle adolescente, à mi-chemin entre une enfant et une jeune femme, qui a des jambes interminables, des courbes là où il faut et tout en finesse, un teint lumineux, un port de tête de reine, des cheveux d’un or si pâle qu’ils paraissent irréels et des yeux hypnotisants ! Elle n’en a pas encore conscience mais elle a cette démarche à la fois élégante et unique qui a fait la renommée des plus grands Top Models ! Allez Pierre-Marie, observe-la bien !

J’obéis tout d’abord à contrecœur, sûr de ne pas adhérer à la vision de Mémé Mado…Ce dont je me trompais. Yélé était à contre-jour, toujours en pleine conversation avec les pêcheurs. Et soudain, je compris vraiment la signification de son prénom ! Comme si la nature essayait elle aussi de me convaincre, le soleil couchant semblait être l’écrin qui sublimait la beauté de cette jeune fille que je découvrais ! Je ne saurai dire combien de temps je restai bouche bée devant ce magnifique spectacle. Un bruit me fit revenir à la réalité. Je tournai la tête et je constatai que ma grand-mère m’observait bizarrement. Elle venait de se racler la gorge.

-Alors ?

-Tu as raison Mémé, elle est faite pour ça !

-Tu n’as toujours pas retenu la leçon Chéri à ce que je vois : j’ai TOUJOURS raison !

A cette phrase, je reconnus bien là les gènes transmis à ma mère.

***

-Tu es là Papa ?

-Entres Fils !

-Coucou Papounet !

-Hum hum ! Il y a quelqu’un qui veut me demander quelque chose. Je me trompe ?

-Non tu ne te trompes pas ! Mais ce n’est pas moi pour une fois mais Pierre-Marie. N’est-ce pas Grand-Frère ?

Lui lançant un regard assassin, je me tournai ensuite vers mon père :

-Pouvons-nous nous asseoir Papa ? NOUS avons quelque chose de très important à te demander.

-Quelle question ! Mais bien sûr mes enfants, asseyez-vous et dîtes-moi tout !
Après deux jours passés en compagnie de Mémé Mado et son époux, nous étions de retour à la maison et là, nous nous retrouvions Yélé et moi dans le bureau de Papa, essayant de trouver le courage d’aborder le sujet qui nous y amenait. 

-En fait, Papa…

-Oui ?

-En fait…

-PM tu vas arrêter de tourner autour du pot et me dire enfin ce qui se passe ? Tu as mis Kady enceinte ?

-Mais non ! M’exclamai-je tandis que Yélé éclatait d’un rire nerveux.

-Si c’est le cas, ce n’est pas grave hein ! Nous trouverons sûrement une solu…
-Mais puisque je te dis que ce n’est pas le cas !

-Alors dîtes-moi ce qui se passe ! Vous commencez vraiment à m’inquiéter là…

-Je veux devenir mannequin ! L’interrompit Yélé.

Avant que Papa n’émettes une quelconque opinion, nous entendîmes depuis la porte :

-C’est hors de question !

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